C. CRÉER LES CONDITIONS D'UN SYSTÈME DE VIDÉOSURVEILLANCE EFFICACE

1. La vidéosurveillance dans les espaces publics est-elle efficace pour lutter contre la délinquance ?

Comme le reconnaît l'INHES, la réponse à cette question n'est pas évidente, même si le ministère de l'intérieur semble avoir plus de certitudes.

Encore aujourd'hui, des évaluations solides manquent en France ce qui ne laisse pas d'étonner. Les principales études citées ont été réalisées au Royaume-Uni ou au Québec.

L'INHES pointe les difficultés pour trouver des critères et des indicateurs pertinents qui permettraient d'isoler le facteur « vidéosurveillance » parmi tous ceux qui peuvent expliquer des variations de la délinquance.

Si un jugement définitif sur l'efficacité de la vidéosurveillance ne peut être prononcé à ce stade, il est néanmoins possible de tracer quelques pistes.

Vos co-rapporteurs estiment que beaucoup de malentendus sur l'efficacité de la vidéosurveillance s'expliquent par le fait que cette technique a été perçue abusivement comme un instrument efficace de prévention situationnelle 49 ( * ) .

Or, les études disponibles semblent indiquer que la vidéosurveillance n'a qu'un faible impact sur la délinquance dans les espaces complexes et étendus . Les vols à la tire ou une agression dans une foule sont difficiles à détecter rapidement par un opérateur et, même dans cette éventualité, il lui sera difficile de suivre à la trace la fuite du délinquant.

En revanche, de l'avis de tous les personnes entendues, la vidéosurveillance est efficace dans les espaces clos et offrant peu d'issues comme les parkings ou les centres commerciaux.

Surtout, la vidéosurveillance n'a qu'un faible impact sur les infractions non préméditées. Elle ne permet de dissuader que les infractions préméditées, l'auteur s'étant au préalable assuré de la présence de caméras.

Et même dans le cas de certaines infractions prémédités, l'impact n'est pas toujours avéré. Les attaques de bijouteries, toutes placées sous vidéosurveillance, en sont une illustration.

D'autres critiques portent sur les effets de report de la délinquance vers les zones non placées sous vidéosurveillance. S'ils existent certainement -en particulier pour le trafic de stupéfiants et la prostitution-, vos rapporteurs ne disposent pas de données sérieuses permettant de les mesurer.

L'effet préventif direct de la vidéosurveillance doit donc être très nuancé.

En outre, cet effet s'estompe rapidement dans le temps si la commission d'infractions sous l'oeil des caméras n'est jamais suivie d'interpellations. La prévention et la répression ne peuvent être dissociées. La sanction est une composante essentielle de la prévention grâce à ses vertus à la fois dissuasives et pédagogiques. La lutte contre la délinquance ne peut fonctionner que si elle « marche avec ses deux jambes ».

Or, c'est précisément là que le bât a longtemps blessé .

Les opérateurs de vidéosurveillance sont essentiellement les collectivités territoriales et les commerces, lesquels s'attachent avant tout à prévenir la délinquance, la répression incombant exclusivement aux forces de police et de gendarmerie et à l'autorité judiciaire.

Or, le principal enseignement des travaux de vos co-rapporteurs est que la vidéosurveillance est particulièrement efficace pour la répression. C'est un outil remarquable dans la phase d'enquête et d'investigation.

Les services de police et de gendarmerie n'ont pris conscience de l'utilité de la vidéosurveillance que récemment. L'implication forte de l'Etat en faveur de cet outil ne date que de 2006-2007.

Il en a résulté que les systèmes de vidéosurveillance se sont développés en dehors de toute préoccupation de répression, la police et la gendarmerie ne bénéficiant pas du report d'images et la performance et l'implantation des caméras ne permettant pas une exploitation judiciaire des images.

L'efficacité de la vidéosurveillance en a nécessairement pâti.

L'exemple anglais témoigne de cette prise de conscience, les efforts portant désormais sur l'amélioration de la qualité des images, de la formation des agents, de l'exploitation des images et des partenariats entre tous les acteurs de la sécurité. L'expérience globale de la Communauté d'agglomération de la vallée de Montmorency apporte également de bons indicateurs de l'efficacité de la vidéosurveillance pour faire baisser la délinquance de voie publique.

* 49 Le concept de prévention situationnelle recouvre une série de politiques et d'actions qui, en jouant sur la rationalité du délinquant potentiel, vise à rendre difficile, risquée ou inintéressante la commission d'une infraction. La prévention situationnelle agit sur l'environnement physique en intégrant la prise en considération des motifs et des intentions des auteurs d'infractions et de leur perception des circonstances propices.

Elle peut jouer :

- sur le comportement des victimes potentielles en les sensibilisant aux risques de délinquance ;

- sur l'attractivité des cibles (gardiennage, alarme, blindage, protection des cartes bancaires, projection d'encre indélébile sur les billets, neutralisation des téléphones mobiles volés...) ;

- sur l'environnement physique (vidéosurveillance, éclairage public, urbanisme permettant l'intervention des forces de sécurité...) ;

- sur la disponibilité de facilitateurs (alcool, possession d'armes ou de chiens dangereux...).

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