b) Par rapport à sa tutelle : l'EPRUS, un prolongement des services de la DGS

Outre ce positionnement complexe au sein du dispositif de gestion des crises sanitaires faisant intervenir plusieurs ministères, plusieurs agences de sécurité sanitaire et les établissements de santé, la question du degré d'autonomie de l'EPRUS par rapport à la DGS, chargée de sa tutelle, soulève également un certain nombre d'interrogations.

D'une manière générale, le fonctionnement des établissements publics repose sur le principe de leur autonomie financière, ce qui laisse, sous réserve des décisions prises par leur conseil d'administration, une certaine autonomie de gestion aux établissements dans le cadre des missions qui leur sont confiées.

Dans le cas de l'EPRUS, la loi précitée du 5 mars 2007 a volontairement limité cette autonomie en prévoyant de soumettre l'établissement à « un régime administratif, budgétaire, financier adapté à la nature particulière de sa mission ». Cette loi a, en effet, clairement indiqué que l'établissement assurait, sous l'autorité directe du ministre de la santé, la mise en oeuvre de la politique définie par ce dernier, sans que l'établissement bénéficie d'une quelconque latitude en la matière . Ainsi l'article L. 3135-1 du code de la santé publique prévoit-il que : « cet établissement public a également pour mission, à la demande du ministre chargé de la santé , d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves. [...] L'établissement public peut également mener, à la demande du ministre chargé de la santé , les mêmes actions pour des médicaments, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro répondant à des besoins de santé publique, thérapeutiques ou diagnostiques, non couverts par ailleurs [...] . »

Comme l'a indiqué, à votre rapporteur spécial, Gilbert Toulgoat, contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) auprès du ministère de la santé : « l'exercice de la tutelle sur l'EPRUS va au-delà de la simple expression d'un point de vue au sein d'une collégialité, et s'exprime bien comme un pouvoir de décision au sein de la direction de l'établissement » 45 ( * ) .

La tutelle exercée sur l'EPRUS se distingue ainsi de celle à laquelle sont soumises les autres agences de sécurité sanitaire, dans la mesure où l'établissement public exécute la plupart de ses actes à la demande expresse du ministre .

L'exercice particulier de cette tutelle transparaissait dans les débats ayant eu lieu pendant l'examen, devant le Sénat, de la proposition de loi tendant à instaurer l'EPRUS. Ainsi Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités indiquait-il : « Votre texte, Monsieur Giraud, vise donc à la création d'un établissement public , placé sous la tutelle étroite du ministère de la santé , répondant aux besoins de soutien administratif et logistique des plans sanitaires avec une organisation fonctionnelle et opérationnelle plus efficace. Il sera un outil au service des acteurs des plans d'urgence sanitaire et permettra à l'Etat de mieux remplir son rôle » 46 ( * ) .

La convention-cadre précitée fixant les relations entre l'Etat et l'EPRUS confirme l'étroitesse du contrôle exercé par le ministère de la santé sur l'EPRUS. Elle précise notamment  que « l'EPRUS ne peut réaliser aucune opération d'acquisition, de fabrication, d'exploitation, d'importation, de distribution ou d'exportation de produits nécessaires à la protection de la santé de la population face aux menaces sanitaires graves sans en avoir reçu préalablement l'ordre de service du Ministre chargé de la santé ou de son délégataire » ( cf. encadré suivant).

Cet exercice étroit de la tutelle par le ministère de la santé amène votre rapporteur spécial à s'interroger sur l'opportunité de la création de l'EPRUS. Il semble, en effet, difficile d'envisager une amélioration du dispositif si la DGS régit en détail l'action de l'EPRUS, alors qu'elle a elle-même rencontré des difficultés importantes, par le passé, dans la réalisation des tâches qui lui incombaient.

Plus généralement, l'exercice étroit de la tutelle du ministère de la santé, qui fait de l'EPRUS un simple prolongement des services de la DGS, pose la question de l'étendue du rôle dévolu à cette agence , dans la mesure où :

-  d'une part, échappent à son domaine de compétences la gestion des stocks constitués par les différents ministères, ainsi que celle des stocks des collectivités territoriales ;

- d'autre part, l'EPRUS a recours, comme le faisait auparavant la direction générale de la santé, à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) 47 ( * ) , pour la passation de certains marchés d'acquisition de produits ou de conventions de stockage.

Cette question sera développée de façon plus précise dans la suite du présent rapport 48 ( * ) .

Extraits de la convention cadre fixant les relations entre l'Etat et l'EPRUS dans l'exercice de ses missions

Préambule

[...]

B- Le ministre chargé de la santé

« Le ministère chargé de la santé est garant de la politique de santé publique et de la réponse aux menaces sanitaires. A ce titre, il définit les stratégies de réponse aux menaces sanitaires et de prise en charge des actions collectives de santé publique . Il élabore des plans de réponse, définit la liste des contremesures médicales et des produits associés, s'assure des moyens nécessaires et en exprime leur doctrine d'emploi .

Il est en charge de la gestion des crises sanitaires et apporte, le cas échéant, son concours aux autres ministères. Il assure, à ce titre, l'interface avec ces derniers.

La direction générale de la santé (DGS) est, au sein du ministère chargé de la santé, chargée de mettre en oeuvre ces missions. Au sein de la DGS, le département des urgences sanitaires est, plus particulièrement, en charge de la réception des alertes sanitaires et sociales, de leur gestion et de la planification de la réponse.

La direction générale de la santé et, en son sein, le département des urgences sanitaires, sont en charge des relations avec l'EPRUS. »

[...]

Titre I er - Opérations relatives aux produits

Article 2 - Procédure d'acquisition de produits

[...]

« Un programme d'acquisition ou de renouvellement de stock est défini annuellement par le Ministre chargé de la santé . Il est transmis au Directeur général de l'EPRUS dans des délais lui permettant de le prendre en compte dans sa programmation budgétaire annuelle.

[...]

La transmission du programme d'acquisition ne vaut pas pour l'établissement autorisation de commande. L'EPRUS ne peut réaliser aucune opération d'acquisition, de fabrication, d'exploitation, d'importation, de distribution ou d'exportation de produits nécessaires à la protection de la santé de la population face aux menaces sanitaires graves sans en avoir reçu préalablement l'ordre de service du Ministre chargé de la santé ou de sa délégation.

[...]

Pour toute acquisition de produits, une commande écrite est adressée par le Ministre chargé de la santé, ou son délégataire, au Directeur général de l'EPRUS.

L'ordre de service comporte, notamment, la description du ou des produits à acquérir, les quantités nécessaires, le calendrier indicatif de réalisation, ainsi que les conditions particulières de stockage, de gestion et de distribution attachées à ce ou à ces produits ».

A ces difficultés de positionnement de l'EPRUS s'ajoutent, enfin, un problème de gestion des ressources humaines de l'agence dû à l'instabilité de sa structure administrative et des difficultés de recrutement rencontrées par l'établissement.

* 45 Réponse du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) auprès du ministère de la santé au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 46 Séance publique du 23 janvier 2007.

* 47 L'UGAP est un établissement public industriel et commercial (EPIC) créé en 1985 et placé sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'éducation nationale. Le rôle de l'UGAP consiste à acquérir des fournitures et des services destinés à des pouvoirs adjudicateurs, selon la fonction traditionnelle d'achat pour revente, comprenant l'enregistrement des commandes et l'émission des factures vis-à-vis des clients, la passation des commandes aux titulaires de ses marchés, le paiement de leurs factures, la gestion des marchés (mise à jour des références, révision des prix) et le traitement des éventuels litiges. Elle peut aussi mettre à disposition de ses clients des cadres contractuels.

* 48 Cf. III A.

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