Rapport d'information n° 458 (2008-2009) de MM. Jacques LEGENDRE et Josselin de ROHAN , fait au nom de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires étrangères, déposé le 10 juin 2009

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N° 458

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juin 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) et de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (2) sur la réforme de l' action culturelle extérieure ,

Par MM. Jacques LEGENDRE et Josselin de ROHAN,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Michel Mercier, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

(2) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE VOS DEUX COMMISSIONS

Réunies le mercredi 10 juin 2009, sous la présidence de M. Jacques Legendre et de M. Josselin de Rohan, la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont examiné le présent rapport d'information.

Soucieuses de contribuer à la réflexion en cours sur les moyens de notre diplomatie culturelle, vos deux commissions ont conduit conjointement un cycle d'auditions consacré à la réforme de notre action culturelle extérieure. Elles ont ainsi recensé les différentes options relatives à la création d'un opérateur unique chargé de la coopération culturelle. Sur proposition de leurs deux présidents, elles ont adopté à l'unanimité les dix recommandations suivantes :

1°/ Placer la future agence de coopération culturelle sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ;

2°/ Mettre en place un secrétariat d'État à la francophonie , à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures ;

3°/ Impliquer davantage le ministère de la culture et les autres ministères concernés ainsi que les collectivités territoriales dans la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger au sein d'un conseil d'orientation stratégique ;

4°/ Créer un comité scientifique auprès de l'opérateur afin d'associer en amont et en aval les milieux culturels et artistiques, les Alliances françaises ainsi que les collectivités territoriales à la mise en oeuvre de notre diplomatie culturelle ;

5°/ Confier à la future agence les missions exercées jusqu'à présent par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient la diffusion de la langue française et la promotion du patrimoine audiovisuel français . En revanche, la coopération universitaire, scientifique et technique devrait en être exclue et être confiée à un opérateur distinct ;

6°/ Rattacher à l'agence le réseau culturel en faisant, à terme, des établissements culturels à autonomie financière les représentations locales de l'agence ;

7°/ Consacrer le rôle de l'ambassadeur dans la déclinaison de notre action culturelle extérieure au niveau local, en lui confiant le cas échéant la présidence d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé auprès de chaque établissement culturel ;

8°/ Associer les Alliances françaises à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure sur un mode partenarial ;

9°/ Transférer progressivement la gestion des personnels du réseau culturel à la future agence, en lui confiant notamment la responsabilité de la formation initiale et continue et de la continuité des parcours et des carrières ;

10°/ Doter notre action culturelle extérieure de moyens budgétaires et humains à la hauteur de ses ambitions.

INTRODUCTION

« Notre langue et notre culture constituent pour un grand nombre d'hommes hors de France [...] un foyer capital de valeurs, de progrès, de contacts et c'est tout à la fois notre avantage et notre devoir de la pratiquer et de la répandre. »

Charles de Gaulle

Mesdames, Messieurs,

Depuis la parution, à l'automne 2007, d'un article dans l'édition européenne du Time Magazine , proclamant le décès de la culture française 1 ( * ) , la presse se fait régulièrement l'écho de la crise que traverse actuellement l'action culturelle de la France à l'étranger.

Ainsi, au moment où l'on célèbre le centenaire de la création du bureau des oeuvres du ministère des affaires étrangères, notre diplomatie culturelle connaît une période de profonde remise en cause, dans un contexte marqué par la mondialisation et de fortes contraintes budgétaires.

Avec le réseau culturel le plus dense et le plus étendu au monde, la France a fait depuis longtemps de la promotion de sa culture et de sa langue hors de ses frontières un élément fondamental de sa diplomatie.

Comme le rappelle M. Marc Fumaroli, ce réseau « fut d'abord un rêve d'intellectuels, s'éprenant d'un État fort, l'image inversée de la III e République jugée aboulique et divisée. Ce fut ensuite une compensation officielle à la défaite de 1940, puis à la retraite de l'Empire, et un rempart contre la contagion des moeurs et des loisirs américains » 2 ( * ) .

S'il est sans doute excessif d'évoquer le rayonnement culturel et linguistique de la France à l'étranger comme le substitut d'une perte de puissance militaire et économique, l'adoption en octobre 2005 de la convention de l'UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, élaborée à l'initiative de la France, illustre toute l'importance que notre pays attache à sa diplomatie culturelle.

Comme le soulignait le Président de la République dans la lettre de mission adressée le 27 août 2007 au ministre des affaires étrangères : « Nous accordons la plus grande importance au développement de notre influence culturelle à l'étranger. Ce sont tout autant notre rôle dans le monde, l'avenir de nos industries culturelles et la diversité culturelle qui en dépendent ».

À cet égard, on peut relever que la nouvelle secrétaire d'État américaine, Mme Hillary Clinton, a fait de la diplomatie dite « de l'intelligence » 3 ( * ) smart power ») une priorité de son action.

Pour autant, l'action culturelle extérieure de la France nécessite aujourd'hui une réforme d'ensemble : quelles sont les priorités de notre politique de coopération culturelle de manière à répondre aux attentes du public à l'étranger ? Le modèle et le réseau culturel français à l'étranger sont-ils toujours adaptés ? Ne faut-il pas revoir nos modes de fonctionnement ? Qu'en est-il des financements consacrés à notre diplomatie culturelle ?

Le Parlement, et le Sénat en particulier, ont depuis longtemps manifesté un intérêt particulier pour le réseau culturel français à l'étranger. De nombreux rapports ont été consacrés au cours des dernières années à ce sujet 4 ( * ) .

Notre diplomatie culturelle a également fait l'objet de réflexions dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des travaux du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.

Enfin, le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, a annoncé, le 25 mars dernier, dans le cadre de la réforme de son ministère, une vaste réorganisation de notre réseau culturel à l'étranger, avec notamment le projet de création d'une agence, dénommée « Institut français », qui serait chargée de la mise en oeuvre de notre politique de coopération culturelle.

Compte tenu de l'importance du réseau culturel français à l'étranger, à la fois pour notre diplomatie d'influence et pour le rayonnement de notre culture et de notre langue dans le monde, la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat ont souhaité prendre une part active à ce débat.

Avant même l'annonce de cette réforme, elles ont donc organisé une série d'auditions conjointes 5 ( * ) portant sur l'action culturelle de la France à l'étranger. Afin de disposer d'une vue comparative, elles ont également souhaité entendre des représentants du British Council et du Goethe Institut.

Le présent rapport est directement issu de ces travaux.

Dans une première partie , il décrit les principales caractéristiques de l'action et du réseau culturels de la France à l'étranger.

Le deuxième volet présente les pistes actuelles de réforme de notre action culturelle extérieure, notamment à la lumière des enseignements tirés de l'analyse des modèles étrangers.

Enfin, la troisième partie de ce rapport formule un certain nombre de recommandations communes aux deux commissions, concernant l'avenir de notre diplomatie culturelle, en particulier dans la perspective de la création de la future agence chargée de l'action culturelle extérieure, qui devrait faire l'objet d'un projet de loi déposé prochainement au Parlement.

I. UNE DIPLOMATIE CULTURELLE EN CRISE

A. UN DOMAINE TRADITIONNELLEMENT RÉSERVÉ AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES MAIS DANS LEQUEL LE MINISTÈRE DE LA CULTURE INTERVIENT DE PLUS EN PLUS

Comme l'a rappelé M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, lors de son audition 6 ( * ) , la répartition des compétences ministérielles en matière d'action culturelle extérieure est marquée en France par l' héritage de la prépondérance du ministère des affaires étrangères .

En effet, l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France reposent sur une division traditionnelle des tâches entre un ministère des affaires étrangères responsable du rayonnement de la culture française à l'étranger et un ministère de la culture compétent pour l'accueil des cultures étrangères en France.

Ce « Yalta » administratif, qui structure de longue date l'organisation de l'action culturelle française internationale, ne rend toutefois plus compte de l'évolution des compétences respectives de chaque ministère liée aux mutations de l'environnement extérieur.

En matière de rayonnement culturel à l'étranger, le ministère de la culture intervient traditionnellement à quatre niveaux :

- l'accueil des cultures étrangères et l'accueil et la formation des professionnels culturels étrangers, via notamment le soutien aux festivals et aux événements culturels, dont l'accueil des cultures étrangères est l'objet premier, et le financement de CulturesFrance pour l'organisation de saisons culturelles étrangères en France, conjointement avec le Quai d'Orsay ;

- une fonction d'expertise, notamment en matière patrimoniale ;

- la coopération dans le domaine cinématographique conduite par le Centre national de la cinématographie ;

- la coopération dans le domaine du livre conduite par le Centre national du livre, le Bureau international de l'édition française et la Centrale de l'édition.

De plus, le ministre de la culture et de la communication s'est vu reconnaître, dans les décrets d'attribution du 15 mai 2002 puis du 25 mai 2007, un rôle important en matière de rayonnement international de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie .

Cet élargissement de son champ d'intervention a été confirmé par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture et de la communication le 1 er août 2007. Cette montée en puissance du ministère de la culture dans la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure est moins le résultat d'une redistribution des rôles avec le ministère des affaires étrangères que le fait de l' européanisation et de la mondialisation des enjeux de politique et d'économie culturelles .

La participation croissante du ministère de la culture à la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure découle très largement de l'européanisation et de la mondialisation des questions culturelles qui ne sont plus exclusivement envisagées comme de stricts enjeux diplomatiques.

Ainsi, l' expertise du ministère de la culture est de plus en plus régulièrement sollicitée à l'occasion de négociations internationales portant sur les droits d'auteur et le piratage, la mise en oeuvre de la diversité culturelle, la circulation et la mobilité des collections, ou la coopération internationale en matière de lutte contre les vols et les trafics d'oeuvres culturelles.

Elle est aussi le résultat de l' extension progressive des missions du ministère de la culture , comme l'adjonction à son périmètre de différents secteurs, anciennement le livre, la lecture et l'architecture, ou, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le rattachement de la direction du développement des médias (DDM), en charge de la gestion administrative et budgétaire de l'audiovisuel extérieur de la France.

Enfin, il faut citer le rôle des organismes de promotion des exportations de biens culturels à l'étranger , gérés directement par les professionnels concernés, tels que TV France International pour l'exportation de programmes télévisuels français, UniFrance pour la promotion des films français à l'étranger, le Bureau export de la musique, l'AFEX (« Architectes français à l'export ») dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme et le Bureau international de l'édition française ou encore le développement de l'activité internationale des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture , à l'image des musées du Louvre et du Quai Branly.

Pour autant, faut-il en déduire que le ministère des affaires étrangères n'est plus le mieux placé pour diriger notre action culturelle extérieure et qu'il conviendrait de confier cette tâche au ministère de la culture ?

En réalité, la contribution de chacun des ministères à la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France est plus équilibrée qu'il n'y paraît : des synergies continuent à se développer entre un ministère des affaires étrangères gérant un réseau culturel à l'étranger dense et universel et un ministère de la culture disposant d'un vaste réseau d'opérateurs publics et d'associations professionnelles dont il est le partenaire privilégié.

Comme l'a fait très justement observer M. Benoît Paumier, « l'action culturelle internationale ne pourrait être mieux traitée par un ministère unique, dont elle ne serait pas fonctionnellement la première priorité, dans la mesure où :

- au sein du ministère des affaires étrangères, la diplomatie politique et les questions stratégiques constituent le coeur de métier, de même que les questions de coopération économique et de développement au sens strict ;

- au sein du ministère de la culture, le poids des nombreux métiers de la culture et les enjeux de politique culturelle ne permettent pas à l'administration d'avoir toujours une pleine conscience de l'impact de la mondialisation sur les questions culturelles internes » .

B. LA DENSITÉ ET LA DIVERSITÉ DU RÉSEAU CULTUREL : UNE RICHESSE À PRÉSERVER ?

Avec plusieurs centaines d'établissements implantés à travers le monde, la France dispose du plus vaste réseau culturel à l'étranger . L'originalité du réseau culturel français tient cependant à la très grande variété des acteurs en charge de notre rayonnement culturel et linguistique .

En effet, si le nombre d'instituts et de centres culturels français, qui dépendent directement du ministère des affaires étrangères, est du même ordre que celui du British Council ou du Goethe Institut, il convient d'y ajouter un millier d'Alliances françaises, qui ont la particularité d'être des structures associatives de droit privé nées d'initiatives de la société civile.

1. Les services de coopération et d'action culturelle

Le premier intervenant en matière d'action culturelle extérieure est l'attaché ou le conseiller culturel de l'ambassade , qui intervient directement auprès de l'ambassadeur pour :

- assurer la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels placés sous son autorité ;

- définir et répartir les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives.

Le conseiller ou l'attaché culturel, qui peut être un diplomate ou bien un fonctionnaire détaché par une autre administration (comme l'éducation nationale ou le ministère de la culture) peut être seul dans un poste à l'étranger ou bien diriger un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) constitué d'une équipe de plusieurs agents. 154 ambassades sont dotées d'un service de coopération et d'action culturelle.

L'encouragement apporté par le ministère des affaires étrangères et européennes à la création d'établissements à autonomie financière ou d'Alliances françaises tend cependant à modifier le rôle du conseiller culturel qui est amené à coordonner plutôt qu'à diriger l'action culturelle dans le pays.

2. Les instituts et centres culturels

Les instituts et centres culturels français sont des établissements à autonomie financière (EAF) ne disposant pas de la personnalité morale et dépendant du ministère des affaires étrangères mais bénéficiant d'une autonomie de gestion.

Placés sous l'autorité d'un directeur, ils s'appuient principalement sur des recrutés locaux. Ils emploient environ 4 700 recrutés locaux, auxquels s'ajoutent des personnels titulaires détachés ou mis à disposition. Leur direction est parfois assurée directement par le conseiller culturel de l'ambassade.

On dénombre actuellement 144 centres et instituts culturels , auxquels il convient d'ajouter 27 instituts de recherche à l'étranger .

Les établissements culturels remplissent traditionnellement trois principales missions :

- l'enseignement de la langue français ;

- la diffusion et la programmation culturelles ;

- la fourniture de documentation et d'informations sur la France.

En 2007, les centres et instituts culturels ont bénéficié de 65 millions d'euros de subventions, ainsi que de la mise à disposition de personnels pour un coût de 37,5 millions d'euros. Ils s'autofinancent à près de 43 % en moyenne mondiale, mais ce taux atteint 56 % dans les pays développés au sens de l'OCDE.

3. Le réseau des Alliances françaises

La principale originalité du modèle français tient au réseau des Alliances françaises .

Créée en 1883, sous l'impulsion de savants, d'ingénieurs d'écrivains et de diplomates, comme Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne ou Paul Cambon, l'Alliance française s'est donné pour mission de favoriser la diffusion de notre langue et de notre culture en s'appuyant sur les amis de la France dans le monde.

Comme l'a fait observer M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française de Paris 7 ( * ) , « il est remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales ».

Les 1 070 Alliances françaises, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, relèvent de l'initiative de la société civile et sont des associations de droit local administrées de façon bénévole par des citoyens du pays d'accueil.

Sans qu'elle entretienne de lien juridique avec elles, l' Alliance française de Paris , dont les statuts ont été modifiés récemment passant d'une association régie par la loi de 1901 à une fondation reconnue d'utilité publique depuis le 1 er janvier 2008, vise à animer le réseau des Alliances françaises.

Une partie d'entre elles (environ 300) ont toutefois passé une convention avec l'ambassade française de leur pays d'implantation. Ces alliances conventionnées peuvent recevoir une aide des pouvoirs publics français, notamment à travers la mise à disposition de directeurs expatriés.

Les missions des Alliances françaises ne sont pas différentes de celles des centres et instituts culturels (cours de français, activités et échanges artistiques, documentation). En 2008, les Alliances françaises ont assuré des cours de français pour plus de 461 000 étudiants étrangers.

Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement, principalement des cours de langue, de fonds privés ou de dons et legs . Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.

Le réseau des établissements culturels français à l'étranger a beaucoup évolué au cours de ces dernières années.

La carte du réseau a été rationalisée pour éviter les « doublons » et permettre une pleine complémentarité géographique entre les instituts et centres culturels d'une part, et les Alliances françaises d'autre part.

Traditionnellement, les centres et instituts culturels sont plutôt présents en Europe, en Afrique et au Levant, alors que les Alliances françaises se sont surtout implantées en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie.

Contrairement à une idée répandue, il n'existe plus aujourd'hui de « doublons » entre les deux structures, Mexico faisant figure d'exception, situation qui s'explique, il est vrai, par la dimension de cette ville.

Mais on a surtout assisté à un vaste redéploiement du réseau avec la fermeture de nombreux établissements en Europe occidentale pour permettre l'ouverture de nouveaux établissements dans les zones prioritaires, telles que l'Europe orientale, les pays émergents d'Asie et le pourtour de la Méditerranée. Ainsi, le nombre de nos implantations en Europe occidentale est passé de 52 à 33 entre 1999 et 2005, soit une réduction d'un tiers environ. Plus de la moitié des centres culturels situés en Allemagne ont été fermés.

Inversement, le réseau des Alliances françaises connaît une forte croissance. Ainsi, quatorze Alliances françaises en Chine et une dizaine en Russie ont été créées en moins de dix ans.

Par ailleurs, quelques centres franco-allemands ont été créés, notamment au Luxembourg, à Turin et à Ramallah, et d'autres sont en projet.

Les conclusions du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 ont prévu la fusion sous un label unique « EspacesFrance » des services de coopération et d'action culturelle des ambassades et des centres et instituts culturels au sein d'un seul établissement disposant d'une grande autonomie financière afin d'accroître ses capacités d'autofinancement et de partenariat. Une expérimentation est actuellement conduite par le ministère des affaires étrangères dans treize postes pilotes.

C. LA MULTIPLICITÉ DES OPÉRATEURS : ATOUT OU HANDICAP ?

Notre action culturelle extérieure s'appuie également sur un grand nombre d'opérateurs auxquels l'État a progressivement délégué un certain nombre de ses compétences d'exécution. En effet, on peut dénombrer au moins sept opérateurs qui interviennent dans le champ de la coopération culturelle entendue au sens large.

1. CulturesFrance : l'opérateur chargé de la coopération culturelle

CulturesFrance est l' opérateur commun au ministère des affaires étrangères et européennes et au ministère de la culture et de la communication chargé de la promotion des échanges artistiques internationaux et de la coopération culturelle internationale. Il est issu de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), créées respectivement en 1922 et 1946.

Il s'agit d'une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, dont les statuts ont été publiés par arrêté du 1 er juin 2007. Elle est dirigée par un conseil d'administration de 22 membres, composé de sept représentants du ministère des affaires étrangères et européennes, de trois représentants du ministère de la culture et de la communication et de douze personnalités qualifiées. Un contrat d'objectifs et de moyens, signé le 2 mai 2007 entre l'opérateur et l'État et couvrant la période 2007-2009, fixe les priorités assignées à CulturesFrance.

Comme l'a indiqué son directeur, M. Olivier Poivre d'Arvor 8 ( * ) , l'action de CulturesFrance s'effectue selon trois axes principaux :

- la promotion à l'étranger de la création contemporaine française dans le domaine des arts visuels, des arts de la scène, de l'architecture et du patrimoine, y compris cinématographique, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle ;

- l'organisation de saisons culturelles en France et à l'étranger ;

- la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement dans les secteurs de la culture au travers des actions de formation, des échanges avec les cultures du monde et de l'accueil des artistes et des auteurs.

Les priorités géographiques concernent à la fois les pays développés d'Europe, d'Amérique et d'Asie, les pays émergents, ainsi que les pays de la zone de solidarité prioritaire, notamment en Afrique et dans les Caraïbes.

En outre, CulturesFrance a vu son périmètre élargi en 2009 avec le transfert de compétences en matière de cinéma auparavant assurées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le budget de CulturesFrance de 30 millions d'euros repose sur une subvention du ministère des affaires étrangères et européennes de l'ordre de 20 millions d'euros et du ministère de la culture, à hauteur de 2 millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés. CulturesFrance emploie une centaine de personnes en France.

À la suite des critiques formulées par la Cour des comptes dans son audit de 2006 sur la gestion de CulturesFrance 9 ( * ) , une proposition de loi , présentée par notre collègue Louis Duvernois, transformant cette association en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat, le 13 février 2007.

2. Les opérateurs chargés de la mobilité universitaire : CampusFrance, EGIDE et France Coopération Internationale

Le projet de création d'une agence chargée de la mobilité universitaire, initié en 2006, a abouti en 2007 avec la mise en place d'un groupement d'intérêt public (GIP) dénommé CampusFrance . Cette structure est issue du GIP EduFrance constitué en 1998 entre l'État et 197 établissements d'enseignement supérieur publics et privés, auxquels se sont ajoutés deux nouveaux membres, le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).

Ce groupement est administré par un conseil d'administration de 24 membres représentant à parité l'État et les autres membres du GIP.

Il a pour mission :

- d'appuyer le développement de la mobilité universitaire et scientifique internationale en promouvant les formations, l'orientation, l'accueil des étudiants en mobilité ainsi qu'aux invitations des enseignants ou chercheurs ;

- de concourir à l'amélioration de l'attractivité et la mobilité universitaire et scientifique ;

- de concourir à l'amélioration des conditions d'accueil et de séjour en France des étudiants étrangers.

En conséquence, les centres pour les études en France (CEF), structures créées en 2003, ont fusionné avec les espaces « Edufrance » présents dans les postes diplomatiques ou les établissements culturels à l'étranger pour devenir des « Espaces CampusFrance ». Au 1 er juillet 2008, on dénombrait 136 « Espaces CampusFrance » répartis dans 77 pays.

Le budget 2008 de l'agence s'élève à près de 6 millions d'euros , financé à hauteur de près de 4 millions par des subventions de l'État et de 2 millions d'euros de ressources propres. L'Agence emploie une équipe d'une quarantaine de personnes en France.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, le 4 avril 2008, la création d'un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale regroupant les fonctions de promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale françaises à l'étranger et de valorisation du système d'enseignement supérieur français.

Ce nouvel opérateur devrait englober CampusFrance, Egide et le GIP France coopération internationale (FCI), organisme créé en 2002 ayant pour mission de coordonner et de promouvoir l'expertise technique française à l'étranger. Il devrait être chargé d'une mission d'appui à la mobilité dans toutes ses dimensions et notamment de la gestion administrative de toutes les bourses du gouvernement français, la promotion des formations supérieures et la veille sur la chaîne de l'accueil.

Une mission de préfiguration de ce nouvel opérateur a été confiée à MM. Alain Le Gourrierec, ambassadeur, et Georges Asseraf, inspecteur général de l'éducation nationale.

3. L'Agence pour la diffusion de l'information technologique

Créée en 1992, l' Agence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) est une société anonyme , dont le capital est majoritairement détenu par l'État. Elle intervient dans le cadre d'une convention triennale (2008-2010) pour le compte du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, selon quatre axes majeurs :

- valoriser et diffuser vers le tissu économique français, l'information internationale, technologique et stratégique, émanant des services scientifiques des ambassades de France ;

- animer et accompagner les services scientifiques, culturels et de coopération des ambassades de France dans le cadre de leurs diverses missions (veille, prospective scientifique et technique et valorisation de la science et la technologie françaises à l'étranger) ;

- promouvoir une veille scientifique et technologique active pour soutenir les efforts de la recherche et des chercheurs français ;

- mettre en oeuvre des produits d'information technologique et stratégique mondiale en appui au développement des pôles de compétitivité, aux pôles d'excellence français et à leur gouvernance.

4. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger

La France dispose du premier réseau scolaire mondial à l'étranger. Ce réseau joue un rôle essentiel pour notre présence, notre influence et notre rayonnement culturel et linguistique dans le monde. Près de 250 000 élèves sont scolarisés dans l'ensemble des établissements, dont une majorité d'élèves étrangers.

Créée en 1990, l' Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, est un élément central dans le dispositif d'enseignement du français à l'étranger.

Ce dispositif, présent dans 130 pays, compte 430 établissements répartis en trois catégories distinctes :

- les 74 établissements en gestion directe (EGD) sont des services déconcentrés de l'AEFE ;

- les 178 établissements conventionnés sont gérés par des associations de droit privé français ou étranger ayant passé avec l'AEFE un accord qui porte notamment sur les conditions d'affectation et de rémunération des agents titulaires et sur l'attribution de subventions.

Le financement de l'AEFE pour ces deux catégories d'établissements provient, d'une part, de la dotation de l'État et, d'autre part, des droits de scolarité acquittés par les familles ;

- les 178 établissements hors réseau ou simplement homologués n'ayant pas passé de convention avec l'agence ne bénéficient pas d'aide directe, ni de personnels détachés. Ils sont néanmoins, lorsqu'ils le souhaitent, associés aux actions de formation continue organisées par l'agence et ils bénéficient du conseil pédagogique des inspecteurs de l'éducation nationale détachés à l'étranger.

En 2009, la dotation de l'État à l'AEFE s'élève à 501 millions d'euros, dont 415 millions d'euros au titre du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » et 86 millions d'euros au titre du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », pour le financement des bourses destinées aux élèves français.

Le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français scolarisés à l'étranger , souhaitée par le Président de la République, fait craindre, dans un contexte de diminution des crédits du ministère des affaires étrangères, un effet d'éviction et une diminution des financements consacrés à l'action culturelle extérieure 10 ( * ) .

5. La société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France

Enfin, l'audiovisuel extérieur représente un élément essentiel de notre diplomatie d'influence.

A la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d'un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, l'audiovisuel extérieur français se caractérise toutefois par la dispersion de ses opérateurs , avec deux chaînes de télévision - TV5 Monde et France 24 - deux radios - Radio France Internationale et RMC Moyen-Orient - et un organisme de coopération - Canal France International, qui fournit des émissions en français aux radios et télévisions des pays francophones du Maghreb, d'Afrique sub-saharienne et d'Asie.

De nombreux rapports 11 ( * ) ont mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation et le manque d'efficacité de l'audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui consacré par nos partenaires.

À l'initiative du Président de la République, un comité de pilotage, composé de fonctionnaires issus de différents ministères réunis sous la direction de M. Jean-David Lévitte, conseiller diplomatique du Président de la République, et de M. Georges Marc Benhamou, ancien conseiller de l'Élysée pour l'audiovisuel, a remis un rapport en décembre 2007. Ce rapport n'est pas resté lettre morte, puisque sa principale recommandation - la création d'une société holding regroupant l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel extérieur - a été suivie d'effets.

La société holding « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF) a été créée le 4 avril 2008. Elle a vocation à regrouper l'ensemble des participations publiques dans les sociétés de l'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire TV5 Monde, Radio France Internationale (RFI) et France 24.

Canal France International (CFI) n'a pas été intégré dans ce nouvel ensemble car il ne s'agit pas à proprement parler d'un média, mais d'un organisme de coopération ayant vocation à concentrer son action sur l'aide aux médias des pays en développement.

Cette réforme vise à offrir davantage de cohérence et de visibilité à l'audiovisuel extérieur français. La holding a en effet pour mission de définir les priorités stratégiques des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur français, dans le respect de l'identité de chacun. Il s'agit notamment de définir les priorités en termes de publics visés, d'objectifs géographiques, et de moyens de diffusion.

Cette réforme vise également à renforcer les synergies et à encourager les mutualisations (notamment en matière de distribution) entre les opérateurs, tout en écartant toute idée de fusion.

Chaîne francophone à caractère multilatéral, TV5 Monde occupe une place à part dans ce nouvel ensemble. Craignant de se voir marginaliser, nos partenaires francophones de la chaîne (la Belgique, la Suisse, le Canada et le Québec) ont ainsi obtenu que la holding ne détienne que 49 % du capital de TV5 Monde, alors qu'elle devrait à terme détenir 100 % du capital de RFI et de France 24.

Concernant son statut, il s'agit d'une société anonyme dont le capital de 37 000 euros est entièrement détenu par l'État. Elle est dotée d'un conseil d'administration de dix-huit membres, composé de six représentants des administrations concernées, de six personnalités qualifiées et de six représentants des salariés des différentes sociétés. M. Alain de Pouzilhac, président du directoire de France 24, a été désigné président directeur général de la holding. Il est secondé par Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée. La société compte actuellement une douzaine de collaborateurs.

La loi n° 2009-58 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a conféré à la société AEF le statut de société nationale de programme. La société devra ainsi obéir à un cahier des charges et signer avec l'État un contrat d'objectifs et de moyens. La composition du conseil d'administration de la société sera modifiée et son président sera nommé, comme pour France Télévisions et Radio France, par décret pour cinq ans après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et après avis des commissions parlementaires compétentes.

En 2009, les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur représentent 298 millions d'euros , dont 233 millions d'euros de subventions et 65 millions au titre de la redevance audiovisuelle.

Alors que précédemment la tutelle sur les opérateurs de l'audiovisuel extérieur était partagée entre le ministère des affaires étrangères (en ce qui concerne TV5 Monde, RFI et Canal France International) et les services du Premier ministre (s'agissant de France 24), l'audiovisuel extérieur est désormais entièrement placé sous l'autorité de la direction du développement des médias (DDM), qui relevait des services du Premier ministre, mais qui a été rattachée au ministère de la culture et de la communication. Dans le cadre de la réorganisation du ministère de la culture annoncée en avril 2008, la DDM a vocation à se fondre dans une direction générale du développement des médias et de l'économie culturelle.

Ainsi, l'audiovisuel extérieur échappe désormais en partie à la tutelle du ministère des affaires étrangères, même si ce dernier continue de jouer un rôle, notamment au sein du conseil d'administration de la société holding.

Or, comme l'affirment les conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, il est indispensable que le ministère des affaires étrangères et européennes conserve un rôle de premier plan dans le pilotage stratégique de cette composante essentielle de notre action extérieure.

D. UNE DIMINUTION PRÉOCCUPANTE ET UNE DISPERSION DES CRÉDITS

L'effort budgétaire consenti par la France en faveur de son rayonnement culturel a été évalué en 2007 à plus d'un milliard d'euros 12 ( * ) .

Ce chiffre est toutefois trompeur car il tend à mettre sur le même plan des financements très différents. De plus, il masque la baisse sensible des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure ces dernières années, qui s'est accentuée sensiblement en 2009.

Les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure sont dispersés entre plusieurs missions, puis, au sein de la même mission, entre plusieurs programmes.

Ainsi, le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » ne regroupe pas l'ensemble des crédits consacrés par le ministère des affaires étrangères à l'action culturelle extérieure. En effet, il ne porte que sur les financements destinés à la coopération avec les États de l'Union européenne et les autres grands pays industriels du monde développé au sens de l'OCDE, ainsi que sur ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Pour avoir une vue globale des financements consacrés à l'action culturelle extérieure, il faut également tenir compte :

- des crédits consacrés à la coopération culturelle dans les pays en voie de développement et les pays émergents, qui relèvent du programme 209 de la mission interministérielle « Aide publique au développement » ;

- des crédits consacrés à l'action internationale du ministère de la culture, qui figurent dans le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du budget du ministère de la Culture.

Or, comme les rapporteurs pour avis des deux commissions l'ont souligné à plusieurs reprises dans leurs rapports budgétaires 13 ( * ) , la scission de la politique de rayonnement culturel et scientifique du ministère des affaires étrangères entre le programme 185 et le programme 209 est de moins en moins pertinente, puisqu'elle se fonde sur une liste de pays dits « développés » établie par l'OCDE.

À cet égard, un document budgétaire transversal regroupant l'ensemble des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure serait à la fois un gage de lisibilité et de cohérence de la dépense publique dans ce domaine.

Au total, le coût pour l'État du réseau culturel français, tous établissements confondus, ne dépasserait pas 136 millions d'euros en 2008 14 ( * ) , en additionnant les subventions de 60 millions d'euros aux centres et instituts culturels et de 12 millions d'euros aux alliances françaises, ainsi que le coût des personnels mis à disposition de 33 millions d'euros pour les centres et de 28 millions d'euros pour les Alliances françaises.

En outre, les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure font l'objet d'une forte baisse en 2009 .

Passant d'un montant de 105 millions d'euros en 2008 à un montant estimé à 92 millions d'euros dans le programme 185, les crédits consacrés au rayonnement culturel et scientifique dans les pays de l'OCDE (hors AEFE), accusent une baisse de - 13 % en 2009. Parmi ces 92 millions d'euros, une trentaine environ est affectée au réseau culturel et une vingtaine à la promotion de la langue française et de la diversité culturelle. Selon le document de programmation triennale, cette baisse devrait se poursuivre en 2010, pour atteindre 80 millions d'euros (- 11 %) et en 2011 pour n'atteindre plus que 77 millions d'euros (- 10 %).

La baisse des crédits consacrés aux projets de coopération culturelle est également visible au sein du programme 209 consacré à la coopération en direction des pays en développement : elle serait de l'ordre de - 19 % en 2009 (hors aide multilatérale).

Compte tenu de l'importance des coûts fixes du réseau, en particulier des dépenses de personnels ou de loyers, cette diminution a été principalement répercutée sur les crédits d'intervention. Ainsi, les dépenses de programmation culturelle des différents postes auraient été réduites de 15 % en moyenne, cette baisse pouvant atteindre parfois 30, voire 40 %.

Cette diminution des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure est d'autant plus préoccupante qu'elle fait suite à une série de baisses dans les années antérieures. En effet, on estime que les financements du ministère des affaires étrangères et européennes destinés au rayonnement culturel et scientifique auraient baissé de 10 % entre 2005 et 2008.

L'ampleur de cette baisse des crédits est telle en 2009 qu'elle menace désormais le coeur même de notre action culturelle extérieure.

C'est la raison pour laquelle vos deux commissions avaient fortement et de manière unanime dénoncé cette diminution des crédits consacrés à l'action culturelle et linguistique de la France à l'étranger, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 15 ( * ) .

Comme le relèvent les rédacteurs du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, dans l'introduction de leur rapport, « on ne peut réduire indéfiniment ces effectifs et ces moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à notre action extérieure ».

Vos deux rapporteurs souscrivent entièrement à cette analyse.

LA PROGRAMMATION CULTURELLE « HORS LES MURS » :

LA PANACÉE ?

Face à la diminution des financements consacrés à l'action culturelle extérieure, la tentation existe de fermer les centres et instituts culturels français à l'étranger, afin de dégager des économies sur les coûts de fonctionnement de ces structures (loyers, dépenses de personnels, etc.) et de consacrer les financements disponibles à des programmations culturelles « hors les murs ». C'est d'ailleurs la tendance observée ces dernières années avec la fermeture de nombreux établissements par le ministère des affaires étrangères, notamment en Europe occidentale.

La programmation culturelle « hors les murs » est également vue comme un moyen d'assurer une plus large diffusion de la culture française, au-delà du cercle des amis de la France, et de favoriser les échanges avec les institutions et les artistes des pays d'accueil. Elle est d'ailleurs la règle suivie par le British Council.

Pour autant, favoriser la programmation culturelle « hors les murs » ne signifie pas qu'il faille fermer l'ensemble des centres ou des instituts culturels français à l'étranger.

D'une part, ce constat ne vaut pas pour tous les pays. En effet, dans certains pays, notamment en Afrique ou dans les Caraïbes, le centre ou l'institut culturel français joue un rôle très important dans la vie culturelle locale. Il est même parfois le seul espace culturel , comme à Haïti, par exemple, où la seule bibliothèque publique est celle de l'institut français.

D'autre part, les cours de langue nécessitent des bâtiments .

Enfin, certains centres ou instituts culturels sont des bâtiments historiques qui symbolisent par eux-mêmes une présence culturelle et sont fréquentés non seulement par la communauté française vivant à l'étranger mais aussi par les élites du pays. Ainsi, si le metteur en scène polonais Krzysztof Warilowski se produit à l'Opéra de Paris, c'est aussi parce qu'il a pendant longtemps fréquenté le centre culturel français de Varsovie. De même, en témoigne, dans le domaine de la littérature, la consécration de l'écrivain afghan Atiq Rahimi et de l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, tous deux respectivement couronnés par les derniers prix Goncourt et Renaudot : ces deux auteurs ont d'abord assis leur notoriété sur les centres culturels français de leurs pays d'origine. Jean-Marie Gustave Le Clézio, certes français mais ancien membre actif du réseau culturel français au Mexique, et dernier prix Nobel de littérature, en offre une autre illustration.

En réalité, il existe une complémentarité entre l' intra muros et l' extra muros , l'un et l'autre se renforçant mutuellement.

II. QUELLE RÉFORME DE L'ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE ?

A. UNE RÉFORME PRÉCONISÉE PAR LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET APPROFONDIE DANS DE MULTIPLES RAPPORTS

La réforme de notre action culturelle extérieure a fait l'objet de nombreuses réflexions ces dernières années, auxquelles le Parlement, et le Sénat en particulier, ont pris une part significative.

1. Les recommandations des précédents rapports parlementaires et les initiatives législatives

a. Les précédents rapports parlementaires :


Dès 2001 , dans un rapport d'information sur les centres culturels français à l'étranger fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale 16 ( * ) , notre collègue M. Yves Dauge a souligné la nécessité :

- d'identifier clairement une instance de commandement et d'élaboration de la stratégie du dispositif culturel français à l'étranger ;

- d'aménager un espace de discussion interministériel entre les ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche en matière de pilotage de l'action culturelle extérieure ;

- de préserver l' autonomie de gestion des instituts et centres culturels.


• Plus récemment, dans un rapport d'information de décembre 2004, présenté au nom de la commission des affaires culturelles 17 ( * ) , notre collègue M. Louis Duvernois s'est prononcé en faveur de :

- la création d'une « agence pour la culture française à l'étranger », chargée de gérer l'ensemble des établissements culturels français à l'étranger, afin de conférer à la présence culturelle française à l'étranger la lisibilité et la visibilité qui lui font actuellement défaut ;

- la présence au sein du conseil d'administration de cette agence de représentants des ministères des affaires étrangères et de la culture afin d'instiller une véritable dimension interministérielle à l'action culturelle extérieure de la France ;

- la transformation de la DGCID en une holding qui, une fois libérée de la lourdeur des tâches de gestion administrative et d'exécution, se consacrerait à la définition et à la mise en cohérence de la stratégie culturelle française à l'étranger ;

- la consolidation de l'autonomie des instituts et centres culturels qui, bien que demeurant sous la tutelle des ambassadeurs et des conseillers culturels, doivent tisser des liens entre la création française et les milieux culturels locaux. Chaque fois que cela est possible, une fusion des fonctions de conseiller de coopération et d'action culturelle et de directeurs de centres devrait être envisagée afin d'éviter tout conflit.


• Enfin, dans un rapport d'information de juillet 2008, présenté au nom de la commission des finances 18 ( * ) , sur la crise de la diplomatie culturelle française, notre collègue M. Adrien Gouteyron a formulé les propositions suivantes :

- rompre avec le « Yalta » administratif qui réserve traditionnellement au ministère de la culture, la culture en France, et au ministère des affaires étrangères le monopole de la culture à l'étranger. Le ministère de la culture doit s'engager fortement dans la définition d'une nouvelle stratégie de rayonnement international dont l'exécution serait chapeautée par un établissement public à caractère industriel et commercial ;

- revoir le modèle du centre culturel à l'étranger, en redéployant l'ensemble des moyens, en Europe et dans les pays de l'OCDE, vers des programmations « hors les murs » ;

- permettre aux conseillers culturels de redevenir le pivot des échanges culturels, dans un rôle de mise en relation de nos industries culturelles avec celles des pays étrangers, au service des créateurs français à l'international.

b. Les initiatives législatives :


• La proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance de notre collègue M. Louis Duvernois :

Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 13 février 2007 19 ( * ) , tend à transformer l'association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial. La formule de l'établissement public a été jugée la plus pertinente dès lors qu'elle garantit à l'opérateur une autonomie administrative et financière significative et une certaine souplesse dans la gestion de son personnel, tout en le plaçant sous le contrôle étroit de son autorité de tutelle.

Cette proposition de loi prévoit de maintenir la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture, exercée jusqu'alors sur l'association CulturesFrance.

Le champ de compétence du nouvel EPIC reprend les missions auparavant confiées à l'association, tout en l'étendant à la formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger afin de renforcer les liens entre CulturesFrance et les postes.


• La proposition de loi pour le renouveau de la culture française à l'étranger et la francophonie de notre collègue Adrien Gouteyron :

Cette proposition de loi 20 ( * ) , déposée au mois de mars 2009 par notre collègue M. Adrien Gouteyron, tend à créer sous le nom de CulturesFrance une agence interministérielle pour le rayonnement international de la culture et de la langue françaises, disposant d'un statut d'EPIC. Cette agence serait appelée à mettre en oeuvre la politique culturelle extérieure définie conjointement par le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères.

Elle prévoit également que l'agence dispose de bureaux culturels et linguistiques à l'étranger, dénommés « Instituts CulturesFrance », qui feraient partie des missions diplomatiques.

Son périmètre d'intervention serait analogue à celui envisagé par la proposition de loi de M. Louis Duvernois.

2. Les conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France

La commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer et dont les conclusions ont été publiées en juillet 2008, met en avant l'importance capitale de la diplomatie d'influence dans le contexte d'une compétition globale des idées accélérée par le développement des modes de communication numériques :

- afin d'éviter que les termes de la réflexion sur les enjeux globaux soient posés par d'autres pays, aujourd'hui les États-Unis et demain peut-être l'Asie, la France doit se saisir de façon plus proactive des débats internationaux , en misant sur le dynamisme de ses milieux politiques, économiques, culturels, scientifiques et artistiques. Dans le renouvellement de ses stratégies d'influence, la France doit développer et s'appuyer sur un réseau d'experts placé auprès du ministère des affaires étrangères , le cas échéant sous la forme de comités consultatifs associant formellement des personnalités extérieures issues de l'entreprise, de l'Université et du monde de la recherche et des milieux culturels, sur le modèle des conseillers du commerce extérieur . Cette recommandation plaide, selon vos deux commissions, pour la généralisation des conseils scientifiques auprès des opérateurs dans l'élaboration et la mise en oeuvre de nos orientations stratégiques en matière d'action culturelle extérieure ;

- l'intensification de la compétition globale dans les domaines de la recherche et de l'enseignement supérieur doit conduire la France à réinvestir le marché de plus en plus concurrentiel de la formation des futures élites mondiales . Dans cette logique, il faut faire de l'enseignement français à l'étranger une filière privilégiée de recrutement des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur en France, en s'appuyant sur le réseau de l'AEFE. Vos deux commissions déduisent de ce constat que la coopération universitaire, scientifique et technique doit constituer le coeur de métier d'un opérateur unique chargé de la promotion de la mobilité internationale distinct d'une agence chargée des partenariats culturels, comme cela est suggéré par la révision générale des politiques publiques ;

- face à la « diversification des vecteurs culturels et de communication », la place du français comme langue internationale d'usage d'Internet constitue ainsi un enjeu de première importance. Dans le cadre de la dématérialisation croissante des supports de diffusion des biens culturels (musique, image et écrit), la politique culturelle extérieure de la France doit donc intégrer et valoriser Internet comme un vecteur culturel à part entière . Il est en effet ressorti des auditions conduites par vos deux commissions que notre pays accuse un retard préoccupant par rapport à d'autres pays, tels que l'Espagne, dans l'utilisation d'Internet comme vecteur d'influence culturelle, en particulier pour l' enseignement de notre langue ;

- il est indispensable de substituer à une politique d'offre culturelle à dimension universelle une politique plus sélective, hiérarchisée et différenciée selon les pays . Vos deux commissions sont ainsi convaincues que notre politique culturelle extérieure doit s'efforcer de décliner et d' adapter ses objectifs et ses projets en fonction des priorités et des spécificités propres aux grands ensembles régionaux ;

- la fusion des SCAC et des instituts et centres culturels devrait permettre « aux premiers de disposer de la souplesse de gestion et de l'autonomie financière des seconds tout en diminuant les coûts fixes de notre action culturelle » ;

- l'opérateur unique de l'action culturelle extérieure doit être pleinement responsable de la mise en oeuvre de la politique qui lui est confiée : la gestion du réseau culturel et du personnel qui le compose devraient relever de sa compétence . Le statut de ce nouvel opérateur devrait concilier le caractère régalien de notre diplomatie culturelle (qui rend peu transposable à la France la délégation pure et simple à une structure comme le British Council) et une gestion réellement assouplie. À cet égard, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) est considéré par la commission du Livre blanc comme la formule juridique la plus pertinente ;

- au total, la réforme de la gestion du dispositif culturel français à l'étranger doit impérativement préserver les trois atouts du système existant, libellés par la commission du Livre blanc de la façon suivante :

1. la prise en compte de la demande locale , qui est favorisée par la déconcentration du système et permet de différencier l'offre et les modes de gestion selon les pays ;

2. l' autonomie financière dont bénéficient localement les instituts et centres culturels qui les encourage à s'autofinancer ;

3. l'articulation de leur action avec les priorités politiques dont l'ambassadeur a la charge ;

- enfin, en matière de gestion des ressources humaines , la commission du Livre blanc juge impératif de :

1. reconnaître le métier de l'action extérieure comme une des filières professionnelles de la fonction publique ;

2. développer des spécialisations tout au long de la carrière avec trois principaux profils : un profil économique et européen, un profil « affaires politiques et sécurité » et un profil « communication et influence » qui pourrait couvrir la communication et les politiques en matière de culture, d'enseignement et d'attractivité ;

3. développer la formation initiale et continue qui doit être envisagée comme une obligation autant qu'un droit, et valorisée en conséquence ;

4. renforcer la mobilité externe et interne en rendant obligatoire dans la carrière l'affectation dans une autre administration que le MAEE et en favorisant le recrutement au sein de ce dernier de personnes issues de l'Université ou du secteur privé ;

5. améliorer la politique d'affectation et la gestion des carrières sur la base d'une charte de la gestion des ressources humaines qui intègrerait une plus grande objectivité des critères de sélection et une transparence accrue des procédures de nomination , ainsi que l'augmentation de la durée moyenne d'affectation afin de stabiliser les fonctions de pilotage.

3. Les recommandations issues de la révision générale des politiques publiques

Dans une recommandation en date du 11 juin 2008 21 ( * ) , intitulée « L'action de l'État à l'étranger est mise au service d'une politique d'influence et des nouvelles priorités internationales de la France », le Conseil de modernisation des politiques publiques a appelé de ses voeux une réforme de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger, articulée autour des axes suivants :

- le regroupement de l'ensemble des dimensions de l'influence intellectuelle à l'étranger au sein de trois opérateurs : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), CulturesFrance et un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale ;

- le regroupement au sein du nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale des fonctions de promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale françaises à l'étranger et de valorisation à l'étranger du système d'enseignement supérieur français ;

- la mise en place dans chaque pays d'une dénomination unique et d'une gestion unique pour tous les services oeuvrant dans le cadre de la coopération ;

- la fusion sous un label unique sur le terrain des services de coopération culturelle et des centres culturels au sein d'un seul établissement, disposant d'une grande autonomie financière ;

- la constitution à partir de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) d'une direction d'état-major , chargée du pilotage des opérateurs ;

- la mise en place systématique d'un contrat d'objectifs et de moyens avec chacun des opérateurs, ces derniers recevant la pleine gestion opérationnelle de leurs moyens ;

- dans le secteur de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle, le renforcement des synergies avec les acteurs de premier rang des formations supérieures et universitaires, avec le monde de la recherche, avec le secteur privé et avec les collectivités locales ;

- la stratégie consolidée de l'État à l'étranger sera définie par un plan d'action élaboré sur un mode interministériel. Un comité interministériel, le comité des réseaux internationaux de l'État à l'étranger (CORINTE) , créé en février 2009, a été chargé de piloter cette réorganisation interministérielle de la présence de l'État à l'étranger.

B. LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES MODÈLES ÉTRANGERS

Afin de disposer d'une vue comparative, vos deux commissions se sont intéressées aux modèles du British Council et du Goethe Institut , étant donné que ces deux pays présentent de grandes similitudes avec la France.

Elles ont également entendu M. Bernard Faivre d'Arcier , auteur d'un rapport portant sur la comparaison des réseaux culturels réalisé à la demande du ministère des affaires étrangères et européennes 22 ( * ) .

1. Le British Council

Le British Council a été créé en 1934. Bien que son statut soit celui d'une organisation d'utilité publique à but non lucratif (« Registered Charity ») et qu'il soit indépendant du gouvernement , le British Council travaille toutefois en relation étroite avec le ministère des affaires étrangères britannique.

Ainsi le directeur du British Council de Paris, M. Paul de Quincey, qui a été auditionné par les deux commissions 23 ( * ) , est dans le même temps le conseiller culturel de l'ambassade du Royaume-Uni en France. M. Bernard Faivre d'Arcier a qualifié les rapports existants entre le British Council et le ministère des affaires étrangères britannique de gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length »), qui permet de concilier gestion décentralisée et coopération étroite sur le plan stratégique.

Le British Council dispose d'environ 220 implantations dans 109 pays. La tendance actuelle est une réorganisation du réseau à l'intérieur des onze grandes régions, avec une diminution du nombre des sites en Europe et un redéploiement en Asie et au Proche-Orient.

Les centres du British Council sont exclusivement consacrés aux cours de langue. Aucune programmation culturelle n'y est organisée. Toutes les expositions, tous les spectacles, toutes les conférences sont organisées en partenariat avec des institutions locales et se déroulent « hors les murs » . En outre, le British Council a fortement développé ces dernières années l'offre de service en ligne et la mise à la disposition du public de méthodes d'apprentissage de l'anglais sur Internet.

En 2005, le British Council a publié un document sur ses objectifs et la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour les réaliser, intitulé « Making a world of difference - Cultural relations in 2010 ». Ce document fixe trois grandes priorités : le dialogue interculturel, l'économie de la connaissance et le changement climatique. Le British Council met également en oeuvre des projets multilatéraux, par exemple sur les relations transatlantiques.

Les priorités géographiques font l'objet, chaque année, de discussions avec le ministère des affaires étrangères. Chaque directeur rend compte de son programme à la direction régionale dont il relève ou à un directeur adjoint de Londres. Les ambassadeurs des pays concernés sont simplement consultés.

Le budget du British Council s'élève à près de 627 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 35 % proviennent de subventions du ministère des affaires étrangères britannique et 65 % de l'autofinancement, principalement des cours de langue et de la délivrance des diplômes, de financements privés ou du mécénat.

Le British Council emploie au total environ 6 500 personnes , qui, dans leur grande majorité, sont des professeurs de langue recrutés localement. Seule une minorité d'environ 250 agents est soumise à une obligation de mobilité, chacun de ces agents restant en moyenne de quatre à cinq ans dans un poste.

2. Le Goethe Institut

Le Goethe Institut a été fondé dans les années 1950. Il s'agit d'un établissement à but non lucratif, qui est totalement indépendant du gouvernement allemand .

En effet, comme l'a rappelé M. Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris, lors de son audition 24 ( * ) , en raison du passé, l'Allemagne est très réticente à l'idée d'une politique culturelle menée au niveau central. La culture et l'éducation sont des compétences exercées en priorité par les Länder et les municipalités. L'État fédéral dispose toutefois d'une compétence en ce qui concerne l'action culturelle à l'étranger, qu'il délègue au Goethe Institut.

La centrale du Goethe Institut, basée à Munich, est liée par un contrat-cadre au ministère des affaires étrangères à Berlin. Celui-ci délègue l'autorité à la centrale de Munich pour la gestion du réseau et la répartition du financement entre les différents instituts.

Le fonctionnement du réseau est largement décentralisé avec douze grandes régions et chaque institut dispose d'une très large autonomie de gestion, notamment en matière budgétaire et de personnels.

Chaque directeur d'un Goethe Institut est responsable de son programme, conçu néanmoins en accord avec une direction régionale. À la différence du British Council, le Goethe Institut est entièrement indépendant de l'ambassade d'Allemagne et son directeur n'est pas un diplomate.

Le Goethe Institut poursuit trois grandes missions : la diffusion de la langue allemande, les échanges culturels et l'information sur l'Allemagne, la culture et la civilisation allemandes.

La stratégie poursuivie par le Goethe Institut, présentée dans le document « Strategische Ziele des Goethe-Instituts 2006-2009 », insiste notamment sur les priorités géographiques en Europe et en Asie.

Le Goethe Institut est présent sur tous les continents avec, en 2009, 183 implantations dans 83 pays. Il emploie au total environ 2 800 agents.

Le budget du Goethe Institut s'élève à 260 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 17 % sont autofinancés essentiellement grâce aux cours de langue, le reste provenant d'une subvention du ministère des affaires étrangères allemand.

Le budget du Goethe Institut a fait l'objet de réductions drastiques ces dernières années, passant de 272 millions d'euros en 2002 à 213 millions d'euros pour 2005-2006. Toutefois, ce budget est aujourd'hui en nette augmentation, comme l'a confirmé la chancelière allemande Mme Angela Merkel dans son discours au siège des Goethe Instituts, le 8 septembre 2008.

3. Les principaux enseignements que l'on peut tirer de ces modèles

Les principaux enseignements que tire M. Bernard Faivre d'Arcier de son étude comparative sur les dispositifs culturels extérieurs du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne et de la France 25 ( * ) , sont les suivants :

- chaque pays a sa propre conception du rayonnement culturel. En effet, si les quatre réseaux culturels consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, les structures et les modes d'organisation conçus par chaque pays sont très liés à l'histoire de leur propre organisation politique et administrative, à leurs ambitions ainsi qu'aux modalités de leur politique culturelle nationale. Pour cette raison, il est difficile de faire des comparaisons. Ainsi, la relation entre la culture et le développement n'est pas appréhendée partout de la même manière. Si le Royaume-Uni et l'Espagne mettent volontiers ce lien en avant, tel n'est pas le cas en Allemagne. Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement ;

- réseaux et tutelles ne sont pas organisés de la même façon. Alors qu'au Royaume-Uni et en Allemagne, l'État a transféré à un opérateur unique l'action culturelle extérieure, avec le British Council et le Goethe Institut, la France offre la particularité de s'appuyer sur deux réseaux de nature très différente avec, d'une part, les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les centres et instituts culturels et, d'autre part, les Alliances françaises. En outre, l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fonde sur un échelon régional de coordination, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques ;

- les personnels culturels à l'étranger n'ont pas les mêmes formations ni les mêmes perspectives de carrière. La formation des personnels en poste à l'étranger constitue, d'après M. Bernard Faivre d'Arcier, le point noir du réseau culturel français. Les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. À titre de comparaison, les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à leur titularisation. En outre, les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offrent de bien meilleures perspectives de carrière que le réseau français à leurs agents culturels à l'étranger. Alors que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeure relativement courte, trois ans en règle générale, dans le cas du réseau culturel français, elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol ;

- enfin, les liens entre le réseau culturel français à l'étranger et les institutions culturelles nationales restent très insuffisants. À titre d'exemple, le Royaume-Uni accord une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques, telles que le cinéma ou la musique. Les agents du Goethe Institut se voient, quant à eux, régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand évènement culturel en Allemagne.

Lors de son audition au Sénat, M. Bernard Faivre d'Arcier a formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France 26 ( * ) :

- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication , en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;

- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;

- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.

C. LA RÉFORME ANNONCÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

Le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, a présenté, lors d'une conférence de presse le 25 mars 2009, une vaste réforme du ministère des affaires étrangères et européennes .

Cette réforme est issue des recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et des conclusions de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

L'objectif de cette réforme en matière d'action culturelle extérieure est de passer d'une logique de rayonnement , prisonnière de son héritage historique, à une politique d'influence s'appuyant sur une culture française qui ne cherche pas seulement à se diffuser, mais également à s'enrichir au contact des autres cultures en s'adaptant aux réalités locales.

1. Une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats

Au sein de l'administration centrale du Quai d'Orsay, cette réforme s'est traduite par la création d'une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats 27 ( * ) .

Cette nouvelle direction générale est issue du rapprochement de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et de la direction des affaires économiques et financières du ministère des affaires étrangères et européennes.

Comme l'a indiqué son nouveau directeur général, M. Christian Masset, lors de son audition 28 ( * ) , l'objectif est de regrouper au sein d'une seule direction générale, l'ensemble des questions économiques et financières, d'aide au développement, d'action culturelle, de coopération scientifique et de recherche, de manière à constituer une structure d'un poids équivalent à celui de la direction des affaires politiques et stratégiques.

Cette nouvelle direction générale est chargée d'apporter des réponses aux défis soulevés par la mondialisation et aux enjeux globaux que sont la santé, la démographie, l'énergie, les ressources naturelles, l'économie, les technologies, mais aussi la culture.

Dans le contexte de la mondialisation, il paraît en effet indispensable de croiser différentes dimensions, comme la culture et le développement, en apportant par exemple un soutien au cinéma africain, la culture et l'économie ou encore la culture et l'enseignement du français.

Elle comporte quatre pôles en son sein :

- une direction de la politique culturelle et du français chargée de promouvoir la diversité linguistique et culturelle, l'influence de la France dans les grands débats, le dialogue des cultures et des civilisations, le multilinguisme ;

- une direction couvrant les politiques de mobilité et d'attractivité, la promotion de nos technologies, les échanges scientifiques et de recherche, la coopération universitaire, l'accueil des étudiants en France ;

- une direction responsable des biens publics mondiaux traitant de la réalisation des objectifs du millénaire des Nations Unies (réduction de la pauvreté et de la faim, promotion de l'égalité des sexes, lutte contre les pandémies, environnement durable, éducation primaire pour tous, etc.)

- un pôle compétent pour l'économie globale et les stratégies de développement chargé d'analyser les transformations profondes de l'économie mondiale, de traiter de la régulation de la mondialisation.

Un autre enjeu majeur de cette réforme est de faire de cette nouvelle direction générale un état-major, chargé de la stratégie et du pilotage des opérateurs.

En effet, l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) n'était pas en mesure de remplir ce rôle, étant excessivement absorbée par la gestion quotidienne du réseau.

2. Le projet de création d'une agence chargée de l'action culturelle extérieure : l'Institut français

Le ministre des affaires étrangères et européennes a également annoncé la création prochaine d'une agence, qui pourrait s'appeler « Institut français » , et qui serait chargée de l'ensemble de la coopération culturelle.

D'après les informations contenues dans le dossier de presse présenté à cette occasion, cette nouvelle agence serait créée sous la forme d'un établissement public . Dotée d'une souplesse de gestion, cette agence pourrait ainsi recevoir des cofinancements et générer des ressources propres.

Elle reprendrait les activités exercées actuellement par CulturesFrance et elle pourrait regrouper le service culturel, le centre ou l'institut culturel, ainsi que le centre pour les études en France. Elle travaillerait en relation avec les Alliances françaises, les instituts de recherche, les missions de recherche, etc.

Son périmètre pourrait être élargi à l'ensemble des domaines de coopération (coopération culturelle, linguistique, audiovisuelle, universitaire, scientifique, de recherche, technique, pour le développement, coopération décentralisée).

Cette agence devrait :

- porter nos priorités en matière culturelle : diffusion du livre et de l'écrit, organisation du débat d'idées, recours aux nouvelles technologies, soutien aux industries culturelles ;

- promouvoir la langue française ;

- être une vitrine de l'offre culturelle française dans toute sa diversité, venir en soutien aux artistes, aux créateurs, aux écrivains ;

- être à l'écoute et répondre à la demande provenant de nos partenaires étrangers par l'intermédiaire de notre réseau ;

- travailler en pleine concertation avec nos partenaires : ministères de la culture, de l'éducation et de la recherche, entreprises, établissements publics et industries culturelles, collectivités locales ;

- fournir l'expertise nécessaire aux projets d'ingénierie culturelle ;

- contribuer à la formation des membres du réseau.

Le ministère des affaires étrangères devrait définir les grandes orientations stratégiques de la future agence, sur une base pluriannuelle, et en prenant en compte les situations locales, ce qui permettrait de dégager clairement les objectifs de notre action culturelle dans chaque grande région du monde.

Enfin, une réflexion sera menée sur l'implantation géopolitique de notre réseau et pour favoriser les formes innovantes de présence culturelle, la formation initiale et continue aux métiers de la coopération culturelle et le parcours d'experts professionnels au sein du réseau culturel français.

Un comité de préfiguration de cette agence, composé de représentants des différentes administrations concernées, de personnalités du monde de la culture et de parlementaires 29 ( * ) , a été mis en place. Il devrait remettre ses conclusions en juin, dans la perspective des États généraux de l'action culturelle extérieure, qui devraient être organisés en juillet.

Un projet de loi instituant cette agence sera ensuite présenté au Parlement, vraisemblablement à l'automne, afin que celle-ci puisse commencer à fonctionner l'an prochain.

3. La mise en place d'une plate-forme numérique du réseau culturel français à l'étranger

Le lancement d'un nouveau site Internet , intitulé « latitudeFrance.org », destiné à servir de plateforme numérique du réseau culturel français à l'étranger, a également été annoncé par le ministre.

Ce nouveau site Internet, destiné à la fois au grand public et aux professionnels de la coopération culturelle et scientifique, devait ouvrir fin avril 2009.

Cependant, à ce jour, il n'a toujours pas commencé à fonctionner.

4. Des moyens financiers supplémentaires

Enfin, lors de sa conférence de presse, le ministre des affaires étrangères et européennes a annoncé une enveloppe supplémentaire de 40 millions d'euros qui seront spécifiquement consacrés à notre politique culturelle extérieure.

Lors de son audition au Sénat, M. Christian Masset a précisé que cette enveloppe supplémentaire de 40 millions d'euros serait répartie sur deux ans, avec une moitié versée en 2009 et une autre moitié en 2010, et qu'elle permettra de financer quelques grands projets sélectionnés à partir des propositions des différents postes, en particulier dans le domaine de la numérisation ou encore pour la formation des agents.

Si l'on ne peut que se féliciter de cette contribution supplémentaire, il convient cependant de souligner qu'elle ne sera pas suffisante, à elle seule, pour compenser la diminution programmée des crédits destinés à l'action culturelle extérieure, telle qu'elle résulte notamment du document de programmation triennal.

D. LES PRINCIPALES OPTIONS À TRANCHER

En dehors de la dénomination de la future agence, quatre principales questions restent en suspens.

1. Le statut juridique de l'agence

Plusieurs formules sont envisageables :

- Une agence de service public :

Dans leur rapport provisoire en date du 4 mars 2008, MM. Yves Doutriaux et Thierry Le Roy, conseillers d'État chargés par le ministre des affaires étrangères de faire des propositions sur les relations entre la future direction générale de la mondialisation et ses opérateurs, envisageaient dans un premier temps l'hypothèse de la création d'une « agence de service public » qui serait responsable de la mise en oeuvre, au sein du Quai d'Orsay, de la politique de rayonnement culturel de la France.

Le projet d'agence de service public, sur le modèle des agences établies au Royaume-Uni et en Suède, poursuit l'objectif principal de réintégrer au sein des services de l'État les fonctions opérationnelles jusqu'ici traditionnellement déléguées à des organismes sous tutelle, qui ont eu tendance à proliférer de façon excessive au risque d'établir un paysage administratif confus, et, en contrepartie, de les assortir d'une autonomie de gestion substantielle.

Dans cette configuration, l'agence pourrait directement s'appuyer sur les services déconcentrés du ministère, c'est-à-dire les SCAC et les instituts et centres culturels français à l'étranger regroupés en établissements à autonomie financière placés sous l'autorité de l'ambassadeur.

Le directeur de l'agence se verrait confier, par délégation du ministre, un pouvoir de nomination et de mutation des agents servant sous son autorité, l'agence étant également susceptible de recruter et de gérer des agents contractuels de droit public pour une durée indéterminée.

Il pourrait être simultanément responsable d'un programme LOLF, et ainsi bénéficier de l'autonomie de gestion, notamment au moyen de la fongibilité asymétrique, voire d'une autonomie élargie si le ministre en décidait ainsi par une délégation de pouvoir. L'agence serait également en mesure de percevoir des recettes et d'être soutenue par la voie du mécénat.

L'option d'une agence de service public apparaît ainsi séduisante, dès lors qu'elle organise la reprise en main, par le ministère, des orientations stratégiques de notre politique culturelle extérieure, en s'appuyant sur une structure d'administration centrale d'un nouveau type qui se verrait aménager une marge d'autonomie de gestion et financière substantielle, sans toutefois disposer d'une personnalité juridique.

Elle semble néanmoins , selon vos deux commissions, devoir être écartée pour deux raisons principales :


• après vérification faite auprès de la direction générale de la modernisation de l'État, la formule de l'agence de service public n'offrirait pas d'avancées significatives en termes de souplesse de gestion, ni de possibilité de contrats de droit privé (une telle possibilité nécessitant en l'espèce une disposition législative dérogatoire). Cette interprétation est du reste sans doute le résultat de résistances de la part du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;


• le fait d'intégrer totalement l'opérateur en charge du rayonnement culturel extérieur de la France au sein des services du Quai d'Orsay maintient le déséquilibre traditionnel qui tend à minimiser la participation d'autres ministères, en particulier le ministère de la culture, dans la définition et la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure.

- Une fondation :

Aux termes de l'article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, « la fondation est l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif ». À première vue, ce statut pourrait convenir à la future agence culturelle, avec comme idée sous-jacente de promouvoir le mécénat en sa faveur.

Mais la jurisprudence du Conseil d'État ne tolère généralement la participation financière de l'État dans les fondations que dans la limite d'un seuil déterminé de façon très empirique. C'est ainsi que, lors de l'examen de la création d'une « fondation pour l'intégration », le Conseil d'État a rendu un avis négatif car la dotation proposée était constituée à 40 % par des fonds publics. Le ministère de l'intérieur, responsable du classement en fondation reconnue d'utilité publique, estime quant à lui que les fonds publics ne sauraient dépasser 20 % du total de la dotation.

La situation de CulturesFrance, dont le budget est composé à plus de 70 % de subventions publiques, exclut donc clairement le recours au statut de fondation.

- Un groupement d'intérêt public :

Les groupements d'intérêt public (GIP) sont des personnes morales de droit public, qui associent, soit des personnes publiques entre elles, soit des personnes publiques avec des personnes privées, pour des actions menées en commun dans l'intérêt général et pour une période déterminée.

L'article 22 de la loi n° 87-571 du 24 juillet 1987 sur le développement du mécénat a permis la constitution de GIP dans le domaine de la culture.

Il serait donc juridiquement possible de créer un GIP CulturesFrance. Toutefois, la doctrine reconnaît que les différences entre les GIP et les établissements publics sont rares et tiennent essentiellement à la convention constitutive qui est à l'origine du GIP, et au statut du personnel, qui est normalement composé d'agents publics en position de détachement ou de mise à disposition, et en dernier recours, de contractuels.

Un GIP CulturesFrance serait ainsi conçu comme la fédération de moyens entre l'État et l'association CulturesFrance pour une période déterminée, ce qui n'est pas le but recherché en l'espèce. L'autonomie de l'opérateur, qui du reste à vocation à être une structure pérenne, par rapport à l'État est en effet nécessaire pour lui assurer souplesse et réactivité face aux demandes, mais aussi pour permettre à la tutelle d'assurer un réel contrôle des objectifs fixés. En outre, CulturesFrance est très majoritairement composée de contractuels.

- Un établissement public à caractère industriel et commercial :

Rappelons que l'établissement public est une personne morale de droit public ayant une compétence spéciale et disposant d'une autonomie administrative et financière.

La proposition de la loi du M. Louis Duvernois a opté pour cette formule. En effet, le statut de droit privé qui caractérise l'ensemble des salariés de CulturesFrance est plutôt considéré comme un facteur de souplesse en termes de gestion des ressources humaines, du fait notamment de la spécificité des missions exercées par l'association ; il a donc été proposé de transformer l'association en un établissement public à caractère industriel et commercial qui serait soumis aux règles du code du travail pour la gestion de son personnel .

En outre, sur le plan financier, une plus grande souplesse est accordée à l'établissement public industriel et commercial (EPIC).

La commission des affaires culturelles du Sénat avait estimé que ce statut permettait effectivement de répondre aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son audit de la gestion de CulturesFrance en 2006. La commission avait relevé au demeurant que de nombreux EPIC existaient déjà dans le domaine culturel , comme la Cité de la musique ou la Comédie française.

En conséquence, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial apparaît effectivement comme la formule la plus adaptée aux yeux de vos deux commissions.

Le Sénat s'est d'ailleurs clairement prononcé en faveur de cette option, en votant à l'unanimité, le 13 février 2007, la proposition de loi de M. Louis Duvernois tendant à transformer CulturesFrance en EPIC.

La création d'un EPIC nécessite en l'espèce l'intervention d'une loi.

2. La tutelle : Quai d'Orsay versus Rue de Valois ?

La transformation de l'association CulturesFrance en EPIC vise à consolider sa souplesse de gestion, dans le respect des règles de la comptabilité publique, tout en responsabilisant l'opérateur vis-à-vis de l'administration centrale . Il reviendra à cette dernière de définir clairement les orientations stratégiques censées donner une pleine portée au contrat d'objectifs et de moyens liant la future agence à l'État.

Les statuts de l'association, approuvés par arrêté du 1 er juin 2007, établissent pour l'heure sa double tutelle par les ministères des affaires étrangères et de la culture : elle est ainsi administrée par un conseil d'administration de 22 membres, dont sept représentants du ministère des affaires étrangères, trois représentants du ministère de la culture et douze personnalités qualifiées. Ces deux ministères comptent chacun un vice-président de l'association.

À l'heure actuelle, la question de la tutelle du futur établissement public en charge du rayonnement culturel de la France à l'étranger ne fait l'objet d'aucun consensus.

En tout état de cause, quelle que soit l'hypothèse retenue pour la tutelle de l'agence, un espace de discussion interministériel devra être aménagé afin de coordonner l'action et mutualiser les moyens des différents départements ministériels concernés.

Avant de se prononcer pour l'une ou l'autre des hypothèses de tutelle, vos deux commissions ont souhaité récapituler les différents arguments avancés aussi bien par les partisans de la double tutelle que par ceux défendant l'exclusivité de la tutelle au profit du ministère des affaires étrangères.


• De nombreux rapports plaident pour un rapprochement des échanges artistiques, coeur de métier de l'association CulturesFrance , et la gestion du réseau culturel français à l'étranger. Ils défendent, en conséquence, le maintien d'une double tutelle du futur établissement public entre le Quai d'Orsay et le ministère de la rue de Valois.

La proposition de loi de M. Louis Duvernois consacre la légitimité de cette double tutelle : elle va dans le sens d'un renforcement de la dimension interministérielle de l'action culturelle extérieure, déjà illustrée par le fait que le dernier contrat d'objectifs et de moyens liant l'opérateur à l'État, conclu le 2 mai 2007 pour la période 2007-2009, a été signé par les deux ministères.

La proposition de loi déposée M. Adrien Gouteyron va dans le même sens, puisqu'elle tend à créer à partir de CulturesFrance une « agence interministérielle » en charge du rayonnement de la culture et de la langue françaises, appelée à mettre en oeuvre à l'étranger « la politique de soutien à la francophonie et de promotion de la culture française définie conjointement par le ministère chargé de la culture et le ministère chargé des affaires étrangères ».

Les deux ministères seraient ainsi placés sur un pied d'égalité en matière de définition du pilotage stratégique du futur établissement public.

À l'appui du maintien de cette double tutelle, il peut être rappelé que la Cour des comptes, dans son audit conduit en 2006 sur la gestion passée de CulturesFrance, a clairement appelé de ses voeux au renforcement de la présence du ministère de la culture dans le fonctionnement de CulturesFrance, présence qu'elle estime « essentielle car ses différentes directions et délégations disposent de moyens d'expertise efficace dans le domaine culturel ». La Cour constatait, néanmoins, que le faible niveau de participation financière de ce ministère (moins de 20 % du budget primitif de l'association) limite de façon significative la portée de son engagement.

En conséquence, la Cour avait jugé « souhaitable de renforcer dans la structure nouvelle la contribution du ministère de la rue de Valois, notamment s'agissant des actions menées par l'AFAA sur le territoire national », relevant que va dans ce sens « la décision prise par le ministère de la culture de transformer en délégation ayant le rang de direction le service à vocation internationale dont il s'est doté de longue date, délégation qui consacre plus de 10 % de son budget [évalué à 19 millions en 2006] , soit 2 millions d'euros, au financement de l'AFAA ».


• Toutefois, la perspective du maintien de cette double tutelle ne recueille pas l'unanimité. Dans une note sur le statut et l'avenir de CulturesFrance en date du 15 novembre 2008, M. Thierry Le Roy, conseiller d'État, estime que « la démarche de renforcement de la tutelle s'accommoderait mal du maintien d'une dualité qui n'est, au demeurant, pas nécessaire au maintien des relations professionnelles courantes avec le ministère de la culture ». En conséquence, il se prononce en faveur d'une tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères sur le futur EPIC.

Lors de son audition au Sénat, M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, a également considéré que la cotutelle était un système qui fonctionnait moins bien qu'une tutelle unique.

Dans le même ordre d'idées, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, s'est également prononcé en faveur d'une tutelle unique, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle.

M. Oliver Poivre d'Arvor a de même estimé que le Quai d'Orsay était l'autorité la mieux placée pour exercer le pilotage principal en matière d'action culturelle extérieure.

Il semble établi que la légitimité et le poids de chaque administration centrale dans la définition de la stratégie culturelle extérieure seront, en partie, fonction du niveau de sa contribution financière au fonctionnement du futur établissement. À cet égard, le président de l'association CulturesFrance, M. Jacques Blot, soutenait que la tutelle du ministère de la culture serait davantage légitime si celui-ci apportait une contribution substantielle à son fonctionnement, à la fois en termes financier et de commandes.

Rappelons que le ministère de la culture contribue à hauteur de 2 millions d'euros au budget de CulturesFrance, alors que la subvention du ministère des affaires étrangères est de l'ordre de 20 millions d'euros.

Dans ces conditions, bien que l'association CulturesFrance soit formellement soumise à une double tutelle, c'est bien, en pratique, le seul ministère des affaires étrangères qui en exerce la tutelle.


• La définition des responsabilités concrètes qu'emporte l'exercice de la tutelle, ainsi que l'identification au sein de chaque ministère des services chargés de cette tutelle, entrent également dans le champ de la réflexion. Il semble acquis, a priori , que la tutelle sur les opérateurs doit s'entendre comme la définition des orientations stratégiques de la politique qu'ils doivent mettre en oeuvre. Cela suppose de réserver à la future agence et au réseau culturel déconcentré la charge des tâches strictement opérationnelles et d'exécution.

Notre collègue Yves Dauge, dans son « Verbatim de la session du Haut conseil de la coopération internationale du 19 mars 2008 », déplorait que l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du Quai d'Orsay soit absorbée de façon excessive par des tâches de gestion quotidienne qui finissaient par masquer son rôle principal de direction stratégique.

Dans le cadre de l'ancienne DGCID, l'action culturelle extérieure avait traditionnellement été envisagée comme un volet parmi d'autres des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément dans la logique du renforcement d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité que s'est inscrit le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats .

Toutefois, vos deux commissions relèvent que la nécessité de lier systématiquement économie, développement, sciences et culture n'a pas soulevé de consensus au sein de la commission du Livre blanc dont les membres étaient partagés entre deux visions :

- d'une part, certains estimaient pertinent de fondre culture et économie au sein d'une direction des affaires globales, en particulier dès lors que la mondialisation est de plus en plus appréhendée sous l'angle de la compétition dans le domaine de l'économie de la connaissance ;

- d'autre part, certains considéraient, au contraire, que la coopération en matière de développement et l'action culturelle constituaient deux sphères d'intervention autonomes, soulignant à ce titre qu'il existait une spécificité des questions culturelles liée à la nature même de la commande artistique et que les biens culturels faisaient précisément l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la mondialisation commerciale.

La détermination des autorités de tutelle est donc directement liée à la redéfinition des contours de notre politique de coopération culturelle et technique, partagée entre la volonté de faire émerger une diplomatie d'influence au sein de laquelle le culturel n'est qu'un levier (certes important) parmi d'autres, et la nécessité de conserver une action culturelle identifiable en tant que telle .

Par ailleurs, vos deux commissions ont relevé que le ministère de la culture s'est employé, ces dernières années, à asseoir la légitimité administrative et politique de ses instruments d'action internationale . Le département des affaires européennes et internationales , placé jusqu'en 2003 sous la responsabilité du cabinet, s'est vu rattaché à la délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI), afin de développer des synergies avec les autres services de l'administration centrale du ministère de la culture. Ce département a vocation à devenir, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une sous-direction des affaires internationales intégrée au sein d'un service des affaires juridiques et internationales, sous l'autorité d'un secrétariat général renouvelé. Cette sous-direction devrait avoir la charge de coordonner l'action internationale des différentes directions administratives comme celle des multiples établissements publics placés sous la tutelle du ministère.

Dans son rapport, M. Bernard Faivre d'Arcier estime qu' « il y a donc lieu de considérer les activités culturelles en propre », c'est-à-dire de « n'en faire ni un sous-produit de l'activité diplomatique, ni une activité accessoire que l'on traite en fin de réunion ».

Il ajoute, plus loin, qu' « une direction chargée de définir les objectifs stratégiques de la mondialisation doit s'entourer de personnalités hautement qualifiées dans le domaine culturel, comme ont su le faire le Royaume-Uni et l'Espagne, par le moyen de conseils consultatifs qui ne se contentent par d'être des structures prestigieuses de parrainage, mais qui soient aussi le lieu de débats qui placent la culture au même niveau que la diplomatie ».

3. Le périmètre d'intervention

La création, en 2006, de CulturesFrance avait eu pour objet de rapprocher les missions de l'AFAA, centrée sur les arts de la scène (théâtre, opéra, etc.), les arts visuels (peinture, sculpture, etc.), l'architecture et le patrimoine, et de l'ADPF, compétente en matière de promotion du livre.

C'est ainsi que l'article 2 de la proposition de loi de M. Louis Duvernois, s'inspirant directement du domaine de compétence défini par l'article 1 er des statuts de CulturesFrance tel que modifié par l'assemblée générale de l'association le 22 juin 2006, prévoyait que l'établissement interviendrait dans les domaines des arts de la scène, des arts visuels, de l'architecture, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle.

Dans sa version adoptée par le Sénat en février 2007, la proposition de loi précitée entend également ajouter au champ d'intervention du futur établissement public CulturesFrance une compétence en matière de cinéma, mais en la confinant à la promotion du patrimoine cinématographique. Cet ajout anticipait sur le transfert à CulturesFrance, effectif désormais depuis le 1 er janvier 2009, de compétences auparavant assumées par l'ancienne direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères. Cette nouvelle attribution, limitée à la promotion des films anciens et des films documentaires, éducatifs et scientifiques, a vocation à compléter l'action menée par l'opérateur uniFrance dont le champ d'intervention ne concerne que les films récents.

Par ailleurs, il est à noter que la politique de promotion du livre français à l'étranger, relevant jusqu'à maintenant du Centre national du livre, devrait être gérée dorénavant par CulturesFrance.

Pour mémoire, la proposition de loi déposée par M. Adrien Gouteyron précise dans son article 3, que « l'agence assure la présence à l'étranger [...] de l'architecture, des arts de la scène, des arts visuels, du cinéma, de l'écrit, de l'ingénierie culturelle, de la musique de notre pays. Elle promeut la langue française, notamment par l'enseignement de celui-ci. Elle est responsable de la formation initiale et continue des personnels des bureaux culturels à l'étranger. Elle anime et coordonne leur action ».

Vos deux commissions relèvent qu'un certain nombre de propositions vont dans le sens d'un élargissement du champ d'intervention de CulturesFrance à la coopération universitaire, scientifique et technique . Les positions et les arguments des différentes parties interrogées sur le sujet sont les suivants :

- M. Olivier Poivre d'Arvor a clairement plaidé pour une action culturelle extérieure qui inclurait l'action éducative et de coopération universitaire, ainsi que l'action linguistique, selon la logique transversale qui présidait au fonctionnement de l' ancienne direction des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay. Aussi a-t-il suggéré de regrouper, sous une même enseigne, les opérateurs préexistants en charge de la mobilité universitaire (CampusFrance), des échanges éducatifs et scientifiques (EGIDE) ainsi que les établissements culturels à l'étranger ;

- pour sa part, M. Bernard Faivre d'Arcier s'est déclaré convaincu que le futur établissement public en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, ce volet constituant une des principales faiblesses de notre action culturelle extérieure. Il a d'ailleurs relevé que plusieurs espaces « CampusFrance » partageaient déjà des locaux avec les centres culturels français à l'étranger ;

- à l'inverse, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a estimé qu'intégrer la coopération universitaire, scientifique et technique dans le périmètre d'intervention de la future agence présenterait l'inconvénient principal d' affaiblir sa vocation culturelle première ;

- après avoir rappelé que les travaux de la révision générale des politiques publiques avaient décidé la création d'un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale, M. Christian Masset, directeur général de mondialisation, du développement et des partenariats, a quant à lui jugé nécessaire de centrer l'action de chaque opérateur sur son coeur de métier .

En outre, deux domaines de compétence ont également été évoqués : la diffusion de la langue française et la promotion des programmes audiovisuels français.

Enfin, il est à noter que les propositions de lois de M. Louis Duvernois et de M. Adrien Gouteyron envisagent toutes deux de confier à la future agence la responsabilité de la formation, dans les domaines relevant de sa compétence, des personnels du réseau culturel français à l'étranger.

4. Les relations entre l'agence, le réseau culturel et l'ambassadeur

Dans son rapport précité, M. Bernard Faivre d'Arcier envisage la faisabilité de l'hypothèse selon laquelle l'agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France « aurait à gérer à la fois les budgets et les activités de CulturesFrance, ainsi que le réseau des centres et instituts français fusionnés avec les SCAC et qui viendrait enfin en appui du second réseau, celui des alliances françaises ».

Cette configuration, qui vise à unifier le réseau culturel français à l'étranger, pose trois types de problèmes que M. Thierry Le Roy a relevés dans le cadre de sa mission relative à la modification du décret de 1976 sur les établissements culturels à autonomie financière (EAF) :

- elle suppose une stricte séparation entre les tâches de conception stratégique et les tâches opérationnelles dans l'élaboration et la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure. Si cette dichotomie vaut pour la politique d'aide au développement mise en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), établissement public autonome (non sans heurts) vis-à-vis des postes diplomatiques mais placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, il n'est pas garanti qu'elle soit aisément acceptée par les acteurs de notre réseau culturel à l'étranger ;

- « elle laisse entière la question du rôle laissé à l'ambassadeur vis-à-vis de services qui font actuellement pleinement partie des postes diplomatiques, et celle de son articulation avec la responsabilité de la direction générale de cet établissement public » ;

- elle implique de consentir au futur établissement public une marge d'autonomie comparable à celle du British Council ou du Goethe Institut, perspective qui est encore loin de recueillir l'assentiment du Quai d'Orsay.

M. Bernard Faivre d'Arcier relevait, pour sa part, que « CulturesFrance a toujours entretenu des relations parfois difficiles, parfois conflictuelles, avec les demandes des postes culturels français à l'étranger. Il a semblé à beaucoup que CulturesFrance, en tant qu'association indépendante, voulait défendre avant tout ses offres de tournées (d'expositions, de spectacles, etc.) avant d'être à l'écoute des demandes locales ».

Afin d'éviter que l'agence use trop largement de son autonomie pour se délier des consignes ministérielles, M. Bernard Faivre d'Arcier évoque une proposition exprimée par l'ambassadeur de France en Allemagne : les futurs « EspacesFrance » seraient placés sous l'autorité de l'ambassadeur et cette structure, qui aurait le statut d'EAF, serait la filiale locale d'une agence mondiale d'action culturelle . Cette configuration s'inspire en partie de l'expérience du fonctionnement du réseau de l'AEFE : l'ambassadeur, membre du conseil d'administration des établissements gérés par l'agence, conserve un droit de regard.

Pour mémoire, dans son article 2, la proposition de loi de M. Louis Duvernois prévoyait qu'« afin d'accomplir ses missions, l'établissement s'appuie sur le réseau diplomatique et culturel à l'étranger et sur des partenaires publics et privés ».

L'article 2 de la proposition de loi de M. Adrien Gouteyron prévoit également que « pour l'accomplissement de ses missions, l'agence dispose de bureaux culturels et linguistiques à l'étranger, dénommés « Instituts CulturesFrance », qui font partie des missions diplomatiques . Là où l'agence ne dispose pas de bureaux, elle peut être représentée par le réseau du ministère chargé des affaires étrangères, qui met en oeuvre, dans le cadre d'une convention, les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions ». De plus, son article 3 ménage la possibilité pour l'agence de s'appuyer « autant que de besoin sur le réseau diplomatique, les lycées français à l'étranger et les alliances françaises ».

Enfin, se pose la question de la dénomination de la future agence chargée de la coopération culturelle.

Contrairement aux autres pays et, à l'exception du réseau des Alliances françaises, le modèle français se caractérise par une très grande variété d'appellations de ses établissements culturels à l'étranger. Afin d'améliorer la lisibilité et la cohérence de notre réseau, l'idée d'un label unique, sur le modèle du British Council ou du Goethe Institut, a été avancée.

Plusieurs dénominations ont été proposées pour le nom de la future agence chargée de la coopération culturelle et éventuellement de ses antennes locales.

Le ministre des affaires étrangères et européennes avait, dans un premier temps, marqué sa préférence pour le nom d'Albert Camus. D'autres noms de grandes personnalités de la culture française avaient été suggérés, comme Victor Hugo, Jules Verne, Stendhal, Voltaire, Descartes ou Diderot. Les personnels du réseau culturel ont d'ailleurs été consultés sur le choix de cette dénomination, par la voie d'une consultation sur l'Intranet du ministère des affaires étrangères.

Lors de sa conférence de presse du 25 mars dernier, M. Bernard Kouchner a annoncé que la future agence pourrait s'intituler « Institut Français ».

Au cours de l'audition de M. Christian Masset, plusieurs membres de vos deux commissions se sont interrogés sur cette nouvelle appellation.

D'une part, la notion d'« Institut », qui semble-t-il est inspirée du terme allemand, peut paraître réductrice car revêtue d'une forte connotation immobilière et administrative, qui ne correspond pas à la vocation de l'agence de favoriser les échanges entre la culture française et les cultures locales.

D'autre part, on peut s'interroger sur l'opportunité de modifier pour la troisième fois en trois ans la dénomination de l'opérateur chargé de la coopération culturelle.

Le nom de « CulturesFrance » commence seulement à asseoir sa réputation à l'étranger. Est-il réellement pertinent de vouloir changer à nouveau d'appellation, alors même que l'objectif recherché est de renforcer la lisibilité et la visibilité de notre action culturelle à l'étranger ?

III. LES PROPOSITIONS DE VOS DEUX COMMISSIONS

Vos deux commissions se félicitent de la volonté exprimée par le ministre des affaires étrangères et européennes d'engager une réforme de l'action culturelle extérieure. Elles soutiennent, en particulier, le projet de création d'une agence, dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial et chargée de la coopération culturelle, qu'elles appellent de leurs voeux depuis déjà de nombreuses années.

Afin de contribuer au succès de cette réforme, vos deux commissions ont adopté les dix recommandations suivantes.

A. UN PILOTAGE STRATÉGIQUE CLAIREMENT IDENTIFIÉ, ASSORTI D'UNE CONCERTATION INTERMINISTÉRIELLE EFFECTIVE

1. Une agence de coopération culturelle placée sous l'autorité du ministre des affaires étrangères et d'un secrétaire d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures

Les conclusions de l'audit conduit par la Cour des comptes en 2006 sur la gestion de CulturesFrance sont sans équivoque : notre politique culturelle extérieure souffre d'un déficit de pilotage politique et administratif auquel il est urgent de remédier.

Vos deux commissions reconnaissent qu'une tutelle partagée entre les ministères des affaires étrangères et de la culture pourrait déboucher sur des lourdeurs administratives préjudiciables au fonctionnement du futur établissement public en charge de l'action culturelle extérieure.

En outre, il ressort des auditions conduites conjointement par vos deux commissions que l'engagement financier du ministère de la culture ne lui permet pas, aujourd'hui, de jouer un rôle véritablement proactif dans la définition des orientations stratégiques de notre politique culturelle extérieure sur un pied d'égalité avec le ministère des affaires étrangères. Dans ces conditions, elles prennent acte de ce que, dans les faits, la tutelle de l'association « CulturesFrance » est aujourd'hui pleinement assumée par le seul ministère des affaires étrangères .

Dès lors, vos deux commissions estiment souhaitable de placer la future agence culturelle sous une autorité politique et administrative clairement identifiée . Dans cet esprit, elles plaident pour que la tutelle de l'agence soit confiée au seul ministère des affaires étrangères.

Proposition n° 1 : Placer la future agence de coopération culturelle sous la tutelle du ministère des affaires étrangères.

Néanmoins, la relance de notre politique culturelle extérieure suppose que les spécificités et l'autonomie de la sphère des échanges artistiques internationaux soient réaffirmées au plus niveau de notre administration et que la coopération culturelle et linguistique ne soit plus le parent pauvre d'une politique de coopération et de développement plus globale .

La permanence d'un secrétariat d'État confondant francophonie et coopération et la constitution d'une direction d'état-major en charge de la mondialisation, du développement et des partenariats maintiennent le risque de voir notre politique de coopération culturelle et linguistique diluée, voire effacée au profit d'enjeux plus globaux, sans réelles visibilité et lisibilité sur les plans politique, administratif et surtout budgétaire.

En conséquence, vos deux commissions considèrent que la simplification de la tutelle politique de la future agence doit s'accompagner de la mise en place d'un secrétariat d'État chargé de la francophonie et des relations culturelles extérieures, placé auprès du ministre des affaires étrangères . C'est la condition du sursaut réclamé de très longue date par l'ensemble de nos personnels culturels en poste à l'étranger, inquiets de voir la rationalisation de notre dispositif culturel dans le monde, et les coupes budgétaires qui s'ensuivent, prendre systématiquement le pas sur les exigences de notre diplomatie culturelle désormais incapable de répondre au fort désir de France exprimé à l'étranger.

Pour ce faire, le secrétaire d'État chargé de la francophonie et des relations culturelles extérieures devrait bénéficier d'une délégation du ministre des affaires étrangères pour avoir la responsabilité de la gestion des crédits de la coopération culturelle et linguistique .

La pertinence de ce secrétariat d'État a longtemps été défendue par la commission des affaires culturelles du Sénat. En l'occurrence, ses membres estiment qu'il serait pertinent de revenir à la formule ministérielle inaugurée par Mme Catherine Tasca qui, de 1992 à 1993, fut secrétaire d'État à la francophonie et aux relations culturelles extérieures auprès du ministre des affaires étrangères.

De plus, vos deux commissions considèrent que l'audiovisuel extérieur de la France constitue un levier majeur de notre politique culturelle à l'étranger , et regrettent qu'il soit, encore aujourd'hui, très insuffisamment exploité , comme l'a souligné M. Bernard Faivre d'Arcier à l'occasion de son audition au Sénat. Dès lors, elles estiment que le secrétariat d'État chargé de la francophonie et des relations culturelles extérieures devrait se voir reconnaître, par délégation du ministre des affaires étrangères, la responsabilité du pilotage politique de notre audiovisuel extérieur et de son opérateur, à savoir la société holding Audiovisuel extérieur de la France . Il pourra, dans l'élaboration de la stratégie audiovisuelle extérieure de la France, s'appuyer sur la sous-direction de l'audiovisuel extérieur et des technologies de communication au sein de la direction de la politique culturelle et du français du ministère des affaires étrangères.

Vos deux commissions ont régulièrement dénoncé un déficit de pilotage stratégique clair en matière d'audiovisuel extérieur. Ainsi, notre ancien collègue, M. Louis de Broissia 30 ( * ) , regrettait, dans son rapport pour avis budgétaire sur les crédits de la mission « Médias » dans le projet de loi de finances pour 2008, que « notre audiovisuel extérieur souffre depuis vingt ans d'une absence totale de stratégie » et rappelait que « dans un domaine aussi essentiel pour notre rayonnement culturel, il appartient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités et de fixer un cap clair et précis à des structures qui donnent trop souvent l'impression de naviguer à vue ». Dans le même ordre d'idées, notre collègue M. Joseph Kergueris, dans son avis budgétaire sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2009, déplorait le « défaut de vision stratégique » de notre action audiovisuelle extérieure.

Il importe donc que les autorités chargées du pilotage politique et stratégique de l'audiovisuel extérieur de la France soient désormais clairement identifiées en la personne du ministre des affaires étrangères et de son secrétaire d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures 31 ( * ) .

Proposition n° 2 : Mettre en place un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures.

Ce pilotage stratégique renouvelé de notre action culturelle extérieure doit également s'appuyer sur un responsable administratif également clairement identifié . Si l'exercice de la tutelle de l'agence devrait logiquement incomber à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, cette dernière a vocation à s'appuyer en son sein, plus spécifiquement, sur sa direction de la politique culturelle et du français . A notamment été évoquée la possibilité de confier à une même personne les fonctions de directeur de la politique culturelle et du français au ministère des affaires étrangères et de président de l'établissement CulturesFrance, sur le modèle de ce qui est envisagé pour la réforme de la gouvernance du Centre national de la cinématographie 32 ( * ) . Vos deux commissions considèrent qu'il est encore beaucoup trop tôt pour se prononcer sur l'opportunité d'une telle configuration et que la réflexion sur ses avantages et ses inconvénients doit se poursuivre.

Vos deux commissions plaident également pour la prise en compte, dans l'élaboration et la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure, des spécificités des différentes zones géographiques concernées. En s'inspirant du fonctionnement du British Council et du Goethe Institut 33 ( * ) , il est nécessaire de réfléchir à la possibilité de doter la future agence chargée de la coopération culturelle de directions régionales lui permettant de décliner son action à l'étranger en fonction des attentes spécifiques à chaque grand ensemble géographique . Parallèlement, il incombe à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, responsable de la tutelle administrative de l'agence, de lui fixer, en amont, des orientations de politique culturelle extérieure ciblées sur chacun de ces grands ensembles géographiques.

2. Un conseil d'orientation stratégique, espace de concertation interministériel

a) Associer le ministère de la culture et les autres ministères concernés à l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger

Une place privilégiée dans l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger doit être aménagée tant pour le ministère de la culture que pour les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Vos deux commissions rappellent qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-994 du 25 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication , ce dernier « met en oeuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l'État destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie . Il contribue à l'action culturelle extérieure de la France et aux actions relatives aux implantations culturelles françaises à l'étranger ». Le ministère de la culture doit donc avoir toute sa place dans l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger ; en conséquence, vos deux commissions estiment qu'une place privilégiée doit lui être consentie aussi bien au niveau de l'élaboration de notre politique culturelle extérieure qu'au sein des organes dirigeants du futur établissement public.

La négociation interministérielle devrait se traduire, dans un premier temps, par un meilleur équilibre entre le nombre de représentants du ministère des affaires étrangères et celui du ministère de la culture au sein du conseil d'administration du futur établissement public .

Le conseil d'administration a également vocation à comprendre des représentants des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche. À ce titre, tous les ministères représentés au conseil d'administration du futur établissement public devraient signer le contrat d'objectifs et de moyens le liant à l'État.

D'autre part, la négociation interministérielle doit également s'effectuer bien en amont, dans le cadre d'un conseil d'orientation stratégique réunissant périodiquement les représentants des différents ministères concernés. Il est en effet indispensable qu'un espace de discussion interministériel soit aménagé pour que d'autres ministères puissent participer, de façon effective et régulière 34 ( * ) , à la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger.

b) Impliquer les collectivités territoriales dans la définition de notre politique culturelle extérieure

L'action extérieure des collectivités territoriales est devenue incontournable dans la pratique des relations internationales chez l'ensemble de nos partenaires européens : comme le soulignait la présidence française de l'Union européenne en 2008, « la coopération décentralisée entre villes et régions, quel que soit le niveau territorial considéré, dispose aujourd'hui de moyens parfois supérieurs à ceux des États » 35 ( * ) .

Issue d'une longue tradition de jumelages, la coopération décentralisée a connu, en France, une montée en puissance significative depuis que son principe a été consacré par la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 pour l'administration territoriale de la République : les collectivités et leurs groupements se sont ainsi vu reconnaître la possibilité de conclure des conventions avec les collectivités territoriales étrangères « dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ».

Le dispositif de soutien et d'accompagnement de l'action extérieure des collectivités territoriales a été complété, en 2007, par la loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements , votée à l'initiative de notre collègue M. Michel Thiollière, qui modifie le code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités territoriales de conclure, dans le respect des engagements internationaux de la France, des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement et pour mettre en oeuvre ou financer, si l'urgence le justifie, des actions à caractère humanitaire.

Dans ces conditions, les collectivités territoriales françaises ont multiplié les accords de coopération avec leurs homologues étrangers, dont les volets culturels leur permettent notamment de mobiliser les milieux artistiques et éducatifs locaux au travers de projets concrets. Principalement orientée vers l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche, la coopération culturelle décentralisée peut également concerner les domaines du tourisme durable, de la préservation du patrimoine et du développement des institutions et des industries culturelles.

Fondée sur une logique d'échanges et d'intérêt réciproque , la coopération décentralisée constitue ainsi un levier d'action exceptionnel pour donner une traduction concrète à la promotion de la diversité culturelle , axe fondamental de notre politique extérieure.

Toutefois, la coordination entre l'État et les collectivités territoriales dans la conduite de notre politique culturelle extérieure apparaît insuffisante .

Les mécanismes de coordination entre l'action culturelle extérieure menée par l'État et la coopération culturelle décentralisée

Le ministère des affaires étrangères encourage la coopération décentralisée en offrant aux collectivités territoriales les services de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT), rattachée au directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, les co-financements qu'il met en place, ainsi que les services de son réseau d'ambassades et des experts des directions du Quai d'Orsay. Grâce à des appels à projets lancés chaque année, la DAECT apporte un soutien financier à de nombreux projets menés par les collectivités territoriales françaises. Elle soutient également les réseaux nationaux ou les structures de concertation ou de coordination régionale.

Dans le domaine plus spécifiquement culturel, l'opérateur CulturesFrance et les collectivités territoriales ont institué un cadre d'action afin de développer des actions communes pour le développement de projets à l'international.

En 2008, CulturesFrance gérait 23 conventions de partenariats , pour la plupart triennales et financées à parts égales, avec les collectivités territoriales françaises (villes, communautés d'agglomération, départements, régions) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). La mise en commun des moyens et des expertises permet de faire découvrir, à l'étranger, des artistes fortement implantés dans leur ville ou leur région, d'accueillir en retour, sur le territoire français, des créateurs du monde entier et de tisser des liens durables entre équipes artistiques françaises et étrangères. Les projets de coopération (actions de formation, coréalisations, échanges d'artistes en résidence, etc.) sont privilégiés, le dispositif permettant également d'accompagner des projets de promotion, de diffusion et d'échanges artistiques.

En 2008, le budget global affecté aux conventions CulturesFrance-Collectivités territoriales s'élevait à 2,205 millions d'euros dont 1,105 million d'euros pour CulturesFrance.

Source : CulturesFrance et ministère des affaires étrangères et européennes.

Toutefois, vos deux commissions estiment que les risques de chevauchement ou de contradiction entre la politique culturelle extérieure de l'État et l'action extérieure des collectivités territoriales demeurent. Il est, par conséquent, indispensable de renforcer la coordination entre ces deux composantes de notre action culturelle à l'étranger.

Elles estiment nécessaire de s'appuyer sur une charte définissant les principes généraux de l'action des collectivités territoriales à l'étranger, permettant de concilier la libre administration de ces dernières et le caractère régalien de notre diplomatie culturelle .

Dans cette logique, en même temps que les interventions des collectivités territoriales devraient faire l'objet de consultations préalables auprès du ministère des affaires étrangères, ce dernier devrait être encouragé à mettre tout en oeuvre pour faciliter les échanges artistiques entre les collectivités françaises et étrangères, notamment en matière de délivrance de visas aux artistes concernés.

Surtout, vos deux commissions estiment indispensable d'associer les collectivités territoriales à l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger, en garantissant leur participation au conseil d'orientation stratégique évoqué précédemment.

Proposition n° 3 : Impliquer davantage le ministère de la culture et les autres ministères concernés ainsi que les collectivités territoriales dans la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger au sein d'un conseil d'orientation stratégique.

c) Associer les milieux culturels et artistiques à la mise en oeuvre de notre action culturelle à l'étranger

Pour l'élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l'étranger, le président de l'agence pourrait également s'appuyer sur un comité scientifique qu'il présiderait afin d'assurer l'information régulière des différents secteurs intéressés et, en tant que de besoin, d'organiser toute concertation qu'il estime utile. Ce comité scientifique devrait également comprendre des représentants des Alliances françaises ainsi que des représentants des collectivités territoriales .

Proposition n° 4 : Créer un comité scientifique auprès de l'opérateur afin d'associer en amont et en aval les milieux culturels et artistiques, les Alliances françaises ainsi que les collectivités territoriales à la mise en oeuvre de notre diplomatie culturelle.

Enfin, vos deux commissions insistent pour que la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger prenne en compte les deux éléments fondamentaux suivants : la dimension européenne et la promotion de la diversité culturelle sur le fondement de la convention de l'UNESCO d'octobre 2005.

En effet, vos deux commissions sont convaincues que la reconnaissance de la culture comme une composante à part entière de notre diplomatie ne peut s'imposer sans mettre en avant la dimension européenne de notre action extérieure. La France est appelée à jouer un rôle de premier plan dans la construction d'une Europe politique où la culture doit être un des fondements de l' « unité dans la diversité » .

Comme le rappelait notre collègue M. Yves Dauge, dans un contexte de crise démultiplié (crise financière, énergétique et alimentaire), la France est également attendue au tournant sur la réalité et la sincérité des principes qui forgent sa diplomatie d'influence , au premier rang desquels figurent la diversité culturelle et le multilatéralisme. La France, en partenariat avec d'autres pays, et notamment les pays francophones, a un rôle essentiel à jouer dans la défense du « bien public mondial de la diversité culturelle ».

B. UN PÉRIMÈTRE D'INTERVENTION COHÉRENT, CENTRÉ SUR LE CoeUR DE MÉTIER DE L'AGENCE

Vos deux commissions redoutent que l'élargissement du champ de compétences de la future agence à la coopération universitaire, scientifique et technique affaiblisse sa vocation culturelle première. Il y a, en particulier, des raisons de craindre que cet aspect de la coopération internationale soit prioritaire par rapport aux échanges proprement artistiques et qu'il en résulte un déséquilibre en termes d'arbitrages budgétaires dans le fonctionnement de l'agence.

Dans le cadre d'une mondialisation marquée par une compétition accrue dans le domaine des idées et de la formation des élites, vos deux commissions ne nient pas que la conduite d'une diplomatie d'influence efficace exige d'articuler ensemble les leviers culturel et linguistique mais aussi universitaire, scientifique et technique. C'est au demeurant dans cette logique que s'inscrit la recommandation formulée par le Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 qui préconise d' asseoir la mise en oeuvre de notre diplomatie d'influence sur trois opérateurs distincts : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, une agence en charge de l'action culturelle extérieure et une agence en charge de la mobilité et de l'expertise internationales.

Les champs de compétences bien délimités de ces trois opérateurs ne feront naturellement pas obstacle à ce que des synergies s'opèrent sur le terrain, notamment via la mutualisation de leurs moyens et de leurs locaux. C'est du reste déjà le cas dans certains pays où les EspacesFrance en cours d'expérimentation devraient accueillir des antennes locales de CampusFrance. Ce type de synergies a vocation à se généraliser sur le terrain, à l'image du regroupement annoncé par le ministre des affaires étrangères sur un même site à Paris des trois opérateurs au sein d'une « maison des opérateurs ».

Pour ces raisons, vos deux commissions se prononcent pour un périmètre d'intervention raisonnable et cohérent pour l'agence en charge de l'action culturelle extérieure, qui préserve la spécificité des échanges artistiques par rapport à la coopération universitaire et scientifique , comme le recommandait la révision générale des politiques publiques dans sa décision précitée.

En l'espèce, aux missions de CulturesFrance détaillées dans l'article 1 er des statuts de l'association, principalement tournées vers la promotion des expressions artistiques contemporaines , pourraient également s'ajouter la diffusion de la langue française , qui constitue l'un des coeurs de métier de nos instituts et centres culturels à l'étranger, ainsi que la promotion du patrimoine audiovisuel français .

Enfin, il serait également souhaitable d'établir une coopération étroite entre la société holding Audiovisuel extérieur de la France et le futur établissement public en charge de coordonner l'exécution de l'action culturelle extérieure de la France.

Proposition n° 5 : Confier à la future agence les missions exercées jusqu'à présent par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient la diffusion de la langue française et la promotion du patrimoine audiovisuel français. En revanche, la coopération universitaire, scientifique et technique devrait en être exclue et être confiée à un opérateur distinct.

C. UN LIEN RENFORCÉ ENTRE L'OPÉRATEUR ET LE RÉSEAU CULTUREL À L'ÉTRANGER

La future agence doit avoir les moyens de décliner son action dans les pays d'accueil, et doit donc logiquement pouvoir disposer d'antennes locales.

Vos deux commissions estiment nécessaire que la future agence puisse s'appuyer, en tant que de besoin, sur le réseau culturel français à l'étranger.

Ce lien pourrait aller, progressivement, jusqu'au rattachement des établissements culturels à autonomie financière à l'agence, rattachement qui s'accompagnerait du transfert de la gestion de leurs personnels.

À l'heure où notre réseau culturel fait l'objet d'un redéploiement afin d'éviter tout doublon avec le réseau des Alliances françaises, et au moment où les efforts pour renforcer la lisibilité et la visibilité de notre action culturelle extérieure se multiplient, il n'est, à l'évidence, pas souhaitable de développer un réseau distinct d'antennes locales de la future agence qui n'introduirait qu'une confusion supplémentaire au sein de notre réseau diplomatique .

À l'appui du rattachement du dispositif culturel français à l'étranger à l'opérateur en charge du rayonnement culturel, on peut rappeler le souhait de la révision générale des politiques publiques de voir enfin émerger un label unique de l'action culturelle extérieure . De plus, la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France s'est clairement prononcée en faveur du rattachement de la gestion du réseau culturel à la future agence culturelle :

Extraits du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France

« Si, par principe, la gestion par opérateur paraît préférable dès lors qu'il s'agit de la fourniture de services au public, une condition indispensable de son efficacité est que cet opérateur soit pleinement responsable de la mise en oeuvre de la politique qui lui est confiée. Cela suppose notamment que le réseau culturel et le personnel qui le compose relèvent du futur opérateur , ce qui n'est pas envisagé actuellement. En outre, il n'existe pas aujourd'hui de structure qui puisse jouer le rôle d'un opérateur de plein exercice, CulturesFrance n'ayant ni la taille ni les capacités de gestion nécessaires. Enfin, les différents statuts aujourd'hui concevables pour un éventuel opérateur de la politique culturelle extérieure ne permettent que difficilement de combiner le caractère régalien qu'elle a dans notre tradition (et qui rend peu transposable à la France la délégation à une structure privée comme le British Council) et une gestion réellement assouplie, sauf à recourir à un EPIC, comme cela a été suggéré .

Au total, la Commission encourage le MAEE à poursuivre le regroupement amorcé des services d'action culturelle et des centres, à en évaluer les résultats et, dans l'intervalle, si l'orientation - que la Commission juge souhaitable en principe - en est confirmée, à travailler à la constitution d'un opérateur capable effectivement de prendre en charge la gestion du réseau . En tout état de cause, une telle réforme pour être efficace devrait impérativement préserver trois atouts du système existant :

- la prise en compte de la demande locale, qui est favorisée par la déconcentration du système et permet de différencier l'offre et les modes de gestion selon les pays ;

- l'autonomie financière dont bénéficient localement les centres et instituts et qui les encourage à s'autofinancer ;

- et l'articulation de leur action avec les priorités politiques dont l'ambassadeur a la charge. »

La mise à la disposition d'un établissement public à caractère industriel et commercial de services déconcentrés de l'État à l'étranger a connu un précédent dans la mise en oeuvre, progressive, du transfert du réseau commercial des missions économiques à l'étranger du ministère de l'économie à l'opérateur Ubifrance chargé de la politique de soutien au développement international des entreprises françaises. Ce transfert s'accompagne notamment du rattachement, échelonné sur trois ans de 2009 à 2011, des équipes commerciales des missions économiques et de leurs moyens de fonctionnement à l'EPIC Ubifrance.

Proposition n° 6 : Rattacher à l'agence le réseau culturel en faisant, à terme, des établissements culturels à autonomie financière les représentations locales de l'agence.

Vos deux commissions considèrent qu'un tel transfert doit s'opérer dans le strict respect de la recommandation du Conseil de modernisation des politiques publiques, en date du 4 avril 2008, qui prône un renforcement de l'autorité de l'ambassadeur sur toutes les composantes de l'État : « sur le terrain, l'ambassadeur a vocation à animer et diriger les différentes composantes de l'action extérieure de l'État ».

Vos deux commissions estiment qu' il n'y a pas d'obstacle, a priori , à ce que l'ambassadeur exerce son autorité sur les agences locales dépendant d'un EPIC . À titre d'exemple, le décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 modifié relatif à Ubifrance précise, dans son article 2-1, que l'action des services à l'étranger d'Ubifrance (qui continuent, du reste, à faire partie des missions diplomatiques) s'exerce dans le strict respect de la mission de coordination et d'animation assurée par l'ambassadeur conformément à l'article 3 du décret n° 79-433 du 1 er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'État à l'étranger. L'ambassadeur se voit notamment reconnaître un droit de regard sur l' affectation des agents dépendant de l'opérateur Ubifrance à l'étranger.

Comme cela sera le cas à Paris entre un Quai d'Orsay stratège et une agence opératrice, un équilibre doit être trouvé au niveau de chaque « EspaceFrance » entre le rôle de stratège et de tutelle politique incombant à l'ambassadeur et les activités opérationnelles relevant de la seule agence.

Dans cette hypothèse, le lien entre l'ambassadeur et l'opérateur sur le terrain pourrait utilement s'inspirer du pragmatisme des solutions, qui varient selon les situations locales, pour les établissements de l'AEFE. Pour ces derniers, la participation de l'ambassadeur et du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) aux conseils d'administration ou aux commissions de bourses des établissements scolaires se passe, en général, de façon satisfaisante, le chef de poste diplomatique n'ayant pas le sentiment que les affaires de l'AEFE lui échappent, même s'il ne dispose pas d'un droit de regard sur la gestion quotidienne des établissements qui conservent une marge d'autonomie significative.

Afin d'articuler au mieux les responsabilités stratégiques de l'ambassadeur et les responsabilités opérationnelles de l'agence, on peut envisager la mise en place, auprès de chaque antenne locale, d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé sous la présidence de l'ambassadeur, celui-ci intervenant très en amont de la réflexion stratégique, sans se livrer par la suite à du micro-management.

Proposition n° 7 : Consacrer le rôle de l'ambassadeur dans la déclinaison de notre action culturelle extérieure au niveau local, en lui confiant le cas échéant la présidence d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé auprès de chaque établissement culturel.

Cette nouvelle configuration suppose également de repenser le rôle du conseiller de coopération et d'action culturelle. Dans certains pays, il est effectivement envisageable de placer les « EspacesFrance » en tant qu'antennes locales de l'EPIC sous la direction du conseiller culturel. Toutefois, dans d'autres pays, il apparaît nécessaire de dissocier les fonctions de conseiller culturel et de directeur d'établissement culturel à autonomie financière : dans ce cas, le directeur de l'antenne locale de l'agence devra toujours rendre compte de ses activités devant l'ambassadeur, ne serait-ce qu'au titre du contrat d'objectifs et de moyens liant l'agence à l'État.

Enfin, le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre l'EPIC CulturesFrance et les Alliances françaises . Aujourd'hui, malgré leur autonomie et leur statut de droit local, les Alliances françaises sont très étroitement associées à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure, dans le cadre de conventions-cadres signées avec le ministère des affaires étrangères. Ce type de relations conventionnelles a vocation à se poursuivre après la mise en place du futur établissement public en charge de la coopération culturelle et linguistique.

Proposition n° 8 : Associer les Alliances françaises à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure sur un mode partenarial.

D. POUR UNE GESTION RÉNOVÉE DES RESSOURCES HUMAINES

L'ensemble des personnes auditionnées par la commission se sont prononcées en faveur d'une refonte majeure de la politique des ressources humaines de notre réseau culturel à l'étranger . De nombreuses inquiétudes ont été exprimées en effet par les personnels en poste à l'étranger :

- la formation et la professionnalisation des personnels sont ressenties comme très insuffisantes . À titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière ;

- la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeure relativement courte , trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol ;

- les diplomates de carrière, qui se voient réserver les fonctions de conseiller culturel des ambassades ou de directeur d'établissement culturel, ont généralement tendance à obéir à une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil .

Vos deux commissions estiment dès lors que le renouvellement de la politique des ressources humaines de notre dispositif culturel à l'étranger doit privilégier les priorités suivantes :

- le rattachement du réseau culturel à l'opérateur implique le transfert des agents culturels en poste vers l'opérateur . Ce transfert pourrait s'effectuer sur le modèle d'Ubifrance , dont les responsables n'ont cependant pas caché la complexité de la gestion d'une période de transition pouvant durer de deux à trois ans ;

- la future agence est appelée à prendre en charge la formation initiale et continue des personnels en postes dans le réseau culturel , dans les domaines relevant de sa compétence. À l'évidence, aux cinq jours de formation initiale aujourd'hui consentis aux personnels affectés en poste à l'étranger devra se substituer une période de formation initiale mieux adaptée aux besoins du poste. À cet égard, M. Bernard Faivre d'Arcier recommandait une durée moyenne de formation initiale de quatre semaines ;

- la continuité des parcours professionnels au sein du réseau culturel doit être améliorée. À ce titre, la durée d'immersion dans un pays d'accueil doit être augmentée pour s'aligner sur les règles en vigueur chez la plupart de nos partenaires (idéalement cinq ans) . En contrepartie, des efforts doivent être déployés pour que les personnels en poste à l'étranger se voient offrir la possibilité de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. À cet égard, il est possible de s'inspirer du parcours de formation mis en place par le Goethe Institut 36 ( * ) ;

- une réflexion doit s'engager sur la possibilité de faire émerger, au sein de la fonction publique d'État, une spécialisation des carrières en lien avec la coopération culturelle, en s'appuyant sur un éventuel profil « communication et influence », suggéré par la commission du Livre blanc, qui pourrait couvrir la communication et les politiques en matière de culture, d'enseignement et d'attractivité ;

- l'émergence éventuelle d'un tel profil professionnel doit s'accompagner d'un renforcement de la mobilité interne (entre les administrations des ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche) et externe (par le recrutement de personnes issues de l'Université ou du secteur privé) ;

- souscrivant en cela à une recommandation du Livre blanc, vos deux commissions estiment indispensable d'améliorer la politique d'affectation et la gestion des carrières sur la base d'une charte de la gestion des ressources humaines qui intègrerait une plus grande objectivité des critères de sélection et une transparence accrue des procédures de nomination .

Selon vos deux commissions, seul le transfert de la gestion des ressources humaines du réseau culturel à l'agence permettrait de mettre en oeuvre ces axes de rénovation .

La gestion des personnels du réseau culturel par l'agence serait, en effet, pour elle un moyen de disposer de la pleine maîtrise de ses outils de mise en oeuvre de la politique culturelle de la France à l'étranger . Dès lors, il apparaît indispensable de permettre à l'agence de jouer sur les leviers de la formation initiale et continue, de la professionnalisation des métiers de l'action culturelle extérieure et de la continuité des parcours et des carrières au sein du réseau.

Cela suppose en particulier que l'agence se voie confier à terme la responsabilité, en étroite collaboration avec l'ambassadeur , des affectations, des mutations et du recrutement des personnels relevant de sa compétence dans les établissements culturels à autonomie financière, notamment en ce qui concerne les personnels d'encadrement (c'est-à-dire les directeurs de centres). Elle pourrait, dès lors, jouer sur les deux leviers suivants : la durée d'immersion et les procédures d'affectation .

Le transfert de la gestion des personnels à l'agence pose un certain nombre de difficultés qu'il convient d'analyser.

D'une part, un problème d'ordre pratique dans la mesure où un certain nombre d'agents de notre réseau culturel exercent également des activités liées à la promotion des échanges universitaires, mission qui devrait prochainement relever d'un opérateur distinct chargé de la mobilité et de l'expertise internationales.

D'autre part, une difficulté d'ordre juridique tenant à la grande variété de statuts des personnels du réseau culturel, parmi lesquels on recense notamment :

- 3 200 contractuels de droit français ;

- des personnels titulaires détachés ou mis à disposition dans les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et dans les instituts et centres culturels à l'étranger ;

- des recrutés locaux dans les services culturels des ambassades (SCAC) ;

- 4 700 recrutés locaux 37 ( * ) des instituts et centres culturels à l'étranger. Ces derniers étant des établissements culturels à autonomie financière (EAF), ils disposent d'une large autonomie de gestion qui leur confère une relative maîtrise de leurs emplois contractuels dans la limite des crédits de fonctionnement disponibles.

Cependant, ces deux difficultés méritent d'être relativisées .

En pratique, il ne semble pas impossible de distinguer, au sein des personnels du réseau culturel, ceux relevant de l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et ceux relevant du futur opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationales. À cet égard, l'expérience du transfert progressif d'une partie des services déconcentrés du ministère de l'économie à l'étranger à l'EPIC Ubifrance laisse penser que ce type de difficulté pratique peut être surmonté : au sein même des missions économiques de la France à l'étranger ont pu être identifiées les activités de nature commerciale des autres services de prospective économique et financière, préalablement au transfert des agents concernés à Ubifrance.

En outre, l'exemple d'Ubifrance nous enseigne que la diversité des statuts ne constitue pas nécessairement un obstacle insurmontable.

Au total, les deux principaux défis qu'emporte le transfert de la gestion des personnels culturels en poste à l'étranger à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique peuvent être résumés de la façon suivante :

- à la différence de l'expérience d'Ubifrance (qui est appelé, à terme, à gérer un total d'environ 1 500 agents), la future agence pourrait se voir confier la responsabilité de la carrière de plusieurs milliers d'agents aux statuts disparates et évolutifs ;

- la volonté affichée par le ministère des affaires étrangères de rendre son réseau culturel et de coopération plus « polyvalent », pour répondre aux enjeux de la mondialisation dans leur globalité, ne doit pas faire obstacle à la reconnaissance de la vocation culturelle première des personnels gérés par l'agence .

Afin de relever ces défis, le transfert de la gestion des personnels du réseau culturel à l'agence suppose une volonté politique forte des pouvoirs publics de doter l'agence des moyens suffisants pour mettre en oeuvre une politique rénovée en profondeur des ressources humaines.

En tout état de cause, l'importance des emplois contractuels au sein de notre réseau culturel à l'étranger implique que leur transfert à l'agence s'effectue de façon souple, progressive et, le cas échéant, en aménageant une certaine marge de choix pour les agents concernés, à l'image de ce qui a pu prévaloir pour Ubifrance.

À tout le moins, il devrait être explicitement prévu que le transfert des agents du réseau culturel vers l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique devrait s'opérer dans le respect des conditions de statut et d'emploi qui sont les leurs .

De plus, la gestion par l'agence des personnels culturels en poste à l'étranger ne doit pas signifier son autonomie totale dans ce domaine vis-à-vis de son autorité de tutelle et notamment de son représentant au niveau local, à savoir l'ambassadeur. En s'inspirant de l'exemple d'Ubifrance, il pourrait être envisagé que les affectations et les mutations des responsables des établissements culturels à autonomie financière soient soumises à l' avis de l'ambassadeur et que ce dernier instruira les demandes d'affectation des personnels affectés par l'agence dans ses bureaux à l'étranger. Le maintien d'un droit de regard du chef de poste diplomatique sur les affectations dans les établissements culturels à autonomie financière, en particulier sur le choix de leurs directeurs , garantira ainsi que l'action des représentations locales de l'agence s'exercera dans le strict respect de la mission de coordination et d'animation du réseau qui incombe à l'ambassadeur en vertu de l'article 3 du décret du 1 er juin 1979.

Proposition n° 9 : Transférer progressivement la gestion des personnels du réseau culturel à la future agence, en lui confiant notamment la responsabilité de la formation initiale et continue et de la continuité des parcours et des carrières.

E. DES MOYENS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS

Comme cela a déjà été souligné précédemment, l'action culturelle extérieure a fait l'objet de fortes baisses de crédits, de l'ordre de 10 % en 2009, et, selon la loi de programmation triennale, cette diminution devrait se poursuivre en 2010 et en 2011. Cette dégradation budgétaire programmée avait été unanimement et vigoureusement dénoncée par vos deux commissions lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

Au moment où nos partenaires et concurrents britanniques et allemands, et même espagnols et chinois, augmentent fortement les moyens consacrés à leurs établissements culturels à l'étranger, n'est-il pas surprenant que notre pays diminue aussi drastiquement les financements consentis à sa diplomatie culturelle ?

À cet égard, l'ouverture de 40 millions d'euros de crédits en faveur de notre dispositif culturel à l'étranger, annoncée par le ministre des affaires étrangères au début de l'année 2009, demeure très insuffisante au regard des défis qui se posent à la relance de notre politique culturelle extérieure. En tout état de cause, elle ne permet pas de couvrir les diminutions de crédits programmées pour les deux prochaines années.

Vos deux commissions appellent donc à un effort budgétaire substantiel en faveur de l'action culturelle extérieure et se mobiliseront dès cet été, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, pour inviter le Gouvernement à revenir sur la diminution programmée des moyens de notre réseau culturel.

À l'évidence, la création du futur établissement public en charge de la coopération culturelle et linguistique annoncée pour l'automne 2009 devra nécessairement s'accompagner des moyens suffisants pour garantir la mise en oeuvre effective de cette réforme attendue de très longue date .

Proposition n° 10 : Doter notre action culturelle extérieure de moyens budgétaires et humains à la hauteur de ses ambitions.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont examiné le présent rapport lors de leur réunion du 10 juin 2009.

À la suite de la présentation des deux rapporteurs, un débat s'est engagé au sein des deux commissions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est félicitée de ce que le Sénat ait manifesté un intérêt constant pour l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Souscrivant aux constats formulés par les rapporteurs, elle a ensuite détaillé sa position, partagée par Mme Catherine Tasca , sur les différentes propositions du rapport :

- les propositions des présidents des deux commissions sur la rénovation du cadre institutionnel de la diplomatie culturelle française vont dans le bon sens. La constitution d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures devrait permettre notamment de développer des synergies entre les différents leviers de l'action culturelle de la France à l'étranger. L'effort de mise en cohérence de la politique culturelle extérieure de la France sera renforcé aussi bien par la consécration de l'unité de la tutelle de la future agence culturelle que par la mise en place d'outils de concertation interministérielle et de consultation de la société civile, tels que le conseil d'orientation stratégique et le comité scientifique ;

- la gestion des personnels culturels en poste à l'étranger et leur formation constituent deux préoccupations centrales de la réforme. Dans ce domaine, une collaboration étroite doit être envisagée avec le ministère de la culture afin notamment de développer des passerelles entre le réseau culturel français à l'étranger et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). L'accent doit être mis, en particulier, sur la continuité des parcours professionnels dans le domaine de l'action culturelle extérieure ainsi que sur la valorisation des compétences acquises sur le terrain ;

- il n'est pas concevable que la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique se limite à une simple structure parisienne totalement déconnectée du réseau culturel. C'est pourquoi Mme Monique Cerisier-ben Guiga a défendu le bien-fondé de la proposition n° 6 du rapport qui vise à confier, à terme, à l'agence le pilotage du réseau culturel de la France à l'étranger, selon un processus négocié et échelonné dans le temps. Elle a souligné la nécessité de prévenir tout risque d'autonomisation de l'agence vis-à-vis de sa tutelle, afin de ne pas répéter les errements de l'expérience de l'Agence française de développement (AFD) ;

- une coopération étroite doit être établie entre les Alliances françaises et les centres culturels français à l'étranger ; à cet égard, la coordination de nos multiples instruments d'influence culturelle à l'étranger doit être pilotée par des directions régionales de l'agence. En effet, si la mise en place d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures devrait conférer une plus forte impulsion centrale à l'élaboration d'une politique culturelle extérieure cohérente, cette dernière doit faire l'objet d'une mise en oeuvre qui tienne compte des spécificités des grands ensembles géographiques sous l'égide de structures régionales adaptées.

M. Yves Dauge a partagé le constat des rapporteurs selon lequel la stratégie culturelle de la France à l'étranger souffre depuis trop longtemps de l'absence d'une autorité de commandement clairement identifiée. Il a regretté que ce déficit de pilotage stratégique conduise à systématiquement considérer l'action culturelle extérieure comme une simple annexe de la diplomatie.

En outre, il a insisté pour que la définition de la stratégie culturelle de la France à l'étranger prenne en compte les deux éléments fondamentaux suivants : une dimension européenne renforcée et la promotion de la diversité culturelle sur le fondement de la convention de l'UNESCO d'octobre 2005.

En effet, la reconnaissance de la culture comme une composante à part entière de la diplomatie d'influence française ne pourra s'imposer sans mettre en avant la dimension européenne de l'action extérieure. De plus, dans un contexte de crise, la France est « attendue au tournant » sur la réalité et la sincérité des principes qui forgent sa diplomatie d'influence, au premier rang desquels figurent la diversité culturelle et le multilatéralisme.

M. Yves Dauge a également plaidé pour le rattachement progressif du réseau culturel et le transfert de la gestion de ses personnels à la future agence, afin que celle-ci ne se résume pas à une simple « coquille vide ». Cette évolution apparaît indispensable dès lors que le système actuel de gestion des personnels culturels en poste à l'étranger ne permet pas la poursuite harmonieuse des carrières au sein du réseau.

Enfin, il a souligné l'apport essentiel de la coopération décentralisée dans la conduite de l'action culturelle extérieure de la France : l'action extérieure des collectivités territoriales françaises constitue un levier exceptionnel au service de la promotion de la diversité culturelle en multipliant les échanges entre les milieux culturels français et étrangers au travers de projets concrets.

M. Joseph Kergueris a estimé que ce rapport d'information commun constituera une base solide à l'appui d'un projet politique fort et cohérent, largement consensuel, qui permettra en particulier aux deux commissions de défendre énergiquement les crédits de l'action culturelle extérieure lors de la préparation du budget. Il a fait valoir que les propositions des deux présidents sur le renforcement du pilotage politique et administratif de l'opérateur en charge de la coopération culturelle et linguistique et sur la rénovation de la gestion des ressources humaines du réseau culturel constituaient les deux points forts du rapport d'information. A cet égard, il a souligné la nécessité pour les deux commissions de se montrer fermes sur leurs propositions communes afin de les défendre efficacement, dans une démarche pédagogique, contre d'éventuelles réticences de la part de l'administration.

M. Ivan Renar a salué la qualité de la réflexion menée par les deux rapporteurs. Il a approuvé notamment le souhait qu'ils ont émis de voir se mettre en place un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures : cette clarification institutionnelle va dans le sens d'un renforcement de la lisibilité tant politique et administrative que budgétaire de l'action culturelle de la France à l'étranger. Il a toutefois insisté pour que le rapport développe les points suivants :

- un lien étroit doit être aménagé entre l'ambassadeur et les représentations locales de l'agence, en permettant notamment à l'attaché culturel de l'ambassade de superviser la mise en oeuvre de la politique culturelle de la France sur le terrain ;

- au moment où les États-Unis d'Amérique et la Chine se sont engagés dans une politique d'influence conquérante et audacieuse, la France se doit de revenir sur la diminution programmée des ressources consenties à sa diplomatie culturelle. Il a appelé les deux commissions à interpeller énergiquement le Gouvernement sur ce sujet ;

- la coopération décentralisée a vocation à devenir un instrument central dans la mise en oeuvre de la stratégie culturelle de la France à l'étranger, au service des échanges entre artistes français et étrangers au niveau local.

Mme Marie-Christine Blandin a considéré que le souci principal de la réforme devait être de faire en sorte que les spécificités de la coopération culturelle et linguistique ne se retrouvent pas diluées au sein de la politique conduite par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, essentiellement axée sur la compétition dans une mondialisation envisagée dans ses aspects économiques et commerciaux. Elle a estimé que les propositions des deux commissions en faveur du rattachement du réseau culturel et du transfert de la gestion de ses personnels à l'agence devaient être fermes et affichées clairement. Par ailleurs, elle s'est inquiétée de la diminution dramatique des moyens consentis au dispositif français d'action culturelle à l'étranger ; elle a relevé, à cet égard, que les collectivités territoriales étaient en passe de consacrer globalement plus de crédits à l'action culturelle extérieure que l'État. Elle a plaidé, enfin, pour une coopération étroite entre l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et les établissements d'enseignement français à l'étranger gérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

M. Jean-Pierre Leleux a salué l'excellent travail réalisé par les deux rapporteurs. Il a estimé que, face à la forte dégradation de la présence culturelle française à l'étranger et à l'influence croissante des instituts culturels britanniques, allemands, espagnols et chinois, un sursaut était indispensable.

Il a mentionné, en particulier, les difficultés rencontrées par les jeunes étudiants marocains pour obtenir un visa afin de poursuivre leurs études en France, ce qui les incite bien souvent à se tourner vers les centres culturels d'autres pays, comme l'Espagne.

Il a également insisté sur l'importance de la coopération décentralisée en matière d'échanges et de coopération dans le domaine culturel, en rappelant que, par le biais des collectivités territoriales, la France pourrait multiplier sa présence culturelle hors de ses frontières.

M. Louis Duvernois a également félicité les deux présidents pour leur rapport, dont les orientations se situent dans le droit fil de son propre rapport sur la stratégie culturelle extérieure de la France qu'il actualise. A la lumière des précédentes interventions, il a souligné qu'un large consensus semblait se dégager sur les orientations proposées et il a émis le voeu que les deux commissions adressent un message fort et unanime au Gouvernement et, en particulier, au ministère des affaires étrangères et européennes concernant la réforme du dispositif culturel français à l'étranger.

Il a regretté que, au cours de ces dernières années, quels qu'aient été les gouvernements ou les ministres en place, l'action culturelle extérieure n'ait pas suscité toute l'attention qu'elle méritait de la part du Quai d'Orsay. La création d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures constituerait, de ce point de vue, une avancée significative.

Il a également fait part des ses inquiétudes s'agissant des orientations actuelles concernant la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique, et, en particulier, des réticences manifestées par le ministère des affaires étrangères à ce que le réseau des établissements culturels à l'étranger ainsi que ses personnels soient rattachés à l'agence. Il a estimé que, si la mise en place de cette agence devait aboutir à une « coquille vide », le Parlement devrait s'y opposer, soulignant à cet égard que la gestion des personnels devrait être confiée à terme à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique. Il a indiqué qu'il était favorable à la limitation du périmètre de la future agence à la coopération culturelle, de manière à aboutir à trois opérateurs distincts en charge de l'influence culturelle et intellectuelle française à l'étranger : un nouvel opérateur serait chargé de la mobilité internationale ; il serait issu de la fusion entre CampusFrance, Egide et France Coopération Internationale, et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il conviendrait d'encourager les mutualisations et les synergies entre ces trois opérateurs, qui seraient regroupés à Paris au sein d'une « maison des opérateurs ».

Il a rappelé, à cet égard, que sa proposition de loi sur la transformation de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat.

Il a estimé que la création d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures ainsi que la mise en place d'une agence chargée de la coopération culturelle seraient de nature à relancer l'action culturelle extérieure.

A son tour, M. Jean Faure a souligné l'importance de ce rapport, dont il a indiqué partager les principales orientations. Il a toutefois estimé nécessaire d'impliquer davantage les collectivités territoriales dans l'élaboration de la stratégie culturelle à l'étranger, eu égard à l'importance croissante de la coopération décentralisée dans ce domaine. A ce titre, il a regretté l'insuffisante coordination entre l'action extérieure de l'État et celle des collectivités territoriales, les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les collectivités territoriales s'ignorant souvent mutuellement, ce qui entraîne parfois des chevauchements entre les initiatives et une moindre efficacité de la politique de coopération culturelle. Il a proposé l'élaboration d'une charte de la coopération décentralisée, dans laquelle les collectivités territoriales s'engageraient à informer au préalable les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les services du Quai d'Orsay des projets de coopération culturelle qu'elles entendent mener avec des institutions étrangères. Il a également regretté l'attitude restrictive de certains consulats en matière de délivrance des visas, qui peut entraîner des obstacles à la mise en oeuvre de projets conduits dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a indiqué que l'action culturelle extérieure ne pouvait pas reposer sur l'exportation du modèle culturel français mais sur un échange avec les cultures des pays d'accueil.

M. Jacques Blanc est allé dans le même sens en soulignant l'importance de la coopération décentralisée, tout en estimant indispensable de concilier le principe de libre administration des collectivités territoriales et la nécessité de renforcer la coordination de l'action culturelle à l'étranger. Il a indiqué partager les orientations du rapport concernant le projet de création d'une agence chargée de la coopération culturelle et linguistique.

M. Jean-Louis Carrère a également rendu hommage au travail réalisé par les deux rapporteurs et s'est déclaré en accord avec les principales orientations du rapport. Il a souhaité toutefois que ce rapport mette davantage l'accent sur la dimension européenne de l'action culturelle nationale, l'Union européenne ayant un rôle essentiel à jouer en matière de diversité culturelle dans le cadre de la mondialisation et face au risque consécutif d'un nivellement de la culture. Il a également souhaité que le rapport insiste davantage sur l'importance de la coopération décentralisée, jugeant que les collectivités territoriales devaient être associées non seulement à la mise en oeuvre de l'action culturelle à l'étranger, mais aussi à la définition de la stratégie à poursuivre dans ce domaine. Il a aussi fait part de ses préoccupations concernant la mauvaise image de la France à l'étranger véhiculée par la politique d'immigration du Gouvernement. Enfin, s'agissant des moyens budgétaires et humains consacrés à la diplomatie culturelle, il a indiqué avoir pris note des positions exprimées par les deux commissions en vue du futur débat d'orientation budgétaire et de la discussion de la prochaine loi de finances.

Mme Bernadette Bourzai a indiqué que, à l'occasion d'un déplacement en Roumanie, notamment dans la ville de Cluj, elle avait pu mesurer l'attente des Roumains à l'égard de la France et elle a déploré la diminution des moyens de la coopération culturelle avec ce grand pays membre de l'Union européenne, francophone et francophile.

Elle a également regretté la suppression de la subvention du ministère des affaires étrangères au festival des Francophonies en Limousin.

Mme Gisèle Gautier s'est félicitée du large consensus entre les deux commissions sur la nécessité de réformer en profondeur le dispositif français d'action culturelle à l'étranger. Au regard des déficiences multiples constatées, elle a estimé que les deux commissions devraient manifester leur détermination commune auprès des plus hautes autorités de l'État.

En réponse, M. Josselin de Rohan , président, a constaté que les principales orientations proposées semblaient recueillir un large consensus au sein des deux commissions.

Afin de tenir compte des observations formulées, et dans le souci de peser véritablement sur les décisions qui seront prises concernant la réforme de l'action culturelle extérieure, il a indiqué que le rapport insisterait davantage sur la dimension européenne de la coopération culturelle, qu'il insisterait clairement sur la nécessité de rattacher le réseau des établissements culturels et de confier la gestion des ressources humaines du personnel de ce réseau à la future agence chargée de la coopération culturelle et qu'il mettrait davantage l'accent sur la coopération décentralisée en proposant de mieux associer les collectivités territoriales à l'élaboration de la stratégie culturelle à l'étranger.

M. Jacques Legendre , président, s'est également félicité que les deux commissions soient parvenues à s'accorder sur des propositions communes concernant la réforme de l'action culturelle à l'étranger, en indiquant que sur certains aspects, comme la tutelle de la future agence chargée de la coopération culturelle, des divergences auraient pu apparaître entre les deux commissions, notamment sur les places respectives du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture.

Il a rappelé que la France avait été à l'origine du concept de diplomatie culturelle, dès la fin du XIXème siècle, et que notre pays avait un rôle essentiel à jouer concernant la diffusion de sa culture et de sa langue dans le monde et la promotion de la diversité culturelle.

Il a souligné à cet égard l'importance de la mise en place d'un secrétariat d'État à la francophonie, à l'audiovisuel extérieur et aux relations culturelles extérieures ainsi que celle des échanges culturels, notamment par le biais des saisons culturelles croisées, à l'image de l'année du Brésil en France en 2009 ou de l'année de la Russie en 2010.

S'agissant des orientations du rapport, et afin de favoriser un large consensus entre les deux commissions, il s'est également déclaré favorable à ce que le rapport mette davantage l'accent sur le rôle des milieux culturels et artistiques, ainsi que sur celui des collectivités territoriales non seulement dans la mise en oeuvre, mais aussi dans la définition des priorités stratégiques de l'action culturelle à l'étranger. Il a rappelé, à ce titre, qu'une proposition de loi avait été adoptée, à l'initiative de M. Michel Thiollière, et que son prédécesseur à la présidence de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, avait été désigné ambassadeur itinérant pour l'Asie plus particulièrement chargé de la coopération décentralisée.

M. Jacques Legendre , président, s'est déclaré favorable à ce que le réseau des établissements culturels à l'étranger ainsi que la gestion des ressources humaines du personnel de ce réseau soient rattachés à cette agence. Il a indiqué, à cet égard, que l'agence devait conserver des liens étroits avec le ministère des affaires étrangères qui exercera seul la tutelle sur cette agence.

M. Ivan Renar , au nom du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et M. Jean-Louis Carrère , au nom du groupe socialiste, ont alors indiqué que, compte tenu de la prise en compte de leurs observations, les membres de leur groupe respectif voteraient les recommandations proposées par les deux rapporteurs.

A l'issue de ce débat, et en tenant compte des observations précédemment formulées, la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont adopté à l'unanimité les recommandations proposées par les deux rapporteurs et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE - COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

Audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris

(12 mars 2009)

La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris.

M. Josselin de Rohan, président, a remercié M. Paul de Quincey et M. Berthold Franke d'avoir accepté de venir présenter devant les deux commissions le statut, l'organisation et le fonctionnement du British Council et du Goethe Institut.

M. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, a rappelé que le British Council avait été créé en 1934 et que le premier centre en France avait été fondé à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Bien que le statut du British Council soit celui d'une organisation d'utilité publique à but non lucratif (« registered charity ») et qu'il soit indépendant du Gouvernement, il travaille toutefois en relation étroite avec le ministère des affaires étrangères britannique. Ainsi, le directeur du British Council de Paris est également le conseiller culturel de l'ambassade du Royaume-Uni en France.

Le budget du British Council s'élève à près de 627 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 35 % proviennent de subventions du ministère des affaires étrangères britannique. Le taux d'autofinancement est donc de 65 %. Les revenus propres du British Council proviennent des cours de langue ou de la délivrance des diplômes (277 millions d'euros) et de financements publics et privés, comme l'administration des projets pour tierces parties et le mécénat (127 millions d'euros).

Le British Council dispose d'environ 220 implantations dans 109 pays. La tendance actuelle est une réorganisation du réseau à l'intérieur des onze grandes régions, avec une diminution du nombre des sites en Europe et un redéploiement en Asie et au Proche-Orient

En 2005, le British Council a publié un document sur ses objectifs et la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour les réaliser, intitulé « Making a world of difference - Cultural relations in 2010 ». Ce document fixe trois grandes priorités : le dialogue interculturel, l'économie de la connaissance et le changement climatique.

Les priorités géographiques font l'objet, chaque année, de discussions avec le ministère des affaires étrangères. Le directeur d'un British Council rend compte de son programme à la direction régionale dont il relève ou à un directeur adjoint de Londres. Les ambassadeurs des pays concernés sont simplement consultés.

Le British Council met également en oeuvre des projets multilatéraux, par exemple sur les relations transatlantiques ou les communautés musulmanes en Europe.

Les centres du British Council sont exclusivement consacrés aux cours de langue. Aucune programmation culturelle n'y est organisée. Toutes les expositions, tous les spectacles, toutes les conférences sont organisées en partenariat avec des institutions françaises et se déroulent « hors les murs ».

M. Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris, a indiqué que l'Institut Goethe avait été fondé dans les années 1950.

Il s'agit d'un établissement à but non lucratif, qui est totalement indépendant du Gouvernement allemand.

M. Berthold Franke a rappelé que, en raison du passé, l'Allemagne était très réticente à l'idée d'une politique culturelle menée au niveau central et que la culture et l'éducation étaient des compétences exercées en priorité par les länder et les municipalités. L'État fédéral dispose toutefois d'une compétence en ce qui concerne l'action culturelle à l'étranger qu'il délègue au Goethe Institut.

La centrale du Goethe Institut, basée à Munich, est liée par un contrat-cadre au ministère des affaires étrangères à Berlin. Celui-ci délègue l'autorité à la centrale de Munich pour la gestion du réseau et la répartition du financement entre les différents instituts.

Le Goethe Institut poursuit trois grandes missions : la diffusion de la langue allemande, les échanges culturels et l'information sur l'Allemagne, la culture et la civilisation allemandes.

Le Goethe Institut est présent sur tous les continents avec, en 2009, 183 implantations dans 83 pays.

Son budget s'élève à 260 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 17 % sont autofinancés essentiellement grâce aux cours de langue, le reste provenant d'une subvention du ministère des affaires étrangères allemand.

Le fonctionnement du réseau est largement décentralisé avec douze grandes régions et chaque institut dispose d'une très large autonomie de gestion, notamment en matière budgétaire et de personnels.

Chaque directeur d'un Goethe Institut est responsable de son programme, conçu néanmoins en accord avec une direction régionale. A la différence du British Council, le Goethe Institut est entièrement indépendant de l'ambassade d'Allemagne et son directeur n'est pas un diplomate.

En conclusion, M. Berthold Franke a considéré que l'on pouvait s'interroger sur la raison d'être d'un institut culturel en Europe, mais que, d'après lui, cette présence restait indispensable. Certes, le premier contact avec la culture d'un autre pays ne passe généralement pas par les centres culturels, mais par d'autres canaux, comme le cinéma, la télévision ou Internet. Mais, à son avis, la vocation première d'un centre culturel est d'offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent d'approfondir leur connaissance de la culture et de la langue d'un autre pays.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait part de sa préoccupation au sujet de la tendance actuelle à la réduction des centres et instituts culturels en Europe et au recul du multilinguisme, au regard notamment de l'approfondissement de la construction européenne.

M. Berthold Franke a estimé que si l'anglais était désormais la langue internationale, il était indispensable d'encourager l'apprentissage obligatoire d'au moins une deuxième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire. Il a cité à cet égard le cas de la Suède où les autorités avaient étudié la possibilité de supprimer l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère vivante dans l'enseignement scolaire, ce qui avait fait naître des inquiétudes en France et en Allemagne.

M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council travaillait actuellement avec le ministère de l'éducation britannique afin de renforcer l'enseignement d'une deuxième ou d'une troisième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire au Royaume-Uni, et également avec le ministère de l'éducation nationale français, afin d'améliorer les méthodes d'apprentissage de la langue anglaise dans les établissements scolaires français.

Estimant que, désormais, l'action culturelle extérieure en Europe reposait moins sur l'implantation physique d'un centre ou d'un institut culturel que sur l'utilisation des nouvelles techniques de communication, notamment Internet, M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council avait fortement développé ces dernières années l'offre de service en ligne et la mise à la disposition du public de méthodes d'apprentissage de l'anglais sur Internet.

M. Yves Dauge a souhaité obtenir des précisions sur les relations du British Council et du Goethe Institut avec le ministère des affaires étrangères et les ambassades de leurs pays respectifs, ainsi que sur le statut des personnels de ces deux institutions et la gestion des ressources humaines, notamment en matière de recrutement, de déroulement de carrière et de mobilité.

M. Paul de Quincey a indiqué que les relations entre les centres du British Council et les ambassades étaient étroites, même si chaque centre était indépendant. Si, dans environ 60 % des cas, le directeur du British Council est également le conseiller culturel de l'ambassade, il n'existe pas pour autant de relation hiérarchique. En mentionnant sa propre expérience, il a indiqué qu'il participait chaque semaine à une réunion, présidée par l'ambassadeur, des différents chefs de service de l'ambassade.

En ce qui concerne la gestion du personnel, le British Council emploie au total environ 6 500 personnes, qui ne sont pas des diplomates de carrière. Dans leur grande majorité, ces personnels sont recrutés localement et ne sont pas soumis à une obligation de mobilité. Seule une minorité d'environ 250 agents fait l'objet d'une mobilité, chaque agent restant en moyenne de quatre à cinq ans dans un poste. Ainsi, le British Council de Paris emploie environ soixante-dix personnes, dont une quarantaine de professeurs à temps partiel et à contrat à durée indéterminée recrutés localement. Seules deux personnes, dont le directeur, sont des expatriés permanents.

M. Berthold Franke a indiqué que le Goethe Institut était une institution privée indépendante du Gouvernement allemand et que les relations avec les ambassades étaient en général assez limitées, même si cela variait selon les pays.

Chaque centre dispose d'une très grande autonomie de gestion, en matière budgétaire et de personnels.

M. Robert del Picchia a souhaité obtenir des précisions au sujet du projet de coopération transatlantique mené par le British Council. Il a également regretté la diminution du nombre d'élèves français apprenant l'allemand. Il s'est interrogé au sujet de la coopération entre les différents instituts culturels européens, notamment avec les instituts Cervantès espagnols. Enfin, il a souhaité connaître l'opinion des deux intervenants sur le réseau culturel français à l'étranger.

M. Paul de Quincey a indiqué que le projet de partenariat transatlantique avait été lancé par le British Council afin de renforcer les relations entre les jeunes des deux côtés de l'Atlantique.

M. Berthold Franke a souligné que le renforcement de l'apprentissage de l'allemand dans l'enseignement scolaire en France était l'une de ses priorités et que cela passait notamment par l'amélioration de l'image de la langue allemande mais également par une politique plus volontariste.

Il a indiqué que l'un des obstacles au renforcement de la coopération avec les institutions françaises chargées de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger tenait à la dispersion des intervenants et à la difficulté d'identifier le bon interlocuteur. Il a cité l'exemple de la gestion, il y a quelques années, par le ministère de la coopération des centres et instituts culturels français en Afrique.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité avoir des précisions sur l'organisation régionale de chacune des deux institutions et sur l'évolution des financements publics destinés à l'action culturelle à l'étranger dans les deux pays.

M. Berthold Franke a estimé que la régionalisation présentait des avantages, notamment en matière de proximité, mais également des inconvénients, en particulier en termes de bureaucratie. Il a indiqué que le Goethe Institut avait traversé ces dernières années une période difficile marquée par une diminution de ses crédits mais que, récemment, les subventions publiques s'étaient accrues.

M. Paul de Quincey a indiqué pour sa part que la régionalisation fonctionnait assez bien au sein du British Council, même s'il est parfois difficile de concilier les niveaux national, régional et local, les grandes priorités thématiques et les différents secteurs des arts, des sciences ou de l'éducation.

Concernant les financements publics, le British Council a obtenu, au terme d'une convention pluriannuelle avec le ministère des affaires étrangères britannique, une enveloppe financière d'un montant satisfaisant sur trois ans. Toutefois, l'orientation générale étant de faire de l'Asie et du Proche-Orient des régions prioritaires. Il en est résulté, ces deux dernières années, une diminution d'environ 30 % des crédits destinés aux centres du British Council en Europe.

M. Louis Duvernois s'est demandé s'il existait une coopération entre les différents instituts et centres culturels européens et entre ceux-ci et les institutions de l'Union européenne. Il a souhaité également savoir si le British Council et l'Institut Goethe bénéficiaient de subventions de la part de l'Union européenne et s'ils menaient des actions de formation linguistique auprès des fonctionnaires communautaires.

M. Paul de Quincey a répondu qu'il existait localement diverses formes de coopération entre les centres et instituts culturels des différents pays membres de l'Union européenne, notamment en matière de co-localisation, c'est-à-dire de partage d'un même bâtiment entre deux instituts, à l'image du centre culturel commun au Royaume-Uni et à l'Allemagne en Ukraine. Il a également mentionné l'existence d'un réseau global des centres et instituts culturels, l'European Union National Institutes of Culture, EUNIC.

Il a ajouté que l'EUNIC bénéficiait de fonds communautaires pour le financement de certains projets multilatéraux. Enfin, il a indiqué que le British Council de Bruxelles offrait des cours d'anglais aux fonctionnaires communautaires.

M. Berthold Franke a indiqué qu'il avait eu lui-même l'occasion de diriger un Goethe Institut partageant ses locaux avec un Institut Cervantès espagnol. Il a également cité l'exemple des centres culturels franco-allemands de Ramallah et de Glasgow et il a mentionné le projet d'un centre culturel franco-allemand à Moscou.

Il a souligné que le Goethe Institut bénéficiait également de fonds européens pour certains projets multinationaux, mais que la lourdeur administrative imposée par la Commission européenne constituait un sérieux obstacle à ce mode de financement.

Enfin, il a indiqué que le Goethe Institut s'était porté candidat à un appel d'offre de l'Union européenne pour l'enseignement de l'allemand aux fonctionnaires communautaires, mais qu'une entreprise privée anglaise avait remporté cet appel d'offre.

Audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance

(12 mars 2009)

La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères s'étaient mobilisées, dans la période récente, en faveur d'un sursaut de notre politique culturelle extérieure. Dans ce contexte, elles ont choisi d'organiser ensemble une série d'auditions consacrées à la réforme de l'action culturelle extérieure de la France. L'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, est ainsi l'occasion de faire le point sur les perspectives d'évolution statutaire de l'association CulturesFrance pour lui donner les moyens juridiques et financiers de redynamiser la politique de rayonnement culturel de la France. A ce titre, il a précisé que la commission des affaires culturelles s'est de longue date intéressée au sort de CulturesFrance : une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyant sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a ainsi été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué, en préambule, que CulturesFrance était une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, issue de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), créées respectivement en 1922 et 1946. Chargée de la promotion de la création artistique contemporaine française à l'étranger, elle se caractérise par un vaste champ d'intervention, comprenant les arts visuels, les arts de la scène, l'architecture et le patrimoine, l'écrit et l'ingénierie culturelle, et qui s'est élargi au cinéma à la suite du transfert, le 1 er janvier 2009, de compétences auparavant assumées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères.

CulturesFrance dispose d'un budget évalué à 30 millions d'euros, reposant majoritairement sur une subvention du ministère des affaires étrangères de l'ordre de vingt millions d'euros ; le ministère de la culture y contribue à hauteur de deux millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés. Son action s'oriente selon trois axes principaux :

- l'exportation et la mise en valeur à l'étranger de la création culturelle française dans toute sa diversité ;

- l'accueil et la diffusion des cultures étrangères en France, à travers l'organisation de « saisons culturelles » permettant à des pays partenaires d'exposer leur culture sur le territoire national ;

- le développement culturel via la mise en oeuvre de programmes de soutien à la création d'industries culturelles dans les zones de solidarité prioritaire, en particulier en Afrique et dans les Caraïbes.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a souligné la très grande multiplicité des acteurs de l'action culturelle extérieure de la France. CulturesFrance n'est ainsi qu'un opérateur parmi tant d'autres, désignés sous des appellations différentes, parmi lesquelles on peut citer les centres et instituts culturels français à l'étranger, les services de coopération artistique et culturelle des ambassades, et les organismes de promotion à caractère professionnel à l'image d'Unifrance dans le domaine du cinéma. L'extrême dispersion du réseau culturel français, particulièrement dommageable à la cohérence et à la lisibilité de la politique culturelle extérieure, tranche singulièrement avec le modèle rationalisé du British Council pour le Royaume-Uni ou du Goethe Institut pour l'Allemagne.

À ce morcellement du dispositif de l'action culturelle extérieure française, s'ajoutent des carences significatives en moyens de fonctionnement, tant en termes de personnels que d'infrastructures, dénoncées dès 2001 par M. Yves Dauge dans un rapport d'information consacré au réseau culturel français à l'étranger.

Déplorant l'absence d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a plaidé en faveur de la création, à partir de CulturesFrance, d'une grande agence du rayonnement culturel dont la structure et le fonctionnement s'inspireraient, idéalement, de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères. Il s'agit d'envisager l'action culturelle extérieure dans une logique transversale en y incluant l'action éducative et de coopération universitaire et l'action linguistique. Aussi a-t-il suggéré de regrouper, sous une même enseigne, les opérateurs préexistants en charge de la mobilité universitaire (CampusFrance), des échanges éducatifs et scientifiques (le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux - EGIDE) ainsi que les établissements culturels à l'étranger. Dans une logique de labellisation de notre action culturelle extérieure, cette future agence culturelle devrait disposer à l'étranger de bureaux dénommés « Instituts français ».

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a invité les pouvoirs publics à « sanctuariser » les crédits dévolus à l'action culturelle extérieure, soulignant à ce titre qu'il s'agissait là d'un enjeu crucial en termes de « soft power ».

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Josselin de Rohan, président, a observé que la diplomatie culturelle française se caractérisait par des phénomènes préoccupants de dispersion et d'attrition qui appellent une réforme structurelle d'envergure. Estimant que la politique culturelle extérieure était une composante essentielle de la diplomatie française, et qu'elle devait à ce titre continuer de relever du ministère des affaires étrangères pour la définition de ses orientations stratégiques, il s'est interrogé au sujet de la tutelle sur la nouvelle agence et au sujet de la place du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale.

Il s'est également interrogé sur la marge d'autonomie qui serait réservée à la future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger vis-à-vis de ses tutelles ministérielles.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a estimé que le Quai d'Orsay était l'autorité la mieux placée pour exercer le pilotage principal en matière d'action culturelle extérieure, mais qu'il ne pouvait faire l'économie d'une coopération étroite dans ce domaine avec les ministères de la culture et de l'éducation nationale. Il a considéré qu'un grand établissement public culturel, doté de l'autonomie financière et responsable de sa gestion, constituait le format le plus approprié, en s'appuyant sur l'exemple de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée, tout d'abord, sur le statut juridique d'une grande agence culturelle et a souhaité savoir dans quelle mesure celui-ci s'inspirerait du modèle de l'AEFE. Elle a sollicité des précisions sur la responsabilité de la future agence en matière de recrutement et de gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure. À cet égard, elle a déploré la rotation trop rapide des agents du réseau culturel français à l'étranger, dont l'évolution des parcours professionnels n'obéit que très insuffisamment à des critères de compétences. Elle a également interpellé le directeur de CulturesFrance sur le type de relations que l'agence compte entretenir avec les alliances françaises et a estimé que ces relations pourraient, le cas échéant, s'inspirer des liens conventionnels que l'AEFE établit avec les lycées d'enseignement français de la Mission laïque. Elle s'est enfin inquiétée d'une absorption par la future agence culturelle de CampusFrance : cette dernière structure s'investit efficacement dans la mutualisation des moyens des universités françaises dans la conduite de leurs relations extérieures ; sa fusion éventuelle au sein de CulturesFrance risquerait de briser cette dynamique.

En réponse à ces interrogations, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a formulé les observations suivantes :

- la transformation de CulturesFrance en une grande agence dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial s'inspirera très certainement du modèle de l'AEFE, dans le cadre d'une tutelle principale exercée par la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères. Le ministère de la culture sera associé au pilotage de cette agence comme le ministère de l'éducation nationale l'est à celui de l'AEFE ;

- le projet d'une grande agence culturelle vise à réunir au sein d'un même ensemble financier et juridique tous les acteurs de l'action culturelle extérieure travaillant aussi bien à Paris que dans le réseau culturel français à l'étranger. CulturesFrance sera ainsi responsable du recrutement, de la gestion et de la formation des professionnels de l'action culturelle extérieure, en préservant un équilibre entre les diplomates et les spécialistes des différents secteurs d'activités de l'Agence ;

- le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre CulturesFrance et les alliances françaises ;

- l'action culturelle au sein des établissements culturels français à l'étranger doit être entendue dans son acception la plus large possible : cela suppose d'y inclure la promotion de l'enseignement supérieur français et la coopération linguistique afin de ne pas cantonner CulturesFrance à la mise en valeur de la seule création artistique. La fusion de CampusFrance au sein d'une grande agence culturelle serait probablement mieux accueillie par nos partenaires que la création d'un guichet unique de la mobilité universitaire internationale qui regrouperait les groupements d'intérêt public que sont France Coopération Internationale (FCI), CampusFrance et EGIDE.

Souscrivant à un scénario qui confierait à CulturesFrance le champ d'intervention le plus large possible, M. Yves Dauge a demandé des précisions sur le statut de ses personnels, notamment dans les pays d'accueil. Il a appelé à un renforcement de l'effort de professionnalisation en leur faveur. Il s'est ensuite interrogé sur les relations entre CulturesFrance et les collectivités territoriales investies dans la coopération décentralisée et des universités de plus en plus autonomes. Ces acteurs ont vocation à s'investir de façon croissante dans l'action culturelle extérieure, il serait donc pertinent qu'ils disposent de représentants au conseil d'administration de CulturesFrance.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que la gestion des personnels devait être au coeur de la création d'un grand établissement public vecteur de l'influence culturelle française à l'étranger. Afin que l'ensemble des personnels se retrouvent et adhèrent aux projets de l'agence, le recrutement d'agents locaux doit s'opérer par étapes, sur une durée transitoire pouvant aller de trois à quatre ans. Dans un premier temps, l'effort portera principalement sur la professionnalisation des personnels, jusqu'ici ressentie comme insuffisante. Il a ajouté que CulturesFrance accorde déjà une grande importance à la coopération avec les collectivités territoriales. En outre, son conseil d'administration comprend un représentant du milieu universitaire. Il s'est prononcé en faveur de conseils d'orientation placés auprès des ambassades qui incluraient notamment des représentants des universités et des experts du tissu local afin de mettre en valeur le caractère transversal de l'action culturelle extérieure.

M. Robert del Picchia s'est inquiété de la multiplication d'initiatives non coordonnées en matière d'action culturelle extérieure qui instaurent la plus grande confusion auprès de nos partenaires étrangers, à la différence de structures telles que le British Council ou le Goethe Institut qui jouissent d'une notoriété exceptionnelle à l'étranger. Il a émis des doutes quant à la capacité d'une future grande agence à rendre plus lisible une politique culturelle extérieure dont les moyens demeurent très insuffisants.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, s'est déclaré convaincu de la nécessité de redonner de la visibilité à un réseau culturel à l'étranger morcelé, en faisant émerger un label de l'action culturelle extérieure de la France. Il a regretté que la politique de coopération culturelle et linguistique soit le seul domaine de l'action publique qui fasse l'objet de restrictions budgétaires aussi conséquentes. A cet égard, il a déploré que le transfert de la compétence en matière de promotion du cinéma français à CulturesFrance n'ait pas été accompagné des crédits correspondants.

M. Louis Duvernois a estimé que la création d'un établissement public culturel à caractère industriel et commercial a vocation à fédérer sous une même enseigne des actions dispersées et insuffisamment coordonnées, et non pas à se superposer aux structures existantes. Il a insisté sur la nécessité de respecter le sens des recommandations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en matière de rationalisation de l'action culturelle extérieure, en prenant soin de ne pas dissocier action éducative extérieure et rayonnement culturel : cela suppose une concertation renforcée entre CulturesFrance et l'AEFE. Enfin, le périmètre des responsabilités ministérielles dans le pilotage de CulturesFrance doit être clairement défini. A ce titre, il a indiqué que la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance qu'il a défendue au Sénat en 2007 prévoyait explicitement de placer CulturesFrance sous la tutelle conjointe du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture.

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu qu'il convenait d'établir une coopération étroite entre CulturesFrance et l'AEFE en matière d'échanges éducatifs. Il a également appelé à rompre avec le Yalta qui tend à réserver au ministère de la culture la culture en France et au ministère des affaires étrangères la culture à l'étranger.

Mme Catherine Tasca a fait observer que le contrat d'objectifs et de moyens entre CulturesFrance et l'État, qui constitue le principal outil de dialogue entre l'opérateur en charge de l'action culturelle extérieure et le ministère des affaires étrangères, devrait être le lieu de la concertation interministérielle dans ce domaine. Si elle a reconnu le manque criant de lisibilité de la politique française de coopération culturelle et linguistique, elle a cependant redouté qu'un pessimisme excessif ne conduise à occulter les points positifs du bilan de l'action du réseau culturel français à l'étranger. Elle a relevé que la politique du livre à l'étranger serait désormais gérée par CulturesFrance, regrettant au passage que la revue Esprit ne dispose plus du financement que lui consentait jusqu'à maintenant le Centre national du livre. Elle a dénoncé l'absence d'une direction générale spécifiquement en charge des affaires culturelles extérieures au Quai d'Orsay, doutant que la future direction générale de la mondialisation soit le cadre pertinent pour appréhender ces questions. En outre, elle a souhaité mettre l'accent sur l'importance des perspectives de carrière pour les personnels du réseau culturel à l'étranger, considérablement négligées par l'administration. Enfin, elle a mis en garde contre le risque de se cantonner à une simple politique d'exportation de la culture française à l'étranger, qui ne prendrait pas en compte la mise en valeur de la culture des pays d'accueil.

En réponse à ces remarques, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a apporté les précisions suivantes :

- le contrat d'objectifs et de moyens constitue une plateforme de discussion stratégique essentielle ;

- l'action culturelle extérieure doit être au service non seulement de l'exportation et de la promotion de la création artistique française, mais également du dialogue interculturel. À ce titre, les lettres de mission transmises aux directeurs d'établissements culturels à l'étranger devront impérativement mentionner la nécessité de valoriser la création artistique locale ;

- les perspectives de carrière sont effectivement inexistantes pour la plupart des agents du réseau culturel à l'étranger, ce qui tend à démobiliser les personnels ;

- l'augmentation des ressources budgétaires de la politique culturelle extérieure française passe nécessairement par un redéploiement des crédits. La pression financière qui s'exerce sur l'action de CulturesFrance va croissant dès lors que ses frais de fonctionnement ont augmenté de près de 10 % en dix ans.

Mme Bernadette Bourzai a observé que l'exportation de la culture française à l'étranger devait s'appuyer sur la promotion de la culture francophone. A ce titre, elle s'est étonnée que le Festival international des Francophonies en Limousin ne soit pas assuré de continuer à bénéficier d'une aide de la part du ministère des affaires étrangères.

M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que le transfert de la compétence en matière de soutien aux festivals internationaux à CulturesFrance ne s'est pas accompagné des crédits correspondants.

Mme Nathalie Goulet s'est interrogée sur la méthode qui préside à la réflexion sur la réforme de l'action culturelle extérieure ; elle a souhaité savoir si un état des lieux précis et actualisé de la situation était disponible. Elle a souligné la nécessité de définir des objectifs qui tiennent compte des spécificités des différentes zones géographiques concernées.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué que de nombreux rapports d'information avaient été rédigés sur la question de l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Il a reconnu qu'il était impératif de ne pas penser la réforme de l'action culturelle extérieure depuis Paris. Dans cette logique, le Quai d'Orsay doit avoir toute sa place dans le pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure dès lors que les personnels du réseau culturel à l'étranger sont les mieux à même de relayer les besoins exprimés localement. L'amélioration de la lisibilité de l'action culturelle extérieure française est fondamentale dans la perspective d'un renforcement de son financement via le mécénat d'entreprises.

M. Jack Ralite s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée de l'entreprise culturelle unique qui semble répondre à l'obsession de l'idéologie de la marque. Il s'est ému du recul du réseau culturel français à l'étranger, en particulier en Europe où plus de la moitié des centres culturels devraient être supprimés, sans pour autant s'accompagner d'un redéploiement vers des pays émergents comme la Chine. Il a déploré l'insuffisante prise en compte, dans l'élaboration de la diplomatie culturelle de la France, de l'expérience de terrain des artistes et des industries créatives. Il s'est inquiété du risque de « désintégration » que la création d'une agence culturelle unique ferait peser sur l'identité culturelle et la fidélité de la France vis-à-vis de ses partenaires.

M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a fait observer que, face à des budgets en constant déclin, il est impossible de faire l'impasse sur la création d'une grande agence culturelle qui garantirait la visibilité nécessaire auprès de nos investisseurs publics et privés dans les pays d'accueil.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souligné que l'extrême gravité de la situation du réseau culturel français à l'étranger appelle des réformes urgentes, trop longtemps différées. Réaffirmant son attachement à la création d'un grand établissement public culturel, il a, en outre, jugé indispensable la création d'un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, auprès du ministre des affaires étrangères, afin de regrouper, sous une même autorité, ces deux aspects fondamentaux de la diplomatie française d'influence culturelle et intellectuelle.

Audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française

(18 mars 2009)

La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le rôle majeur joué par les Alliances françaises pour la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Il a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française concernant l'état actuel et les perspectives de réforme de l'action culturelle de la France à l'étranger et ses incidences sur le réseau des Alliances françaises.

Après avoir rendu hommage à l'intérêt manifesté à ce sujet depuis longtemps dans de nombreux rapports du Sénat, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a présenté le réseau des Alliances françaises comme un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur et connaissant actuellement un fort développement.

Il a rappelé que l'Alliance française avait été créée à Paris en 1883 et qu'elle avait pour mission la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Sous l'appellation aujourd'hui de Fondation Alliance française, le siège parisien est la « tête de pont » du réseau des Alliances françaises dans le monde. Les Alliances françaises installées dans les États étrangers sont indépendantes, tant statutairement que financièrement, de la Fondation, même si elles entretiennent des liens étroits avec elle. Les Alliances françaises résultent le plus souvent d'initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative. Il est d'ailleurs remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales.

Le réseau compte actuellement 1 070 Alliances, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, sur tous les continents.

Les missions d'une Alliance française sont identiques à celles d'un institut ou d'un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, les deux types de structures étant répartis selon une complémentarité géographique, puisque les Alliances françaises sont à peu près seules présentes en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie, alors qu'elles coexistent avec les centres et les instituts culturels en Europe, en Afrique et au Levant. Les « doublons » dans une même ville sont désormais rares. Mexico, qui compte à la fois une Alliance française et un centre culturel, est l'une des exceptions, mais présente un caractère particulier étant donné la dimension de cette ville.

Les objectifs, qui peuvent varier selon les Alliances françaises, sont fixés par le conseil d'administration de chaque Alliance, en tenant compte des orientations données par le service culturel de l'ambassade de France, lesquelles sont formalisées dans une convention d'objectifs et de moyens. Environ trois cents Alliances, sur plus d'un millier, sont dans ce cas, et bénéficient ainsi d'un soutien de l'État, sous forme de subventions et de mise à disposition de personnels de la part du ministère des affaires étrangères et européennes. Une convention générale, signée entre la fondation et le ministère, encadre les conventions locales de partenariat qui sont signées par les présidents d'Alliances et les ambassadeurs.

Les Alliances françaises sont sensibles aux aléas politiques, économiques et sociaux des pays où elles sont implantées, mais, en raison de leur statut privé et du fait qu'elles emploient majoritairement des personnels locaux, elles ne sont pas assimilées à une structure étrangère et disposent d'une grande légitimité locale, même si elles bénéficient du soutien de l'ambassade de France. Cela explique notamment la pérennité d'Alliances françaises dans des pays en crise ou encore le rôle qu'ont joué les Alliances françaises auprès de l'opinion publique aux États-Unis d'Amérique au moment de la campagne anti-française qui a suivi le refus de la France de participer à l'intervention militaire en Irak.

En 2008, les Alliances françaises ont assuré plus de trente-six millions d'heures de cours de français à plus de 461 000 étudiants dans le monde, ce qui fait de ce réseau la plus grande école de langue du monde.

Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement. Les fonds propres sont issus des cours de langue, de financements privés ou de dons et legs. Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.

Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés à partir du 1 er janvier 2008. Désormais, l'Alliance n'est plus une association régie par la loi de 1901, mais une fondation reconnue d'utilité publique. Cette réforme avait pour objectif à la fois de renforcer la visibilité de l'Alliance française sur la scène internationale, le statut de fondation étant mieux compris à l'étranger, et de distinguer la coordination du réseau international des activités de gestion de l'école du boulevard Raspail à Paris, qui accueille 12 000 élèves.

La Fondation s'occupe désormais exclusivement du réseau. Elle compte douze collaborateurs et dispose d'un capital de 5 millions d'euros provenant du mécénat de grandes entreprises françaises, d'une dotation de l'État et de dons et legs privés. Elle poursuit une active campagne de levées de fonds, n'ayant pas encore atteint ses objectifs sur ce point.

La Fondation Alliance française et le ministère des affaires étrangères et européennes sont liés par un contrat d'objectifs et de moyens, renouvelé en 2009 pour une durée d'un an.

M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l'Alliance française, a ensuite évoqué le fort développement que connaît le réseau des Alliances françaises.

Avec un taux de croissance de l'ordre de 3 à 5 % par an en moyenne, les effectifs des Alliances ont augmenté fortement ces dernières années, en particulier dans les grands pays du monde développé (États-Unis, Russie) et dans les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Mexique) ou encore dans des pays comme le Congo et l'Angola. Ainsi, il existe aujourd'hui quatorze Alliances françaises en Chine qui se sont créées en moins de dix ans et une dizaine en Russie.

La Fondation Alliance française s'efforce d'accompagner ce mouvement de trois manières.

Tout d'abord, elle exerce une importante mission en matière de professionnalisation des personnels des Alliances françaises, notamment en assurant des formations à la gestion et au management. A cet égard, la suppression de la moitié des postes d'expatriés détachés par le ministère des affaires étrangères et européennes sur les quinze dernières années rend plus que nécessaires ces formations.

Ensuite, l'Alliance française mène des actions en matière de gouvernance. Ainsi, une révision générale des statuts est en cours et un cadre de référence a été publié. La Fondation est également étroitement associée à la procédure de sélection des directeurs d'Alliances françaises.

Enfin, la Fondation s'efforce de renforcer la coordination du réseau, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chacune des Alliances.

En définitive, le réseau des Alliances françaises, qui bénéficie d'une forte notoriété et d'une bonne image à l'étranger, aborde avec confiance son avenir.

Après avoir remercié M. Jean-Claude Jacq pour son exposé et relevé son optimisme qui contraste avec le constat plus réservé dressé par d'autres intervenants, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souhaité connaître ses motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude concernant l'action culturelle de la France à l'étranger.

M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a indiqué que, en ce qui concerne le réseau des Alliances françaises, le principal défaut, inhérent à toute structure décentralisée, pouvait être une homogénéité insuffisante concernant la qualité des prestations offertes au public entre les différentes Alliances françaises. On peut répartir grossièrement celles-ci en trois cercles. Un premier tiers est constitué d'environ trois cents Alliances françaises, qui bénéficient en général d'un soutien financier du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces Alliances françaises sont assez homogènes et leurs prestations linguistiques et culturelles de très bonne qualité. Le deuxième tiers est composé d'Alliances qui dispensent des cours de langue et organisent quelques activités culturelles plus modestes (conférences, réunions). Enfin, un troisième cercle comprend des Alliances qui s'apparentent davantage à des clubs ou à des cercles d'amitiés. La Fondation a pour objectif de faire passer le plus grand nombre d'Alliances possible du troisième au deuxième cercle, et du deuxième au premier.

Si les Alliances sont indépendantes et s'il n'existe pas de lien hiérarchique entre elles et la Fondation, celle-ci est toutefois garante du nom « Alliance française » et elle peut le retirer en cas de dysfonctionnement, le cas se présentant au pire une ou deux fois par an.

La Fondation organise également des actions de formation destinées aux directeurs des Alliances françaises, aux membres du conseil d'administration et aux personnels.

La deuxième difficulté, qui n'est pas propre au réseau des Alliances françaises, mais qui touche l'ensemble de l'action culturelle de la France à l'étranger, tient à la forte diminution des financements de l'État, de l'ordre de 10 % en 2007 comme en 2008 et de 20 % en 2009. Certes, le recul des crédits consacrés à l'action culturelle de la France à l'étranger n'est pas nouveau mais elle atteint aujourd'hui une telle ampleur qu'elle touche désormais le coeur même de l'action culturelle extérieure.

En outre, la recherche de financements extérieurs auprès de partenaires privés donne lieu désormais à une forte concurrence entre les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, les directeurs de centres ou d'instituts culturels et les directeurs des Alliances françaises, comme on peut l'observer à New York ou en Inde.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française sur la création éventuelle d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Elle lui a notamment posé des questions sur l'exercice de la tutelle et le pilotage stratégique, la gestion des ressources humaines, la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels et la relation entre les nouveaux établissements issus de cette fusion et les ambassades.

En réponse, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a apporté les précisions suivantes :

- à ce jour, la Fondation n'a jamais été consultée par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la réforme en cours, ni sur le projet plus particulier de création d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger ; elle ignore ce que pourraient en être les compétences, l'organisation, les financements et l'articulation avec la direction générale, en particulier la direction de la coopération culturelle et du français. Elle ne peut donc avoir d'avis sur la question ;

- si une telle agence venait à être créée, il faudrait s'interroger sur sa tutelle et sur son pilotage stratégique. À cet égard, il semble préférable d'avoir une seule tutelle, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes, car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle. Cela n'empêche pas pour autant de renforcer l'implication d'autres ministères, comme au premier chef le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère du commerce extérieur, en instituant, par exemple, un conseil d'orientation interministériel chargé de définir les orientations stratégiques. Il serait même possible d'étudier la présence au sein de ce conseil d'orientation d'un ministère comme celui de la défense, compte tenu des enjeux stratégiques de l'action culturelle extérieure.

La meilleure formule, claire et simple, serait une direction générale chargée de traduire les grandes orientations ainsi retenues en stratégies, de piloter l'ensemble du dispositif et d'assurer l'évaluation des actions menées, la mise en oeuvre étant confiée à quelques grands opérateurs tels que par exemple l'agence française de développement, l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'Alliance française et CulturesFrance.

- une réforme de la gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel apparaît nécessaire, que ce soit en matière de recrutement, de formation ou de déroulement de carrière, laquelle semble aujourd'hui inadaptée aux besoins d'un réseau culturel moderne. À cet égard, l'idée de créer un corps spécifique, sur le modèle de l'Institut Goethe, mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un renforcement de la formation initiale et continue. Il serait également envisageable d'adopter une certaine souplesse en matière de durée de mission dans les postes, qui serait variable selon les pays, allant, par exemple, de trois ans en Europe à six ans dans un pays demandant un fort investissement linguistique et culturel comme la Chine ;

- l'idée de fusionner les services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels n'est pas une nouveauté puisqu'avaient été instaurés naguère les centres de coopération culturelle (CCC), de même inspiration. Cependant, sa mise en oeuvre dans toutes les villes où n'existent que des Alliances françaises et non des centres culturels semble problématique. Il résulte d'entretiens avec un auditeur de la Cour des comptes qu'il conviendrait de mieux séparer associatif et administratif dans le réseau culturel extérieur français et de donner une plus large autonomie aux directeurs d'Alliances. La Fondation Alliance française a donné mandat à des délégués généraux pour coordonner l'action dans une quarantaine de pays ; à cette fin, elle a ouvert des comptes bancaires sur lesquels sont versées, afin de leur permettre de remplir cette mission, des subventions du ministère des affaires étrangères inscrites dans la programmation des postes. Dans deux ou trois cas, les services culturels ont été tentés de bénéficier de la souplesse et de la rapidité permises par le mode associatif (celui de la Fondation, en l'occurrence) pour mettre en oeuvre plus efficacement leur propre programmation culturelle, ce qui, selon les règles de la comptabilité publique, pourrait s'apparenter à une « gestion de fait » dans laquelle il sera mis bon ordre. Il n'en reste pas moins que, d'une façon plus générale, une clarification des relations entre les ambassades et les opérateurs semble nécessaire, dans le respect, pour ce qui concerne l'Alliance française, des conventions signées avec les ambassades, par lesquelles ces dernières fixent les priorités.

M. Yves Dauge a fait part de son inquiétude au sujet de la forte baisse des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure et s'est interrogé sur la possibilité pour l'État d'exercer dans ce contexte un véritable pilotage stratégique.

Mme Monique Papon s'est interrogée sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Alliances françaises, au regard de ceux décernés par le British Council.

M. Jean-Claude Jacq a indiqué que les diplômes de langue délivrés par les Alliances françaises étaient les diplômes officiels (Delf-Dalf) du ministère de l'éducation nationale et reconnus à ce titre à l'étranger.

M. Jack Ralite a souhaité revenir sur la fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, en rappelant que la moitié des centres et instituts culturels français en Allemagne avaient été fermés ces dernières années, ce qui constitue un réel motif de préoccupation. Il s'est demandé si l'interprétation éventuelle de la Cour des comptes d'une « gestion de fait » concernant certaines délégations générales n'entraînait pas des effets pervers en limitant à l'avenir les possibilités pour les services des ambassades de mener des actions de coopération culturelle par l'intermédiaire des Alliances françaises. Enfin, il a fait part de son inquiétude au sujet de la création éventuelle d'une agence et il a regretté que le mot « culture » n'apparaisse pas dans la dénomination de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Claude Jacq a rappelé que la suppression du terme « culture » datait de la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et qu'elle avait déjà à l'époque provoqué un certain émoi au sein des milieux culturels.

Il s'est également déclaré préoccupé par un mouvement de fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, si celui-ci devait se faire trop rapidement et sans étude préalable des possibilités de relève par une Alliance française. En effet, si une Alliance française peut prendre de manière tout à fait satisfaisante la suite d'un centre ou d'un institut culturel, comme récemment à Gênes, à Porto ou à Nairobi, cela ne peut s'appliquer partout en Europe de la même manière. Ainsi, au Luxembourg par exemple, le remplacement du centre culturel existant par une Alliance française n'apparaît guère possible, étant donné que les autorités locales offrent gratuitement aux adultes, dans un centre de langues public, des cours de langues étrangères, ce qui prive une Alliance française d'une possibilité essentielle de financement.

M. Jean-Pierre Plancade, président, ayant fait observer que la question centrale restait celle du financement, M. Jean-Claude Jacq, a confirmé que, malgré un poids très modique de l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'État, la forte baisse des crédits consacrés à la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, qui résulte sans doute d'un manque de véritable volonté politique dans ce domaine depuis des décennies, créait une situation préoccupante pour l'avenir du rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.

Audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel

(18 mars 2009)

La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a indiqué en préambule qu'il avait été chargé par le ministère des affaires étrangères de mener une étude comparative entre les dispositifs culturels extérieurs de la France et ceux de ses principaux partenaires européens, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. A la demande de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère, sa mission s'est élargie à la formulation de préconisations sur la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l'étranger.

Si les quatre réseaux culturels concernés par l'étude consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, il a pu néanmoins constater combien la conception du rayonnement culturel pouvait varier en fonction des différents pays. Les réseaux culturels espagnol et britannique, s'appuyant respectivement sur l'Institut Cervantès et le British Council, enregistrent les meilleures performances dans le domaine de l'enseignement linguistique. Le British Council apparaît comme la structure adoptant l'horizon stratégique le plus vaste dans la mesure où sa politique culturelle extérieure recouvre aussi bien le dialogue interculturel et le soutien à la promotion des industries culturelles britanniques que la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément cette logique d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité qu'illustre le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. La manière d'appréhender le lien entre culture et développement continue de susciter de nombreux débats en France. De l'équilibre entre une diplomatie culturelle au service d'une politique de coopération plus large et une politique culturelle extérieure qui met en avant l'autonomie et la spécificité de la sphère artistique dépendent le poids relatif et les compétences des différentes administrations en matière d'action culturelle extérieure.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a relevé ensuite la très grande complexité de l'organisation des tutelles du réseau culturel français à l'étranger, un réseau qui s'illustre principalement par sa dualité. Une grande partie de ce réseau repose, en effet, sur des initiatives locales de création d'alliances françaises dont certaines, bien qu'autonomes sur le plan de la gestion, sont subventionnées par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de conventions. Quant aux centres et instituts culturels français à l'étranger, établissements publics disposant de l'autonomie financière, ils sont appelés à fusionner très prochainement avec les services de coopération artistique et culturelle (SCAC) des ambassades au sein des futurs « EspacesFrance ». Ces derniers demeureront soumis à l'autorité hiérarchique directe des postes diplomatiques français.

A titre de comparaison, les rapports entre le British Council et le ministère britannique des affaires étrangères (« Foreign Office ») obéissent au principe de la gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length ») qui permet de concilier gestion décentralisée de l'action culturelle extérieure et coopération étroite sur le plan stratégique.

La situation matérielle des différents réseaux culturels extérieurs est extrêmement variable, notamment en termes de personnels et d'infrastructures. Se développe progressivement la notion de programmation « hors les murs » qui vise à privilégier l'investissement dans les équipes plutôt que dans les bâtiments. Dans le domaine de la formation des personnels, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a fait observer que les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offraient de bien meilleures perspectives de carrière à leurs agents culturels à l'étranger.

Il a ensuite formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France :

- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication, en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;

- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;

- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Josselin de Rohan, président, s'est tout d'abord interrogé sur le vaste périmètre d'intervention qui devrait être consenti au futur opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure de la France et sur l'accueil qui lui serait réservé dans les milieux culturels. S'agissant de sa tutelle, si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence doit être préservé, la réflexion devrait se poursuivre sur la place à accorder aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il a sollicité des précisions sur l'articulation sur le terrain entre les futurs établissements issus de la fusion des centres et instituts culturels et des SCAC et les ambassades, notamment en matière de promotion des industries culturelles.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a cité l'exemple du British Council qui fonctionne en grande partie comme un opérateur au service d'autres administrations que le ministère des affaires étrangères : près d'un tiers de son budget est ainsi constitué de subventions affectées à la réalisation de commandes spécifiques sollicitées par des organismes tiers investis dans la coopération technique. Or, en France, la coopération technique relève d'une agence spécifique, l'Agence française de développement (AFD). Le périmètre d'intervention d'une future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, qui constitue une des faiblesses de l'action culturelle extérieure de la France. Il a notamment souligné que les espaces « CampusFrance », en charge de la promotion de l'enseignement supérieur français et des échanges éducatifs, partagent déjà bien souvent des locaux avec les centres culturels français à l'étranger.

En matière de pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure française, l'administration du ministère des affaires étrangères semble redouter qu'un système de co-tutelles ne dilue les responsabilités et n'entrave la définition de lignes directrices claires. En conséquence, il a estimé qu'un compromis satisfaisant résiderait dans la mise en place, au sein d'une agence placée sous la tutelle unique du Quai d'Orsay, de programmes spécifiques qui seraient cogérés par le ministère des affaires étrangères et d'autres ministères tels que le ministère de la culture.

La fusion des établissements publics culturels français et des SCAC au sein des « EspacesFrance » devrait être l'occasion de transformer le lien hiérarchique traditionnel avec les ambassades en un lien de tutelle qui réserverait à ces nouvelles structures une plus grande marge d'autonomie de gestion sur le terrain.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité des éléments d'information complémentaires sur les perspectives en matière de recrutement, de formation et de gestion des carrières au sein du réseau culturel française à l'étranger. Elle s'est également interrogée sur les obstacles susceptibles d'entraver l'émergence d'une grande agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que la formation des personnels en poste à l'étranger constituait le point noir du réseau culturel français. A titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. Dans ces conditions, les nouveaux arrivants s'appuient en grande partie sur les seuls conseils prodigués par leurs prédécesseurs et les personnes les plus expérimentées du réseau. Il a également souligné que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeurait relativement courte, trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a insisté en particulier sur la nécessité de permettre à nos personnels en poste à l'étranger de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. A ce titre, il a fait observer que les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne. Il revient donc à la France de concentrer ses efforts sur la formation continue de tous les personnels susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre de sa politique culturelle extérieure, y compris les personnels en charge des affaires culturelles dans les collectivités territoriales et les personnels déconcentrés de l'État.

Il a ajouté que, si la création d'une agence culturelle en charge de l'influence culturelle française à l'étranger pouvait susciter un certain nombre de craintes de la part des administrations centrales concernées, le problème principal demeurait l'insuffisance des moyens consentis à l'action culturelle extérieure, notamment face à la nécessité de financer une programmation « hors les murs » en pleine croissance.

M. Yves Dauge a souhaité s'assurer que la gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure relèverait désormais de la compétence de la future agence culturelle, y voyant là une rupture fondamentale. Il s'est interrogé sur la réelle marge de manoeuvre dont disposeraient les futurs « EspacesFrance » par rapport aux ambassades. Il a émis le souhait que la nouvelle agence en charge du rayonnement culturel puisse s'inspirer du modèle de gestion décentralisée du British Council et du Goethe Institut afin de décliner au mieux une stratégie nationale en fonction des spécificités régionales. Il a regretté l'absence de « gouvernail » stratégique dans la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France et a plaidé en faveur de la création d'un conseil d'orientation, en charge de la réflexion stratégique, auprès de la future agence.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que le rapprochement des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) et des SCAC au sein des « EspacesFrance » sous l'autorité hiérarchique des ambassadeurs devrait s'accompagner du maintien, voire du renforcement de l'autonomie de gestion des établissements publics culturels à l'étranger. Il a évoqué la possibilité que la future grande agence culturelle dispose d'antennes locales placées sous la tutelle des ambassades. Il a jugé que l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fondait sur un échelon régional de coordination intéressant, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques. Il a également déploré que la France ait trop souvent tendance à naviguer à vue dans la conduite de sa diplomatie culturelle alors que ses principaux partenaires européens font un effort significatif de réflexion stratégique dans ce domaine. A titre d'exemple, le Royaume-Uni accorde une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques telles que le cinéma ou la musique. A cet égard, il s'est félicité de la volonté récemment manifestée par le ministère français de la culture de doubler le nombre des bureaux de soutien aux exportations de biens culturels.

M. Ivan Renar a souligné le développement significatif des échanges culturels entre les collectivités territoriales françaises et leurs homologues à l'étranger dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a regretté que ce levier de l'influence culturelle française à l'étranger soit insuffisamment soutenu par l'administration centrale. Il a déploré la dimension culturelle relativement pauvre de notre chaîne internationale qui devrait multiplier les coups de projecteur sur les activités du réseau culturel français à l'étranger. Il a en outre plaidé en faveur d'un renforcement des partenariats entre la France et ses partenaires européens dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Enfin, il s'est interrogé sur le statut juridique d'une grande agence culturelle, rappelant à ce titre qu'une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyait déjà sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

M. Jean-Claude Étienne a considéré que l'insuffisante coordination des initiatives culturelles des collectivités territoriales françaises constituait une forme de gâchis et a regretté le manque d'intérêt des administrations centrales pour le levier majeur que constitue la coopération décentralisée. Il a fait observer que l'Espagne était à la pointe de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de la langue espagnole à l'étranger. Il en résulte une relative modicité des coûts pour des actions phares de la politique culturelle extérieure de l'Espagne.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a regretté le manque de souplesse des parcours professionnels des agents culturels français à l'étranger et s'est interrogée sur les perspectives de carrière qui leur seraient ouvertes à l'avenir dans le cadre de la future agence culturelle.

En réponse à ces interrogations, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a apporté les précisions suivantes :

- les échanges culturels menés dans le cadre de la coopération décentralisée connaissent une croissance significative, notamment au niveau des régions depuis 1992. La DGCID comprend une délégation pour l'action extérieure des collectivités locales dont le budget reste cependant insuffisant pour exercer un véritable effet de levier sur le développement des actions internationales des collectivités territoriales. Il a reconnu, par ailleurs, que le réseau culturel français à l'étranger était très peu sollicité dans la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Il a également déploré l'absence d'une plateforme d'information commune et centralisée qui permettrait de mieux identifier et coordonner les multiples initiatives lancées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel ;

- une grande opération de communication sur le dispositif culturel de la France à l'étranger devrait mobiliser des chaînes internationales telles que France 24 ou Arte afin de médiatiser le parcours d'artistes formés et portés par le réseau culturel français ;

- grâce à des initiatives privées, des équipes internationales composées de professionnels européens de la culture ont été créées pour mener des opérations de formation en direction des futurs responsables culturels et directeurs de festivals européens ; il s'agit là d'un signe encourageant en faveur de l'émergence d'une véritable ingénierie culturelle de dimension européenne ;

- l'Espagne a en effet un temps d'avance dans l'enseignement de la langue via les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce qui témoigne d'un très haut niveau d'ambition en matière de promotion linguistique, notamment auprès de pays émergents à fort potentiel tels que le Brésil ; à l'heure actuelle, la France n'a pas les moyens de rattraper son retard dans ce domaine ;

- la forme juridique que pourrait prendre la future agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger fait encore l'objet de nombreuses réflexions et devrait être précisée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion d'une prochaine communication ;

- il est impératif d'améliorer la fluidité des trajectoires professionnelles de nos personnels culturels, notamment entre les conseillers auprès des directions régionales des affaires culturelles et les directeurs d'établissements publics culturels français à l'étranger. Dans cette logique, le ministère de la culture pourrait être mieux associé à la politique de recrutement des personnels du réseau culturel français.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait remarquer que les postes de conseiller culturel des ambassades étaient en règle générale réservés à des fonctionnaires d'État disposant d'une formation en matière de diplomatie, certes de haut niveau mais peut-être trop classique. Il a noté, en outre, que les attachés culturels, bien souvent issus des personnels de l'éducation nationale, se voient offrir peu de possibilités de formation dans ce domaine. Il a donc plaidé en faveur d'un renouvellement de la politique de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger.

M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que les diplomates de carrière ont généralement tendance à suivre une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil. Il a également regretté que les personnels relevant du ministère de la culture soient insuffisamment sollicités pour animer le réseau culturel français à l'étranger.

Audition de M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles

(25 mars 2009)

La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a rappelé en préambule que le contexte général de la répartition des compétences ministérielles en matière d'action culturelle extérieure de la France était marqué par l'héritage de la prépondérance du ministère des affaires étrangères. Le Quai d'Orsay conserve, en effet, un rôle quasi-exclusif dans la coopération avec les régions du monde relevant de l'ancienne zone de compétence du ministère de la coopération, devenue la zone dite de solidarité prioritaire, et de la francophonie, c'est-à-dire principalement l'Afrique, l'Océan Indien, les Caraïbes et l'ancienne Indochine. En outre, l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France reposent sur une division traditionnelle des tâches entre un ministère des affaires étrangères responsable du rayonnement de la culture française à l'étranger, dans une logique d' « export », et un ministère de la culture compétent pour l'accueil des cultures étrangères en France, dans une logique d' « import ». Ce « Yalta » qui structure de longue date l'organisation de l'action culturelle française internationale, ne rend toutefois plus compte de l'évolution des compétences respectives de chaque ministère liée aux mutations de l'environnement extérieur.

En matière de rayonnement culturel à l'étranger, le ministère de la culture intervient traditionnellement à quatre niveaux :

- l'accueil des cultures étrangères et l'accueil et la formation des professionnels culturels étrangers, via notamment le soutien aux festivals et aux événements culturels, dont l'accueil des cultures étrangères est l'objet premier, et le financement de CulturesFrance pour l'organisation de saisons culturelles étrangères en France, conjointement avec le Quai d'Orsay ;

- une fonction d'expertise, notamment en matière patrimoniale ;

- la coopération dans le domaine cinématographique conduite par le Centre national de la cinématographie ;

- la coopération dans le domaine du livre conduite par le Centre national du livre, le Bureau international de l'édition française et la Centrale de l'édition, coopération chiffrée à près de six millions d'euros dans le récent rapport sur la politique de soutien au livre français à l'étranger de MM. Olivier Poivre d'Arvor et Marc-André Wagner.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a ensuite expliqué que la montée en puissance du ministère de la culture dans la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure était moins le résultat d'une redistribution des rôles avec le ministère des affaires étrangères que le fait de l'européanisation et de la mondialisation des enjeux de politique et d'économie culturelles. Dans ce contexte, le ministre de la culture s'est vu reconnaître, dans les décrets d'attribution du 15 mai 2002 puis du 25 mai 2007, un rôle important en matière de rayonnement international de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie. Ce champ d'intervention élargi a été confirmé par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture et de la communication le 1 er août 2007.

Par ailleurs, cet élargissement de compétences est aussi le résultat de l'extension progressive des missions du ministère de la culture, comme l'adjonction à son périmètre de différents secteurs, anciennement le livre, la lecture et l'architecture, ou, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le rattachement de la direction du développement des médias, en charge de la gestion budgétaire de l'audiovisuel extérieur.

La participation croissante du ministère de la culture à la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure découle très largement de l'européanisation et de la mondialisation des questions culturelles qui ne sont plus exclusivement envisagées comme de stricts enjeux diplomatiques. A ce titre, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné que l'expertise du ministère de la culture était de plus en plus régulièrement sollicitée à l'occasion de négociations internationales portant sur les droits d'auteur et le piratage, la mise en oeuvre de la diversité culturelle qui se traduit par une réciprocité nécessaire entre l'accueil des cultures étrangères et le rayonnement international de la culture française, la circulation et la mobilité des collections, la coopération internationale en matière de lutte contre les vols et les trafics d'oeuvres culturelles, ou encore la mobilité des artistes.

Il a relevé, par ailleurs, le poids croissant de la dimension internationale de l'activité des opérateurs culturels, désormais indispensable à leur équilibre budgétaire et financier. Le rapport précité a en effet chiffré la part des revenus tirés de l'exportation pour les éditeurs de livres à 25 %.

Il a également fait observer que les ministères de la culture dans les autres pays s'investissent de plus en plus dans des activités à caractère diplomatique, aussi bien bilatérales que multilatérales, comme en témoigne l'implication des ministres de la culture dans le processus qui a conduit à l'adoption par l'UNESCO en 2005 de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné en outre l'implication accrue du ministère de la culture dans le soutien aux industries culturelles, premier vecteur d'accès à la culture, en particulier chez les jeunes. Le rôle des organismes de promotion des exportations de biens culturels à l'étranger, gérés directement par les professionnels concernés et fonctionnant principalement grâce au soutien du ministère de la culture, est à cet égard essentiel. Au nombre de ces structures figurent notamment TV France International pour l'exportation de programmes télévisuels français, UniFrance pour la promotion des films français à l'étranger, le Bureau export de la musique, l'AFEX (« Architectes français à l'export ») dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme et le Bureau international de l'édition française.

Le rôle de soutien de l'État aux exportations culturelles, qui se traduit notamment par une démarche de « lobbying » auprès de la Commission européenne et dans le cadre de négociations commerciales, est d'une nature profondément différente de celle de la coopération culturelle traditionnelle. Même si ces deux logiques participent d'une finalité commune qui justifie l'engagement de la puissance publique, à savoir le rayonnement de la culture française, il s'agit bien de deux métiers distincts qui doivent relever d'opérateurs différents.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné l'interdépendance croissante des politiques culturelles internes avec des sujets européens transversaux tels que la fiscalité, les fonds structurels, les télécommunications ou encore les échanges universitaires. Il a insisté, en outre, sur le développement de l'activité internationale des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture, qui représentent près de 85 % de ses effectifs. Parmi ces établissements publics de plus en plus sollicités au titre de la coopération culturelle et de l'exportation du savoir-faire français, il a retenu les cas emblématiques des musées du Louvre et du Quai Branly.

Il a souligné le fait que la contribution de chacun des ministères à la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France est plus équilibrée qu'il n'y paraît : des synergies continuent à se développer entre un ministère des affaires étrangères gérant un réseau culturel à l'étranger dense et universel et un ministère de la culture disposant d'un vaste réseau d'opérateurs publics et d'associations professionnelles dont il est le partenaire privilégié.

Sur le plan administratif, l'action culturelle internationale ne pourrait être mieux traitée par un ministère unique, dont elle ne serait pas fonctionnellement la première priorité, dans la mesure où :

- au sein du ministère des affaires étrangères, la diplomatie politique et les questions stratégiques constituent le coeur de métier, de même que les questions de coopération économique et de développement au sens strict ;

- au sein du ministère de la culture, le poids des nombreux métiers de la culture et les enjeux de politique culturelle ne permettent pas à l'administration d'avoir toujours une pleine conscience de l'impact de la mondialisation sur les questions culturelles internes.

En conclusion, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que le ministère de la culture, dans l'élaboration d'une stratégie globale au service de la diplomatie française d'influence, devait porter ses efforts principalement sur les trois axes suivants :

- la poursuite du travail de regroupement budgétaire des crédits affectés à son action internationale. Au sein de la nomenclature budgétaire issue de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'action n° 6 « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » a ainsi permis de conférer aux crédits internationaux une meilleure visibilité et de faciliter les arbitrages au sein de cette enveloppe budgétaire. Néanmoins, cet exercice de rationalisation budgétaire est inachevé, dans la mesure où la coopération en matière d'archives, d'arts plastiques ou de livres n'est toujours pas prise en compte dans l'action n° 6 ;

- le recensement des priorités géographiques de ses opérateurs, la coordination de l'action internationale de ses établissements publics et la synthèse par zones géographiques de l'action du ministère, ce qui implique de doter les services qui en sont responsables des compétences et de la légitimité politique et administrative pour le faire ;

- l'articulation, dans un cadre interministériel, de son action avec celle du Quai d'Orsay afin de mieux prendre en compte les priorités stratégiques définies par ce dernier, ses capacités d'action sur le terrain à l'étranger, en même temps que les logiques économiques et les ambitions artistiques dont est porteur le ministère de la culture. Cette coopération interministérielle devrait comprendre un volet stratégique, soit dans un cadre de travail strictement bilatéral, soit dans le cadre plus formel d'un conseil interministériel, ainsi qu'un volet plus opérationnel au niveau d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure placé sous la cotutelle effective des deux ministères.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord voulu recueillir le sentiment personnel de l'inspecteur général sur l'inclusion de la coopération universitaire, technique et scientifique, dans le périmètre d'intervention de la future agence en charge du rayonnement culturel de la France à l'étranger, et sur l'accueil qui serait réservé à un champ de compétences aussi vaste dans les milieux culturels. Puis il s'est demandé si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence devait être préservé, ou si des responsabilités pourraient être consenties aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il s'est interrogé sur l'opportunité de mettre à la disposition de cette agence les futurs établissements « EspacesFrance », issus de la fusion des instituts et centres culturels et des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades, et sur les conséquences que cela pourrait avoir pour le rôle de l'ambassadeur en matière culturelle.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que l'association CulturesFrance, à partir de laquelle devrait être créée la future grande agence culturelle, reposait sur des missions stratégiques précises principalement de trois ordres :

- la promotion de la création artistique française contemporaine et de la culture française à l'étranger ;

- la réponse à la « demande de France » exprimée à l'étranger ;

- la valorisation de la culture comme outil d'influence au service de la diplomatie française.

Il a jugé, à titre personnel, qu'intégrer la coopération universitaire, scientifique et technique dans le périmètre d'intervention de l'agence présenterait l'inconvénient principal d'affaiblir sa vocation culturelle première.

Placer le futur opérateur en charge de l'influence culturelle française à l'étranger sous la tutelle du seul ministère des affaires étrangères conduirait à maintenir le cloisonnement qui caractérise traditionnellement la conduite de la diplomatie culturelle française. Étant donné l'interconnexion croissante des enjeux politiques, économiques et culturels dans le cadre de la mondialisation, les ministères de la culture et des affaires étrangères doivent travailler conjointement.

Il a ajouté que le ministère de la culture est un « client » traditionnel du réseau culturel français à l'étranger, tant au titre de son rôle de facilitateur et de point de contact auprès des professionnels de la culture que pour les capacités d'influence des postes à l'étranger auprès des autorités de leurs pays de résidence sur des sujets de politique culturelle tels que, par exemple, les droits d'auteur ou les échanges commerciaux de biens culturels. À titre personnel, M. Benoît Paumier a considéré que le réseau culturel français à l'étranger pourrait utilement être mis à la disposition de la future agence, il s'est déclaré convaincu qu'il était en tout état de cause nécessaire qu'un expert des questions culturelles soit en mesure d'exercer une fonction de conseil direct auprès de l'ambassadeur.

Considérant avant tout l'action culturelle extérieure comme le vecteur privilégié de la promotion de la langue et de la culture françaises, M. Louis Duvernois a insisté sur la nécessité d'opérer un rapprochement entre les ministères des affaires étrangères et de la culture dans le pilotage stratégique de la présence culturelle française à l'étranger. Il a estimé indispensable de dépasser la logique d'affichage développée autour de l'annonce de la création d'une future agence en charge du rayonnement culturel extérieur, pour répondre plus concrètement aux problèmes de financement auxquels se trouve confronté le dispositif culturel français à l'étranger, qui ne peut plus désormais remplir ses objectifs sur le terrain et répondre de façon convaincante à une concurrence croissante.

Il a exprimé le souhait que l'opérateur unique de l'action culturelle extérieure soit placé sous la cotutelle effective du Quai d'Orsay et du ministère de la culture, comme le prévoit déjà explicitement la proposition de loi, dont il est l'auteur, qui vise à transformer CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et qui a été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.

Il s'est ensuite interrogé sur l'équilibre optimal à privilégier entre les responsabilités des deux ministères dans le cadre d'une cotutelle, en rappelant la nécessité d'établir un dialogue stratégique interministériel constant, afin de ne pas répéter les erreurs commises dans la gestion de l'audiovisuel extérieur de la France.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a jugé que le passage de CulturesFrance d'un statut associatif à celui d'établissement public à caractère industriel et commercial permettrait en effet d'assurer une gestion à la fois souple et responsable de l'opérateur, dans le cadre de règles claires de la comptabilité publique, sous l'autorité directe de l'État. La cotutelle lui garantirait la possibilité de développer des synergies avec les autres opérateurs et établissements publics rattachés aux deux ministères. Il a ajouté que la coopération interministérielle devrait intervenir non seulement au niveau du pilotage opérationnel de l'agence, mais également au niveau du pilotage stratégique et de la définition des priorités diplomatiques.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a relevé qu'un modèle fréquemment avancé dans la réflexion sur la création de la future agence culturelle est celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Cet établissement public administratif est placé sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères sans que cela empêche une coopération très étroite avec le ministère de l'éducation nationale. Elle s'est dès lors interrogée sur l'articulation entre une diplomatie au service de la diffusion de la culture française et une action culturelle extérieure au service des intérêts diplomatiques dans le cadre d'une tutelle unique. Elle s'est inquiétée, en effet, des lourdeurs de fonctionnement qu'occasionnerait un système de cotutelle, comme l'a démontré l'expérience de la gouvernance de Radio France Internationale (RFI). Elle a suggéré que la participation d'autres ministères se traduise plutôt dans la composition du conseil d'administration ou dans le cadre d'un comité interministériel consultatif auprès de l'établissement.

Elle a souligné que le problème principal du réseau culturel de la France à l'étranger résidait dans la gestion de ses ressources humaines. Elle a proposé de lancer une réflexion sur la création d'un corps d'animateurs culturels de haut niveau, commun aux ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin de mettre à la disposition du réseau culturel des agents aux profils universitaires et culturels variés, qui pourraient poursuivre une carrière transversale sur la base de passerelles entre les structures des différents ministères. Ces « officiers » culturels pourraient ainsi voir l'expérience acquise au sein du réseau culturel validée et valorisée, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas des personnels mis à disposition par les corps des différents ministères.

Elle a estimé que l'impossibilité de distinguer l'action culturelle extérieure et l'accueil des étudiants étrangers en France plaidait pour l'intégration de la coopération universitaire et scientifique dans le champ d'intervention de la future agence.

Elle a insisté enfin sur la nécessité d'associer, le cas échéant au sein de la future agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France, le pôle audiovisuel extérieur à la mise en oeuvre de la politique d'influence culturelle, linguistique, scientifique et technique.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a rappelé que la culture représentait aussi un secteur dynamique de l'économie qui doit avoir son importance propre. Il a indiqué que le ministère de la culture était déjà conduit à collaborer régulièrement avec les organismes de coopération universitaire EGIDE et EduFrance qui s'imposent comme des prestataires de service incontournables pour l'accueil des étudiants spécialisés dans la culture et des artistes et professionnels étrangers. Dans le cas où la coopération universitaire, scientifique et technique serait intégrée dans le champ d'intervention de la future agence culturelle, il a exprimé, à titre personnel, la crainte que les arbitrages entre l'enseignement supérieur et la culture se fassent au détriment de cette dernière.

Partageant le constat selon lequel il convient de trouver une meilleure adéquation entre les profils professionnels et les postes occupés, il a toutefois insisté sur la nécessité que les agents occupant les postes culturels à l'étranger soient suffisamment en synergie avec les milieux culturels et la création française. Cela semble a priori peu compatible avec la constitution d'un corps spécifique d'animateurs culturels à l'étranger qui suppose une gestion des carrières sur le long terme. La véritable valeur ajoutée de la coopération culturelle doit être recherchée dans l'interactivité entre les postes relevant des différents ministères impliqués, aussi bien en interne en France qu'à l'étranger. Il a estimé que le ministère de la culture devrait être davantage sollicité pour la formation des agents du réseau culturel français à l'étranger mis à disposition par l'éducation nationale pour la plupart d'entre eux. Il a regretté, par ailleurs, que la durée d'immersion des agents culturels dans le pays d'accueil demeure aussi courte, trois ans en règle générale. C'est pourquoi il a jugé qu'une réflexion statutaire s'imposait, afin de garantir la continuité des parcours professionnels.

L'expérience de cotutelle dans le fonctionnement de RFI n'est certes pas une réussite ; toutefois, il existe des exercices positifs de cotutelle de certains établissements publics, notamment entre le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche comme c'est le cas du musée du Quai Branly ou de la Cité des sciences et de l'industrie. Il a estimé que les inconvénients qu'il y aurait à cloisonner les actions des ministères des affaires étrangères et de la culture en matière de rayonnement culturel extérieur seraient plus importants que les lourdeurs administratives découlant d'un système de cotutelle.

Néanmoins, dans l'hypothèse où la tutelle du futur opérateur en charge de l'action culturelle extérieure serait réservée au seul ministère des affaires étrangères, il a jugé indispensable la mise en place de comités de pilotage conjoints ou la participation du ministère de la culture à des conférences régionales de discussion stratégique afin de garantir un espace de dialogue interministériel. Cependant, il a fait observer que ce type d'enceinte, moins formalisé que la cotutelle, a tendance à s'essouffler dans le temps.

Mme Catherine Tasca a rappelé que l'intérêt de la culture ne tient pas prioritairement à son poids économique et commercial mais réside bien plus dans les enjeux de société auxquels elle est associée. Elle a ensuite souligné que la rénovation du dispositif français d'action culturelle extérieure s'inscrivait dans une réforme plus globale du ministère des affaires étrangères à travers la création de grandes directions générales d'administration centrale puissantes. Elle s'est alors interrogée sur la place de l'action internationale du ministère de la culture dans le cadre de cette nouvelle configuration administrative du Quai d'Orsay. Elle s'est également inquiétée de la diminution constante des moyens financiers consacrés à la politique culturelle extérieure. S'agissant du pilotage stratégique, elle a jugé indispensable qu'un espace de négociation interministérielle soit aménagé à l'extérieur de l'agence, sur le modèle de l'ancien Conseil de l'action audiovisuelle extérieure de la France. Elle a ajouté que la coopération entre ministères en matière de rayonnement culturel pouvait également reposer sur un système de conventions. En outre, elle a sollicité des précisions sur l'implication du ministère de la culture dans la conduite de la politique francophone de la France. Enfin, elle a souhaité connaître l'avancée de la réflexion au sein du ministère de la culture sur la mise en place de passerelles entre différents ministères dans les parcours professionnels des agents publics spécialisés dans la culture.

En réponse à ces observations, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a apporté les précisions suivantes :

- les biens et services culturels se caractérisent par leur double nature intrinsèque, qui repose tant sur leur dimension commerciale que sur leur importance en tant que vecteurs d'identité des sociétés humaines, spécificité consacrée par la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;

- les activités internationales du ministère de la culture relevaient initialement du seul département des affaires européennes et internationales, placé jusqu'en 2003 sous la responsabilité du cabinet. En vue de développer des synergies avec les services de l'administration centrale du ministère de la culture, il a été rattaché à la délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI) créée en 2003. Afin de conférer plus de légitimité administrative et politique à l'action internationale du ministère de la culture, en particulier par rapport au Quai d'Orsay, le département des affaires européennes et internationales est appelé à devenir, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une sous-direction des affaires internationales intégrée au sein d'un service des affaires juridiques et internationales, lui-même relevant d'un secrétariat général. Cette sous-direction devrait avoir la charge de coordonner l'action internationale des différentes directions administratives comme celle des multiples établissements publics placés sous la tutelle du ministère ;

- en ce qui concerne les relations avec le ministère des affaires étrangères, la mise en place d'un conseil d'orientation stratégique auprès de la future agence en charge du rayonnement culturel, soit dans un cadre bilatéral, soit ouvert à des personnalités extérieures, serait une bonne solution. La pratique de la coopération avec d'autres ministères sur la base de conventions, dans des domaines tels que la santé ou encore la justice, a produit des résultats satisfaisants, à la condition que les parties travaillent dans un esprit de réelle égalité ;

- la politique francophone de la France continue de relever principalement du service des affaires francophones du Quai d'Orsay, appelé à être intégré à la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. Le ministère de la culture intervient cependant également en matière de promotion de la langue française à l'étranger, notamment dans le cadre de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) et du soutien à certaines opérations de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en faveur de la diversité culturelle.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que la DGLFLF était, à l'origine, un service interministériel rattaché au Premier ministre avant de relever désormais du ministère de la culture. Il s'est félicité de sa future transformation en une délégation interministérielle placée directement auprès du ministre de la culture, dans le cadre de la réorganisation du ministère.

M. Michel Thiollière a regretté que l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France prennent insuffisamment en compte les attentes des agents culturels et des partenaires sur le terrain à l'étranger. Il a souligné, en particulier, le manque préoccupant de moyens du dispositif culturel français à l'étranger, notamment en termes de biens culturels comme des livres ou des films français. Il a, dès lors, appelé à réunir au sein d'une même instance les collectivités territoriales, les associations et les partenaires privés afin de démultiplier leur capacité à soutenir les acteurs du réseau culturel français à l'étranger à travers le mécénat.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que les postes culturels à l'étranger ont régulièrement recours au mécénat au niveau local, auprès d'entreprises françaises comme d'entreprises locales francophiles, mais que cet exemple ne pouvait être généralisable à tous les pays. Il a ajouté que la coopération décentralisée constituait un levier potentiellement très dynamique de l'action culturelle extérieure de la France.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a précisé que la proposition évoquée précédemment de constitution d'un corps d'agents spécifiquement dédié à l'animation culturelle, scientifique et technique à l'étranger devrait concerner des personnels travaillant aussi bien à l'étranger qu'en France, en aménageant des passerelles entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture, comme par exemple entre les postes culturels à l'étranger et les directions régionales des affaires culturelles en France. En tout état de cause, il importe que ces agents soient non seulement conscients des tendances de la création artistique contemporaine, mais disposent également de compétences spécifiques en matière de gestion d'établissements publics.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que les commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères et de la défense partageaient le souhait de voir consacrée la présence culturelle française à l'étranger comme vecteur de la diplomatie française d'influence et du dialogue interculturel dans le monde. Il a dès lors appelé au renforcement de la concertation interministérielle entre les ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment en matière de francophonie et de diversité linguistique et culturelle. En ce qui concerne la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger, il a toutefois regretté que la France n'ait pas été suffisamment attentive et réactive face à la concurrence accrue sur le marché mondial de la formation universitaire et professionnelle.

M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense, a souligné que l'attractivité de l'enseignement supérieur français était tributaire de la qualité de l'accueil et des enseignements au sein des universités françaises, déplorant à cet égard le retard inquiétant accusé par la France par rapport à ses principaux concurrents comme le Royaume-Uni et l'Allemagne. Il a ensuite sollicité des précisions sur la conduite de l'action culturelle extérieure par des pays ne disposant pas de ministère de la culture à proprement parler, comme les États-Unis.

M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a fait observer que le nombre de pays ayant créé un ministère de la culture en charge de la promotion de l'identité culturelle et des industries culturelles nationales, inspiré du modèle français, avait considérablement augmenté, et que le ministère de la culture et de la communication avait démontré son utilité en matière de diplomatie culturelle, sur des sujets aussi divers que la mise en oeuvre de la présidence française de l'Union européenne, le combat pour la diversité culturelle, ou encore l'accord sur le Louvre d'Abu Dhabi. Si les États-Unis ne possèdent pas de département ministériel à part entière en charge de la culture, la réalité économique et commerciale est telle que la diffusion de la culture américaine, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, est extrêmement dynamique.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a estimé que la diplomatie culturelle française ne trouverait un nouveau souffle qu'à la condition de répondre au « désir de France » exprimé localement dans les différents pays d'accueil. Il a rappelé que les commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères et de la défense seraient particulièrement attentives aux objectifs de réforme prochainement annoncés par le Quai d'Orsay et qu'elles s'efforceraient de participer étroitement à la réflexion sur la réorganisation du dispositif culturel de la France à l'étranger.

Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats

(12 mai 2009)

La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.

Accueillant M. Christian Masset, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre des auditions conjointes des deux commissions portant sur l'action culturelle extérieure de la France. Il a souhaité revenir sur la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes, présentée par le ministre M. Bernard Kouchner, le 25 mars dernier, et sur ses implications en matière de diplomatie culturelle, concernant notamment la création prochaine d'une nouvelle agence, dénommée « Institut français », chargée de l'action culturelle extérieure.

M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes, a indiqué, en préambule, que la crise économique mondiale avait à la fois pour conséquence une reconfiguration de la planète autour d'un monde multipolaire mais également une forte volonté d'affirmation des identités nationales et un retour aux racines, comme l'illustrait le fait que la culture soit le secteur le plus épargné par cette crise.

Estimant que la question essentielle était de savoir si cette reconfiguration du système international serait conflictuelle ou bien facteur de progrès, il a considéré que la culture avait un rôle essentiel à jouer pour favoriser la seconde solution et que la France avait une carte à jouer dans ce domaine, comme en témoignait son action au service de la diversité culturelle, consacrée par la convention adoptée dans le cadre de l'UNESCO.

Il a souligné que la création, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d'une direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats avait pour double objectif, d'une part, d'encourager une mondialisation mieux régulée et plus solidaire et, d'autre part, de faire en sorte que la France soit une référence dans ce nouveau monde multipolaire, non pas en imposant son propre modèle, mais en offrant une réelle alternative, qu'il s'agisse de la culture, de la création artistique, du cinéma et de l'audiovisuel, du livre ou encore de la langue française.

Pour ce faire, il a estimé indispensable de croiser différentes dimensions, comme la culture et le développement, par exemple en apportant un soutien au cinéma africain, la culture et l'économie, comme l'illustrent les saisons culturelles croisées, la culture et l'enseignement ou encore la culture et les enjeux globaux, tels que l'environnement ou les migrations.

Il a également souligné que la mise en place d'une direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, aux côtés d'une direction générale chargée des affaires politiques et stratégiques et d'une direction générale chargée de l'administration, reposait sur l'idée que l'action culturelle faisait pleinement partie du coeur de métier des diplomates du Quai d'Orsay, au même titre que le service des relations internationales.

Il a indiqué que, si le terme de culture ne figurait pas dans la dénomination de cette nouvelle direction générale, comme c'était d'ailleurs déjà le cas dans l'appellation de l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement, une des quatre directions de la direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats était spécifiquement chargée de la culture et du français.

M. Christian Masset a ensuite rappelé que la création de cette nouvelle direction générale, qui s'inscrivait dans le cadre de la réforme globale du ministère des affaires étrangères et européennes, issue du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et des travaux de la révision générale des politiques publiques et présentée par le ministre, M. Bernard Kouchner, le 25 mars dernier, constituait une première étape et qu'une seconde étape serait réalisée avec la mise en place de nouveaux opérateurs, parmi lesquels un nouvel opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationale, issu du rapprochement entre CampusFrance, EGIDE et France Coopération Internationale, et une agence dénommée « Institut français » chargée de l'action culturelle extérieure, qui seraient regroupés au sein d'une « maison des opérateurs ».

Il a indiqué qu'un comité de préfiguration de cette future agence, regroupant différentes personnalités du monde de la culture, des représentants des administrations concernées et des parlementaires avait été institué et qu'il devrait remettre ses conclusions en juin, dans la perspective de la réunion des États généraux de l'action culturelle extérieure, qui devraient se dérouler en juillet.

Il a également précisé qu'un projet de loi relatif à la création de cette agence, serait déposé au Parlement, vraisemblablement à l'automne, afin que celle-ci puisse commencer à fonctionner l'an prochain.

M. Christian Masset a estimé que les trois principaux sujets sur lesquels devraient se prononcer les membres du comité de préfiguration seraient le périmètre de la future agence, étant entendu qu'un autre opérateur serait chargé de la mobilité et de l'expertise internationale, les liens de l'agence avec le réseau culturel et la question de la tutelle ministérielle sur cet organisme.

Il a considéré également que, en dehors de ces trois sujets importants, quatre autres questions essentielles mériteraient d'être évoquées.

La première question porte sur les relations avec le ministère de la culture et de la communication. Quelle que soit la formule retenue pour la tutelle de la future agence chargée de l'action culturelle, avec notamment la question d'une tutelle unique ou d'une co-tutelle, il est, bien entendu, indispensable que le ministère des affaires étrangères et européennes entretienne des relations étroites avec le ministère de la culture et de la communication, notamment afin d'assurer une cohérence entre l'action culturelle nationale et internationale. Il est donc nécessaire de trouver la bonne manière de renforcer la coopération avec le ministère de la culture et de la communication.

La seconde interrogation concerne le réseau culturel.

À cet égard, le débat ne porte pas tant sur l'intérêt de conserver les centres ou instituts culturels et une action culturelle « hors les murs », étant donné que cela dépend largement de la situation de chaque pays, le continent européen se prêtant davantage à une action culturelle « hors les murs » que le continent africain, où le centre culturel français représente souvent le seul accès à la culture. Il s'agit plutôt de renforcer la visibilité et la lisibilité du réseau, notamment en fusionnant, au sein d'un établissement unique, les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les centres ou instituts culturels, et, à cet égard, l'idée d'un label unique, sur le modèle du Goethe Institut ou du British Council va dans le bon sens. Il s'agit également de trouver la bonne articulation avec le réseau des Alliances françaises, qui ont vocation à demeurer autonomes et qui, par leur nature même, témoignent de la forte attente étrangère à l'égard de la France. Sur ce point, il convient de préciser qu'il n'y a plus aujourd'hui de « doublons » entre les alliances françaises et les centres ou instituts culturels. Enfin, le réseau doit « respirer », avec à la fois des fermetures et des ouvertures, comme en Irak, en Chine, dans les territoires palestiniens ou les pays d'Europe orientale.

Une troisième question essentielle concerne la gestion des ressources humaines. Le principal enseignement de l'étude comparative menée par M. Bernard Faivre d'Arcier tient, en effet, à la mise en lumière des insuffisances du système français en matière de formation. On peut penser, d'autre part, que la future agence aura un rôle important à jouer dans ce domaine. Il est également nécessaire de trouver le juste équilibre en ce qui concerne la durée d'affectation, afin qu'elle ne soit ni trop courte ni trop longue. Enfin, se pose aussi la question du statut des personnels et de l'égalité de traitement avec les autres personnels détachés du ministère des affaires étrangères et européennes ou de l'État.

Enfin, la dernière interrogation porte sur le financement. À cet égard, malgré une relative stabilité des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes, on constate toutefois un déséquilibre entre les contributions multilatérales, qui sont en progression, au détriment des actions bilatérales, ce qui se traduit par d'importantes baisses de subventions dans certains postes. Or, la question du financement est essentielle au moment où il est question d'engager une réforme ayant pour objectif de constituer une agence et un réseau culturels ambitieux.

À cet égard, le ministre des affaires étrangères et européennes a obtenu du Président de la République et du Premier ministre un financement supplémentaire de 40 millions d'euros spécifiquement destiné à l'action culturelle extérieure, dont 20 millions d'euros pour 2009 et 20 millions d'euros pour 2010, ce qui permettra de financer certaines actions conduites par les postes et de leur offrir une meilleur visibilité à moyen terme.

Sur ce point, il n'existe pas de véritable corrélation entre l'existence d'une agence et les financements consacrés à l'action culturelle extérieure, puisque, si on se réfère aux modèles étrangers, tels que le British Council, le Goethe Institut ou l'Institut Cervantes, on constate que les financements versés à ces organismes dépendent surtout de la situation des finances publiques des pays concernés. A cet égard, le rôle de l'ambassadeur est souvent fondamental concernant la levée de fonds privés pour financer des actions culturelles, comme on peut le constater à Rome, aux États-Unis d'Amérique ou à Singapour.

En conclusion, se référant au dernier numéro du magazine The Economist , qui vante les mérites du modèle français par rapport aux modèles allemand ou britannique, M. Christian Masset a indiqué que la France n'avait pas à rougir de son propre modèle culturel, qui est d'une valeur exceptionnelle et qui doit être préservé même s'il nécessite d'être réformé, chaque modèle national ayant par ailleurs ses qualités et la diversité étant dans ce domaine une richesse.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que la France avait été à l'origine de l'invention de la diplomatie culturelle, avec la création, à la fin du XIX e siècle, des Alliances françaises, qui avaient servi de modèles au British Council et au Goethe Institut, et qu'il ne fallait donc pas nourrir de complexes.

Il a également estimé que, avant d'étudier les structures, il fallait au préalable s'interroger sur les objectifs assignés à l'action culturelle extérieure.

Rappelant les nombreux travaux déjà réalisés et l'intérêt manifesté de longue date par les sénateurs, il a indiqué que le Sénat serait très vigilant et actif dans ce débat.

Relevant que M. Christian Masset était plutôt favorable à l'idée d'une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes sur la future agence chargée de l'action culturelle extérieure, mais qu'il souhaitait dans le même temps associer davantage le ministère de la culture et de la communication, il s'est interrogé sur la manière de renforcer la place du ministère de la culture et de la communication et celle des autres ministères, comme celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Christian Masset a répondu que le ministère des affaires étrangères et européennes avait la volonté d'établir un véritable partenariat avec l'ensemble des ministères intéressés, et, en premier lieu, avec le ministère de la culture et de la communication, en matière d'action culturelle extérieure, mais que la question se posait sur le moyen de concilier ce souhait avec le souci de garantir l'efficacité du dispositif.

À cet égard, il a estimé que la co-tutelle était un système qui fonctionnait moins bien qu'une tutelle unique, mais que cela ne voulait pas dire pour autant que les autres ministères ne devaient pas être associés, par exemple en étant représentés au sein du conseil d'administration ou bien en créant un conseil d'orientation stratégique, qui associerait différents ministères, sur le modèle de ce qui existe pour l'aide publique au développement.

Il a également jugé qu'il serait souhaitable d'associer les professionnels et d'autres personnalités du monde de la culture, par exemple au sein d'un conseil scientifique.

Soulignant que toute réforme imposée d'en haut serait vouée à l'échec si elle n'associait pas étroitement les personnels du réseau culturel, M. Louis Duvernois s'est interrogé sur le choix de la dénomination de la future agence.

Estimant que la question de la gestion des ressources humaines était un point clef, il s'est également interrogé sur les responsabilités qui pourraient être confiées à la future agence en ce qui concerne le recrutement et la formation des agents ou la gestion des carrières.

En réponse, M. Christian Masset a indiqué que la réforme du ministère des affaires étrangères avait fait l'objet d'une vaste consultation des personnels, notamment dans le cadre des travaux préparatoires du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.

Il a précisé que la consultation des agents du réseau avait conduit le ministre à proposer de dénommer « Institut français » la future agence, alors que, au départ, ce dernier avait plutôt exprimé sa préférence pour le nom d'un grand écrivain français. Il a indiqué que la décision finale quant au choix de la dénomination de l'agence serait prise par le ministre, sur la base des propositions qui seront formulées par le comité de préfiguration.

Convenant que la gestion des ressources humaines était un point essentiel, il a estimé que la question de savoir si cette tâche devait être confiée à la future agence dépendait étroitement du contrôle qu'elle exercerait ou non sur le réseau culturel.

Il a indiqué qu'il avait personnellement le sentiment que les inconvénients d'un rattachement du réseau culturel à l'agence l'emportaient sur ses avantages. Le réseau est celui de tous les opérateurs et non d'un seul.

Il a donc jugé personnellement préférable de conserver une distinction entre l'agence, d'une part, et le réseau, d'autre part, qui serait rationalisé par la création d'un établissement unique, sous l'autorité de l'ambassadeur, issu du regroupement des services de coopération et d'action culturelle et des centres ou instituts culturels.

M. Yves Dauge s'est demandé si la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, le périmètre réduit à l'action culturelle proprement dite de la future agence et l'absence de contrôle de l'agence sur le réseau n'aboutiraient pas à vider de sa substance la réforme et même à un recul par rapport à la création de CulturesFrance. Il s'est interrogé sur l'avenir de CampusFrance, dans l'hypothèse où la future agence ne serait pas chargée de la mobilité des étudiants et des professeurs.

Il a estimé indispensable, y compris dans l'hypothèse où le ministère des affaires étrangères conserverait la tutelle sur la future agence, de renforcer la place du ministère de la culture et celle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, de développer des partenariats avec les grands établissements culturels français et avec les collectivités territoriales.

Rappelant que l'action culturelle extérieure avait fait l'objet d'une forte baisse de ses crédits, de l'ordre de 10 % en 2009, et que, selon le document de programmation triennale, cette diminution devrait se poursuivre en 2010 et en 2011, ce qui avait été unanimement dénoncé par le Sénat lors de la discussion de la dernière loi de finances, M. Yves Dauge a fait part de ses préoccupations au sujet du calendrier de la réforme et de son articulation avec la discussion de la prochaine loi de finances.

Il a également rendu hommage à l'action des agents du ministère et du réseau culturel qui, malgré cette diminution drastique des financements et du manque de soutien de leur administration, réalisent un travail remarquable et s'efforcent de maintenir une présence culturelle de la France à l'étranger.

Enfin, au sujet de la convention sur la diversité culturelle adoptée dans le cadre de l'UNESCO, il a regretté que la France, après avoir joué un rôle majeur lors de son adoption, ne soit pas assez impliquée dans sa mise en oeuvre concrète.

M. Christian Masset a indiqué qu'il était sensible à l'hommage rendu aux agents du ministère et du réseau culturel, qui réalisent un travail remarquable malgré des conditions souvent difficiles, avec une forte diminution des crédits dans certains postes.

Il a ensuite précisé que le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, avait depuis longtemps manifesté son vif intérêt pour l'action culturelle extérieure, qu'il s'était personnellement beaucoup investi sur ce volet dans le cadre de la réforme du ministère, la plus importante engagée au cours de ces vingt dernières années, et qu'il avait réussi à obtenir du Président de la République et du Premier ministre une enveloppe supplémentaire de 40 millions d'euros spécifiquement destinée à la coopération culturelle extérieure.

Ces 40 millions d'euros supplémentaires, dont une moitié sera versée en 2009 et l'autre en 2010, devraient servir à financer quelques grands projets sélectionnés à partir des propositions des différents postes, en particulier dans le domaine de la numérisation, où la France accuse un retard par rapport à ses partenaires, notamment l'Espagne, ou encore pour la formation des agents.

S'agissant du périmètre de la future agence, il a rappelé que les conseils de modernisation, à l'issue des travaux de la révision générale des politiques publiques, avaient décidé la création d'un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale, à partir du rapprochement entre CampusFrance, EGIDE et le GIP France coopération internationale (FCI). Il a jugé nécessaire de centrer l'action de chaque opérateur sur son coeur de métier.

Dans le prolongement des propos de M. Yves Dauge, Mme Catherine Tasca a également fait part de sa préoccupation au sujet du calendrier de cette réforme et insisté sur la nécessité d'accélérer sa mise en oeuvre, compte tenu de l'inquiétude qui pèse sur les agents du réseau culturel à propos du contenu précis de cette réforme.

Elle a également fait part de son étonnement, à la lecture des documents de présentation de la réforme, quant à l'absence de référence à la politique culturelle dans les missions du ministère des affaires étrangères et européennes et dans la définition des attributions de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.

Relevant que le nom d' « Institut français » provenait sans doute de la transposition du « Goethe Institut », alors que le terme d' « institut » n'a pas la même signification en français et en allemand, elle a fait par de ses doutes sur le choix de cette appellation.

En réponse, M. Christian Masset a confirmé que le terme d'« Institut français » était celui utilisé en Allemagne pour qualifier les instituts ou centres culturels français, tout en précisant qu'aucune décision définitive n'avait été prise à ce stade.

Il a indiqué que, si la direction générale chargée de la mondialisation, de la culture et des partenariats regroupait des services et des agents d'horizons très variés, puisqu'ils étaient issus à la fois de l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement et de la direction des affaires économiques et financières, la culture y occupait une place à part entière, au sein d'une direction autonome, dont il avait d'ailleurs souhaité qu'elle soit située à proximité immédiate du directeur général dans le nouveau bâtiment situé dans le quartier de la Convention.

M. Jack Ralite a évoqué son récent déplacement en Bosnie-Herzégovine, avec le groupe interparlementaire d'amitié du Sénat, et a dit avoir été frappé à cette occasion par le cas du centre culturel André Malraux, situé à Sarajevo, dont les crédits seraient en diminution et qui semble faire l'objet d'un conflit entre son directeur et les services de l'ambassade. Il a estimé que cette situation pouvait porter préjudice à la présence culturelle de la France dans ce pays, qui tente, non sans difficultés, de se rapprocher de l'Union européenne.

Il a également fait part de son extrême préoccupation au sujet de la négociation par la Commission européenne des accords économiques avec certains partenaires, comme la Corée, l'Inde et le Canada, pour lesquels la direction générale du commerce se substitue à celle chargée de la culture pour négocier certains aspects de ces accords qui relèvent pourtant de la culture.

En réponse, M. Christian Masset a déclaré partager l'inquiétude de M. Jack Ralite au sujet de la prise en compte des aspects relatifs à la culture dans les négociations sur les accords commerciaux de l'Union européenne et il a précisé qu'il avait saisi la directrice générale de la culture de la Commission européenne de cette question.

Concernant le centre André Malraux, il a précisé qu'il s'agissait d'un centre privé, mais que le ministère des affaires étrangères et européennes lui apportait un soutien et qu'il avait même décidé récemment de mettre à sa disposition un assistant technique. Il a indiqué ne pas avoir connaissance d'un éventuel conflit entre la direction du centre et les services de l'ambassade, mais qu'il demanderait à ses services d'étudier plus attentivement la situation sur place.

* 1 Article du 21 novembre 2007 de M. Donald Morrison.

* 2 Marc Fumaroli, L'État culturel , Éditions De Fallois, 1992, Paris.

* 3 Cette expression fait référence à l'idée d'un pouvoir d'influence faisant appel non pas à la contrainte mais à une force indirecte de conviction fondée sur des moyens non coercitifs (prestige, exemplarité du comportement, capacités de communication, rayonnement culturel, scientifique et technologique, etc.). Elle est liée au concept de « soft power » du géopoliticien américain Joseph Nye qui le définit comme « la capacité d'arriver à ses fins par un pouvoir de séduction et d'attirance, plutôt que par la menace ou le marchandage ».

* 4 On peut citer notamment les rapports de nos collègues M. Yves Dauge, alors député, consacré au réseau culturel français à l'étranger, de 2001 ; de M. Louis Duvernois sur une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France, présenté en décembre 2004 au nom de la commission des affaires culturelles, ou encore celui de M. Adrien Gouteyron, sur la crise de la diplomatie culturelle française, présenté en juillet 2008 au nom de la commission des finances.

* 5 Le compte-rendu de ces auditions figure en annexe du présent rapport.

* 6 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe.

* 7 Le compte-rendu de l'audition de M. Jean-Claude Jacq figure en annexe au présent rapport.

* 8 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe.

* 9 Voir le rapport n° 61 (2006-2007) de MM. Adrien Gouteyron et Michel Charasse, fait au nom de la commission des finances, sous le titre « CulturesFrance : des changements nécessaires ».

* 10 Ce risque a été soulevé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 par les rapporteurs budgétaires de vos deux commissions, ces dernières s'étant prononcées en faveur du plafonnement de cette prise en charge et d'une évaluation préalable à l'extension de ce dispositif au collège et à l'école primaire.

* 11 - « La politique audiovisuelle extérieure de la France », rapport de M. Francis Balle, La Documentation française, Paris, 1996 ;

- « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence », rapport n° 91 de M. Louis Duvernois, présenté le 1 er décembre 2004, au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat ;

- « L'audiovisuel extérieur : quels choix pour demain ? », rapport n° 3589 présenté par M. François Rochebloine, au nom de la mission d'information de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2007.

* 12 Rapport d'information n° 428 (2007-2008) sur la crise de la diplomatie culturelle française de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

* 13 Voir les avis budgétaires de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères, et de M. Yves Dauge, au nom de la commission des affaires culturelles.

* 14 Selon une estimation du ministère des affaires étrangères et européennes.

* 15 Voir à ce sujet le communiqué de presse de la commission des affaires étrangères et de la défense du 19 novembre et celui de la commission des affaires culturelles du 20 novembre 2008.

* 16 Rapport d'information n° 2924 (2000-2001) de M. Yves Dauge, fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur les centres culturels français à l'étranger.

* 17 Rapport d'information n° 91 (2004-2005) de M. Louis Duvernois, fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, intitulé « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence ».

* 18 Rapport d'information n° 428 (2007-2008) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la crise de la diplomatie culturelle française.

* 19 Texte n° 71 (2006-2007) adopté par le Sénat le 13 février 2007.

* 20 Texte n° 257 (2008-2009) de M. Adrien Gouteyron, déposé au Sénat le 10 mars 2009.

* 21 Disponible sur le site Internet : http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/

* 22 M. Bernard Faivre d'Arcier, Étude comparative des dispositifs culturels extérieurs de la France et de ses principaux partenaires, 23 février 2009 (non publiée).

* 23 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe.

* 24 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe.

* 25 Opus cité.

* 26 Le compte rendu de son audition figure en annexe.

* 27 Créée par le décret n° 2009-291 du 16 mars 2009 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes.

* 28 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe.

* 29 Ce comité comprend notamment, pour le Sénat, MM. Louis Duvernois et Yves Dauge, membres de la commission des affaires culturelles, ainsi que Mme Catherine Tasca, Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Joseph Kergueris, membres de la commission des affaires étrangères et de la défense.

* 30 Nommé ambassadeur chargé de l'audiovisuel extérieur, lors du Conseil des ministres du 8 avril 2009.

* 31 Cette clarification du pilotage politique et stratégique ne fait pas, a priori , obstacle à ce que la tutelle administrative et budgétaire de la société Audiovisuel extérieur de la France continue de relever de la direction du développement des médias du ministère de la culture.

* 32 On peut faire observer que la présidence du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a été confiée au directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères.

* 33 Le Goethe Institut dispose de douze directions régionales, le British Council de onze.

* 34 L'expérience du conseil de l'audiovisuel extérieur de la France, qui n'a quasiment plus fonctionné depuis 1996, devrait inviter le Gouvernement à s'assurer que les futures instances interministérielles soient libérées de la lourdeur et du formalisme de leurs modalités de fonctionnement.

* 35 Note du ministère des affaires étrangères et européennes sur le rôle des collectivités territoriales dans les relations culturelles extérieures de l'Union européenne.

* 36 Les agents doivent suivre au départ une formation de six mois au siège central de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne.

* 37 Pour mémoire, les recrutés locaux des établissements culturels à autonomie financière sont financés en partie par des ressources propres et ne figurent pas dans le plafond d'emplois du ministère des affaires étrangères.

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