B. LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2003

A l'initiative de son président, M. Christian Poncelet, le Sénat avait adopté, le 26 octobre 2000, une proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières. Le constat était double et reste d'ailleurs d'une grande actualité :

- diverses mesures législatives avaient entraîné un démantèlement progressif de la fiscalité locale : suppression en 1993 des parts régionale et départementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, suppression en 1999 de la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux, réduction en 1999 du taux des droits de mutation à titre onéreux des départements sur les locaux à usage professionnel, suppression progressive de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires, réforme des droits de mutation en 2000, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette automobile en 2001 ;

- l'Etat transférait des charges, qui s'alourdissaient et qui étaient insuffisamment compensées .

Le Gouvernement a alors déposé au Sénat, le 23 octobre 2002, un projet de loi constitutionnelle, examiné conjointement avec plusieurs propositions de loi constitutionnelle 128 ( * ) . Adoptée définitivement par la loi du 28 mars 2003, cette révision constitutionnelle contient diverses dispositions relatives à l' organisation décentralisée de la République . En matière financière, elle introduit dans la Constitution un article 72-2, dont le troisième alinéa indique que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources » .

Le rapport 129 ( * ) de notre collègue René Garrec précise que cet article « tend à poser le principe de l'autonomie financière, en particulier fiscale, des collectivités territoriales » et que, « selon la direction générale de la comptabilité publique, les ressources propres des collectivités comprennent les recettes de la fiscalité locale directe, les recettes de la fiscalité locale indirecte et les produits des domaines et d'exploitation ».

Or, en s'appuyant sur une certaine interprétation de la rédaction de l'article 72-2 de la Constitution, l'Assemblée nationale a souhaité, lors des débats sur la loi organique fixant les conditions de mise en oeuvre de ce principe 130 ( * ) , que l'ensemble des ressources fiscales, y compris celles provenant d'impôts nationaux partagés, soient considérées comme des ressources propres : le législateur a ainsi inclus dans les ressources propres les impositions dont « la loi détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette » . M. Daniel Hoeffel, rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat, précisait d'ailleurs en séance que « cette [rédaction] est destinée à garantir l'assimilation à une ressource propre de la part non modulable de la taxe intérieure sur les produits pétroliers transférée aux départements par la loi de finances pour 2004 pour compenser les charges induites par la loi du 18 décembre 2003 relative au RMI et au RMA » 131 ( * ) .

Au total, la notion de ressources propres est entendue de manière très large par la loi organique puisque, outre les impositions dont les collectivités peuvent fixer l'assiette, le taux ou le tarif, elle inclut notamment les impositions partagées avec l'Etat sur lesquelles elles n'ont aucun moyen d'action. La révision constitutionnelle de 2003 constitue donc sur ce point un rendez-vous manqué pour la reconnaissance de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales .

* 128 Le dossier législatif présente l'ensemble des documents et peut être consulté sur le site internet du Sénat à l'adresse : www.senat.fr/dossierleg/pjl02-024.html .

* 129 Rapport n° 27 (2002-2003) de M. René Garrec, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.

* 130 Loi organique prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, n° 2004-758 du 29 juillet 2004.

* 131 Séance publique du 22 juillet 2004.

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