e) Le choix du statu quo institutionnel à La Réunion

Le regain de la problématique institutionnelle et statutaire dans les départements français d'Amérique ne semble pas concerner La Réunion.

La population et les élus de La Réunion se sont toujours montrés fermement attachés à une « unité institutionnelle » de ce territoire avec la métropole. Cette égalité institutionnelle est en effet souvent perçue comme une garantie de l'exercice plein et entier par les Réunionnais des droits et libertés reconnus par la République. La Réunion s'est d'ailleurs protégée d'une évolution trop différenciée du droit commun en faisant adopter par le Sénat, puis par le Congrès, un amendement prévoyant clairement que la possibilité pour les DOM de définir eux-mêmes des mesures relevant du domaine de la loi ou du règlement dans un nombre limité de matières ne s'appliquerait pas sur son territoire.

Lors de son déplacement dans ce département, la mission a pu constater que la volonté de statu quo institutionnel , fortement exprimée par les élus de La Réunion lors de l'examen de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, demeurait .

Ainsi, si M. Guito Ramoune, maire de Petite Île, s'est déclaré favorable à un rapprochement entre la région et le département, il a estimé que cette réforme avait perdu de son intérêt du fait, d'une part, de l'augmentation des budgets résultant des transferts de compétences, d'autre part, de l'absence de chevauchements entre leurs domaines d'action et, enfin, d'une bonne collaboration entre les collectivités.

Mme Nassimah Dindar, présidente du conseil général de La Réunion, n'en a pas moins jugé que l'organisation institutionnelle de l'île, notamment la distinction entre le conseil général et le conseil régional, pourrait être repensée à l'avenir.

Compte tenu de la spécificité de chacun des DOM et de la flexibilité institutionnelle et statutaire offerte par la Constitution depuis 2003, la mission d'information estime qu'il serait vain de vouloir proposer un modèle d'organisation statutaire ou institutionnel unique pour ces territoires.

Elle estime néanmoins que la structuration actuelle des quatre DOM en deux niveaux de collectivités superposés constitue une source de complexité réelle qui n'apparaît pas compensée par les avantages qu'elle apporte en termes de représentativité démocratique.

Le passage du régime de l'article 73 de la Constitution à celui de l'article 74 n'apparaît pas comme une condition nécessaire pour que les DOM aient un régime proprement adapté. Les facultés d'adaptation et de différenciation des règles applicables par rapport à la métropole sont potentiellement très importantes ; mais encore faut-il qu'elles soient effectivement mises en oeuvre.

La mission considère que le choix d'un changement de régime résulte d'une démarche politique : les « quatre vieilles » ont toujours souhaité marquer leur différence par rapport aux autres collectivités françaises situées outre-mer, en raison notamment de leur volonté d'assimilation, qui illustre un lien identitaire fort avec la métropole.

Proposition n° 2 : Dépasser le schéma actuel de la région monodépartementale, dans le respect du choix des élus et des électeurs des DOM.

Estimant qu'il ne lui appartient pas de se substituer à la volonté des électeurs concernés, la mission appuie en conséquence les mouvements d'évolution institutionnelle et statutaire qui ont émergé au cours des derniers mois dans trois des quatre DOM.

Elle insiste néanmoins sur la nécessité impérieuse que ce processus soit conduit avec la volonté de donner aux citoyens ultramarins appelés à décider de telles évolutions une information accessible et objective sur les avantages et les inconvénients générés par une modification du régime juridique actuellement applicable .

Avant l'adoption des documents d'orientation institutionnelle ou statutaire par les congrès des élus départementaux et régionaux, il conviendrait d'organiser une large campagne d'information à destination des électeurs . Celle-ci pourrait prendre la forme de communications ou d'encarts dans la presse et sur internet, ainsi que de réunions publiques. À cet égard, la démarche entreprise en Guyane doit être saluée. La mission constate néanmoins que les États généraux de l'outre-mer peuvent également constituer un vecteur d'information efficace.

Au moment de la consultation référendaire sur l'évolution institutionnelle ou statutaire, la mission estime que les électeurs devront avoir accès à une documentation précise et objective sur les incidences juridiques, économiques et sociales d'une telle évolution.

Le fait que les questions posées aux électeurs dans le cadre de la consultation organisée en application de l'article 72-4 de la Constitution se limitent à solliciter le consentement des électeurs à un changement statutaire sans que les orientations du nouveau statut y soient elles-mêmes formulées, apparaît regrettable, même si ce choix découle d'un avis rendu par le Conseil d'État et peut s'expliquer par le souci de ne pas soumettre une question qui, compte tenu de sa complexité, pourrait être de nature à fausser la sincérité du scrutin.

Dans ce contexte, la mission ne peut que souhaiter que les documents d'orientation définis par les élus , qui ont pour but de préciser les lignes directrices de la future loi statutaire, mettent clairement en relief les incidences juridiques, économiques et sociales de l'évolution proposée et fassent l'objet d'une vaste information des électeurs .

Lors de son audition M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, a par ailleurs préconisé que les questions posées aux électeurs soient plurales. Ainsi, il pourrait être envisagé, lors d'une même consultation, que les électeurs soient invités à se prononcer sur la question, par exemple, d'un passage à l'article 74 de la Constitution, et, en cas de réponse négative à cette interrogation, sur la question d'une évolution institutionnelle dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.

La mission estime que cette mesure permettrait d'offrir une réelle liberté de choix aux électeurs et serait de nature à éviter la paralysie totale d'une évolution qui semble objectivement pertinente.

En tout état de cause, il apparaît indispensable que la date retenue pour la consultation des électeurs soit fixée de manière à laisser le temps suffisant pour permettre une information pleine et entière de la population .

Proposition n° 3 : En amont d'une consultation relative à l'évolution institutionnelle (article 73 de la Constitution) ou à l'évolution statutaire (article 74 de la Constitution) d'un DOM, organiser une campagne d'information permettant d'éclairer véritablement le choix des électeurs.

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