2. L'impact sur les ménages : une contribution régressive ?

Le caractère potentiellement « régressif » de la fiscalité environnementale a fait l'objet d'une littérature scientifique abondante. En conséquence, l'analyse des effets potentiellement dommageables pour les ménages d'une contribution climat-énergie constitue un préalable indispensable à son instauration .

a) Dépenses énergétiques et revenus

L'aspect anti-redistributif d'une taxe carbone tient essentiellement à la structure de consommation des ménages, et au fait que les dépenses énergétiques occupent une place d'autant plus importante que les ménages sont moins aisés. Ces dépenses mobilisent en effet 15 % du revenu des 20 % des ménages dont les revenus sont les moins importants, contre 6 % pour les 20 % les plus riches 75 ( * ) . Cette inégalité liée au revenu se double d'une inégalité ayant trait au lieu de résidence . En part de son revenu, un Parisien supporte en effet une facture énergétique inférieure de 44 % à un habitant de zone rurale ( cf . graphiques).


Dépenses énergétiques des ménages par type d'énergie selon leur quintile de revenu

(En % du revenu net d'impôt sur le revenu)

Source : ADEME, INSEE, Enquête budget des ménages 2006.

Dépenses énergétiques des ménages selon leur commune de résidence

(En % du revenu net d'impôt sur le revenu)

Source : ADEME, INSEE, Enquête budget des ménages 2006.

Les raisonnements qui précédent ne prennent pas en compte l'impact sur les ménages d'une taxe énergétique visant toutes les consommations, y compris celles des entreprises . Or ces dernières pourraient adopter des comportements de marge , consistant à répercuter l'impact de la taxe énergétique pesant sur leurs intrants dans les prix et, par conséquent, à en faire supporter une partie par les ménages. Cette répercussion sera d'autant plus facile à opérer que l'élasticité-prix des comportements de consommation sera faible 76 ( * ) .

Au total, selon le Centre d'analyse stratégique, l'étude de l'impact distributif des politiques climatiques doit prendre en compte les éléments suivants :

« - la modification des technologies de production pour diminuer les intrants riches en carbone. Etant donné l'incertitude sur la disponibilité et sur le coût des technologies plus propres, l'impact final sur le prix des biens produits est difficile à évaluer ;

« - l'impact sur les prix dans l'ensemble des secteurs : l'énergie est non seulement un bien de consommation finale mais aussi un intrant important dans les processus de production. L'augmentation du prix de l'énergie conduit donc à une modification de l'ensemble des prix de l'économie. Il faut donc prendre en compte l'ensemble de la structure de consommation des ménages ;

« - la modification du comportement des ménages : ces derniers peuvent réallouer leurs consommations en fonction des prix relatifs des différents biens et services, conduisant à une diminution en volume de la consommation des biens dont le prix augmente le plus. »

Dans un document de travail 77 ( * ) de Centre international de recherches sur l'environnement et le développement, repris par le Centre d'analyse stratégique, les chercheurs Emmanuel Combet, Frédéric Ghersi et Jean-Charles Hourcade se sont attachés à simuler l'impact redistributif d'une taxe carbone comprise entre 40 et 200 euros par tonne de CO 2 . Deux enseignements principaux peuvent être tirés de l'étude :

1) abstraction faite des ajustements de l'offre, de la consommation ou des prix des autres secteurs, l'effet direct d'une hausse des prix des produits carbonés a un impact systématiquement régressif : les 5 % les plus pauvres subissent une diminution de leur revenu consommé réel proportionnellement plus importante que les 5 % les plus riches, quel que soit le niveau de la taxe ;

2) l'intégration dans le raisonnement de la modification des comportements de consommation en fonction des nouveaux prix relatifs ne change presque rien aux résultats. Cette quasi-absence d'impact tient au caractère essentiellement contraint des dépenses des ménages les plus modestes , qui ne disposent que de peu de marges de manoeuvres pour adapter leurs comportements en matière de chauffage et de transport. L'adoption de modes de consommation plus sobres en énergie implique notamment des investissements lourds (achat de véhicule neuf, isolation thermique, équipements fonctionnant aux énergies renouvelables...) que la contrainte de crédit pesant sur les ménages défavorisés ne permet pas de réaliser 78 ( * ) .

* 75 Centre d'analyse stratégique, note de veille n° 134, mai 2009.

* 76 Ainsi que le précise le Centre d'analyse stratégique, « si une hausse du prix d'un bien conduit à une diminution très forte de sa consommation (parce que les ménages n'ont pas les moyens de payer plus cher ou qu'ils préfèrent reporter leur choix de consommation vers d'autres produits), les entreprises ne pourront pas augmenter assez les prix de vente et supporteront donc elles-mêmes une partie de la taxe. À l'inverse, si les ménages consomment toujours les mêmes volumes quels que soient les prix, alors les entreprises pourront faire payer la taxe aux consommateurs ».

* 77 « Taxe carbone : une mesure socialement régressive ? » CIRED, janvier 2009.

* 78 Les suites de l'étude montrent toutefois que les aspects régressifs de la taxe carbone peuvent être neutralisés par la réutilisation du produit de la taxe, point que le groupe de travail aborde dans la suite du présent rapport.

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