B. RÉFORMER LES RETRAITES POUR LES SAUVER

1. 2008 : un rendez-vous manqué

La loi du 21 août 2003 a prévu des rendez-vous quadriennaux destinés à examiner les différents paramètres des régimes de retraite, en fonction des nouvelles données économiques, sociales et démographiques disponibles, afin de procéder ensuite aux ajustements nécessaires. Le rendez-vous 2008 a été le premier de ces bilans d'étape, qui s'échelonneront jusqu'en 2016. Malgré quelques mesures utiles en faveur de l'emploi des seniors et des petites retraites, inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce rendez-vous n'a pas répondu aux attentes, pourtant nombreuses, sur le financement de l'assurance vieillesse.

a) Des avancées louables

L'amplification de la mobilisation pour l'emploi des seniors figurait parmi les priorités du rendez-vous 2008. Cet objectif s'est trouvé concrétisé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Celle-ci a posé non seulement des mesures visant à inciter les salariés et les fonctionnaires à prolonger leur activité au-delà de l'âge légal (libéralisation du cumul emploi-retraite, revalorisation de la surcote, suppression des clauses « couperets » dans la fonction publique), mais aussi des mesures incitant les entreprises à mieux intégrer les seniors dans leur politique de gestion des ressources humaines (mise en oeuvre d'accords ou de plans d'action en faveur de l'emploi des salariés âgés sous peine de pénalités, suppression de la mise à la retraite d'office).

Le rendez-vous 2008 devait aussi être l'occasion d'accroître l'effort de solidarité envers les retraités touchant des revenus modestes. Après la mesure d'urgence prise en mars 2008, qui s'est traduite par un versement exceptionnel de 200 euros en leur faveur, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a prévu la revalorisation du minimum vieillesse de 25 % d'ici 2012, recentré le minimum contributif sur les assurés ayant eu de longues carrières faiblement rémunérées et revalorisé les pensions de réversion.

b) Des questions essentielles restées en suspens

Le bilan d'étape n'a, en revanche, pas permis de débloquer les négociations sur le dossier de la pénibilité . La loi de 2003 invitait en effet les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité au travail. Malgré plusieurs cycles de rencontres entre les partenaires sociaux (en 2005, 2007 et 2008), le dossier est actuellement dans l'impasse. Chaque partie semble s'arc-bouter sur sa position. D'un côté, les syndicats souhaitent tirer profit du dossier de la pénibilité pour faire valoir un certain nombre de revendications (contreparties salariales, amélioration des conditions de travail, effort en matière de prévention, etc.). De l'autre, nombre d'employeurs craignent que les négociations n'aboutissent à donner de trop nombreux gages aux salariés, en termes de compensations.

Composante majeure de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité, la question de la pénibilité ne manquera pas d'être relancée à l'automne, lors de la remise d'un rapport du Conseil économique, social et environnemental sur ce sujet. Les syndicats conditionnent d'ailleurs toute nouvelle réforme paramétrique (augmentation de la durée de cotisation ou report de l'âge légal) à la prise en compte de la pénibilité de certains métiers et à la possibilité, pour les salariés concernés, de partir en retraite avant les autres.

Le rendez-vous 2008 n'a pas non plus tenu ses promesses concernant le redéploiement des cotisations chômage au bénéfice des cotisations vieillesse, prévu par la loi de 2003. Pour garantir le financement des retraites d'ici à 2020, son exposé des motifs envisageait en effet des hausses de cotisations vieillesse compensées à due concurrence par des baisses de cotisations à l'assurance chômage afin de ne pas peser sur la compétitivité des entreprises et l'emploi. Ce scénario reposait toutefois sur deux préalables : d'une part, la baisse du chômage, d'autre part, l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic sur le principe du redéploiement et la réduction des cotisations chômage.

Alors que Gouvernement avait annoncé le 1 er octobre 2008 une augmentation de la part patronale déplafonnée des cotisations retraite de 0,3 % en 2009, de 0,4 % en 2010 et de 0,3 % en 2011, le fort ralentissement économique et la dégradation du marché du travail l'ont conduit, en janvier dernier, à poser un moratoire à cette augmentation. En 2009, l'opération aurait dû rapporter 1,8 milliard d'euros à la Cnav. En 2012, l'absence de transfert d'un point de cotisation retraite en provenance de l'Unedic priverait la branche vieillesse de 6,5 milliards d'euros.

c) Aucune réponse au besoin structurel de financement de la branche vieillesse

Le bilan d'étape 2008 peut être qualifié de rendez-vous manqué, dans la mesure il n'a apporté aucune réponse pérenne à la question du financement de l'assurance vieillesse . Sa situation financière très dégradée et les perspectives d'aggravation de son déficit à l'horizon 2020-2050 justifient pourtant de trouver rapidement des solutions.

Depuis 2005, la Cnav connaît en effet un creusement rapide de son déficit qui a atteint 5,6 milliards d'euros en 2008, faisant de la branche vieillesse la branche la plus fortement déficitaire pour la deuxième année consécutive. Le déficit record qui vient d'être annoncé pour 2009 (7,7 milliards d'euros) a certes, une cause exceptionnelle - le manque de recettes découlant de la récession -, mais il ne doit pas pour autant masquer une vérité : les paramètres actuels du régime par répartition ne permettent pas de répondre au besoin structurel de financement suscité par le choc démographique.

Alors qu'en 1960, la France comptait quatre cotisants pour un retraité, elle n'en comptabilise plus que 1,43 pour un retraité. Le ratio démographique devrait continuer à se dégrader dans les décennies à venir en raison du départ massif à la retraite des générations nombreuses nées pendant les Trente Glorieuses. Par ailleurs, ce phénomène est accentué par l'accroissement de la longévité : depuis presque deux décennies, l'espérance de vie à la naissance progresse, en France, d'un trimestre tous les ans. En conséquence, pour financer un volume toujours plus important de pensions, le système de retraite - dans son ensemble - aura besoin de 24,8 milliards d'euros en 2020 (dont 13 milliards pour la seule Cnav) et 68,8 milliards en 2050 (dont 46 milliards pour la Cnav).

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