2. 2010 : un rendez-vous à ne pas manquer

a) Repenser le contrat social passé entre les générations

Pilier du « modèle social français » hérité de l'après-guerre, le système de retraite par répartition repose sur un contrat social : chaque génération a droit au fait que ses enfants lui assurent une retraite correspondant à celle qu'elle a assurée elle-même à ses parents. Or le vieillissement de la population ébranle les fondements de ce pacte générationnel puisqu'un transfert de revenu inéquitable entre les différentes générations est en train de s'établir : une fraction de plus en plus réduite de la population (les actifs) prend en charge financièrement les besoins d'une fraction de plus en plus nombreuse (les retraités).

Face au risque de voir les jeunes générations refuser de payer indéfiniment des cotisations toujours plus lourdes, sans même la certitude de bénéficier, à leur tour, de la solidarité des générations suivantes, l'équité intergénérationnelle doit être rebâtie. Pour ce faire, il est impératif que le rendez-vous 2010, sur la base d'un examen approfondi de l'ensemble des paramètres du système de retraite actuel, débouche sur des solutions pérennes à même de garantir sa viabilité financière.

b) Quels paramètres activer ?

Dans un système par répartition, quatre leviers d'action peuvent être mobilisés pour piloter les régimes de retraite.

Le premier consiste en une hausse des cotisations de retraite . A moins que cette augmentation soit compensée à due concurrence par une diminution d'autres cotisations (cotisations d'assurance chômage par exemple), cette solution semble exclue pour deux raisons. Elle pèserait non seulement sur la compétitivité des entreprises et l'emploi, mais elle aboutirait aussi à taxer plus fortement les jeunes générations que les précédentes.

Le deuxième repose sur une baisse des pensions de retraite . Là encore, une telle mesure paraît inenvisageable car elle reviendrait à abaisser le niveau de vie des retraités. Il faut, au contraire, maintenir l'objectif d'un haut niveau de retraite pour les générations actuelles et futures.

Le troisième levier, privilégié jusqu'ici, est l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Par ce biais, l'on cherche à inciter les assurés à prolonger leur activité et à retarder leur âge de départ à la retraite. Actuellement, un salarié français peut choisir sa date de départ à la retraite entre soixante et soixante-dix ans, mais il lui faut quarante annuités (quarante et une en 2012) pour bénéficier d'une retraite complète, s'il n'a pas encore atteint l'âge de soixante-cinq ans. La question qui se pose aujourd'hui est donc de savoir si la durée de cotisation ne doit pas être portée à quarante-deux voire à quarante-trois annuités. Une telle réforme nécessite cependant de surmonter l'obstacle du dossier de la pénibilité. Les syndicats n'accepteront pas l'augmentation de la durée de cotisation si, parallèlement, la pénibilité au travail n'est pas prise en compte.

Enfin, le quatrième levier, sans doute le plus controversé, est le report de l'âge légal de départ en retraite qui, en France, a été abaissé à soixante ans en 1983. Ce qui à l'époque a été vécu comme un progrès social, entre aujourd'hui en contradiction avec les évolutions démographiques en cours. Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, la période consacrée au travail au cours d'une vie est de moins en moins longue. Selon l'OCDE, en 1960, un homme passait près de trois quarts de sa vie au travail (cinquante ans sur ses soixante-huit ans d'existence). Trente-cinq ans plus tard, en 1995, il n'y consacrait plus que la moitié (trente-huit ans sur soixante-seize ans d'existence). La logique voudrait donc que l'âge légal de départ en retraite soit repoussé, comme l'ont fait plusieurs pays européens (Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas).

Cependant, l'utilisation de ce levier se heurte, en France, à un obstacle de taille : le taux d'emploi des seniors, qui est l'un des plus bas des pays développés (38 %). La question du report de l'âge de départ en retraite doit en effet s'apprécier en liaison avec la situation de l'emploi des seniors car un recul de l'âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l'âge de cessation d'activité. Une étude récente de la Drees 10 ( * ) confirme que l'âge auquel les personnes cessent définitivement d'être en emploi et celui auquel elles liquident un premier droit à la retraite ne coïncident que rarement. Les Français arrêtent de travailler, en moyenne, un an et demi avant de prendre leur retraite (l'âge médian de sortie du marché du travail étant de cinquante-huit ans). Entre-temps, ils sont en invalidité, en préretraite ou au chômage.

Cette singularité française est liée aux politiques publiques menées depuis la fin des années 1970 : au nom de la sauvegarde de l'emploi, la France a choisi la voie du partage du travail en incitant les salariés les plus âgés à partir en préretraite pour laisser la place aux plus jeunes. Avec la multiplication des mesures d'âge, le travailleur âgé a fini par être considéré comme inemployable. La politique de cessation anticipée d'activité des seniors est devenue une véritable « culture de la sortie précoce », partagée par tous les acteurs du marché du travail, entraînant une spirale d'effets pervers (dépréciation et inaction des seniors). Depuis, les pouvoirs publics ont tenté de revenir sur ces mesures mais, dès que la croissance est en berne, les gouvernements et les entreprises ont à nouveau tendance à recourir à ces dispositifs.

Dans ces conditions, retarder l'âge de la retraite, sans favoriser le maintien dans l'emploi des seniors, aboutirait à créer des demandeurs d'emplois supplémentaires.

Par ailleurs, il faut avoir à l'esprit que l'augmentation de l'âge de la retraite ne peut, à elle seule, résoudre le problème du financement des régimes de retraite. Pour le régime général, le report à soixante-deux ans apporterait 6,6 milliards d'euros en 2020 (sur 13 milliards de besoins), mais seulement 5,7 milliards sur un besoin total de 46 milliards en 2050. Il s'agirait en définitive d'une mesure de court terme.

c) A plus long terme, envisager une réforme non plus seulement paramétrique mais systémique

Au-delà de la nécessité d'une nouvelle réforme paramétrique à brève échéance, il est indispensable de préparer l'étape suivante : réfléchir à d'autres modes de gestion de l'assurance vieillesse (régime par points, comptes notionnels). Le pilotage actuel des régimes de retraite ne pourra en effet enrayer le mouvement de dégradation de la situation financière de la branche vieillesse ni proposer de solution solide face au défi démographique à l'horizon 2020-2050.

Cette situation plaide pour l'engagement d'une réforme de type structurel ou systémique, seule à même de rétablir la confiance des assurés sociaux dans leur système de retraite et de permettre un équilibre financier durable de la branche. La remise par le conseil d'orientation des retraites d'un rapport sur ce sujet, attendu en février 2010, sera l'occasion d'engager un vaste débat public.

* 10 Etudes et résultats n° 692.

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