B. DES ZONES HUMIDES POUR QUOI FAIRE ?

1. Régulation des flux d'eau

Du point de vue quantitatif , leur utilité varie selon les surfaces en cause.

Les zones humides d'importance majeure retiennent prioritairement l'attention ; mais il serait dommageable d'ignorer l'intérêt des micro-zones humides.

A l'échelle d'un bassin versant, ces zones constituent l'outil prioritaire pour la régulation du débit d'un cours d'eau .

Ainsi les zones humides reliées à la Seine en amont de Paris sont réputées éviter l'inondation de la capitale dans des conditions économiques beaucoup moins coûteuses qu'un barrage destiné à éviter les crues.

Cependant, dans certaines contrées, des surfaces importantes de zones humides ont été conservées, en dépit de l'intensification culturale opérée dans quelques parcelles. Tel est le cas dans la vallée de l'Adour où des barthes situées en aval de Dax sont demeurées des zones inondables équipées d'ouvrages hydrauliques et gérées collectivement.

Grâce à ces zones, on peut éviter ou limiter les effets dommageables des crues dans les zones urbanisées. Hors période d'inondation, les barthes sont exploitées en prairie dans des conditions qui seront évoquées ultérieurement.

A contrario, les aménagements effectués en tête de certains bassins versants ont conduit à supprimer des zones humides et provoqué indirectement des inondations dans les Ardennes (Charleville-Mézières), en Bretagne (Redon) ou en Languedoc-Roussillon (Nîmes).

Selon une étude modélisée de la société SOGREAH Consultants relative à la Charente , du fait des aménagements supprimant des zones humides, une goutte d'eau parcourt en deux jours la distance préalablement parcourue en deux semaines. La présence de zones humides fonctionnelles réduit le niveau des cours d'eau de 15 cm et a un impact fort sur les dommages provoqués par une crue. Ainsi les inondations observées à Cognac et à Saintes en 1982 et 1994 ont dégradé respectivement 172 et 188 maisons 1 ( * ) .

Parallèlement, l'eau stockée dans les zones humides permet de soutenir les débits d'étiage, ce qui présente un intérêt majeur pour la faune piscicole et pour l'agriculture. Cet effet s'inscrit dans la liste des effets positifs des zones humides sur la qualité des milieux.

2. Amélioration de la qualité des eaux

Les zones humides constituent des espaces d' épuration des eaux usées et offrent des réserves vitales pour l' alimentation en eau potable .

Divers travaux réunis dans le cadre de la convention RAMSAR ont mis en évidence l'utilité des zones humides pour réduire l'eutrophisation de certaines masses d'eau et traiter des eaux usées.

Aux États-Unis, les marécages à cyprès de Floride sont réputés transformer 98 % de l'azote et 97 % du phosphore des eaux usées reçues dans les zones humides avant que celles-ci n'atteignent la nappe phréatique.

En Inde, à l'est de la ville de Calcutta, un territoire de 8000 ha, composé de canaux, de parcelles agricoles (cultures maraîchères et riziculture) et d'étangs piscicoles permet de traiter le tiers des eaux usées de cette mégalopole, avec le concours de 20.000 personnes.

Certaines plantes endémiques des zones humides sont dotées de capacités exceptionnelles pour fixer les métaux lourds ou des pesticides, à condition cependant que la concentration de ces produits toxiques ne soit pas trop élevée et cet effet n'est que temporaire (cf. infra).

Les zones humides de la vallée de la Saône peuvent stocker plus de 57 millions de m 3 d'eau disponibles pour la distribution d'eau potable. Tout aménagement modifiant le régime physique ou chimique de ces espaces remettrait en cause l'existence de cette ressource et le coût des équipements d'épuration de substitution pourrait, selon l'IFEN, être très élevé.

S'inspirant de cette philosophie, la commune de Royan (17) a entrepris de limiter l'extension de son urbanisation pour restaurer des zones humides épuratrices 2 ( * ) , en vue de se conformer aux normes communautaires relatives aux eaux de baignade sur les plages de cette commune où le tourisme constitue la première activité économique.

De multiples processus physico-chimiques contribuent à purifier l'eau des zones humides. Ainsi ces espaces retiennent les matières en suspension véhiculées par l'eau, avec une intensité variable propre à la géomorphologie de chaque site.


Quant à la dépollution de l'eau pendant son passage dans une zone humide, les analyses scientifiques confirment l'utilité des pratiques telles que le lagunage mis en oeuvre dans de nombreuses installations de traitement des eaux.

D'autre part, les zones humides forestières peuvent refiltrer l'eau sortie des stations d'épuration, à condition que cette fonction soit intégrée dans la sylviculture pratiquée dans les parcelles concernées.

Cependant le passage d'une eau polluée dans une zone humide ne peut être tenu pour une « solution miracle » , en particulier pour quelques produits particulièrement toxiques évoqués ci-après.

Certes une zone humide peut efficacement transformer l'azote par absorption (= stockage par les végétaux) soit par dénitrification microbiologique (= élimination en azote dans l'atmosphère).

Dans le cadre du programme national de restauration des zones humides, une analyse de résultats de dénitrification obtenus dans les zones de bas-fonds de Pleine-Fougères (35) a permis de mettre en évidence l'intérêt de la longueur de la connexion par rapport à la surface totale de la zone humide. On a pu ainsi définir une typologie fonctionnelle innovante de ce type de zone humide et établir une cartographie des zones potentielles de dénitrification. Cette expérimentation a mis en relief les variables du processus de dénitrification : saison, végétation, caractéristiques géomorphologiques du site, pratiques agricoles en amont.

Quant au devenir du phosphore, des travaux menés aux États-unis concluent que l'efficacité du processus d'élimination dépend du contexte hydrogéologique, du climat, de la saison, des communautés végétales présentes dans la zone humide concernée et du fait que cette dernière soit « ouverte » ou « fermée ».

Le fait le plus marquant est que les processus respectifs d'élimination de l'azote et du phosphore paraissent antagonistes.

A contrario, pour le traitement des métaux lourds , la zone humide ne constitue qu'une solution transitoire . En effet, ces produits sont fixés dans les sédiments, absorbés et concentrés par des plantes, mais relargués ultérieurement par les mêmes sédiments et lors de la décomposition des plantes ; on assiste à un phénomène comparable pour les micropolluants organiques , en particulier les pesticides, ces polluants suivant un cycle : piégeage, dégradation, relargage. En outre, la contamination de la flore et de la faune ne doit pas être négligée.

A une échelle plus réduite, les micro-zones humides permettent de réguler l'apport en eau essentiellement dans les prairies et garantissent la qualité du pâturage disponible pour le bétail.

* 1 Colloque « Les bons comptes des zones humides » (3 février 2009), Agence du bassin Adour-Garonne.

* 2 Colloque « Les bons comptes des zones humides » (3 février 2009), Agence du bassin Adour-Garonne.

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