IV. LA NÉCESSITÉ D'UNE GESTION APPROPRIÉE

Pour rendre les services précédemment décrits, les zones humides doivent être convenablement gérées et dans la majorité des cas, cette gestion a un coût .

Pour illustrer ce propos, on se référera à des exemples concrets de zones humides gérées dans un but tant de régulation du régime des eaux que de valorisation écologique des espaces concernés.

Ainsi dans les barthes de l'Adour sur la commune de Tercis-les-Bains (40), les zones humides protégées par une digue contre les petites crues du printemps constituent une zone d'expansion de la crue hivernale.

La barthe basse est équipée d'écluses afin de maintenir de l'eau sur des prairies basses fréquentées par les oiseaux dont le nombre a considérablement augmenté en effectifs et en variété d'espèces depuis une dizaine d'années.

Source : DOCOB du site Natura 2000 des Barthes de l'Adour

Une partie des barthes hautes a été convertie à la maïsiculture. Cependant une partie importante de ces zones est exploitée en pâturage extensif et collectif pour les bovins et les chevaux sans apport d'engrais.

La maîtrise de l'hydraulique et l'exploitation extensive des pâturages sont subordonnées à l'entretien attentif de divers dispositifs créés pour la plupart il y a plus de 200 ans à savoir : des digues, des portes à flot, des canaux, des clôtures, dont le bon état détermine la fonctionnalité de l'ensemble du système. Cet entretien autrefois réalisé par les agriculteurs tenus d'exécuter des corvées est actuellement à la charge de la commune qui, pour ce faire, perçoit une subvention de 25.000 € par an du Conseil général. Dans plusieurs secteurs, la gestion est dévolue à une association syndicale autorisée.

Présentement le problème de la pérennité du système est posé en raison du coût d'entretien élevé et de l'inadéquation des outils juridiques et financiers proposés par l'Etat (cf. V ci-après).

Simultanément, le maintien et le développement de la biodiversité dans ces espaces sont subordonnés à la présence active de bétail à raison de 0,6/UGB ha afin d'éviter l'embroussaillement et la fermeture des prairies, les barthes hautes étant exploitées en prairies de fauche.

En outre, l'effet optimal sur la biodiversité résulte de la présence d'un bétail diversifié : équins et bovins, car le piétinement et l'herbe consommée varient selon les espèces animales actives sur les parcelles.

Les expériences d'entretien et de valorisation des zones humides rapportées lors d'un séminaire technique tenu à l'APCA en janvier 2009 et lors d'un colloque organisé en février 2009 par l'Agence de l'eau Adour-Garonne mettent en relief le rôle éminent des agriculteurs dans la gestion et la qualité environnementale de ces espaces .

On citera ici un autre exemple de mise en valeur des zones humides : les marais charentais 6 ( * ) . Ces espaces représentent le quart de la SAU du département avec 120.000 ha de zones humides situées à proximité du littoral ou dans les vallées alluviales.

Alors que dans les décennies 1970-1980, 20.000 ha ont été drainés et mis en culture dans ce département, on a assisté à un revirement des pratiques, concrétisé par un protocole d'accord « agriculture-environnement » signé en 1991 fixant deux règles essentielles : l'arrêt des drainages, le soutien de l'élevage, dont la mise en oeuvre a été facilitée par l'application de mesures agri-environnementales dès 1992, puis dans le cadre du programme européen « Natura 2000 ». L'activité d'élevage, indispensable pour préserver la biodiversité, souffre d'un handicap économique qui doit être compensé par des dispositifs financiers spécifiques.

Cette exigence a été soulignée par un représentant du Conservatoire national de l'espace littoral et des rivages lacustres lors du colloque précité ( Les bons comptes des zones humides ). Certains domaines acquis par cet établissement public dans le cadre de la politique foncière visant des espaces naturels menacés par l'urbanisation sont ensuite loués à des agriculteurs qui s'engagent dans une gestion extensive favorable à la biodiversité. A cette occasion, la question de l'avenir de telles opérations a été posée dans le cadre de la réforme annoncée de la politique agricole commune.

Pour illustrer la nécessité d'une gestion des zones humides, on citera le cas de la vallée de la Saône 7 ( * ) entre Verdun-sur-le-Doubs et Mâcon visée par un projet de développement pour la période 1995-2010 concernant tant la protection des eaux souterraines et le développement de la biodiversité que la reconstitution ou la préservation des espaces d'expansion des crues.

Dans une phase préalable (1989-1995) les agriculteurs ont été sensibilisés sur le thème de la réduction de l'emploi des fertilisants ; certains agriculteurs se sont ensuite engagés individuellement dans le cadre d'une charte « Ferti-mieux » pour la période 1996-2000, du fait de la « directive nitrates » et grâce au soutien financier des mesures agro-environnementales (MAE), la phase suivante de cette démarche étant des expertises de labellisation des exploitations agricoles engagées dans ce programme.

Par ailleurs un référentiel relatif à la biodiversité des prairies inondables a été établi.

Enfin, au regard de l'enjeu « inondation », les pertes économiques affectant les prairies et les cultures inondables ont été calculées ; elles sont récapitulées dans les tableaux ci-après.

Application du plan de gestion du Val de Saône inondable

1) ANALYSE DES PERTES DE RENDEMENT AU NIVEAU DES PRAIRIES

Type de prairie

Produit

brut €/ha

perte (en % du rendement optimum)

15 j au stade sensible

30 j au stade sensible

45 j au stade sensible

prairies sur fluviosol calcaire non fertilisées

588

25 %

35 %

60 %

prairies sur fluviosol calcaire fertilisées

230

27 %

37 %

61 %

prairies sur redoxisol calcaire non fertilisées

618

16 %

40 %

65 %

prairies sur redoxisol calcaire fertilisées

272

15 %

42 %

67 %

prairies sur redoxisol non fertilisées

642

16 %

41 %

66 %

prairies sur redoxisol fertilisées

302

16 %

42 %

67 %

prairies sur reductisol non fertilisées

576

2 %

35 %

59 %

prairies sur reductisol fertilisées

236

2 %

35 %

60 %

Source : Séminaire technique « Zones humides » APCA, 23 janvier 2009

2) ANALYSE DES PERTES DE RENDEMENT AU NIVEAU DES CULTURES

Rotations

(€/ha)

Marge/

engrais,

semence,

traitement

perte (en % du rendement optimum)

Crue d'hiver

< 15 j

Crue d'hiver

> 15 j

Crue de printemps

8 à 15 j

Crue de printemps

> 15 j

Maïs

765

0 %

0 %

60 %

100 %

Maïs/soja

645

0 %

0 %

55 %

100 %

Source : Séminaire technique « Zones humides » APCA, 23 janvier 2009

Bien évidemment ces exemples ne rendent pas compte des engagements financiers nécessaires afférents aux programmes de restauration des zones humides d'intérêt majeur telles que le marais poitevin pour lequel la France a l'obligation légale de se conformer aux demandes de la Commission de l'UE.

* 6 Séminaire technique « zones humides » - APCA 23 janvier 2009.

* 7 Séminaire technique « zones humides » - APCA, 23 janvier 2009.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page