3. Les témoignages sur les difficultés du soutien des femmes étrangères retenues
Entendus par la délégation, les représentants du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) ont présenté les difficultés auxquelles est confronté cet organisme dans l'accomplissement de son rôle de soutien aux femmes immigrantes placées dans les centres de rétention :
- la brièveté fréquente des entretiens, liée au nombre d'étrangères placées en rétention, ce qui ne permet ni d'effectuer une véritable analyse de leurs besoins, ni d'assurer leur accompagnement dans leurs démarches de demande d'asile lorsqu'elles le souhaitent ;
- la barrière linguistique, renforcée par le manque criant d'interprètes dans les centres de détention ;
- le faible nombre de femmes - entre 6 et 10 % de l'effectif global - qui conduit l'administration à réaffecter un certain nombre de centres aux hommes, dont le nombre croît ;
- la situation difficile dans laquelle se trouvent les femmes et leurs enfants, angoissées par la perspective d'un éventuel retour dans leur pays d'origine ;
- les difficultés spécifiques liées à certains motifs d'interpellation, comme c'est le cas, par exemple, pour les prostituées, victimes de réseaux de proxénètes organisés et au contrôle desquels elles échappent très difficilement, qu'elles soient reconduites à la frontière ou libérées sur le territoire français, les dispositifs de protection pourtant prévus par la loi n'étant que très peu efficaces.
Évoquant ensuite l'aménagement des centres de rétention , il a indiqué que ceux-ci comportaient généralement des espaces distincts pour les hommes et les femmes, mais que la séparation n'était pas totale. Se refusant à toute position trop tranchée, il a estimé qu'une certaine forme de mixité , dans les zones communes aux deux sexes, pouvait présenter des aspects positifs . Il a cependant relevé que des incidents s'étaient récemment produits au centre de rétention de Toulouse, à la suite d'un incendie qui s'était traduit par un regroupement précipité de femmes et d'hommes dans un même bâtiment.
4. Garantir la liberté de circulation dans les centres tout en préservant l'intimité des femmes
Le rapporteur de l'enquête de la Cour sur la gestion des centres de rétention administrative a exposé certains problèmes spécifiques liés à la présence des femmes dans les centres de rétention, et notamment aux contradictions auxquelles on peut être confronté, dans la pratique, entre la règle qui veut que les personnes retenues jouissent, à l'intérieur des centres, d'une entière liberté de mouvement , et les exigences de sécurité des femmes qui conduisent à assurer des séparations strictes des deux sexes pour l'hébergement de nuit .
Il a ainsi relevé que le Centre du Mesnil-Amelot, à l'époque où il accueillait des femmes, comportait un secteur « femmes », strictement coupé de celui des hommes. Il a noté que, dans ce contexte, la règle de non-mixité des chambres aboutissait en pratique à séparer le père d'avec sa femme et ses enfants, en contradiction avec la volonté de ne pas dissocier les familles .
Évoquant ensuite, à titre d'exemple, le centre de Lyon, où la zone de vie du secteur « femmes » peut être ou non séparée du secteur « hommes », il a indiqué qu'il pouvait y avoir pour tentation, afin d'améliorer le taux d'occupation, d'ouvrir ce secteur aux hommes, généralement plus nombreux, ce qui obligeait à cantonner les femmes dans leurs chambres la nuit . Puis, il a mentionné le centre de Cayenne qui est divisé en deux secteurs dont l'un peut être réservé aux femmes. Il a précisé que, lors de sa visite, le quartier « femmes » avait été ouvert aux hommes, laissant face à face une seule femme et quarante hommes .
Le gestionnaire doit alors choisir, soit de ne pas respecter la règle de liberté de circulation à l'intérieur du centre en n'ouvrant la cour qu'à un secteur à la fois, soit permettre la mixité avec les risques inhérents que cela comporte. De manière générale, il a estimé que la coexistence, à l'intérieur d'un même centre, de personnes d'origines et de natures différentes était source de fortes tensions.
La délégation relève ainsi un défaut d'encadrement juridique concret qui laisse les gestionnaires livrés à eux-mêmes faute de règles suffisamment claires et précises et les conduit à arbitrer entre la liberté de circulation à l'intérieur des centres de rétention et la nécessaire protection des personnes retenues.
Au terme de ses investigations, la délégation recommande de préciser par voie réglementaire les modalités de l'accueil des femmes dans les centres de rétention afin de limiter les incertitudes juridiques et de donner aux chefs de centre un référentiel précis en ce domaine, conformément aux préconisations de la Cour des comptes.
Elle préconise, en particulier, de veiller à ce que l'agencement des locaux et, par exemple, l'opacité de certaines parois, préserve le respect de l'intimité des femmes retenues.
La délégation juge essentiel de compléter les rénovations matérielles pour une amélioration des conditions de visite aux personnes retenues afin de leur assurer un séjour plus calme et digne.