V. LES FEMMES HOSPITALISÉES SOUS CONTRAINTE

C'est à l'initiative du Sénat, que toutes les personnes hospitalisées sous contrainte ont été explicitement placées dans le champ de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ce qui manifeste la préoccupation de la Haute assemblée à l'égard de cette forme de détention. Dans le même esprit, la délégation a tenu à s'intéresser au sort des femmes placées sans leur consentement en établissement psychiatrique en s'efforçant d'obtenir des précisions sur les modalités de la présence des femmes dans les hôpitaux psychiatriques, sur les spécificités dans leur prise en charge des femmes et les pistes d'amélioration envisageables dans ce domaine.

A. L'HOSPITALISATION SOUS CONTRAINTE DES FEMMES DANS SON ASPECT STATISTIQUE ET JURIDIQUE

1. Les données quantitatives : la prise en charge psychiatrique de 1,5 millions de personnes socialement fragiles

a) Seuls 15 % des patients sont hospitalisés

Lors de son audition par la délégation M. Roland Lubeigt, président de l'Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale (ADESM ) , a fait observer que le modèle français d'organisation de la prise en charge psychiatrique avait inspiré d'autres exemples à l'étranger et en a rappelé les données de base statistiques.

La population suivie par la psychiatrie publique représente aujourd'hui, 1,5 million de personnes dont 85 % sont suivies sur un mode ambulatoire : l'hospitalisation ne concerne donc que 15 % seulement des patients qui ont accès, à un moment ou à un autre, aux dispositifs de soins de la psychiatrie publique.

Cette population se caractérise par la désinsertion, de faibles ressources et l'isolement : 64 % des hommes concernés et 38 % des femmes vivent seuls ou sont célibataires. Les hommes sont plus souvent confrontés à des problèmes de schizophrénie et d'alcool ; les femmes à des phases de dépression grave.

b) Une minorité de femmes

Mme Christine Bronnec, responsable de l'offre régionale de soins et populations spécifiques à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé et des sports a précisé à la délégation qu'il y avait, en 2008, autant de femmes que d'hommes parmi les personnes hospitalisées à temps plein (environ 184 000 pour chaque catégorie), mais que les femmes ne représentaient que 40 % des hospitalisations sans consentement : 21 887 femmes sur un total de 53 996 ; plus précisément, les femmes représentent 46 % des personnes hospitalisées à la demande d'un tiers (19 474 femmes sur 42 138 personnes hospitalisées) et 20 % des personnes hospitalisées d'office (2 413 femmes sur un total de 11 858).

Elle a ensuite observé que les durées d'hospitalisation sans consentement étaient supérieures à celles des hospitalisations libres (36 jours pour les hospitalisations libres, 66 jours pour les hospitalisations à la demande d'un tiers et 117 jours pour les hospitalisations d'office) mais que les différences entre hommes et femmes restaient peu significatives au sein de ces diverses catégories, même si la durée moyenne d'hospitalisation des femmes était légèrement plus courte.

En outre, l' âge moyen de l'hospitalisation se situe aux alentours de 45 ans, les femmes étant dans l'ensemble un peu plus jeunes. S'agissant des pathologies à l'origine des hospitalisations sous contrainte, elle a signalé l'importance de la schizophrénie, qui concerne 40 % des hommes et 20 % des femmes, des troubles liés à l'alcool, qui frappent également davantage les hommes que les femmes, ces dernières étant, en revanche, proportionnellement plus touchées par les accès dépressifs ou les troubles bipolaires, auparavant appelés psychoses maniaco-dépressives.

Selon les données publiées en mai 2004 dans le rapport sur les problèmes de sécurité liés aux régimes d'hospitalisation sans consentement établi conjointement par l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale de la police nationale et l'inspection de la gendarmerie nationale, 13 % environ des entrées en hôpital psychiatrique se déroulent sous contrainte . Les mesures d'hospitalisation sur demande d'un tiers sont nettement majoritaires (elles représentent 87 % des hospitalisations sous contrainte) et se sont caractérisées par une forte croissance pendant plusieurs années (+ 103 % entre 1992 et 2001, année où leur nombre s'est établi à 62 894). Ce sont essentiellement les hospitalisations sur demande d'un tiers prononcées en urgence (un seul certificat médical nécessaire au lieu de deux dans la procédure normale) ont connu le plus fort développement avec 4 124 mesures en 1992 et 22 615 en 2001 (soit une augmentation de 448 % en dix ans). Les mesures d'hospitalisation d'office ont également connu une augmentation (+ 45 % entre 1992 et 2001), mais elle a été plus modérée. On comptabilisait 9 625 mesures de ce type en 2001.

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