b) La nécessité de permettre rapidement au lecteur d'accéder à l'ensemble de l'offre sur un site unique

Comme on l'a indiqué ci-avant, le véritable enjeu est la conservation, par les éditeurs, d'un niveau de rémunération par exemplaire vendu analogue à celui existant dans le cas du livre papier .

En effet, l'intérêt des éditeurs n'est pas nécessairement que les livres numériques se vendent le plus cher possible : s'ils parviennent à maintenir leur rémunération par exemplaire vendu, l'augmentation des ventes découlant de la baisse des prix rendra leur activité beaucoup plus rentable.

Le fond du problème, c'est que si la commercialisation de livres numériques est assurée par un quasi-monopole qui impose ses prix aux éditeurs, certains risquent de voir leur survie menacée.

Pour éviter qu'une telle situation apparaisse, la solution la plus efficace semble être de mettre rapidement mis en place un ou plusieurs sites permettant aux lecteurs d'accéder d'un coup à l'ensemble de l'offre numérique. A défaut, il ne leur serait pas possible de faire face à la concurrence des grands acteurs mondiaux, qui chercheraient alors inévitablement à occuper la « niche » qu'ils auraient délaissée. Il serait alors probablement trop tard pour réagir.

(1) Mettre en place une plateforme unique de distribution

Concrètement, il s'agit tout d'abord, comme le préconise le rapport précité de MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, d' « accompagner la création par les éditeurs d'une plateforme unique de distribution des livres numériques ». La distribution n'est pas la commercialisation : il s'agirait donc d'une plateforme « B to B » 68 ( * ) , et non « B to C » 69 ( * ) .

Il s'agit de « constituer une plateforme unique accessible aux libraires, où chaque éditeur puisse déposer son offre à l'intention des libraires, dans une logique de groupement d'intérêt économique - sur le modèle de Prisme pour le transport, Dilicom pour les commandes ou Électre pour les données ». Selon ce rapport, « cette plateforme pourrait être constituée en société anonyme ou en groupement d'intérêt économique, sur le modèle de ce qui a été fait à l'époque pour Électre. À moyen terme, un partenariat public-privé avec la Bibliothèque nationale de France pourrait être envisagé pour la gestion commune d'autres fonctionnalités telles que, par exemple, le signalement auprès du grand public et la conservation des fichiers numériques ».

Actuellement, cette offre est très éclatée, comme le montre le tableau ci-après.

Principales plateformes de livres numériques proposées par des éditeurs français

Etat au 1 er décembre 2009 (les plateformes Eden-Livres et E-Plateforme sont encore en cours de développement)

NB. La plateforme MyBoox, de Hachette Livres, créée en novembre 2009, est un magazine littéraire en ligne, mais aussi un « portail », qui a vocation à accueillir tous les éditeurs et à servir de plate-forme de commercialisation (il permet d'ores et déjà d'acheter des livres à divers e-libraires et libraires « papier »).

Source : Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, « Création et Internet », rapport remis au ministre de la culture et de la communication, janvier 2010

A la fin de l'année 2009, M. Arnaud Nourry, PDG de Hachette Livres, a adressé un courrier aux éditeurs possédant Eden Livres (Flammarion, Gallimard et La Martinière) et e-Plateforme (Editis et Média Participations) pour leur proposer de constituer une plateforme commune de diffusion. Selon M. Nourry, l'investissement serait faible, environ 500.000 euros, et ce « hub », qui pourrait être lancé dans les trois prochains mois, pourrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE), chacun des trois grands acteurs se partageant un tiers du capital 70 ( * ) .

(2) Mettre en place un ou plusieurs sites « B to C » exhaustifs

Cependant, une telle plateforme risque d'être de peu d'utilité si le lecteur ne dispose pas d'un ou plusieurs sites lui permettant d'accéder d'un coup à l'ensemble de l'offre numérique. Un tel site ne devrait pas nécessairement effectuer directement la commercialisation, mais pourrait renvoyer l'utilisateur vers les sites des différents éditeurs, une fois le choix de l'ouvrage effectué.

Si Hachette Livres a pris de ce point de vue une avance considérable, on peut se demander si les autres éditeurs accepteraient d'être dépendants de cet éditeur pour la commercialisation de leurs livres numériques. Hachette Livres assure actuellement la quasi-totalité de la commercialisation de livres numériques, grâce à son partenariat avec la FNAC, et à la plateforme MyBoox, mise en place en novembre 2009. Cette dernière est un magazine littéraire en ligne, mais aussi un « portail », qui a vocation à accueillir tous les éditeurs et à servir de plate-forme de commercialisation (il permet d'ores et déjà d'acheter des livres à divers e-libraires et libraires « papier »).

Dans ces conditions, il semble indispensable que soit rapidement mis en place un site public ou géré conjointement par les éditeurs, permettant au lecteur d'accéder d'un coup à l'ensemble de l'offre numérique. Le rapport précité de M. Marc Tessier estime ainsi que « Gallica aurait pour vocation d'être une plateforme de référence, mais non exclusive, permettant l'accès du public aux fonds numérisés de l'ensemble de ses partenaires ». Un tel développement de Gallica serait favorisé par le fait que « l'accès au financement public pour la numérisation des livres devrait être subordonné à l'adhésion à Gallica, c'est-à-dire à l'une ou l'autre au moins de ses fonctionnalités : indexation du contenu, feuilletage d'extraits voire, le cas échéant, commercialisation du fichier, directe (sur Gallica) ou indirecte (par renvoi de Gallica vers un site tiers de vente, choisi par l'éditeur titulaire des droits) ». Concrètement, il s'agirait de mettre en place « une entité coopérative réunissant les bibliothèques publiques patrimoniales et les éditeurs, dans une logique de partenariat public-privé ».

Il existerait donc en France un acteur dominant, Gallica, permettant d'accéder à la quasi-totalité de l'offre de livres numériques, libre de droits (avec l'accélération des travaux de numérisation du patrimoine de la BnF) ou non (grâce à des accords avec les éditeurs). Ainsi, selon le rapport précité, « l'ambition doit être de constituer une base d'ouvrages numérisés de langue française de qualité comparable à celle de Google Book pour la langue anglaise. C'est à cette condition que la France pourra éviter un face-à-face trop déséquilibré avec les entreprises de dimension mondiale et jouer d'un effet d'exemplarité en Europe ».

Le rapporteur considère que la mise en place rapide d'une telle plateforme doit être la principale priorité de la politique du livre. Le risque d'une remise en cause de la diversité éditoriale est lui semble-t-il trop grave pour être couru.

* 68 « Business to business » (« d'entreprise à entreprise »).

* 69 « Business to consumer » (« de l'entreprise au consommateur »).

* 70 Le Figaro , 18 janvier 2010.

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