3. Les élevages

La question de l'impact des lignes à haute et très haute tension sur les élevages a fait l'objet d'un très grand nombre d'études, notamment aux États-Unis, au Canada et en Europe du Nord.

Ces travaux permettent d'identifier avec un niveau élevé de certitude les problèmes posés même si des inconnues subsistent.

a) Les données scientifiques internationales sur l'impact direct des champs électriques et magnétiques

La santé animale et, tout particulièrement, celle des élevages bovins a fait l'objet de nombreuses études. Celles-ci ont été tout particulièrement menées aux États-Unis et au Canada, compte tenu de l'existence de lignes à THT jusqu'à 1,2 million de volts, notamment dans les états ou provinces du centre de l'Amérique du Nord qui sont également les grandes provinces agricoles de ces pays. Elles ont aussi été menées en Europe du Nord, notamment en Suède.

Le Pr Brugère de l'École vétérinaire de Maisons-Alfort a présenté la bibliographie sur les trente dernières années lors de l'audition publique organisée le 29 janvier 2009.

Aucun effet n'a pu être observé aux États-Unis y compris dans les études réalisées auprès des lignes à plus de 1 million de volts :

Source : Pr Brugère.

L'inventaire bibliographique conduit sur la Suède donne les mêmes résultats :

Source : P. Bruyère

Au Canada, une ferme expérimentale a été installée et étudiée de 1996 à 2007, sans que soit mis en évidence l'effet des CEM. Dans cette étable, les bovidés étaient soumis à des champs électriques de 10 kV et magnétiques de 30 uT.

En 2007, l'équipe responsable de l'étude et des différentes publications concluait : « L'absence de signe clinique anormal et la valeur absolue des modifications observées autorisent d'exclure tout danger pour la santé animale » (Burchard et al. 2007).

Votre rapporteur n'a pas eu connaissance de données scientifiques contraires à ces résultats.

b) Les effets indirects : les courants parasites

Si les champs électromagnétiques n'ont pas d'effet sur les animaux, il n'en est pas de même des courants parasites.

Il s'agit de courants qui résultent de tensions entre des points qui, normalement devraient être au potentiel de la terre.

Ces courants parasites ont trois origines principales :

- la première est le retour du courant à la terre qui ne concerne pas la France mais le Canada et les États-Unis qui ont des systèmes de distribution différents du nôtre,

- la seconde est le phénomène d'induction magnétique ou électrique,

- le troisième est le défaut d'installations électriques soit du réseau de distribution par défaut d'isolation, soit de l'élevage.

(1) Induction électrique, induction magnétique

En effet, lorsqu'un objet conducteur isolé du sol est soumis à un champ électrique , les charges électriques migrent à sa surface, se répartissent de manière à annuler le champ électrique à l'intérieur de l'objet. Une tension électrique est alors induite sur les faces opposées de l'objet. Un courant électrique peut alors circuler si une personne ou un animal le touche.

Ce peut être le cas d'un abreuvoir métallique, isolé du sol, et situé sous une ligne à haute tension.

Pour éviter le phénomène de tension induite, il convient de relier l'objet à la terre.

Le phénomène d' induction électrique est également mis en évidence par l'expérience du tube fluorescent qui s'éclaire lorsqu'il est tenu par une personne sous une ligne THT. Cette lueur n'est visible que dans l'obscurité. La lueur est produite par l'ionisation du gaz à l'intérieur du tube sous l'effet du champ électrique. Mais ce phénomène ne se produit pas qu'auprès des lignes à haute tension. C'est notamment le cas à proximité d'un dispositif d'allumage d'un moteur à essence.

On peut également assister à un phénomène d'induction magnétique , liée cette fois-ci au champ magnétique.

Lorsqu'un objet conducteur est placé dans un champ magnétique alternatif, des tensions induites se développent à l'intérieur. Ces tensions sont proportionnelles au flux magnétique capté par l'objet, en fonction de sa surface exposée. Si cet objet constitue un circuit fermé, comme une clôture métallique dans un champ, les tensions génèrent des courants induits dont l'amplitude dépend de la résistance électrique du circuit.

Pour réduire le phénomène d'induction magnétique, il convient donc de réduire la taille des boucles conductrices, soit en ouvrant la boucle par l'insertion d'éléments isolants (poteau isolant dans la clôture métallique), soit en réduisant sa taille par la création de plusieurs petites boucles.

Ces deux phénomènes : induction magnétique et induction électrique, peuvent donc provoquer des courants induits et être liés à la proximité d'une ligne THT .

Mais dans un élevage, de nombreuses autres sources peuvent expliquer ces phénomènes :

- des défauts de l'installation électrique qui peuvent être difficiles à détecter car ils varient en fonction des conditions météorologiques qui influent sur la conductivité du sol ;

- la présence simultanée de métaux différents et de milieux chimiquement actifs (lisier, engrais) qui peuvent produire une réaction électrochimique appelée « effet pile ». Le courant électrique est alors créé sans raccordement à d'autres sources. Il provoque l'érosion accélérée des parties métalliques ;

- l'accumulation de charges électriques dans certains appareils par frottement (tapis roulant).

(2) Les effets sur les animaux

Si l'ensemble de ces phénomènes électriques sont importants, c'est que les animaux d'élevage y sont sensibles car ils ne sont pas isolés du sol (sabots en contact avec le sol humide, museau humide).

Les animaux peuvent recevoir ces décharges lorsqu'ils rentrent en contact avec les parties métalliques : abreuvoirs, cornadis, mangeoires, barrières, clôtures...

Le seuil de réaction des animaux a fait l'objet de travaux récents (Rigalma, 2009). Pour les génisses et les vaches laitières, il a été évalué à 2,3 V dans la mangeoire et 1,8 V dans l'abreuvoir. Le seuil est plus élevé chez les agneaux et agnelles, de l'ordre de 3,5 V. A ces tensions, ni la quantité, ni la production (lait ou viande) ne sont modifiées sur une durée de 6 à 8 semaines.

La sensibilité des animaux est extrêmement variable de l'ordre de 1 à 5 selon ce même auteur. Cette différence pourrait s'expliquer par des données physiques mais aussi comportementales.

S'ils sont suffisamment forts, ces courants induits peuvent avoir des conséquences significatives sur la santé des animaux et se traduire par :

- des modifications comportementales : refus de traite, refus de boire ou lapement pour réduire la durée du contact électrique, ingestion d'urine d'autres animaux,

- une baisse de production, des mammites et un accroissement du taux de cellules dans le lait.

Il convient de noter que ce diagnostic fait l'objet d'un large consensus parmi les experts, étant établi depuis au moins 12 ans et la publication du rapport Blatin-Benetière .

(3) Quelles solutions ?

Les solutions proposées sont elles aussi largement partagées.

Ces phénomènes sont complexes car ils sont difficiles à détecter et à objectiver. Détecter les anomalies électriques est un travail de spécialiste, qui demande à être mené avec rigueur pour identifier et mesurer les phénomènes d'induction et autres courants parasites.

Au moment où l'agriculteur s'en plaint, les difficultés de l'élevage ont une forte dimension multifactorielle et souvent le défaut électrique, quelle que soit sa provenance, a entraîné d'autres difficultés qui se sont surajoutées et qui ont conduit à une crise . Les pathologies liées à l'électrisation en ont souvent facilité d'autres. Il est possible également que l'élevage lui-même soit confronté à d'autres questions vétérinaires comme l'alimentation.

Dominique Blatin et Jean-Jacques Benetière avaient, en 1997, proposé une méthode qui reste entièrement d'actualité .

Votre rapporteur en reprend ici les principales étapes.

Avant toute incrimination d'une ligne de transport d'électricité, il convient de vérifier la réalité du dysfonctionnement, en évaluer l'importance et examiner l'ensemble des causes.

Pour ce faire, il faut procéder à l'évaluation technique du troupeau. Cela passe par l'évaluation de la production à travers différentes données physiques (valeur absolue) et relativement à d'autres troupeaux comparables (valeur relative).

Il faut ensuite procéder à l'observation des animaux et de leur comportement.

Une fois le dysfonctionnement établi, il faut en analyser les causes qui, selon Blatin et Benetière, appartiennent à trois catégories principales :

- la qualité et la conformité des installations électriques,

- le profil sanitaire du troupeau,

- le niveau technique du troupeau et de son environnement (niveau génétique, alimentation, gestion technique).

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