II. RELEVER LE DÉFI DU RÉTRÉCISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DES DROITS COMMERCIALISABLES DE L'INA

Créé par la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et télévision par la voie d'un amendement sénatorial, l'INA est un établissement public à caractère industriel et commercial , qui tire ses ressources d'une partie du produit d'un prélèvement obligatoire (la contribution à l'audiovisuel public, anciennement appelée redevance audiovisuelle) et des recettes commerciales liées à ses activités d'archivage et d'exploitation de ses collections ainsi que de formation.

Au terme de son contrôle portant sur la période 1991-1998, la Cour des comptes déplorait que le financement de l'établissement « reposait pour l'essentiel sur des fonds publics alors que son statut a été choisi pour favoriser une activité commerciale devenue aujourd'hui marginale ». Elle dénonçait, ainsi, une situation dans laquelle le chiffre d'affaires de cessions de droits de l'INA s'était réduit de 21 % de 1991 à 1998 , alors même que son stock d'archives et la demande d'images s'accroissaient. En parallèle, les charges d'exploitation avaient progressé de 25 % sur la même période. Dans ces conditions, les juges de la rue Cambon s'inquiétaient de « la poursuite d'une telle évolution [qui mettait] en cause la viabilité de l'établissement ».

Sous l'égide de son ancien président-directeur général, M. Emmanuel Hoog, l'INA est parvenu, dans le cadre des deux précédents COM, à redresser considérablement son chiffre d'affaires des cessions de droits. En effet, la généralisation de la numérisation des collections , l'adaptation de l'offre aux attentes des clients professionnels et du grand public ainsi que la consolidation des accords avec les ayants droit ont constitué des axes stratégiques prioritaires qui ont permis de faciliter et d'accélérer l'exploitation du fonds d'archives de l'Institut.

Toutefois, dans son rapport public annuel de 2008, la Cour des comptes souligne que le rééquilibrage des comptes de l'INA, s'il est en partie lié au développement de ses recettes commerciales, est avant tout le résultat de l'augmentation significative de ses ressources publiques (en l'occurrence la quote-part de la contribution à l'audiovisuel public et des subventions spécifiques), « justifiée par l'ampleur du plan de sauvegarde numérique, l'extension du dépôt légal, mais aussi par la nécessité de compenser la réduction des forfaits annuels versés par les chaînes publiques de télévision dans le cadre de nouvelles conventions ». Il convient donc d'analyser les perspectives qui s'ouvrent à l'INA en termes d'évolution de la part respective de ses recettes commerciales et de ses ressources publiques.

A. UNE TRAJECTOIRE VOLONTARISTE ET OPTIMISTE POUR L'AUGMENTATION DES RECETTES COMMERCIALES DE L'INA

Les ressources propres de l'INA sont générées par l'activité de trois pôles :

- le pôle « Diffusion et Création » regroupant la direction « Marketing et Ventes », la direction de la production et de l'édition et le service de développement éducatif et culturel chargé d'assurer un large accès du public aux archives. Les recettes de ce pôle sont issues principalement du chiffre d'affaires de cessions de droits sur l'exploitation d'archives réalisé par la direction « Marketing et Ventes » ;

- le pôle « Collections » regroupant la direction des archives et la direction du dépôt légal ;

- le pôle « Enseignement et Recherche » .

1. La perspective d'un tarissement des droits commercialisables de l'INA

L'INA est habilité à commercialiser au bout de trois ans les documents audiovisuels dont il a acquis les droits d'exploitation, à l'exception des oeuvres de fiction. Les sociétés nationales doivent pouvoir consulter à tout moment les documents dont l'INA est propriétaire ou dépositaire. Toute utilisation de tout ou partie d'une oeuvre audiovisuelle dont l'INA est détentrice des droits est ainsi facturée aux sociétés nationales de programmes.

Or, il est impératif désormais de tenir compte du risque que représente, pour le dynamisme de ses recettes commerciales à long terme, le rétrécissement progressif du périmètre des droits commercialisables de l'INA. En 2008, la Cour des comptes soulignait que « si les pouvoirs publics souhaitent que l'INA continue de prospérer dans la configuration qui est la sienne aujourd'hui, le risque important qui s'attache à la réduction des droits commercialisables doit donc être pris en compte sans tarder » 9 ( * ) .

En effet, le cadre législatif et réglementaire qui définit le champ d'activité de l'INA et délimite son périmètre de droits commercialisables a présenté, depuis 1975, trois grandes lignes de rupture qui, toutes, concourent à réduire sa capacité d'action.

Ces trois ruptures ont eu, à des niveaux variables, des conséquences directes sur le chiffre d'affaires de cession de droits de l'Institut :


• La rupture des fictions (1981/1982)

Elle a porté sur la propriété des fictions, feuilletons et miniséries de TF1, Antenne 2 et France 3 à partir de 1981/1982. En avril 1987, TF1 devient propriétaire des archives de l'ex-ORTF rétroactivement à partir du 30 juillet 1982. Antenne 2 et France 3 deviennent propriétaires de leurs fictions rétroactivement à partir du 30 septembre 1981.

Ces fictions n'ont jamais été réellement exploitées, ni par TF1, ni par France Télévisions. Elles sont de qualité variable mais pourraient être exploitées pour certaines en vidéo et en télévision. Le chiffre d'affaires potentiel estimé (« perdu » pour l'INA) est de l'ordre de 200 000 à 300 000 euros par an (au moins au redémarrage de la commercialisation).


• L'émergence des producteurs indépendants

La loi du 30 septembre 1986 a contribué à la création d'un tissu de producteurs indépendant des chaînes. Les fonds dévolus à l'INA ne comportent plus que certains genres : actualités et magazines d'actualités, rarement des documentaires (comme Thalassa ).

Le chiffre d'affaires potentiel estimé est de l'ordre de 2 à 4 millions d'euros par an.


• Le partage d'août 2000

Il résulte de la loi du 1 er août 2000, avec un effet rétroactif à compter d'août 1997, que l'INA ne peut plus commercialiser que des extraits des diffusions intégrales par France Télévisions, désormais exploitées par France Télévisions Distribution. Elle a un effet rétroactif pour toutes les diffusions à partir d'août 1997.

Cette mesure a vraisemblablement un impact limité, de l'ordre de 100 000 euros par an car la production de France Télévisions commercialisable demeure très limitée.

Au final, le cumul de ces ruptures successives dans le périmètre de droits commercialisables de l'INA peut s'évaluer aujourd'hui à un manque à gagner de l'ordre de 3 à 3,5 millions d'euros en termes de chiffre d'affaires annuel. La Cour des comptes estimait, en 2008, à plus de 1 200 le nombre de programmes de fiction qui ont échappé à la propriété de l'INA. Selon les données communiquées par l'INA, le cumul de ces réductions successives du périmètre de ses droits commercialisables l'aurait privé de 55 millions d'euros de recettes sur la période 1982-2006, soit près de la moitié de son budget de 2006 .


* 9 Rapport public annuel de la Cour des comptes de 2008.

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