2. Le plan britannique : de loin le plus important hors Etats « périphériques » de la zone euro

Le Premier ministre britannique, dans un entretien au Sunday Times du 6 juin 2010, a indiqué que son pays connaîtrait « des années de souffrance ».

Aussi, le 22 juin 2010, le Royaume-Uni a renforcé et précisé son programme d'ajustement, lors de la présentation du projet de budget 2010-2011.

a) Un plan d'un montant annuel analogue à celui des Etats « périphériques » de la zone euro

Ce programme est considérable, avec un montant cumulé en six ans de 128 milliards de livres (155 milliards d'euros, sur la base du taux de change). Le PIB britannique étant de l'ordre de 1 400 milliards de livres, cela correspond à 9 points de PIB. L'ajustement ne commencerait toutefois véritablement que l'année budgétaire 2011-2012, soit à partir de la mi-2011. Sur les cinq dernières années, l'effort serait de 119 milliards de livres (8,5 points de PIB), ce qui représente un effort annuel de 1,7 point de PIB, proche de celui des Etats « périphériques » de la zone euro.

Total des plans de consolidation du Royaume-Uni

(en milliards de livres Sterling)

2010-11

2011-12

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Politique discrétionnaire résultant du projet de loi de finances

8,1

15

24

32

40

Dépenses

5,2

9

17

24

32

Fiscalité

2,8

6

7

9

8

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

65

59

71

74

80

Politique héritée par le Gouvernement

0,8

26

42

57

73

Dépenses

0

14

25

39

52

Fiscalité

0,8

11

17

18

21

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

0

56

60

68

71

Consolidation discrétionnaire totale

8,9

41

66

90

113

128

Dépenses

5,2

23

42

63

83

99

Fiscalité

3,6

18

24

27

29

29

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

59

57

64

70

74

77

Remarque : une livre Sterling vaut 1,2 euro (sur la base du taux de change). Un point de PIB correspond à 14 milliards de livres Sterling.

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », juin 2010

Le gouvernement britannique estime ainsi pouvoir ramener le déficit public de 11,3 points de PIB en 2009-2010 à 3,6 points de PIB en 2013-2014 et 1,2 point de PIB en 2015-2016. Ces prévisions paraissent optimistes. Certes, le Bureau pour la responsabilité budgétaire ( Office for Budget Responsibility , OBR), nouvellement créé, a revu à la baisse l'estimation de la croissance potentielle, passée de 2,75 % selon les prévisions du budget de mars et 2,5 % selon les hypothèses sous-tendant les projections de finances publiques à 2,25 %. Cependant les prévisions de croissance, bien que revues à la baisse, demeurent élevées, à 2,7 % en moyenne de 2011 à 2015. La prévision pour 2011, de 2,3 %, est toutefois conforme au consensus des conjoncturistes.

Prévision centrale de finances publiques du Bureau pour la responsabilité budgétaire britannique

(en points de PIB)

2008-09

2009-10

2010-11

2011-12 2012-

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Déficit

Emprunt net du secteur public

6,7

11

10,1

7,5

5,5

3,5

2,1

1,1

Excédent du budget courant

-3,5

-7,5

-7,5

-5,7

-4

-2,3

-0,9

0

Emprunt net corrigé du cycle économique

6,3

8,7

7,4

5

3,4

1,8

0,8

0,3

Excédent du budget courant corrigé du cycle économique

-3,1

-5,3

-4,8

-3,2

-1,9

-0,7

0,3

0,8

Total des décisions politiques

0,5

1

1,5

1,9

2,2

Déficit au sens du traité de Maastricht

6,8

11,3

10,1

7,6

5,6

3,6

2,2

1,2

Dette

Dette nette du secteur public

44

53,5

61,9

67,2

69,8

70,3

69,4

67,4

Dette au sens du traité de Maastricht (dette publique brute)

55,8

71,2

78,9

83,6

85,5

84,9

83,1

80,4

Pour mémoire : écart de production

-1

-4,1

-3,7

-3,5

-2,8

-2,3

-1,6

-0,9

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », juin 2010

b) Un effort reposant à 75 % sur la dépense publique, qui diminuerait légèrement en volume

Cet effort reposerait à 75 % sur la dépense, le ratio dépenses/PIB baissant de 8 points.

Le volet fiscal du plan, de 29 milliards de livres, comprend notamment une augmentation du taux normal de TVA de 17,5 % à 20 % à partir de janvier 2011, pour un montant de 13,45 milliard de livres.

La dépense publique doit quant à elle être réduite de 83 milliards de livres en 2014-2015 par rapport à son évolution « tendancielle », soit 21 milliards de livres de réductions supplémentaires par rapport à ce que prévoyait le gouvernement précédent. En valeur, la dépense publique augmenterait de seulement 2,1 % par an, ce qui, compte tenu de l'hypothèse d'inflation retenue (supérieure à 2,5 %) correspondrait à une diminution en volume de 4 % au total sur la période. Il s'agit bien là des chiffres relatifs à la dépense publique, et non à la seule dépense de l'Etat.

c) Trois postes essentiels d'économies : les prestations sociales, les dépenses d'investissement et l'emploi public

Seule une faible partie des mesures d'économies prévues est actuellement documentée (comme le « gel » des salaires du secteur public pendant deux ans, et diverses économies relatives aux dépenses sociales, qui doivent permettre d'économiser respectivement 3,3 milliards de livres et 11 milliards de livres à partir de 2014-2015). Le gouvernement prévoit de réaliser une « révision des dépenses » ( spending review ), à l'issue de laquelle les économies concrètes seront annoncées, le 20 octobre 2010.

Le gouvernement britannique a toutefois indiqué l'évolution programmée des principaux agrégats de la dépense publique d'ici 2015-2016, indiquée par le tableau ci-après.

Si l'on cherche les principales différences par rapport au plan français, on observe que deux postes essentiels d'économies sont les prestations sociales et les dépenses d'investissement. Par ailleurs, le plan britannique implique un grand nombre de suppressions d'emplois.

La dépense publique du Royaume-Uni : programmation du gouvernement britannique

(en milliards de livres)

Exécution

Estimation

Prévision

Evolution annuelle en valeur (en %)*

2008-09

2009-10

2010-11

2011-12

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Dépenses courantes

564,7

600,6

637,3

651,1

664,5

678,6

692,7

711,4

2,9

Dépenses programmées sur trois ans

313,5

334,8

342,7

343,1

341,4

341,2

337,7

340

0,3

Dépenses gérées annuellement

251,3

265,8

294,6

308,0

323,1

337,4

355

371,4

5,7

Dont:

Prestations de sécurité sociale

149,7

163,7

169,3

174,2

178,2

180,8

186,5

194,4

2,9

Dépenses locales

26,8

26,4

27,6

27,0

28,1

29,4

30,5

31,7

3,1

Charge d'intérêt de la dette

30,5

30,9

43,3

46,5

52,4

57,8

63,0

66,5

13,6

Dépenses en capital

65,1

68,7

59,5

48,7

46,5

43,3

44,9

46,1

-6,4

Dépenses programmées sur trois ans

48,5

56,6

51,6

41,4

39,6

37

38,7

40,8

-5,3

Dépenses gérées annuellement

16,6

12,1

7,8

7,3

6,9

6,3

6,2

5,2

-13,1

Dont:

Dépenses locales

7,5

6,3

5,4

4,8

4,6

4,4

4,4

3,6

-8,9

Dépenses en capital autofinancées par les entreprises publiques

7,1

7,7

7,4

7,4

7,3

7,3

7,3

7,3

-0,9

Aides aux banques du secteur public

9,4

4,7

0

0

0

0

0

0

-

Dépenses publiques totales

629,8

669,3

696,8

699,8

711

722

737,5

757,5

2,1

Dont :

Dépenses programmées sur trois ans

350,4

378

380

370,2

366,7

363,8

362

366,5

-0,5

Dépenses gérées annuellement

279,5

291,2

316,8

329,6

344,4

358,1

375,6

391

5,0

* Calculs de la commission des finances.

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », annexe C13

Comme on l'a indiqué, en valeur, la dépense publique augmenterait de seulement 2,1 % par an, ce qui, compte tenu de l'hypothèse d'inflation retenue (supérieure à 2,5 %), correspondrait à une diminution en volume de 4 % au total sur la période.

(1) Une stabilisation en volume des prestations de sécurité sociale

L'évolution prévue des principales composantes de la dépense semble difficilement transposable en France. Certes, les dépenses programmées sur trois ans (correspondant à plus de la moitié de la dépense publique) seraient à peu près stabilisées en valeur, ce qui est proche de la règle du « zéro valeur » applicable à l'Etat. Cependant, le Royaume-Uni dispose d'un budget centralisé, permettant à l'Etat de contrôler les dépenses des administrations publiques locales, et surtout de la sécurité sociale.

Tout d'abord, en ce qui concerne les dépenses gérées annuellement, le montant global des prestations de sécurité sociale serait stabilisé en volume. On rappelle qu'en France, le programme de stabilité 2010-2013 prévoit une augmentation des dépenses des administrations de sécurité sociale de 1,6 % par an en 2010-2013, soit encore moins en 2011-2013, ce qui, comme on le verra ci-après, paraît optimiste. Pour atteindre ce résultat, le Royaume-Uni prévoit de prendre des mesures socialement douloureuses.

Ensuite, toujours en ce qui concerne les dépenses gérées annuellement, les dépenses des administrations publiques locales seraient à peu près stabilisées en volume dans le cas des dépenses courantes, et diminueraient de près de 10 % par an (en valeur) dans le cas des dépenses d'investissement. Dans le cas de la France, les dépenses des collectivités territoriales continueraient d'augmenter de 0,9 % en volume.

(2) Une diminution en valeur des dépenses d'investissement

Par ailleurs, une grande part du plan britannique repose sur la technique « éprouvée » consistant à réduire les dépenses d'investissement, qui diminueraient de 6,4 % par an en valeur. Outre le fait que la France cherche à préserver ces dépenses, une telle diminution paraît d'autant plus difficilement transposable à la France que les trois quarts de l'investissement public sont réalisés par les collectivités territoriales.

(3) Un grand nombre de suppressions d'emplois

Selon la presse britannique, le Gouvernement prévoirait de supprimer de 100 000 à 120 000 emplois publics par an, soit de 500 000 à 600 000 emplois publics d'ici 2015.

A titre de comparaison, en France en 2009 les effectifs de la fonction publique d'Etat ont diminué de 25 000 équivalents temps plein.

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