B. LE PLAN FRANÇAIS ET LE PLAN ALLEMAND

1. Les « 80 milliards d'euros » récemment annoncés par le gouvernement allemand

La Chancelière allemande a déclaré le 7 juin : « Il faut économiser environ 80 milliards d'euros d'ici à 2014 afin que notre avenir financier soit à nouveau solide ».

Cette annonce - comme celle du Premier ministre britannique le 6 juin - a généralement été interprétée comme un tournant de l'Europe vers la rigueur. Ainsi, selon l'économiste Jean Pisani-Ferry, « c'est fait : l'Europe a basculé dans la rigueur budgétaire. Après la vague des plans d'austérité en Europe du Sud, l'annonce d'"années de souffrance" par le premier ministre britannique, le conservateur David Cameron, et la publication par la chancelière allemande, Angela Merkel, d'un plan de 80 milliards d'euros d'économies, ont marqué le virage des politiques économiques ».

Cette analyse n'a de sens que si l'on considérait jusqu'à présent que les Etats concernés n'avaient pas véritablement l'intention de prendre des mesures à la hauteur des montants initialement annoncés.

Dans le cas de l'Allemagne, les 80 milliards d'euros annoncés par Angela Merkel ne viennent pas en supplément de l'effort annoncé jusqu'alors, mais correspondent à ce qui était déjà prévu. La réduction du déficit structurel prévue par le programme de stabilité de février 2010, de 0,7 point de PIB par an de 2011 à 2013, selon les données recalculées par la Commission européenne en fonction de ses estimations du PIB potentiel, correspond déjà à une réduction de l'ordre de 70 milliards d'euros si on la prolonge d'une année.

Ainsi, dans sa communication du 15 juin 2010 examinant dans quelle mesure les Etats de la zone euro ont pris les « actions suivies d'effet » demandées par le Conseil, la Commission analyse les mesures annoncées le 7 juin comme correspondant à la simple mise en oeuvre, au niveau fédéral (soit chaque année environ ¼ de point de PIB sur les ¾ de point de PIB prévus au niveau des administrations publiques), des mesures de consolidation prévues par le programme de stabilité. Elle souligne d'ailleurs que les mesures doivent encore être prises au niveau local .

2. En théorie, le plan français représente d'ici 2013 un effort annuel environ deux fois supérieur à celui de l'Allemagne

Le tableau ci-après, issu d'une étude de Natixis, indique le montant de la « consolidation budgétaire », selon les annonces des gouvernements. La notion retenue n'est pas clairement indiquée mais il s'agit semble-t-il des décisions de politique budgétaire stricto sensu , c'est-à-dire de l'effort structurel.

La « consolidation budgétaire selon les annonces des gouvernements », telle que synthétisée par Natixis début juin 2010

NB : Il n'existe pas de document officiel synthétisant les différentes données. Ce tableau doit donc être considéré avec prudence.

Source : Sylvain Broyer, Costa Brunner, « Des plans de relance à la consolidation budgétaire : quel effet net sur la croissance ? », Flash économie n° 283, Natixis, 4 juin 2010

Des estimations différentes sont possibles. Ainsi, l'actualisation, par la commission des finances, de l'évolution du solde structurel (tel que recalculé par la Commission européenne en fonction de son estimation du PIB potentiel) pour prendre en compte les récentes annonces conduit aux résultats ci-après. Les ordres de grandeur ne sont cependant pas bouleversés.

Evolution annuelle du solde structurel* prévu par les principaux Etats de la zone euro : une tentative d'actualisation par la commission des finances

(en points de PIB)

Source

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2011-2013

Belgique

Prog. stab.

-2,4

1,2

0,5

0,7

-

-

-

Allemagne

Prog. stab.

-0,3

-2,5

0,3

1,0

0,8

-

2,1

France

Prog. stab.

-2,7

-0,3

1,9

0,9

1,2

-

4,0

Irlande

Prog. stab.

-1,7

0,3

0,4

1,9

1,6

1,8

3,9

Espagne

Prog. stab.+annonces du 12 mai 2010

-5,6

2,5

2,8

1,5

1,7

-

6,0

Italie

Prog. stab.+annonces du 26 mai 2010

0,1

0,0

1,0

0,8

-

-

-

Pays-Bas

Prog. stab.

-2,6

-1,4

0,9

0,4

-

-

-

Autriche

Prog. stab.

-1,0

-1,2

0,6

0,6

0,5

-

1,7

Portugal

Prog. stab.+annonces du 13 mai 2010

-5,4

2,0

3,8

1,9

1,5

-

7,2

Grèce

Programme d'aide à la Grèce**

-

2,5

4,1

2,4

2,0

1,9

8,5

* Y compris mesures exceptionnelles.

** Mesures de consolidation.

NB : Il n'existe pas de document officiel synthétisant les différentes données. Ce tableau doit donc être considéré avec prudence.

Sources : Commission européenne ; Goldman Sachs (mesures additionnelles) ; calculs de la commission des finances

On observe en particulier que dans les deux tableaux, l'effort annuel de la France est environ deux fois plus important que celui de l'Allemagne (il est vrai en intégrant le « contrecoup » en 2011 de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle). L'opposition, parfois faite par la presse, entre un « plan français à 50 milliards d'euros » et un « plan allemand à 80 milliards d'euros » n'a donc en réalité pas de sens. L'écart entre les deux montants vient du fait que :

- les 80 milliards d'euros du plan allemand prennent en compte l'ensemble des mesures, alors que les 50 milliards d'euros du plan français ne concernent que celles relatives à la dépense et la dépense fiscale : comme on l'a vu ci-avant, en prenant en compte les mesures sur les recettes, le plan français est de l'ordre de 65 milliards d'euros ;

- le PIB de l'Allemagne est plus élevé (environ 2 500 milliards d'euros, contre 2 000 milliards d'euros pour le PIB français) ;

- la période prise compte pour les 80 milliards d'euros de l'Allemagne comprend une année supplémentaire (2014) ;

- si une part importante (plus de 10 milliards d'euros) du plan français est censée correspondre à une diminution de la croissance des dépenses des administrations publiques locales, dans le cas de l'Allemagne l'essentiel de l'effort doit provenir des Länder , auxquels la nouvelle norme constitutionnelle doit encore être transposée.

Il faut cependant, aussi, prendre en compte le fait que la situation des finances publiques de l'Allemagne est beaucoup moins compromise que celle de la France.

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