B. LES COMPOSANTES DU RISQUE SISMIQUE

J'en viens à la deuxième partie de mon propos. Comme Monsieur Sorro l'a dit tout à l'heure : le risque sismique est lié à l'aléa évidement. C'est l'événement qui se produit. C'est la vulnérabilité des constructions et ce sont les conséquences de cette vulnérabilité qui créent le risque.

Le fait très important est que ce n'est pas le séisme qui tue. C'est la construction. Je mets à part les autres effets induits comme le tsunami ou les très grands glissements de terrain, etc. Pour ce qu'on voit dans les villes, c'est la construction qui tue. Il faut bien se rendre compte de cela.

Pour faire de la construction parasismique, il faut une bonne connaissance de l'aléa. On en a parlé tout à l'heure. A partir de cette connaissance de l'aléa, on injecte un nombre très restreint de données de cette connaissance, dans des processus de conception et dans des modèles de calcul, qui permettent de concevoir des ouvrages.

Il y a tout un processus de conception qui est très détaillé. C'est celui qui est normalisé actuellement dans le PS92 et dans l'Eurocode 8. Une fois qu'on a fait tout cela, il y a toujours un risque résiduel, puisque le risque zéro n'existe pas. Au bout du compte, on a un risque résiduel. Je vous rassure tout de suite. En ce qui concerne la construction neuve, si on a bien suivi le chemin qui est marqué là, le risque résiduel est extrêmement faible et les suites sont évaluées à des valeurs beaucoup plus faibles que ce qu'on accepte dans d'autres types de risques. Il faut bien avoir conscience que le travail réalisé là, s'il est suivi correctement, est bien fait.

C. COMPOSANTE DE LA PROTECTION SISMIQUE

Il faut connaître évidemment l'aléa. C'est très important, puisqu'on doit moduler ce qu'on fait en fonction des événements qui peuvent se produire. Néanmoins, ce n'est pas le plus déterminant dans l'affaire. Encore une fois, ce n'est pas le séisme qui tue, ce sont les constructions. C'est bien la conception des constructions qui est la plus importante dans l'affaire.

Je vais profiter de ce schéma pour vous dire qu'on s'est peut-être un petit peu trop polarisé sur l'aléa. Ce qui intéresse nos concitoyens est l'aléa pour leurs connaissances générales, mais c'est le risque qui les intéresse. Pour les spécialistes que nous sommes, nous devons nous focaliser sur le risque. C'est notamment important, quand on parle de renforcer l'existant. Il faut aborder le problème par le risque.

D. UNE DÉMARCHE INCOMPLÈTE

Aujourd'hui on est face à une démarche qu'on pourrait qualifier d'assez bonne. Malheureusement, elle est certainement incomplète. La réglementation est faite de tout ce qui ressort de la loi, des décrets, des arrêtés qui définissent le niveau d'aléa qu'on doit prendre en compte.

Pierre-Yves Bard nous a convaincus qu'on a une très bonne connaissance de l'aléa, même si on peut continuer à faire des recherches et progresser sur le sujet. Nous avons une définition de l'aléa qui est assez représentative de ce qu'on pense pouvoir observer. La réglementation définit les normes à appliquer, aujourd'hui le PS92, demain l'Eurocode 8.

On a des normes de constructions parasismiques qui sont très efficaces. Si elles sont observées, si elles sont bien pratiquées, que les constructions sont faites conformément aux normes, cela marche.

Malheureusement, cela ne marche pas si bien que cela. C'est le problème. C'est efficace, tout le dispositif en place est impeccable. Malgré une connaissance qui n'est pas extrêmement précise, cela marche plutôt très bien. Nous l'avons vérifié dans beaucoup de cas.

Cela ne marche pas bien au sens où la population ne suit pas, pas complètement en tout cas. A part les bâtiments qui font l'objet d'un contrôle technique, pour lequel on peut considérer que le taux de bonne application est relativement large, on sait très bien qu'en dehors de cela, la population n'a pas vraiment pris possession de la démarche. Tout simplement parce que la démarche est assez complexe.

Ludvina Colbeau-Justin m'a donné les conclusions d'une enquête. C'est une analyse faite sur une enquête menée par la DDE en 1997 en Martinique, sur le sujet des normes.

Il en ressort que les gens ont une certaine prise de conscience, mais elle est très floue, très mal renseignée, ce qui fait qu'à la fin, ils ne prennent pas les bonnes décisions pour eux-mêmes. Vous allez constater que les conclusions sont un peu contradictoires.

Il apparaît premièrement qu'il n'y a pas une prise de conscience réelle des dangers encourus lorsqu'on ne fait pas de la construction parasismique. Les gens savent que les normes existent en général. Ils savent que les professionnels doivent les appliquer. Ils savent qu'elles sont assez efficaces, mais ils ne ressentent pas au final la nécessité de les appliquer. C'est ainsi que j'ai un peu interprété ces conclusions.

Ceci concerne la Martinique, mais en Guadeloupe c'est un peu similaire, et en métropole, c'est pire. La population n'a plus la mémoire des séismes dévastateurs. Le dernier séisme précédent meurtrier est survenu il y a plus d'un siècle en Provence. Tout le monde a oublié depuis. Quand on dit aux gens de construire parasismique, ils vous répondent qu'il ne va jamais y avoir de séismes. Ils ne comprennent pas que ce n'est pas forcément pour eux, mais pour leurs petits-enfants ou pour les petits enfants de ceux qui acquerront leurs bâtiments.

Autre problème : les gens surestiment le coût de la protection parasismique. Ils avancent des chiffres de 10 % à 15 %, voire 20 %. Ce n'est pas du tout la réalité. La protection parasismique, si elle est bien faite, ne coûte que quelques pour cents de plus. Pour la métropole, c'est de l'ordre de 2 %.

Cela ne marche pas bien. La conclusion qu'on peut en tirer est que le rôle prescripteur de l'Etat est assez indispensable, puisque les gens ne peuvent s'approprier le risque pour les raisons que je viens de donner. Ils ne peuvent pas agir directement pour eux-mêmes. Il faut que ce soit la collectivité qui le leur impose.

Inversement, même si ce rôle prescripteur est indispensable, il ne faut pas que la démarche elle-même soit trop prescriptive, tout simplement parce que les gens qui font de la gestion de risque savent que pour optimiser, il faut que le maximum des parties prenantes aient une action positive par rapport à la réduction du risque. On ne peut pas se contenter d'une simple action de l'Etat. Cela ne marche pas en matière de gestion de risque. Si les gens n'appliquent pas, c'est parce qu'ils ne sont pas acteurs de leur propre protection, même si ce n'est pas pour eux, mais pour leur descendance.

Il y a probablement ici quelque chose à inventer. Il faut élargir notre démarche qui, aujourd'hui, est une démarche assez technique, assez réglementaire. Il faut mieux prendre en compte les réalités socio-économiques pour une meilleure participation de l'ensemble des citoyens.

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