Audition de M. François ROUSSELOT,
président de la commission des relations médecins industrie,
et de M. Francisco JORNET, conseiller juridique,
du Conseil national de l'ordre des médecins
(mercredi 30 mars 2010)

M. François Autain, président - Mes chers collègues, nous accueillons M. François Rousselot, président de la commission des relations médecins-industrie, et M. Francisco Jornet, conseiller juridique du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM).

Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, MM. François Rousselot et Francisco Jornet prêtent serment.

Je vous propose de commencer votre audition par un bref exposé liminaire puis de répondre aux questions de notre rapporteur, M. Alain Milon, et des membres de la commission.

Monsieur le président, vous avez la parole.

M. François Rousselot - Merci.

La commission des relations médecins-industrie du CNOM fonctionne en respectant diverses obligations dans un cadre juridique et réglementaire.

Les premiers éléments sont fondés, en premier lieu, sur le code de déontologie médicale. L'article 5 dispose qu'un médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.

L'article 15 traite de la participation des médecins aux recherches biomédicales.

L'article 24 prévoit que les médecins ne peuvent accepter un avantage qui leur serait interdit.

L'article 83 quant à lui traite des obligations de soumettre au Conseil de l'ordre toute convention passée par un médecin dans le cadre de son exercice professionnel. Le conseil départemental vérifie la conformité de ce contrat avec les prescriptions du code de la santé publique (CSP) dont le code de déontologie médicale fait partie.

Par ailleurs, au fil des années, un cadre juridique s'est installé. L'article 4113-6 du code de la santé publique issu de la loi « anti-cadeaux » de 1993 interdit de recevoir des avantages des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

Toutefois, il existe des exceptions. Celles-ci ne s'appliquent pas aux conventions qui ont pour objet, notamment, l'évaluation scientifique. Les rémunérations ne sont pas calculées de manière proportionnelle au nombre de prestations ou aux produits.

L'article 4113-9 du code de la santé publique traite de la compétence ordinale quant aux contrats et aux conventions.

La loi de 2002, dite loi Kouchner, quant à elle, traite des conflits d'intérêts en particulier lors d'une communication lors de congrès. Dans ce cadre, les sanctions sont de l'ordre disciplinaire interne à l'Ordre.

Le décret 2007-454 du 25 mars 2007 relatif aux conventions et aux liens unissant certaines professions de santé aux entreprises modifie le code de la santé publique. C'est une disposition essentielle. La section 4 traite du dossier de demande d'avis. Il ne s'agit en aucune sorte d'une décision.

Des précisions ont été apportées sur les délais de réponse : deux mois pour les projets de convention de recherches et d'études, un mois seulement pour les dossiers d'hospitalité. A l'issue de cet avis, c'est l'entreprise qui doit informer les professionnels et non le CNOM.

La loi du 26 février 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire prévoit que les personnes, à l'occasion de leur nomination puis annuellement, doivent effectuer une déclaration mentionnant leurs liens avec les entreprises. Par ailleurs, les entreprises doivent rendre publique la liste des associations de patients auxquelles elles apportent des aides.

Le décret n° 2007-658 du 22 février 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires prévoit que les professeurs des universités praticiens hospitaliers doivent obtenir une autorisation de leur hiérarchie pour exercer une activité accessoire, notion difficile à cerner.

Un certain nombre d'autres textes traitent de la procédure d'urgence, etc.

S'agissant du fonctionnement du CNOM, avant 1989, date à laquelle la seule référence était le code de déontologie, le CNOM avait installé une commission des relations médecins industrie pharmaceutique (RMI) qui devait travailler et établir des contacts avec l'industrie pharmaceutique, ce qui n'était pas alors la règle.

Depuis la loi « anti-cadeaux », l'Ordre a installé un service. La commission comprend six élus du Conseil national, représentant chacun une région, qui s'adjoignent six membres choisis parmi les élus et anciens élus des conseils régionaux et des conseils départementaux. Le président, membre du Conseil national, est élu par ses pairs membres du Conseil national. Le service est constitué d'un conseil juridique, d'un responsable de service et de cinq secrétaires.

Il existe deux grandes familles de dossiers, les dossiers d'hospitalité et les dossiers d'études. Les dossiers d'hospitalité comprennent toutes les invitations de l'industrie du médicament et du matériel en faveur des enseignements post-universitaires ou des déplacements de groupes.

C'est la catégorie la moins compliquée à traiter car le CNOM a progressivement installé des règles de fonctionnement : 85 % des dossiers ne présentent pas de difficultés en termes de prise en charge raisonnable, de tarifs, de durée, le CNOM s'assurant aussi que seuls des médecins spécialistes participent à ces congrès.

Un des objectifs est d'interdire ce qu'on a pu appeler les « congrès cocotiers ». De tels dossiers ne sont plus proposés au CNOM.

M. François Autain, président - Pensez-vous que s'il n'y avait plus d'industrie pharmaceutique, il y aurait encore des congrès ?

M. François Rousselot - Mais qui fabriquerait les médicaments ?

M. François Autain, président - Imaginez qu'un jour ou l'autre, l'industrie pharmaceutique, en difficulté, ne puisse plus financer les congrès : y en aurait-il encore ?

M. François Rousselot - Il est évident que la location d'une salle de congrès pouvant réunir mille praticiens pendant trois jours Porte Maillot ne peut être assurée que grâce à la présence d'une exposition scientifique avec des stands.

M. François Autain, président - Il existe d'autres professions libérales, comme les avocats par exemple, qui n'ont pas la chance d'avoir une industrie pour financer leur congrès !

M. François Rousselot - Il faut croire qu'ils ont d'autres revenus !

Je vous rappelle qu'il existe cinq cents professions libérales et que l'on y trouve deux groupes qui assurent régulièrement des formations continues, les avocats et les médecins, les autres n'organisant pas de congrès.

Pour en revenir à mon propos, la deuxième famille est composée des dossiers d'études, qui constituent un travail beaucoup plus complexe.

Les industriels saisissent le CNOM en lui faisant parvenir un dossier. On est progressivement arrivé à le cadrer. L'article 4113-6 du code de la santé publique indique les pièces qui doivent y apparaître. A la différence des dossiers d'hospitalité, chacun de ces dossiers est traité par un élu. On compte 2 000 dossiers par an. Chaque dossier peut concerner un seul médecin ou plusieurs centaines de praticiens.

Le comité de pilotage, organisé à l'initiative du CNOM, regroupe également les entreprises du médicament (LEEM) et le Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM), il a abouti à divers aménagements comme la saisie informatique des dossiers sur un réseau Extranet, des procédures simplifiées pour des demandes d'avis très ciblées, des possibilités de saisie en urgence avec une réponse sous trois semaines et l'existence d'avis implicites favorables en l'absence de réponse du CNOM à l'issue d'un délai de deux mois pour les dossiers d'études.

On arrive presque à ne plus avoir d'accords implicites sur des dossiers qui n'auraient pas été examinés dans les délais, ce qui exige une organisation sérieuse.

Nos avis sont rendus éventuellement après demande de complément d'information ou de précision. Le délai est suspendu durant le temps de la demande. Les avis sont adressés aux industriels qui doivent les communiquer aux médecins contractants.

Pour sa part, le service RMI informe régulièrement l'ensemble des conseils départementaux des décisions rendues. En effet, les conseils départementaux reçoivent ensuite les contrats signés par les médecins, conformément à l'obligation de transmission prévue par la loi.

Un industriel reste libre de tenir compte ou non de l'avis. Il peut décider de poursuivre son projet malgré l'avis défavorable du CNOM ainsi que le cocontractant. Il s'expose donc à être poursuivi par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). La procédure à mettre en route est alors une procédure pénale.

Lorsqu'on interroge la DGCCRF pour savoir s'il existe une jurisprudence, celle-ci nous répond qu'il n'en existe pas. Est-ce à dire qu'il n'y a pas de plaintes de leur part, que le parquet a classé sans suite ou que l'affaire n'a pas abouti à une condamnation ?

M. François Autain, président - Cela concerne-t-il un pourcentage élevé de dossiers ?

M. François Rousselot - Il faudra le leur demander !

La seule circulaire d'application date de la loi de 1993. Elle n'a jamais été réactualisée depuis, ni par la DGCCRF, ni par le ministère.

La loi HPST a quelque peu modifié les choses. Les dispositions de l'article 4113-6 du code de la santé publique permettent à l'Ordre d'enclencher des poursuites disciplinaires à l'encontre des praticiens.

Les dossiers d'hospitalité s'élèvent à environ 40 000 par an. Cela va de la pause café à 15 euros lors d'une réunion ou un repas à un déplacement de 80 urologues pour un congrès aux Etats-Unis.

Les dossiers d'études sont de l'ordre de 2 000 par an. Le nombre de demandes d'avis est stable depuis plusieurs années, de même que le nombre d'avis défavorables, de l'ordre de 10 à 15 %.

Quelles sont les raisons de ces avis défavorables ? Un certain nombre de procédures sont hors délai. Des documents peuvent manquer. Assez souvent, nous sommes amenés à revenir sur des dispositions insuffisantes concernant la confidentialité des études.

En effet, la loi prévoit que la confidentialité est absolue ; les cocontractants ne peuvent répondre qu'au ministère et à l'AFSSAPS. On exige que cet article soit reproduit dans son intégralité, ce qui pose souvent problème pour les dossiers internationaux, les juristes étrangers n'appréciant pas qu'on leur dise ce qu'il faut mettre dans les contrats.

S'agissant des experts, la convention de collaboration entre un industriel et un médecin suit un circuit différent.

En effet, ces travaux ne concernent pas des activités telles que la prescription de médicaments et la réalisation d'actes. Il ne s'agit pas non plus de recherches ou d'évaluations, qui n'entrent donc pas dans le cadre de l'article 4113-6 du code de la santé publique. Il n'y a donc pas lieu que le CNOM et sa commission aient à y voir quoi que ce soit.

Ces contrats sont adressés aux conseils départementaux et le CNOM n'a donc pas à en connaître. Nous n'avons que des renseignements à l'occasion d'une consultation des conseils départementaux et d'après les renseignements que l'on peut obtenir auprès du conseil départemental de Paris où sont inscrits la moitié des PUPH de l'AP-HP, on compte environ cinquante à soixante-dix dossiers de consultants par an à Paris soit, rapporté au nombre de PUPH, 10 % environ de l'ensemble. C'est une minorité de personnes. L'organisation actuelle ne nous permet pas d'avoir une gestion transparente du sujet. Le législateur pourrait proposer une modification législative sur ce point.

Le conseil départemental vérifie qu'il n'existe pas de clause anti-déontologie, que les honoraires sont en adéquation avec le travail fourni et que la convention est conforme aux usages.

S'agissant de la pandémie grippale, la commission RMI n'a eu à traiter que sept dossiers d'études qui lui ont été soumis, à compter de décembre 2008, concernant les problèmes de la grippe ou par les industriels concernés par les vaccins ou les médicaments. Nous avons cinq dossiers d'industriels.

M. François Autain, président - Je ne retrouve pas la typologie que vous utilisez dans le rapport de l'IGAS.

M. François Rousselot - Il est inexact sur beaucoup de points !

M. François Autain, président - Ce sont surtout les missions conseils des entreprises et celles que l'on confie à certains médecins dans les hôpitaux qui nous intéressent, les promoteurs étant la plupart du temps les laboratoires privés.

Vous évoquez sept dossiers d'étude à Paris : il s'agit bien de dossiers d'investigation sur un médicament qui a un rapport quelconque avec la grippe ?

M. François Rousselot - Un premier dossier a été traité à la demande de l'AFSSAPS à propos d'une étude de Sanofi Pasteur sur deux séries de 9 000 et de 5 000 vaccins.

Une autre étude, réalisée par les laboratoires Roche, était relative au Tamiflu chez le nourrisson. Il ne s'agit donc pas de convention d'experts.

M. François Autain, président - Ce sont des demandes de conseil des entreprises.

M. François Rousselot - En effet.

M. Alain Milon, rapporteur - Combien de médecins ces études concernent-elles ?

M. François Rousselot - C'est très variable. L'une concernait 450 patients, 23 investigateurs, une autre 300 patients, 5 investigateurs, une autre encore un coordinateur, 12 investigateurs.

M. François Autain, président - Pourrions-nous avoir communication de la convention concernant ces dossiers ?

Il serait également intéressant de connaître la nature du contrat passé entre les laboratoires, les experts de la grippe et les leaders d'opinion.

M. François Rousselot - Nous n'en disposons pas. Ce sont les conseils départementaux qui détiennent ces données.

M. François Autain, président - Il va donc falloir que nous fassions un travail considérable.

Il n'existe donc pas de leaders d'opinion qui conseillent les laboratoires ?

M. François Rousselot - Ce n'est pas exclu.

M. François Autain, président - Il faudrait donc que l'on auditionne tout le Conseil de l'Ordre de Paris. C'est là où l'on risque d'avoir la plus forte concentration.

M. François Rousselot - Ce n'est pas sûr. Pour l'étude concernant les nourrissons, on n'aura que des services de réanimation néonatale et d'urgence pédiatrique. Les investigateurs sont des universitaires de cette catégorie ; le coordonnateur est logiquement un universitaire de cette catégorie. Est-il ou non consultant du laboratoire en plus ou non ? On ne peut le savoir !

M. François Autain, président - Il faudrait pouvoir disposer d'un registre national.

M. François Rousselot - Il n'existe pas de statut d'expert sanitaire.

M. François Autain, président - C'est là aussi une lacune !

M. François Rousselot - De nombreux éléments sont simplement déclaratifs.

M. François Autain, président - Quelle preuve avons-nous que ces déclarations sont conformes à la réalité ?

M. Alain Milon, rapporteur - Etes-vous demandeur d'un tel statut ?

M. François Rousselot - Je ne crois pas mais si cela existait, vous pourriez piocher dans l'annuaire mais définir les critères ne sera guère aisé !

M. François Autain, président - C'est éventuellement l'affaire du législateur.

M. François Rousselot - S'agissant des conflits d'intérêts, le CNOM a largement communiqué auprès des médecins, dans son bulletin, par ses circulaires, par une information auprès des conseils départementaux et des échanges avec le syndicat national de la presse médicale. Nous avons donc joué notre rôle de relais.

Pour conclure, je voudrais vous informer du développement prochain d'un outil informatique au sein du service RMI. Le cahier des charges est validé, l'appel d'offres a reçu ses réponses, le choix du prestataire doit intervenir dans les jours à venir. On en attend une augmentation des capacités de traitement des dossiers, la création d'une base de données permettant des requêtes en utilisant le numéro de répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) qui s'installe progressivement.

Le CNOM disposera ainsi d'une liste de tous les médecins avec leurs spécialités, car il existe actuellement des différences troublantes entre le CNOM et d'autres professions, comme les assureurs. Des requêtes pourront aussi être opérées par laboratoire et type de recherche.

J'insiste sur le fait qu'à aucun moment de la pandémie, les autorités de tutelle ou les agences sanitaires ne nous ont sollicités pour connaître des experts et des expertises.

Enfin, le financement du service RMI et du travail effectué dans les conseils départementaux est interne. Ce sont les cotisations ordinales des médecins qui couvrent ces dépenses qui ne sont pas nulles : personnel, défraiement des élus, informatique, envoi de plusieurs milliers de lettres recommandées par an constituent une part importante du budget du Conseil national, totalement indépendant.

M. François Autain, président - La parole est au rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur - Merci.

Pouvez-vous dresser un bilan général de l'application de l'article 4113-6 du code de la santé publique ?

Quel est le nombre annuel, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2002, des conventions transmises aux conseils départementaux, au Conseil national par les conseils départementaux et directement au Conseil national ?

Constatez-vous une évolution ?

Peut-on établir une typologie de ces conventions ?

M. François Rousselot - Il y a un retour obligé des médecins vers les conseils départementaux, non vers le Conseil national. On en fait plus que ce que la loi nous demande !

Avec un guichet unique, ce service pourrait tout traiter, d'autant que certains départements, régulièrement sollicités et qui ont une masse de documents à traiter, disposent d'un conseil juridique et d'un secrétariat développé, ce qui n'est pas le cas de tous les départements.

Mon département, avec ses six cents médecins, n'a à l'évidence pas les mêmes problèmes que Paris, qui en compte 23 000, ou le Nord qui en a 14 000 ! Nous n'avions pas de conseiller juridique. Quand on ne savait pas, on écrivait à Paris.

A ce jour, nous n'avons pas de retour concernant les conventions que le médecin a l'obligation de déclarer. On peut imaginer qu'une convention ne devient applicable que lorsqu'elle est validée.

M. Alain Milon, rapporteur - Quels sont les critères sur lesquels les instances ordinales fondent leur avis sur les conventions entre médecins et entreprises qui leur sont soumises ?

M. François Rousselot - Toutes ces études parviennent avec un avis du comité de protection de la personne.

Qu'est-ce qu'une réponse de CPP ? « Compte tenu de la pertinence de la recherche, le caractère satisfaisant de l'évaluation des bénéfices et des risques attendus et le bien-fondé des conclusions, les objectifs poursuivis par cette étude sont en adéquation avec les moyens mis en oeuvre. Au vu de la liste des investigateurs transmise par le promoteur, les investigateurs sont qualifiés pour mener cette recherche. La recherche biomédicale est réalisée dans des lieux disposant de moyens humains, matériels, techniques adaptés à la recherche et compatibles avec les impératifs de sécurité des personnes. Il n'est pas prévu la constitution d'un comité de surveillance indépendant. Les modalités de recrutement des participants sont adaptées aux recherches. Le protocole prévoit l'interdiction de participer simultanément à une autre recherche. La période d'exclusion est précisée. Le délai de réflexion prévu est satisfaisant. Nous acceptons qu'aucune indemnisation ne soit prévue pour la participation des personnes à cette recherche. Compte tenu de tout cela, notre comité émet un avis favorable ».

M. François Autain, président - Ces dispositions sont en cours de réforme.

M. François Rousselot - Ce type de vérification représente un premier filtre très sérieux. Une étude que le CPP a refusée reçoit un avis défavorable. Le CNOM examine les modalités pratiques du contrat, notamment le respect du code de déontologie, de la confidentialité et la proportionnalité entre la charge de travail et les honoraires.

Une bonne partie de ces études sont internationales et les laboratoires nous répondent qu'il s'agit des tarifs internationaux. En cas de refus, le risque est qu'il n'y ait pas de recherche française. Que répondre ?

Personnellement, je tiens à la recherche française ! La première page du rapport de l'IGAS consacrée à la rémunération indique qu'aux Etats-Unis, le niveau des rémunérations des médecins et des chirurgiens est supérieur de 40 % à celui pratiqué en France, qui se classe avant-dernière, juste avant la Suisse.

Si les honoraires nous paraissent trop élevés, la recherche ne sera pas faite en France. Il s'agit donc d'une lourde responsabilité !

M. Alain Milon, rapporteur - La question suivante porte précisément sur le rapport de l'IGAS et la rémunération des médecins ainsi que sur vos moyens de contrôle.

M. François Rousselot - Nous parlons donc de la page 73 du rapport de l'IGAS.

L'IGAS s'est interrogée sur le montant de certains contrats entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques. Le rapport signale, page 72, que cela correspond pratiquement au relevé de trois années d'exercice. Lorsqu'on évoque les honoraires de 90 000 euros versés à un orateur formation, on ne précise pas s'il s'agit d'une ou de trois années, ni si la prestation concerne une ou vingt-cinq présentations.

Je connais le cas d'une personne très pointue que l'on envoie d'ici le mois de juin intervenir à Caracas, au Japon, en Russie et en Amérique du Nord. Compte tenu des heures de transport aérien, on arrive à une rémunération de l'ordre de 60 euros de l'heure. Etant missionnée sur quatre autres déplacements à l'autre bout du monde, cette personne va être absente quinze jours. C'est une somme mais je n'y trouve rien de choquant par comparaison avec la dernière facture de mon carrossier : 107 euros de l'heure hors taxes ! Que représentent donc ces 90 000 euros ?

M. François Autain, président - Nous poserons la question à l'un des rapporteurs de l'IGAS que nous allons auditionner.

M. François Rousselot - La moyenne des honoraires versés pour les activités de conseil est de 6 961 euros, le maximum versé s'élevant à 600 000 euros. Or, la médiane des honoraires est du tiers de la moyenne. Le contrat de 600 000 euros tire donc la moyenne vers le haut !

En soi, ce montant de 600 000 euros n'est pas choquant. Un de mes frères a été enseignant à Berkeley, où existe un parking réservé aux Prix Nobel. Etant donné le prix de leurs prestations horaires, l'université avait intérêt à ce qu'ils se garent vite !

Le rapport de l'IGAS ne précise pas qui a reçu ces honoraires !

M. François Autain, président - Il ne le peut pas : les informations sur les conventions fournies à l'IGAS sont anonymes.

M. François Rousselot - J'ai relevé d'autres erreurs dans le rapport de l'IGAS, en particulier page 75, premier alinéa, à propos du partenariat avec l'industrie pharmaceutique qui peut revêtir deux formes différentes selon le statut du médecin. Le partenariat n'a rien à voir avec le statut ! C'est faux ! Le statut correspond à la différence entre le public et le privé !

Dans le paragraphe 238, le rapport de l'IGAS dit que ce contrat doit être communiqué par le médecin au conseil départemental de l'Ordre dont il dépend mais aucune obligation de nature réglementaire ne lui est faite d'informer son employeur principal. C'est faux ! Le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires prévoit, au contraire, que le médecin doit obtenir l'autorisation de sa hiérarchie pour exercer une activité dite accessoire. Ce sont des agents des collectivités territoriales, à ce titre autorisés à cotiser à la Préfon, comme les fonctionnaires !

Il existe actuellement une commission de l'AP-HP qui va demander que tous les contrats comportent ce rappel et nous les soutiendrons en disant qu'un contrat qui ne comportera pas ce rappel recevra un avis défavorable.

M. François Autain, président - Avant l'obligation introduite par la loi HPST, certains directeurs d'hôpitaux n'étaient pas informés. Des chefs de service ne pouvaient pas se consacrer pleinement à leurs activités de recherche. Il n'y avait pas de compensation financière de ces absences pour l'hôpital.

M. Francisco Jornet - Il y a peut-être un problème d'application de la loi HPST mais surtout un problème antérieur d'application de la loi.

Dès 1993-1994, la loi dit en effet clairement que les conventions passées entre les médecins et les industriels doivent être notifiées aux directeurs d'établissements. Curieusement, à l'occasion d'enquêtes conduites par les Chambres Régionales des Comptes (CRC), certaines CRC ont sollicité les conseils départementaux pour obtenir ces contrats.

Les conseils départementaux ont répondu qu'ils s'efforceraient d'aider les CRC, tout en faisant part de leur étonnement puisque la loi a prévu que ces conventions soient notifiées aux directeurs d'établissement.

M. François Autain, président - Il y a manifestement là un problème. Nous essayerons de lever ces ambiguïtés lorsque nous auditionnerons l'un des auteurs de ce rapport.

M. François Rousselot - Notre souhait est que cela fasse vraiment l'objet d'une obligation.

M. Alain Milon, rapporteur - Avez-vous les moyens de connaître l'ensemble des conventions ?

M. François Rousselot - L'informatisation doit nous y aider. Il est prévu que les conseils départementaux y insèrent les données qu'ils traitent ! Mais 90 % des dossiers sont interdépartementaux. Nous voulons recouper les données dans un souci de transparence.

M. Alain Milon, rapporteur - Peut-on faire à votre suite des propositions qui reprendraient les vôtres ?

M. François Rousselot - Nous souhaiterions pouvoir trouver un moyen que ce qui existe soit réellement appliqué, en particulier les déclarations aux établissements.

Par ailleurs, le guichet unique du CNOM simplifierait beaucoup de choses. Il n'y aurait plus d'éventuelles diversités d'appréciation sur les dossiers. Une seule commission renforcée, élargie, donnerait des avis cohérents, alors que la multiplication des intervenants augmente les risques de divergence.

M. François Autain, président - Ne craignez-vous pas que les conseils départementaux y soient hostiles ? On leur enlève quelques prérogatives.

M. François Rousselot - Certaines personnes le regretteront mais pas toutes ! S'il s'agit d'un problème d'enregistrement, ce n'est pas très palpitant ; si c'est un problème technique, certains sont moins à l'aise.

M. Francisco Jornet - La centralisation se situe à deux niveaux ; il s'agit de faire en sorte que toutes les études aillent vers le Conseil national et que la distinction entre des contrats d'investigateurs qui suivent un circuit et des contrats d'experts, d'orateurs ou de consultants qui en suivent un autre disparaisse.

M. François Autain, président - La parole est aux commissaires.

Mme Marie-Christine Blandin - Sur les sept dossiers d'intervention soumis au CNOM, vous n'en avez cité que deux. Pouvez-vous nous indiquer le nom des autres laboratoires impliqués ?

Par ailleurs, connaissez-vous les sommes des rémunérations et des dédommagements correspondants, ainsi que les dates ?

M. François Autain, président - Vous avez bien dit que vous pouviez nous communiquer ces dossiers ?

M. François Rousselot - Oui. Le premier dossier remonte à novembre 2009 et concerne une étude pour le laboratoire Sanofi Pasteur à la demande de l'AFSSAPS. Il s'agit d'une étude post-AMM de la tolérance du vaccin chez les enfants âgés de plus de deux mois.

Mme Marie-Christine Blandin - Le sujet qui nous préoccupe concerne les dates, les laboratoires et les sommes...

M. François Rousselot - 5 000 sujets ont été vaccinés par Panenza. Le CPP a émis un avis favorable. Recrutement : 5 000 vaccinés par Humenza, 5 000 par Panenza. La rémunération du vaccinateur s'élève à 50 euros pour quatre heures -  moins cher qu'une femme de ménage.

Mme Marie-Christine Blandin - Avez-vous la somme globale ?

M. François Rousselot - Non, je ne la connais pas.

Mme Marie-Christine Blandin - On regardera les fiches.

M. François Rousselot - Vous ne trouverez rien dans la fiche ! On a demandé à mon service s'il donnait un avis favorable à l'étude : oui ! A-t-elle été réalisée ? Je n'en sais rien.

Mme Marie-Christine Blandin - Vous nous confierez les dossiers et nous les étudierons.

M. François Rousselot - En appliquant rigoureusement toutes les dispositions, vous ne trouverez pas chez nous les renseignements que vous cherchez. Je ne sais pas où vous les trouverez !

M. François Autain, président - Il faut faire une commission d'enquête spécifique !

M. François Rousselot - La seconde étude concerne une demande de l'Ecole des hautes études en santé publique. Il s'agit d'une enquête épidémiologique. Le recrutement concerne les ménages et touche 2 000 individus. Les investigateurs sont des infirmiers et des médecins. Le coordinateur est un épidémiologiste de l'INSERM qui n'est pas rémunéré, tout comme le coordinateur précédent.

Le troisième dossier a trait à une demande du laboratoire Roche relative à la détection précoce des grippes résistantes aux antiviraux. Il s'agit de patients hospitalisés en urgences pédiatriques, dans le cadre d'une étude internationale qui remonte à décembre 2008, à l'occasion de l'épidémie de l'an dernier. Le coordinateur n'est pas rémunéré. Le montant de l'observation par malade hospitalisé durant dix jours est de 350 euros.

Le quatrième dossier concerne le laboratoire Hoffmann La Roche, la pharmacocinétique, le pharmaco-dynamisme et la sécurité du Tamiflu. Il concerne quinze patients en France, trois investigateurs et porte sur le traitement des nourrissons hors AMM. Théoriquement, ils n'avaient même pas à nous solliciter.

M. François Autain, président - A quelle date ?

M. François Rousselot - En décembre 2009. La rémunération par investigateur s'élevait à 2 500 euros et à 2 500 euros pour le coordinateur. Il y en a trois en France, deux fois des associations, une fois un praticien, dans trois CHU.

Le cinquième dossier concerne GSK, ainsi que le sixième, le septième étant Sanofi.

M. François Autain, président - Vous nous confiez donc ces documents ; nous les exploiterons et nous verrons ce que nous pouvons en faire.

M. François Autain, président - Y a-t-il d'autres questions ? Il n'y en a pas. Merci.

M. François Rousselot - Vous m'aviez demandé quels étaient mes souhaits. Ils portent sur la création d'un guichet unique et d'un instrument permettant de gérer le devenir des avis que nous rendons. Pour l'instant, rien n'existe et cela constitue une grave lacune.

Aujourd'hui, les conseils départementaux enregistrent seulement les demandes. L'avis que rend le CNOM est scientifique, éthique et déontologique.

M. François Autain, président - Nous allons essayer de proposer des recommandations qui permettront, si elles sont suivies d'effets, de combler ces lacunes.

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