B. LES FACTEURS EXPLIQUANT LA LONGUEUR DES PROCÉDURES DEVANT LA COUR

1. L'évolution du nombre de dossiers transmis à la CNDA ne suffit pas à expliquer l'allongement des délais

Le premier facteur influençant le délai moyen de traitement des dossiers par la CNDA est l'évolution du nombre de recours qu'elle enregistre. Or, sur les dix dernières années, le nombre de recours enregistrés auprès de la Cour ne connaît pas une croissance constante, comparable à l'allongement des délais de traitement de ces recours , comme l'indique le tableau ci-dessous.

L'évolution du nombre de recours enregistrés auprès de la Cour depuis 2000

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

20.148

26.127

32.181

43.651

52.150

40.318

30.487

22.665

21.638

25.040

Source : CNDA

L'évolution du nombre de recours devant la CNDA résulte elle-même directement de la combinaison de deux facteurs : l'évolution du nombre de demandeurs d'asile en France ainsi que la part de décisions de l'OFPRA donnant lieu à un recours devant la CNDA.

Or, ce sont approximativement 80 % des décisions de l'OFPRA qui font l'objet d'un recours devant la CNDA, soit une proportion particulièrement élevée mais relativement constante d'une année sur l'autre. Ce taux élevé résulte en partie d'un taux élevé de rejet des demandes d'asile par l'OFPRA. En effet, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, le taux d'admission des requérants par l'OFPRA était de 14,3 % en 2009, contre une moyenne des pays de l'Union européenne qui s'élève à 29 %.

Par conséquent, le nombre de recours enregistrés dépend essentiellement de l'évolution de la demande d'asile. Si celle-ci était en diminution depuis 2006, elle augmente à nouveau, de manière particulièrement significative, depuis juillet 2008. C'est cette hausse du nombre de demandeurs d'asile qui explique l'augmentation de plus de 16 % du nombre de recours devant la CNDA en 2009 par rapport à 2008 .

La France est devenue en 2009 le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe et le deuxième au monde, après les Etats-Unis. Toutefois, l'examen de l'évolution des demandes d'asile en provenance des principaux pays d'origine permet de constater qu' il est extrêmement difficile de prévoir, ne serait-ce que d'une année sur l'autre, quelle sera l'évolution du nombre de demandeurs d'asile .

La répartition des entrées par pays de nationalité ou d'origine

2006

2007

2008

2009

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Turquie

3.694

12,1 %

Sri Lanka

2.487

11,0 %

Sri Lanka

2.535

11,7 %

Sri Lanka

1.939

7,7 %

Haïti

2.941

9,6 %

Turquie

2.371

10,5 %

Turquie

2.081

9,6 %

République démocratique du Congo

1.931

7,7 %

République démocratique du Congo

2.524

8,3 %

Serbie

1.874

8,3 %

Russie

1.953

9,0 %

Turquie

1.880

- 31 -

7,5 %

Sri Lanka

2.522

8,3 %

République démocratique du Congo

1.801

7,9 %

Arménie

1.840

8,5 %

Kosovo

1.822

7,3 %

Serbie

2.084

6,8 %

Arménie

1.493

6,6 %

République démocratique du Congo

1.546

7,1 %

Bangladesh

1.727

6,9 %

Russie

1.616

5,3 %

Russie

1.374

6,1 %

Bangladesh

1.517

7,0 %

Arménie

1.686

6,7 %

Arménie

1.263

4,1 %

Chine

1.271

5,6 %

Serbie

1.099

5,1 %

Russie

1.474

5,9 %

Bangladesh

1.143

3,7 %

Bangladesh

987

4,4 %

Guinée

779

3,6 %

Guinée

1.234

4,9 %

Chine

1.101

3,6 %

Haïti

897

4,0 %

Congo

663

3,1 %

Chine

1.023

4,1 %

Mauritanie

948

3,1 %

Guinée

770

3,4 %

Mauritanie

624

2,9 %

Mauritanie

990

4,0 %

2006

2007

2008

2009

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Pays

Nombre

Part

Guinée

846

2,8 %

Congo

694

3,1 %

Haïti

538

2,5 %

Haïti

901

3,6 %

Congo

844

2,8 %

Algérie

646

2,9 %

Algérie

533

2,5 %

Comores

744

3,0 %

Côte d'Ivoire

832

2,7 %

Mauritanie

569

2,5 %

Kosovo

514

2,4 %

Congo

673

2,7 %

Algérie

791

2,6 %

Côte d'Ivoire

477

2,1 %

Chine

502

2,3 %

Algérie

617

2,5 %

Angola

681

2,2 %

Angola

437

1,9 %

Mali

446

2,1 %

Nigeria

554

- 32 -

2,2 %

Nigeria

584

1,9 %

Nigeria

420

1,9 %

Azerbaïdjan

424

2,0 %

Serbie

500

2,0 %

Géorgie

513

1,7 %

Azerbaïdjan

409

1,8 %

Côte d'Ivoire

393

1,8 %

Pakistan

458

1,8 %

Azerbaïdjan

498

1,6 %

Pakistan

316

1,4 %

Nigeria

324

1,5 %

Côte d'Ivoire

399

1,6 %

Moldavie

480

1,6 %

Soudan

267

1,2 %

Angola

281

1,3 %

Azerbaïdjan

388

1,6 %

Bosnie-Herzégovine

472

1,5 %

Géorgie

242

1,1 %

Pakistan

249

1,2 %

Angola

351

1,4 %

Autres

4.110

13,5 %

Autres

2.862

12,6 %

Autres

2.797

12,9 %

Autres

3.749

15,0 %

Total

30.487

100 %

Total

22.664

100 %

Total

21.638

100 %

Total

25.040

100 %

Source : CNDA

Ainsi, par exemple, entre les années 2008 et 2009 , le nombre de demandeurs d'asile en provenance des quatre principaux pays d'origine est en diminution : moins 24 % pour le Sri Lanka, moins 10 % pour la Turquie, moins 25 % pour la Fédération de Russie et moins 8 % pour l'Arménie. Pourtant, au total, le nombre de demandes d'asile a augmenté de près de 6 % entre ces deux années en raison notamment de la part croissante de certains pays : plus 350 % pour le Kosovo, plus 104 % pour la demande chinoise, plus 25 % pour la République démocratique du Congo ou encore plus 58 % pour la Guinée Conakry.

L'apaisement de la situation géopolitique dans certains pays fait place, au contraire, à la résurgence de tensions dans d'autres régions et rendent très imprévisible l'évolution globale de la demande d'asile en France.

Votre commission des finances a d'ailleurs fréquemment rappelé, dans ses rapports budgétaires sur la mission « Immigration, asile et intégration », qu'il était particulièrement difficile d'évaluer certaines dépenses budgétaires en lien avec la demande d'asile. Il en est ainsi de l'ATA, versée aux demandeurs d'asile dont les demandes sont en cours d'instruction et qui ne peuvent être hébergés en centres d'accueil, ainsi que de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile. Il en résulte un recours régulier, depuis 2008, aux décrets d'avance permettant, en cours d'exécution budgétaire, d'ouvrir les crédits nécessaires à la gestion du flux des demandeurs d'asile.

Le 15 septembre dernier, votre commission des finances a d'ailleurs rendu un avis sur un projet de décret d'avance prévoyant l'ouverture de 60 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d'engagement (AE) sur le programme n° 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration ». 10 millions d'euros doivent servir à financer les besoins supplémentaires de l'ATA et 50 millions d'euros ceux en matière d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile. Ces besoins résultent directement de la hausse de 8,5 % des demandes d'asile constatée depuis le début de l'année 2010 par rapport à la même période en 2009 , alors que le projet de loi de finances initiale pour 2010 avait été construit sur une hypothèse de faible hausse des demandes d'asile : + 6,8 % entre 2008 et 2010, les chiffres définitifs pour 2009 n'étant à l'époque pas encore connus.

2. L'activité de la CNDA a un impact majeur

Outre le nombre de recours transmis à la CNDA chaque année, un facteur déterminant de l'évolution des délais de traitement des dossiers est l'activité de jugement de la Cour, qui peut largement varier d'une année sur l'autre , comme l'indique le tableau ci-dessous.

Le nombre de décisions rendues par la CNDA

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

18.079

22.099

23.894

29.670

39.207

62.636

28.701

27.242

25.029

20.240

Source : CNDA

Ainsi, par exemple, le nombre de décisions rendues par la CNDA a augmenté de près de 60 % entre 2004 et 2005 , ce qui résulte directement d'une politique de recrutement massif de rapporteurs contractuels, permettant d'augmenter le nombre d'affaires traitées. Cette politique a été suivie, à partir de 2005, d'une diminution de la demande d'asile, ce qui, au total, a permis une très forte réduction du stock de dossiers en attente de jugement. Ces recrutements de rapporteurs n'ont toutefois été que temporaires car ils visaient à remédier à la très forte hausse du nombre de dossiers en stocks - près de 50.000 en 2004, contre 21.045 en 2008.

Le tableau du nombre de décisions rendues par la CNDA fait par ailleurs apparaître une diminution significative entre 2008 et 2009, ce nombre passant de 25.029 à 20.240, soit une baisse de 19,1 % . Elle explique en partie l'augmentation du nombre d'affaires en stock à la CNDA entre 2008 et 2009.

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, la baisse de la capacité de jugement de la Cour constatée en 2009 résulte principalement de l'augmentation du nombre de renvois prononcés par la juridiction .

3. L'extension du droit à l'aide juridictionnelle (AJ) a rallongé les délais moyens
a) La généralisation du droit à l'AJ...

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique a ouvert le bénéfice de l'AJ aux demandeurs d'asile qui remplissaient certaines conditions. Parmi ces conditions, il était exigé que les demandeurs soient entrés de manière régulière sur le territoire français. Or, en pratique, de nombreux demandeurs d'asile n'entrent pas régulièrement sur le territoire français, souvent parce que cela leur est impossible. Pour cette raison, le recours à l'AJ était peu fréquent et, en raison du coût de la prestation et des difficultés rencontrées par certains demandeurs d'asile pour trouver un avocat, la présence d'un avocat du requérant lors des procédures devant la Cour ne s'était pas généralisée.

La réglementation européenne a imposé l'abandon de ce critère, avec l'adoption de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005. La loi n° 2006-711 relative à l'immigration et à l'intégration du 24 juillet 2006 a transposé cette directive et, depuis son entrée en vigueur, il n'est plus possible d'opposer au requérant son entrée irrégulière sur le territoire français pour lui refuser le bénéfice de l'AJ .

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, il a résulté de cette nouvelle législation que les requérant ont été assistés par un avocat dans plus de 82 % des dossiers dont a été saisie la Cour en 2009 , après un taux de 75 % en 2008.

Depuis son entrée en application, cette nouvelle disposition a eu des répercussions très importantes sur le nombre des demandes d'AJ et sur le nombre d'AJ accordées .

L'évolution de l'AJ devant la CNDA depuis 2000

Année

Nombre de demandes

Nombre d'admissions

Coût

(en euros)

2000

7.494

1.010

167.498

2001

7.316

2.483

411.780

2002

7.682

1.759

291.812

2003

8.328

1.960

325.046

2004

11.262

2.123

359.211

2005

7.771

1.184

200.332

2006

6.296

2.255

381.546

2007

4.342

3.445

629.470

2008

3.572

1.202

219.629

2009

9.967

6.185

1.130.123

Source : Conseil d'Etat

Après un maximum atteint en 2004 avec 11.262 demandes d'AJ constituées, une tendance régulière à la baisse s'était dessinée jusqu'en 2008. Au cours de cette dernière année, 3.572 demandes avaient été enregistrées. L'entrée en vigueur de l'article 93 de la loi du 24 juillet 2006 précitée n'a pas manqué de faire sentir ses effets dès 2009. L'année dernière, ce sont ainsi 9.967 demandes d'AJ qui ont du être traitées, soit un quasi triplement du volume de dossiers de demande .

De manière mécanique, les admissions à l'AJ ont également connu une très forte hausse en passant de 1.202 en 2008 à 6.185 en 2009, soit un volume multiplié par cinq . Les admissions ont donc cru encore plus fortement que les demandes.

Au final, le montant de la dépense induite par l'AJ devant la CNDA a lui-aussi progressé dans une proportion comparable. Alors que le coût global de l'AJ s'élevait en 2008 à 219.629 euros, il atteint 1.130.123 euros en 2009, soit là encore une multiplication par cinq de la dépense .

A cet égard, il convient d'ailleurs de rappeler que votre rapporteur spécial de la mission « Justice », Roland du Luart, a regretté l'absence d'évaluation systématique de l'impact de toute nouvelle loi sur les crédits de l'AJ 14 ( * ) . Il appelait notamment à « en finir avec un pilotage à vue du système judiciaire qui ne peut que contraindre, à moyen terme, à des « à-coups » nuisant fortement à la rationalisation et à la programmation de la dépense, et pouvant aller jusqu'à mettre en péril la viabilité même du système de l'AJ dans son ensemble ».

Le cas de l'AJ devant la CNDA constitue malheureusement un exemple supplémentaire de ce défaut d'évaluation en amont et de cette absence d'anticipation des conséquences engendrées par de nouvelles dispositions législatives, tant sur l'équilibre budgétaire du système de l'AJ que sur l'organisation de la juridiction concernée.

b) ... conduit à ralentir les procédures de jugement

Cette généralisation du recours aux avocats du fait de l'extension de l'AJ a entraîné, pour deux raisons distinctes, un ralentissement de la durée de traitement des dossiers par la Cour :

- d'une part, la présence d'un avocat à l'audience rallonge naturellement les débats . Celui-ci a pour mission d'aider les requérants à présenter leurs demandes et à faire valoir leurs droits, ce qui prend plus de temps que lorsque les demandeurs d'asile ne sont pas assistés et disposent d'une moins bonne connaissance de la juridiction ;

- d'autre part, l'élargissement du droit à bénéficier de l'AJ a produit des effets pervers en matière de procédure . En effet, bien que les requérants soient informés dès le dépôt de leur demande de la possibilité de faire appel à l'AJ, il est fréquent que ceux-ci ne formulent leur requête qu'après l'enrôlement du dossier, voire le jour de l'audience. Or, en cas de demande d'AJ le jour de l'audience, la formation de jugement est tenue de renvoyer l'affaire, afin de laisser le temps au bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) de statuer sur la demande formulée par le requérant. D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, environ 20 % des renvois prononcés à la CNDA le sont pour ce motif. Or, renvoyer une affaire revient pour la Cour à ne pas statuer sur un dossier et l'oblige à réinscrire l'affaire au rôle dans les mois suivants, ce qui rallonge d'autant les délais moyens de traitement des dossiers.

La dégradation de la performance de la CNDA du point de vue des objectifs de délais trouve une grande part de son explication dans le cumul de deux facteurs : l'accroissement considérable du nombre de demandes d'AJ et la proportion élevée de demandes de renvoi au titre d'une demande d'AJ présentée tardivement .

4. Les autres causes de renvois prononcés par la Cour expliquent également la durée des procédures

De manière générale, les renvois prononcés par la Cour, quelle que soit leur cause, ont pour effet d'allonger la procédure de jugement .

En raison notamment de l'augmentation de la durée moyenne des audiences, due en particulier à la généralisation de la présence d'un avocat, la Cour a dû réduire le nombre, limité, d'affaires inscrites au rôle lors d'une audience. Depuis septembre 2009, ce nombre est passé de 15 à 13. Ainsi, à chaque audience, seules 13 affaires peuvent être traitées . Lorsqu'une d'entre elles fait l'objet d'un renvoi, cela réduit la durée totale de l'audience mais, en revanche, il n'est pas possible d'en appeler une autre à la place au-delà des 13 affaires inscrites initialement. Le nombre d'affaires en stock augmente et le délai de traitement des dossiers par la CNDA en pâtit.

Or, comme l'indique le tableau ci-dessous, le pourcentage de renvois prononcés par les Présidents de formations de jugement 15 ( * ) à la CNDA a fortement augmenté depuis 2007 et se maintient à un niveau élevé depuis : près d'une affaire sur trois inscrite au rôle est renvoyée .

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, ce sont ainsi plus de 8.700 affaires inscrites à un rôle qui ont fait l'objet d'un renvoi en 2009.

Le taux de renvois prononcés par les formations de jugement de la CNDA

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

30 %

22 %

15 %

23 %

24 %

29 %

29 %

29,3 %

Source : CNDA

Outre les demandes d'AJ, dont on a vu qu'elles représentaient près de 20 % des renvois prononcés à la CNDA, les principaux facteurs de renvoi sont :

- les indisponibilités imprévues des avocats qui ne se font que rarement substituer par d'autres avocats ;

- les demandes de report pour raisons de santé des requérants qui ne peuvent se présenter à l'audience.

a) La difficulté pour les avocats de se faire substituer

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, notamment auprès de maître Marianne Lagrue, avocate, présidente de l'association ELENA 16 ( * ) , la situation des avocats exerçant devant la CNDA n'est pas particulièrement enviable. En effet, le montant de l'AJ est particulièrement faible et ne fait pas du contentieux de l'asile une activité très rémunératrice 17 ( * ) . Par ailleurs, les affaires sont souvent complexes et nécessitent une bonne connaissance de la situation géopolitique internationale. Enfin, les contacts avec le client sont particulièrement difficiles en raison notamment de la barrière de la langue.

Pour l'ensemble de ces raisons, le nombre d'avocats intervenant devant la CNDA est relativement faible et les avocats qui plaident devant la Cour sont donc fortement sollicités . Cela peut les conduire à ne pas être en mesure de se présenter aux audiences, lorsque celles-ci sont en nombre trop important et, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux auprès de la CNDA, celle-ci essaie en général d'établir les rôles des audiences en prenant en compte les impératifs de calendrier des avocats concernés, ce qui rend l'exercice particulièrement difficile.

Malgré ces efforts, il est relativement fréquent qu'un avocat ne puisse se présenter à l'audience . Dans ce cas, un autre avocat peut théoriquement se substituer à l'avocat absent.

Toutefois, pour les raisons déjà évoquées et parce que la pratique d'une relative spécialisation des avocats en fonction des pays d'origine des requérants s'est développée, les substitutions sont extrêmement rares . La spécialisation permet en effet aux avocats de mieux défendre leurs clients, en acquérant une meilleure connaissance du pays concerné, et les clients eux-mêmes ne souhaitent souvent pas qu'un autre avocat que celui qui a suivi leur affaire s'y substitue, même si cela serait en pratique possible.

Il résulte de cette situation de fréquents renvois d'affaires pour impossibilité du requérant à se faire représenter .

b) Les renvois pour raisons de santé

Une autre explication de la fréquence des renvois d'affaires à la CNDA sont les renvois pour raisons de santé. Ils correspondent à des affaires où les requérants ne sont pas en mesure de se présenter à l'audience et font parvenir un justificatif médical expliquant leur situation . Dans ces cas-là, l'audience est renvoyée et doit être réinscrite au rôle à un moment où l'on espère que le requérant pourra se présenter.

Les requérants font, de manière générale, partie d' une population fragile , qui se loge souvent dans des conditions de grande précarité, qui n'a qu'un accès limité aux services de santé et qui donc, davantage que le reste de la population, est sujette à des maladies graves.

Le contentieux de l'asile présente par ailleurs la particularité, par rapport aux autres contentieux administratifs ou judiciaires, que les requérants accueillent souvent favorablement le rallongement des délais de jugement. En effet, tant que l'affaire n'est pas jugée, le demandeur d'asile peut rester sur le territoire français et bénéficie de prestations sociales .


* 14 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008), « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ».

* 15 Le renvoi est une décision d'administration de la justice prise par le Président de la formation de jugement et qui n'est pas susceptible de recours (cf. article R. 733-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

* 16 Audition du mercredi 7 avril 2010.

* 17 Un dossier est rémunéré à hauteur de huit « unités de valeur » (UV) soit un montant de 182 euros.

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