D. LA MISE EN PLACE DE POLITIQUES DE PRÉVENTION PLUS ENVIRONNEMENTALES

1. Les limites de la responsabilité individuelle

La réalité montre que les stratégies de prévention reposant uniquement sur l'idée qu'une information correcte peut changer les comportements rencontrent peu de succès car elles sous-estiment les facteurs environnementaux et ignorent le contexte social qui détermine les comportements.

En effet, les comportements résultent moins d'un libre choix que de l'impact des facteurs culturels et structurels en grande partie indépendants de la volonté individuelle.

Nicole Darmon rappelle dans son récent ouvrage 33 ( * ) que certaines modifications récentes des modes de vie et des comportements alimentaires ont eu un impact plus défavorable dans les populations défavorisées que dans le reste de la population.

Ainsi, les personnes de faible statut socio-économique ont été les plus concernées par la diminution de l'activité physique liée au travail, sans profiter du développement de l'exercice physique de loisir.

Adultes et enfants de faible statut socio-économique ont été également plus gravement affectés par l'allongement du temps passé devant la télévision et sont de ce fait plus exposés à la publicité pour des aliments de faible qualité nutritionnelle et au grignotage.

De même, du fait des contraintes budgétaires auxquelles elles sont soumises, ces familles n'ont pas compensé l'abandon de l'allaitement maternel par une utilisation adéquate de préparations lactées pour nourrissons.

A cause de ces mêmes contraintes, elles sont plus sensibles à l'avantage économique que représentent les portions de grande taille.

L'augmentation exponentielle du nombre de produits disponibles dans les catégories des sucreries et des snacks fragilise particulièrement les personnes pauvres puisque cette variété leur est financièrement accessible, contrairement à celle des fruits et légumes.

Plusieurs études sociologiques insistent sur la « revanche sociale » financièrement accessible que représente l'achat de produits industriels alimentaires bon marché et en grande quantité dans une société où la reconnaissance sociale passe par l'achat de biens de consommation.

Des facteurs psychosociaux entrent également en jeu : un fort capital social (repères culturels, tissu social et soutien social) limite le risque de mal s'alimenter alors que la vulnérabilité sociale (acculturation, isolement et dévalorisation de soi) l'augmente. Notamment, la pauvreté s'accompagne souvent de solitude, d'ennui et de dépression, ce qui conduit à augmenter le temps passé devant la télévision et la consommation d'aliments très palatables, riches en gras et en sucres.

Outre les barrières économiques , il faut également mentionner les barrières géographiques à des habitudes alimentaires et physiques saines telles que la difficulté d'accès aux commerces proposant une offre alimentaire saine de qualité à un prix correct, le manque d'infrastructures sportives ou la présence d'un environnement peu favorable au mouvement (insécurité, absence d'aménagement pour les piétons et les cyclistes).

En conséquence, développer des interventions qui essaient de modifier les comportements de santé sans tenir compte du contexte social et environnemental ne peut apporter que des résultats décevants.

Certains considèrent même que cela peut légitimer une certaine forme de stigmatisation.

Ainsi, Jean-Pierre Poulain estime que « dans le domaine de l'alimentation, s'appuyer sur un modèle individualiste est une erreur stratégique qui risque de conduire à la construction de messages contreproductifs.

Par ailleurs, les risques de produire des messages à caractère moralisateur sous couvert de discours scientifiques sont considérables.

D'où l'intérêt de privilégier une conception plutôt « écologique » de la santé qui vise à modifier l'environnement plutôt que de demander aux individus de modifier leurs comportements. »


* 33 L'équilibre nutritionnel : concepts de base et nouveaux indicateurs, le SAIN et le LIM, 2008.

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