2. Les politiques environnementales envisageables

Face à l'influence prépondérante des environnements matériels, sociaux et culturels dans lesquels évoluent les individus, une politique de prévention efficace doit s'accompagner d'interventions environnementales visant à promouvoir un environnement qui facilite l'adoption de comportements reconnus favorables à la santé.

a) Les cibles

Les travaux de recherche portent essentiellement sur quatre politiques environnementales : l'amélioration de la qualité de l'offre alimentaire ; l'accès à une nourriture saine et abordable financièrement ; la modification de l'environnement afin de faciliter l'activité physique ; la limitation de l'exposition des enfants au marketing.

(1) Améliorer la qualité de l'offre alimentaire

Comme il a été rappelé précédemment, l'industrialisation de l'alimentation s'accompagne d'une perte croissante du contrôle de l'individu sur le contenu de son alimentation et de sa dépendance vis-à-vis de l'industrie agroalimentaire.

Par conséquent, la promotion d'une alimentation saine exige une amélioration de la qualité de l'offre alimentaire. Elle passe par un engagement de tous les acteurs économiques des filières de l'agroalimentaire (industries agroalimentaires, distribution, production primaire, restauration collective, fédérations professionnelles) à améliorer la qualité nutritionnelle des produits à travers leur reformulation (pour limiter la part de gras ou de sucre), mais également à travers le développement de nouveaux conditionnements favorisant la consommation de produits « sains ».

Ainsi, la forte croissance du marché européen des végétaux frais prêts à l'emploi (+ 10 par an tandis que les ventes de frais « en l'état » chutent) montre que l'innovation technologique peut servir l'intérêt des consommateurs et de l'industrie.

Le développement de la consommation hors domicile (22 % des dépenses alimentaires en France en 2000/2001) rend cruciale l'implication des acteurs économiques de ce secteur.

A cet égard, il convient de remarquer que l'expertise collective de l'INRA sur les fruits et légumes dans l'alimentation de 2007 montrait que le recours croissant à la consommation hors du foyer a des conséquences défavorables sur la consommation de fruits et légumes 34 ( * ) . En effet, la part de ces derniers dans le total des aliments consommés à l'extérieur est très réduite.

Cette étude pointait également l'impact négatif sur la consommation de fruits et légumes de l'introduction de la restauration à la carte dans les écoles, en raison de la concurrence entre aliments (par exemple au niveau des desserts entre fruits et pâtisseries).

(2) Encourager l'accès à une nourriture saine et abordable financièrement

Le rôle des innovations technologiques dans l'agroalimentaire afin de promouvoir de nouveaux comportements alimentaires se heurte néanmoins à une limite majeure : les prix de ces nouveaux produits sont beaucoup plus élevés que ceux des produits traditionnels.

Ainsi, les prix des végétaux frais prêts à l'emploi sont en moyenne trois fois supérieurs à ceux des légumes vendus à l'étal.

De même, les produits à bénéfices nutritionnels (revendiqués auprès des consommateurs au moyen d'allégations nutritionnelles ou de santé) sont associés à un différentiel de prix.

Or, la prévalence de l'obésité est fortement corrélée au « gradient socio-économique ». Il est donc indispensable d'assurer l'accès à une nourriture saine et abordable financièrement.

L'expertise collective sur les fruits et légumes précitée montre qu'en France le prix des fruits et légumes a augmenté davantage que la moyenne des prix alimentaires tout au long des 40 dernières années. Cette augmentation concerne surtout les produits frais qui représentent encore l'essentiel de la consommation.

Le prix des fruits et légumes peut donc être vu comme un obstacle à l'accroissement de leur consommation.

Par ailleurs, les barrières peuvent être géographiques. Ainsi, de nombreuses études américaines ont montré l'existence outre-Atlantique de « food deserts », c'est-à-dire des zones dans lesquelles l'accès à une nourriture variée est très limité. Faute de moyens de transport adaptés, les populations doivent se contenter de chaînes de restauration rapide ou de « convenience stores », petits magasins d'appoint vendant essentiellement des boissons et des snacks.

A priori , la France serait peu concernée. Néanmoins, aucune étude n'a porté sur cette question : il est donc difficile de porter un jugement sur l'ampleur de ce phénomène. Certains chercheurs soulignent par exemple que la disparition des commerces de proximité rend difficile l'approvisionnement des populations sans moyen de locomotion.

(3) Modifier l'environnement afin d'encourager l'activité physique

L'environnement bâti a une influence considérable sur notre activité physique. Certes, il n'est pas une condition suffisante pour garantir le changement des comportements en faveur d'une augmentation de l'exercice physique, mais il n'en demeure pas moins une condition nécessaire.

Cet environnement est multiple. Il s'agit des établissements scolaires, des parcs et terrains de jeux, des cours d'immeubles. Mais il touche également l'aménagement urbain, la part respective donnée aux voitures et aux modes de déplacement à force humaine, la possibilité de se rendre à pied ou à vélo sur son lieu de travail, à l'école ou encore chez le médecin.

Comme fait remarquer Jean-François Toussaint dans un rapport très complet sur la prévention par l'activité physique 35 ( * ) , notre cadre de vie est le produit d'une multitude d'actions qui relèvent de politiques publiques ayant une incidence spatiale : aménagement du territoire, urbanisme, environnement, transports etc. Pourtant, ces politiques ne prennent que très rarement en compte la dimension de santé publique et n'envisagent pas l'activité physique quotidienne des Français comme conséquence possible de leurs choix en matière de mobilité.

L'aménagement de l'espace collectif doit donc être conçu de manière à ce que la population puisse facilement augmenter sa dépense énergétique par des activités intégrées « naturellement » dans les pratiques quotidiennes.

En France, un trajet en voiture sur deux fait moins de trois kilomètres, distance facilement parcourable à pied ou à vélo.

S'inspirant du plan directeur des chemins pour piétons mis en place à Genève, Marcos Weil estime que la réussite d'un aménagement de l'environnement favorisant la mobilité « douce » repose sur quatre critères :

- la sécurité : la sécurité des piétons et des cyclistes nécessite des aménagements adaptés (visibilité aux traversées piétonnes, éclairage) et des règles d'usage de l'espace public (empêcher le stationnement sauvage sur les trottoirs, réduire la vitesse) ;

- la continuité : l'interconnexion des acheminements doit être assurée afin de former un maillage aussi fin que possible, irriguant l'ensemble du territoire communal. Le réseau doit être suffisamment dense pour permettre d'atteindre les principales destinations sans détours inutiles et offrir une liberté de choix des parcours ;

- le confort , assuré par une multitude de petits dispositifs qui peuvent apparaître comme des détails mais qui sont déterminants à l'usage (abaissement des trottoirs devant les passages piétons, mains courantes le long d'escaliers, bancs pour se reposer etc.) ;

- l'embellissement : le réseau des voies piétonnières ou cyclistes doit répondre à des exigences de qualité et d'esthétique liées au plaisir d'emprunter tel ou tel parcours. Ainsi, les aspects paysagers, la tranquillité environnementale (diminution des nuisances sonores et olfactives), la présence d'éléments naturels sont à valoriser.

(4) Limiter l'exposition des enfants au marketing

Dans l'ouvrage « Preventing childhood obesity : evidence policy and practice» publié en 2010, Ricardo Uauy, Rishi Caleyachetty et Boyd Swinburn rappellent les chiffres suivants :

Aux Etats-Unis, les enfants dont l'âge est compris entre 4 et 12 ans ont dépensé 30 milliards de dollars en argent de poche en 2002. 1/3 de ces dépenses portaient sur des sucreries, des snacks et des boissons.

En 2003, les enfants et les adolescents américains ont influencé jusqu'à 500 milliards de dollars d'achats au niveau du ménage, ce qui représente plus de la moitié des dépenses totales de nourriture et de boissons aux Etats-Unis.

L'enfance est une période privilégiée pour ancrer les futures habitudes alimentaires. On comprend donc l'enjeu commercial majeur que représentent les enfants pour les entreprises (notamment de l'agroalimentaire) et les efforts financiers considérables que ces dernières sont prêtes à consentir pour capter et fidéliser cette catégorie de consommateurs.

Aux Etats-Unis, l'industrie agroalimentaire (nourriture et boissons) dépense plus de 10 milliards de dollars par an en marketing pour les enfants. Il a été calculé qu'un enfant américain est confronté à 65 publicités par jour (dont la moitié concerne l'alimentation), sans compter tous les messages de marketing en provenance d'Internet, des écoles et des magasins.

La télévision reste l'un des moyens de communication ayant le plus d'influence sur les enfants malgré l'introduction de nouvelles technologies servant de vecteurs à la publicité, comme Internet et la téléphonie mobile.

L'étude Pollmarket a montré que dans l'Union européenne, la plupart des Etats ont entrepris des démarches afin de réduire l'influence de la publicité sur les enfants.

L'orientation privilégiée a été en grande majorité une autorégulation des annonceurs publicitaires.

En France, sous l'égide de l'ANIA (Association française des industries de l'agroalimentaire) et dans le but d'éviter l'adoption d'une législation contraignante, un certain nombre d'entreprises agroalimentaires s'étaient engagées à ne plus diffuser de publicités dans les programmes « enfants ». Cette initiative a néanmoins reçu un accueil mitigé de la part des acteurs en charge de la prévention dès lors que trois géants de l'agroalimentaire, Danone, Nestlé et Kellogs, ont refusé de se plier à cette règle.

Une charte pour promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et publicités diffusés à la télévision a par ailleurs été signée en février 2009.

En outre, l'autorité de régulation professionnelle de la publicité a réévalué, en association avec l'ANIA, les règles déontologiques sur le contenu des publicités alimentaires. Ainsi, il a été décidé d'interdire toute publicité associant la consommation d'un aliment de plaisir à un comportement sédentaire ou mettant en scène un comportement alimentaire défavorable à la santé (voracité, gloutonnerie).

Malgré ces efforts, la situation actuelle n'est pas satisfaisante au regard des enjeux de santé publique.

Il convient de rappeler que jusqu'à 7/8 ans, le sens critique de l'enfant n'est pas développé et qu'il n'est pas capable de distinguer entre l'émission qu'il regarde et la publicité, trouvant les deux divertissantes.

Le but ultime de la publicité étant de pousser à la consommation, il n'est donc pas étonnant que les études scientifiques s'intéressant à l'impact de la publicité sur les enfants démontrent que cette dernière influence leur préférence, leur comportement d'achat et leur consommation.

Or, les sommes investies dans la publicité sont infiniment supérieures à celles consacrées aux campagnes de prévention. Dans l'ouvrage précité, les auteurs rappellent que pour un dollar dépensé par l'OMS pour essayer d'améliorer l'alimentation des populations, 500 dollars sont dépensés par l'industrie agroalimentaire pour promouvoir l'alimentation transformée.

En France, le budget de communication de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES) s'élève à 10 millions d'euros, contre 1,2 milliard d'euros dépensé chaque année en publicité par l'industrie agroalimentaire.

Il convient en outre d'insister sur le fait que la publicité ne constitue qu'un élément parmi d'autres des campagnes de marketing destinées à fidéliser les enfants à une marque et d'orienter leur consommation. L'utilisation de personnages familiers, le développement d'objets de la vie courante aux couleurs de la marque, le sponsoring sont autant de méthodes particulièrement efficaces pour capter durablement les préférences des enfants.

b) Les outils

La palette des outils pour mettre en oeuvre une politique environnementale plus favorable à la santé est très variée.

(1) Les interventions de proximité et de communauté

Les conseils donnés dans le cadre des campagnes de prévention ne doivent pas rester à l'état de préconisations théoriques. Leur application concrète est facilitée par des actions de proximité qui mettent les individus en situation de se les approprier.

Ainsi, l'information nutritionnelle est peu efficace si elle ne s'accompagne pas d'un accès réel aux produits dont elle souhaite favoriser la consommation.

Dans ce but, l'Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires (A.N.D.E.S) collecte depuis 2008 des fruits et légumes invendus auprès des grossistes de Rungis pour ensuite les acheminer vers les épiceries sociales et les associations distributrices de colis en Île-de-France. Ces fruits et légumes frais sont ensuite distribués gratuitement, par le biais de colis, ou vendus dans les épiceries sociales à un prix modique (quelques dizaines de centimes le kilo) à des personnes en situation de précarité.

L'évaluation de cette expérimentation a permis de montrer que la mise à disposition de fruits et légumes frais a un impact positif sur la diversification de l'alimentation des bénéficiaires de l'aide alimentaire. Elle se traduit par une augmentation de la quantité et de la fréquence de consommation de ces produits.

Le manque de savoir-faire culinaire peut également être un obstacle à une alimentation équilibrée. Selon plusieurs études, il constitue un obstacle non négligeable au développement de la consommation de fruits et légumes, même lorsque ces derniers sont distribués gratuitement ou à un prix modique. De nombreuses associations développent donc des cours de cuisine ou proposent des recettes de cuisine afin d'orienter la composition des repas dans un sens plus favorable à la santé.

Outre le fait qu'ils encouragent une alimentation plus équilibrée, les ateliers culinaires favorisent l'insertion sociale à travers les échanges d'informations et de pratiques culinaires entre les participants.

Les interventions basées sur une communauté ont également souvent des résultats intéressants car elles influencent les comportements individuels en s'intéressant aux déterminants sociétaux et environnementaux au niveau de la communauté. En outre, elles tendent à modifier de manière durable les normes comportementales et culturelles.

(2) Le « nudging »

L'économie comportementale a montré les limites de l'homme rationnel et de sa capacité à contrôler volontairement son comportement.

Néanmoins, l'acceptation du principe d'irrationalité remet en question la notion selon laquelle les marchés fonctionnent pour le mieux grâce à la rationalité des comportements individuels et justifie une certaine régulation visant à protéger les individus.

Ce constat a conduit au développement du « paternalisme libertarien » défini par ses inventeurs 36 ( * ) comme une version relativement modérée, souple et non envahissante de paternalisme, qui n'interdit rien et ne restreint les options de personne.

Le nudging (to nudge signifie littéralement pousser quelqu'un du coude, donc dans le cas présent amener quelqu'un à faire quelque chose) consiste à aider les individus à prendre des décisions qui améliorent leur vie sans attenter à leur liberté.

Le nudging permet de limiter les contraintes, obligations et interdictions gouvernementales.

Il tient compte des déterminants qui influencent les décisions individuelles (tels que l'impulsivité, le conformisme, l'inertie) pour mettre en place des mesures adaptées. Les politiques publiques peuvent par exemple exploiter la passivité des individus en mettant en place d'office les options par défaut (le plat principal est servi automatiquement avec des légumes, sauf demande spécifique du client) qui les poussent à prendre des décisions plus favorables à la santé.

Le nudging exige une « mise en scène » des choix, c'est-à-dire une organisation (qui n'est jamais neutre) du contexte dans lequel les individus prennent leurs décisions. Ainsi, la réduction de la taille des assiettes limite la consommation d'aliments, même s'il est possible de se resservir.

De même, des expériences ont montré qu'une modification de la présentation des plats dans les cantines scolaires (dans le but d'améliorer les habitudes alimentaires des élèves) conduit à améliorer l'équilibre des repas, même si les aliments les plus riches restent à disposition.

Les avantages du nudging sont multiples. Il n'est pas culpabilisant ; il est souvent facile à mettre en oeuvre. En outre, cette politique des « petits pas » peut avoir des effets significatifs dans la mesure où elle entraîne des modifications sur un nombre important de variables.

(3) Le marketing social

Le marketing social vise à appliquer les principes du marketing commercial dans l'analyse, la planification, l'exécution et l'évaluation de programmes destinés à influencer les comportements d'un public donné afin d'améliorer son bien-être et celui de la société.

Le marketing social peut avoir une approche « descendante », visant à persuader l'individu d'adopter certains comportements recommandés comme favorables à la santé ; il a également une approche « montante », visant à pousser inconsciemment l'individu à adopter le comportement souhaité, à travers la modification de son environnement.

Afin que le marketing social soit un succès, les messages envoyés doivent correspondre aux besoins des personnes ciblées. Par exemple, afin d'inciter les enfants à adopter une alimentation plus saine et à bouger davantage, la communication du programme EPODE minimise les difficultés qui pourraient être occasionnées par l'adoption des comportements recommandés et insiste sur les avantages liés à ces nouvelles habitudes de vie.

(4) La coopération avec l'industrie

La coopération avec l'industrie n'est productive que si la santé publique s'est fixé des buts précis et contrôle l'impact en matière de santé publique des actions des entreprises.

Dans ces conditions, elle constitue un levier d'action particulièrement intéressant, comme en témoignent les deux exemples suivants.

(a) Les chartes d'engagement volontaire de la qualité nutritionnelle

Le PNNS 2 prévoit et encourage la signature de chartes d'engagement de progrès nutritionnels par les acteurs économiques des filières de l'alimentaire (industries agroalimentaires, distribution, production primaire, fédérations professionnelles...). Les modalités d'engagement doivent tenir compte de la spécificité des acteurs et des produits concernés.

L'engagement collectif est privilégié afin de toucher le maximum d'opérateurs et d'accroître l'impact de santé public.

Trois grands domaines d'intervention pour lesquels des engagements de progrès nutritionnel peuvent être souscrits ont été répertoriés.

1. L'intervention sur la composition nutritionnelle des produits existants :

- la composition et les caractéristiques nutritionnelles des produits, en particulier les modifications de la formulation visant à réduire dans les produits composés, les teneurs en sel et les glucides simples ajoutés, les lipides totaux, les acides gras saturés, et à augmenter les teneurs en glucides complexes et en fibres ;

- les reformulations autres que celles visées ci-dessus qui prendraient appui soit sur des rapports ou avis d'autorités scientifiques repris dans des orientations données par les pouvoirs publics, soit sur les objectifs nutritionnels annexés à la loi de santé publique (par exemple sur l'iode) ;

- la confection de menus permettant le respect des repères de consommation du PNNS 2 dans la restauration à caractère social comme commercial.

2. La création de produits de substitution :

- le développement de produits pouvant venir en substitution de produits alimentaires pour lesquels une modération de la consommation est préconisée, en particulier lorsqu'une intervention sur la composition nutritionnelle des produits existants semble trop difficile.

3. L'intervention sur la consommation (fréquence, quantité, population cible) des produits :

- la réduction de la taille des portions et/ou des unités de vente de produits contenant un ou des nutriments dont l'apport doit être limité ;

- l'augmentation de la consommation de fruits et légumes en améliorant leur accessibilité et en diversifiant leurs formes d'utilisation ;

- l'organisation des lieux de vente : mise en place de signalétiques spécifiques dans les rayons ; amélioration de l'organisation des rayons fruits et légumes ; baisse du nombre de produits sucrés présentés devant les caisses ; adaptation des mètres linéaires mis à disposition des catégories de produits en fonction de leur intérêt nutritionnel ; mise en valeur des fruits et légumes les moins onéreux ;

- le développement de la communication et de l'information sur les lieux de vente et hors lieux de vente, y compris pour la vente à domicile : l'organisation d'animations-produits en présence de diététiciennes ; la diffusion de messages radio ; la distribution de supports papiers, porteurs du logo PNNS, développant des informations nutritionnelles ;

- le marketing, la publicité et la promotion des ventes : le marketing tenant compte de la nécessité d'une consommation raisonnable de certains aliments ; la réduction de la publicité et de la promotion pour les produits dont une modération de la consommation est préconisée, suppression dans les écrans destinés aux enfants ; l'information sur les conditions d'utilisation les plus adéquates des produits et sur des combinaisons pertinentes en fonction des repas (petit déjeuner, goûter) ; l'information encourageant la consommation de produits quand cet accroissement est préconisé.

Jusqu'à présent, 19 chartes d'engagement ont été signées, soit avec des industriels, soit avec des distributeurs, soit avec des organismes professionnels . Une chaîne de boulangerie et une association de producteurs se sont également engagées dans ce processus.

On peut regretter que les chartes aient été signées essentiellement par des entreprises et non par des organisations professionnelles. Il conviendra donc à l'avenir de se concentrer sur ces dernières.

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer l'effet d'entraînement des chartes sur l'évolution de l'offre alimentaire des entreprises non signataires.

Ainsi, même s'il n'y a pas eu d'accord signé sur la taille des portions, la France est l'un des rares pays dans lequel les barres chocolatées et produits similaires ne sont pas vendus sous forme de « king size ».

De même, certaines entreprises ont travaillé sur la diversification des tailles de portions proposées aux consommateurs et ont développé les formats individuels.

(b) L'Observatoire de la qualité de l'alimentation

L' Observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI), prévu par le Programme national nutrition santé 2006-2010 ( PNNS 2 ), a été créé en février 2008. Cet Observatoire a pour missions de centraliser et traiter les données nutritionnelles, économiques et socio-économiques de l'alimentation, afin d' assurer un suivi de l'offre alimentaire des produits transformés.

Le suivi de l'offre alimentaire est mené par secteurs de produits (ex : céréales pour le petit déjeuner, produits laitiers ultra-frais...). Il distingue les segments de marché (produits de marques nationales, produits de marques de distributeurs, produits de hard discount) et les gammes de prix (entrée de gamme, coeur de marché, haut de gamme). En ce qui concerne la composition nutritionnelle, l'OQALI se concentre sur l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires.

L'Observatoire a mis en place en 2008 des partenariats avec les industriels et distributeurs de l'alimentaire. Cette collaboration permet de valider la méthodologie spécifique utilisée pour chaque secteur (nomenclature des aliments, définition des familles de produits, rythme de suivi des produits, mise en place d'indicateurs de qualité nutritionnelle pertinents) et de faciliter le recueil des informations. Ces partenariats sont formalisés par des conventions spécifiques qui assurent l'anonymat des données et précisent les engagements des parties prenantes.

Plusieurs sources de données sont utilisées pour alimenter la base de données de l'OQALI :

- les données transmises par les professionnels (emballages ou fichiers informatiques) ;

- les informations figurant sur les emballages des produits (photographies ou achats des produits) ;

- les résultats d'analyses de composition nutritionnelle, portant soit sur des références produits, soit sur des échantillons composites (constitués de plusieurs produits, représentatifs du marché) dans le cas où l'information est manquante.

La base de données de l'OQALI peut être complétée par des données issues d'études des consommations alimentaires françaises, de panels socio-économiques d'achats en France, d'études complémentaires de l'ANSES (Agence nationale de sécurité alimentaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail) ou de l'INRA et d'autres bases de données référençant les innovations-produits.

Les secteurs étudiés jusqu'à présent sont les céréales pour le petit déjeuner, les biscuits et gâteaux industriels, les produits laitiers ultra-frais, la charcuterie, les fruits transformés (compotes, confitures, conserves), le chocolat et les produits chocolatés, la panification croustillante et moelleuse (biscottes et pains grillés, pain de mie, viennoiseries), les apéritifs à croquer et les préparations pour desserts.

Le choix des secteurs traités s'est fait sur la base de deux critères :

- la contribution des aliments transformés aux apports en nutriments (priorité aux aliments vecteurs de sucres, de matières grasses ou de sel) ;

- la volonté de collaboration des secteurs : il a été donné priorité aux secteurs agroalimentaires disposant de données et souhaitant les transmettre à l'Observatoire.

A travers le recueil et l'analyse des données nutritionnelles sur les aliments, l'OQALI devrait encourager l'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire. La prise en compte des paramètres socio-économiques (prix, segments de marché) permettra de s'assurer que les progrès réalisés bénéficient à l'ensemble des consommateurs et ne développent pas des inégalités sociales supplémentaires.

Par ailleurs, il permettra de mesurer et de rendre publique, de manière objective, la concrétisation des efforts mis en oeuvre par les acteurs des filières alimentaires, notamment dans le cadre des chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel prévues par le PNNS.

Enfin, l'analyse par segments de marché et gammes de prix introduira des éléments d'analyse objectifs sur les variations réelles ou supposées de la qualité des produits en fonction de leurs prix.

En effet, jusqu'à présent, il n'existe quasiment aucune étude scientifique permettant d'affirmer si les produits haut de gamme (qui se caractérisent par un prix plus élevé) ont une qualité nutritionnelle supérieure aux autres produits.

En 2007, Nicole Darmon avait réalisé une étude comparant 17 catégories de produits transformés représentés dans plusieurs gammes de prix. Il était apparu que les produits ne se distinguaient pas en ce qui concernait le nombre total de calories et la part de gras. En outre, si le « score qualité » des produits de marque était 1,3 fois plus élevé que celui des produits « premiers prix », cette supériorité nutritionnelle était loin d'être proportionnelle au surcoût des produits de marque (prix 2,5 fois plus élevé) par rapport aux produits « premiers prix ».

Jusqu'à présent, les études réalisées ont montré une homogénéité dans la composition nutritionnelle entre gammes de produits, même si l'information nutritionnelle est plus complète pour les produits haut de gamme.

En revanche, il existe une forte variabilité des caractéristiques nutritionnelles au sein de chaque gamme de produits. La comparaison nutritionnelle systématique de gammes de produits équivalentes devrait donc constituer une incitation forte pour les entreprises à élever la qualité nutritionnelle des produits les moins bien placés, ce qui peut avoir des impacts importants sur la qualité de l'offre alimentaire compte tenu des volumes en jeu.

OQALI devrait donc permettre à terme d'augmenter les standards de qualité minimum de chaque famille de produits.

Actuellement, le périmètre d'OQALI se limite aux produits de l'industrie agroalimentaire. Néanmoins, OQALI a vocation à s'intéresser aux produits consommés hors du domicile (restaurants, boulangeries, sandwicheries etc).

La qualité nutritionnelle des plats cuisinés devrait également faire l'objet d'études approfondies dans la mesure où il s'agit d'un secteur en très fort développement.

(5) La réglementation

La réglementation fait également partie des outils à la disposition des pouvoirs publics pour influencer les comportements dans un sens plus favorable à la santé.

Elle est traditionnellement utilisée pour modifier les prix des produits dont on souhaite soit encourager, soit freiner la consommation. Les autorités peuvent modifier le prix en jouant sur une variation de la TVA, mais également à travers la subvention ou au contraire la taxation du produit.

Aux Etats-Unis, l'Etat de New-York a introduit récemment une taxe sur les boissons sucrées.

Selon l'expertise collective de l'INRA sur les comportements alimentaires déjà citée, une politique sur les prix n'a pas toujours les résultats espérés, comme en témoigne l'encadré suivant.

Agir sur le prix des produits alimentaires ? Des résultats mitigés

Quand on examine dans le détail l'impact des prix et des revenus sur les choix alimentaires des populations démunies, on s'aperçoit qu'il est très variable selon les catégories de produits (produits céréaliers, corps gras, fruits et légumes, produits laitiers) et selon les caractéristiques sociales des populations concernées.

Ainsi, une politique de taxation "globale" (comme la "fat tax") visant à renchérir le prix des corps gras, ou une politique visant à abaisser les prix de certains produits qualifiés de "sains" (fruits et légumes frais, par exemple) ne permettrait pas de cibler en priorité les catégories les plus défavorisées.

En effet, l'impact d'une intervention sur les prix (aliments "sains" moins chers) pour améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation peut se révéler plus faible pour les catégories les plus défavorisées que pour le reste de la population.

Une étude d'économie expérimentale menée en France a constaté que la baisse du prix des fruits et légumes améliorait la qualité nutritionnelle des choix alimentaires des personnes défavorisées, mais avec un impact moindre que sur les consommateurs aisés, confirmant les travaux économétriques. Une expérience combinant baisse des prix des produits "sains" et hausse des prix des produits "à limiter" a montré le même type de conclusions.

Les politiques d'aide directe aux familles pauvres menées aux Etats-Unis (types bons alimentaires) entraînent une augmentation de la consommation des produits familiers, mais pas des aliments "sains". Le résultat d'un test d'octroi de bons d'achat concernant les fruits et légumes en France est plutôt encourageant, mais doit être amplifié pour pouvoir étayer des conclusions.

Les Etats-Unis mènent des actions qui conditionnent l'octroi de colis ou de bons d'achat au suivi de séances d'éducation nutritionnelle auprès de groupes cibles. Elles sont toujours efficaces 6 mois après la fin de l'intervention en termes d'augmentation de la consommation de fruits et légumes. Cependant on ne connaît pas les reports sur les autres catégories alimentaires, ni l'influence des habitudes alimentaires initiales des bénéficiaires (ici hispaniques).

Une étude européenne TEENAGE recense actuellement les interventions qui s'adressent aux jeunes défavorisés. Les différents types d'interventions seront analysés (éducation à la santé, interventions sur l'environnement, politiques globales, intervention sur les prix) ainsi que le niveau d'intervention (individu, famille, école, entourage) et leur transposition aux autres pays européens.

Néanmoins, l'introduction d'une taxe peut également avoir pour objectif le financement de campagnes de prévention. Tel était par exemple l'objectif de la taxe introduite en 2007 par la France sur la publicité pour les produits manufacturés et les boissons avec ajouts de sucre.

Cette taxe a eu, depuis sa création, un très faible rendement dans la mesure où les entreprises concernées peuvent s'en exonérer en insérant les messages d'information sanitaire de l'INPES.

A cet égard, votre rapporteur estime qu'il convient de supprimer cette exonération dans la mesure où il a été démontré que lesdits messages au mieux n'étaient pas regardés, au pire étaient confondus avec le produit promu dans la publicité.

Comme indique l'expertise collective de l'INRA précitée, les démarches d'amélioration de la qualité nutritionnelle soulèvent certaines difficultés. En effet, la reformulation est confrontée aux risques commerciaux associés à une modification de la perception gustative par les consommateurs. La peur de perdre des parts de marché dans un secteur très concurrentiel peut freiner cette prise de risque.

Ainsi, lors de leur audition, les représentants de Danone ont estimé que pour changer la composition d'un produit (diminution du taux de sucre de 18 à 12 grammes et du gras de 7 à 2 grammes par exemple), il fallait 10 à 15 ans.

La réglementation permet d'accélérer le processus d'amélioration de la qualité alimentaire.

Ainsi, le gouvernement danois a imposé l'élimination des acides gras d'origine technologique dans un laps de temps très court. Il s'avère que cette mesure n'a eu aucun impact ni sur le goût, ni sur les prix des produits. Sans sous-estimer les efforts réalisés par les entreprises de l'agroalimentaire pour que cette modification passe inaperçue pour le consommateur, cet exemple montre que c'est matériellement réalisable.

La réglementation a également vocation à surmonter les limites de l'autorégulation comme en témoignent les deux exemples suivants.

Afin d'augmenter la consommation de fibres, une nouvelle farine (type 80) a été développée, permettant de produire des pains de meilleure qualité, plus riches en glucides complexes et en fibres et avec une moindre quantité de sel. Des expériences ont été réalisées auprès de la population française afin de tester son acceptabilité et se sont révélées concluantes. Néanmoins, la diffusion massive de ce pain est réduite en raison de l'opposition des meuneries à privilégier ce type de farine.

En conséquence, le pain bis reste un produit de niche, plus cher que le pain traditionnel, alors que ses qualités nutritionnelles sont reconnues. L'imposition de ce type de farine par les autorités publiques permettrait sa large diffusion et une diminution de son prix relatif.

L'interdiction de la publicité télévisuelle pour les produits alimentaires de grignotage et les boissons sucrées dans les programmes à forte audience d'enfants et d'adolescents devrait également mettre un terme à une situation insatisfaisante, dans laquelle certaines entreprises, mais pas les plus significatives en termes de part de marché des produits destinés aux enfants, ont accepté de limiter volontairement la publicité en direction de ces derniers.

La réglementation de la publicité à l'encontre des enfants s'inscrit dans l'esprit de la convention de l'Organisation des Nations Unies sur les droits de l'enfant qui reconnaît à ce dernier le droit de s'épanouir et le droit d'être protégé des influences néfastes, des abus et de l'exploitation.

L'interdiction de la publicité alimentaire à l'encontre des enfants vise à les protéger de situations qui peuvent menacer leur bien-être futur et à s'assurer qu'ils ne sont pas exposés à des risques qu'ils n'ont pas la capacité, contrairement aux adultes, d'évaluer.

L'argument selon lequel la suppression de la publicité risquerait d'amoindrir la qualité des programmes n'est pas acceptable puisqu'il signifie a contrario que le prix à payer pour que les enfants disposent de programmes adaptés à leurs besoins est qu'on accepte de les exposer à des messages qui influencent leurs comportements dans un sens défavorable à leur santé.

Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales et du conseil général de l'alimentation sur l'évaluation du programme national nutrition santé a d'ailleurs jugé la stratégie de communication en France en direction des enfants «  paradoxale » en faisant remarquer que : « c'est la manne publicitaire qui alimente en France le financement des programmes « vertueux » qui participent à leur tour à l'éducation nutritionnelle des enfants et les aident à mieux « résister » aux sollicitations publicitaires » !

Plus généralement, le marketing en direction des enfants doit être réglementé en interdisant la publicité « déguisée » dans les émissions télévisées ou encore l'utilisation par les entreprises agroalimentaires de personnages familiers pour faire la promotion de leurs produits.

(6) Les politiques sectorielles

Les liens entre l'environnement du consommateur et ses comportements ont été largement démontrés par la science et permettent de comprendre l'échec relatif des interventions focalisées exclusivement sur les individus pour tenter de modifier leurs comportements.

La promotion d'une alimentation saine et de l'exercice physique passe donc par la mise en place de politiques coordonnées dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de la consommation, du transport, de l'aménagement du territoire, de l'éducation, du sport, mais également des affaires sociales et culturelles ou encore de l'environnement.

Il convient néanmoins de s'assurer de la cohérence générale de ces politiques sectorielles portées par plusieurs ministères différents.


* 34 Il serait intéressant de vérifier si c'est le cas de la restauration collective (dans les entreprises et dans les écoles).

* 35 Retrouver sa liberté de mouvement, plan national de prévention par l'activité physique ou sportive, 2008.

* 36 Richard Thaler et Cass Sunstein sont les concepteurs de cette troisième voie entre le libre fonctionnement des marchés et l'intervention contraignante de l'Etat (réglementation, interdiction).

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