B. LE RÉTRÉCISSEMENT DU SURPLUS DE PRODUCTIVITÉ

La contrainte d'accélération de la productivité, qu'il s'agisse de gagner en compétitivité ou de maximiser le revenu, paraît sous-tendre de nombreuses évolutions ayant concerné les pratiques sociales dans l'entreprise, que ces évolutions concernent les pratiques de l'entreprise elles-mêmes ou leur cadre légal.

Pourtant, plus on « parle performance » plus la performance s'érode.

Ainsi, le surplus de productivité, dont l'évolution conditionne la possibilité de gains de pouvoir d'achat par tête, a vu sa croissance annuelle, qui avait déjà perdu 2 points à partir de 1975 par rapport à la période 1950-1974, enregistrer une perte supplémentaire de 0,7 point par an à partir de 1990.

Les facteurs de production nouveaux ont de moins en moins permis de gagner en efficacité.

Si la croissance économique a moins ralenti, c'est en raison d'une certaine résistance de l'accumulation des facteurs de production, mais la baisse de la productivité unitaire des facteurs n'a pas été compensée par cette accumulation.

Ces données sont confirmées par diverses études qui montrent une baisse continue de la productivité du travail jusqu'à des points atteints dans des périodes économiques particulièrement troublées de notre histoire.

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTIVITÉ EN FRANCE DANS LE SECTEUR MARCHAND

1890-1913

1913-1950

1950-1973

1973-1980

1980-1990

1990-1995

1995-2002

Productivité par emploi

1,48

0,98

4,89

2,04

2,69

1,55

0,88

Productivité horaire

1,91

1,65

5,28

3,07

3,29

1,75

1,77

Source : Bulletin de la Banque de France, n°139 - Juillet 2005

La croissance de la productivité du travail (qu'il s'agisse de la productivité horaire ou de la productivité par emploi structurellement moins dynamique du fait de la baisse de la durée du travail) a ralenti de plus en plus, de sorte que les gains de productivité suivent un rythme proche de celui observé entre 1913 et 1950, période marquée par deux guerres mondiales et la grande crise économique des années 30 30 ( * ) .

Il est intéressant de décomposer les différentes contributions possibles à la productivité pour approcher où se situent les problèmes qui en expliquent le ralentissement.

DÉCOMPOSITION DE LA CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ EN FRANCE
DANS LE SECTEUR MARCHAND

On observe que la réduction de la durée du travail a joué un rôle structurel négatif sur la productivité par emploi , témoignant, dit-on, d'un « arbitrage » pour davantage de temps libre. On décrit souvent cet « arbitrage » comme un choix privilégiant la qualité de vie plutôt que la quantité des richesses monétaires .

Dans la réalité, la netteté de ce choix n'apparait pas aussi clairement. Ses deux termes sont discutables. Du côté du temps libéré, on peut relever, par exemple, qu'une partie de la baisse de la durée du travail est plus subie que souhaitée. Quant à la responsabilité de la baisse de la durée du travail dans le ralentissement de la croissance économique, elle n'est pas entièrement précisée.

Il est comptablement indéniable que la réduction du temps de travail freine théoriquement l'activité. Mais celle-ci peut être si peu dynamique, pour d'autres raisons, que la réduction du temps de travail puisse apparaître comme une conséquence plutôt que comme une cause d'une croissance molle. La récente période où le recours au travail à temps partiel a servi de variable d'ajustement alternative à la mise au chômage soit en France, soit en Allemagne montre que, pour apprécier plus complètement le rôle de la baisse du temps de travail, il faut en mesurer les effets sur le rythme d'accumulation de ce facteur de production.

Autrement dit, à « l'arbitrage » mentionné plus haut, il faut en ajouter un autre qui, plus effectif sans doute, concerne le choix entre durée du travail et chômage .

L'enseignement le plus net est plutôt dans la responsabilité de l'évolution de la productivité globale des facteurs dans l'affaiblissement de la croissance . Celle-ci représente une mesure de tous les gains d'efficacité économique qui ne sont pas directement attribuables à des variations quantitatives.

Excepté entre 1990 et 1995 où l'intensité capitalistique (c'est-à-dire du rapport quantitatif du capital au travail), dont on peut estimer qu'elle favorise la productivité du travail, a connu une forte augmentation, ce sont des facteurs non directement quantifiables (la PGF) qui paraissent déterminer le plus l'ampleur des gains de productivité.

Autrement dit, dans la période des très forts gains de productivité du travail, si l'accumulation du capital a compté, les progrès généraux d'efficacité du travail ont été encore plus déterminants. De même, c'est le freinage de la productivité globale des facteurs qui explique comptablement l'affaiblissement des gains de productivité.


* 30 Cependant, les données utilisées n'ont pas une robustesse telle qu'on puisse prendre ces résultats sans une grande prudence.

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