II. LE REFUS DE L'AIDE EUROPÉENNE

Le gouvernement portugais comme l'ensemble de la classe politique locale n'envisage pas à moyen terme un recours à l'aide conjointe de l'Union européenne et du Fonds monétaire international. Le gouvernement attend beaucoup du programme combinant dispositions en faveur de la compétitivité et mesures de rigueur qu'il met en place à l'occasion de l'exercice 2011. Des motivations d'ordre politique et social justifient également le refus de solliciter une intervention financière extérieure. Cette stratégie en solitaire n'est pas néanmoins sans laisser songeur.

A. L'AUSTÉRITÉ COMME RÉPONSE À LA CRISE

Le projet de loi de finances pour 2011 est le symbole de cette rigueur. Le principal objectif du budget demeure la réduction du déficit public, estimé entre 6,9 et 7,1 % du PIB en 2010, que le gouvernement entend ramener à 4,6 % du PIB au cours de l'exercice 2011.

Afin d'atteindre cet objectif, le budget prévoit une réduction des dépenses totales de l'État de 2,7 points du PIB et une augmentation concomitante des recettes fiscales de 1,2 point du PIB.

La diminution des dépenses publiques passe notamment par la réduction des crédits affectés aux rémunérations (diminution estimée à 0,6 %) et aux prestations sociales (0,9 % du PIB). Une baisse de 3,5 à 10 % des salaires de la fonction publique et des organismes publics est ainsi prévue dès lors que la rémunération dépasse 1 500 € mensuels. Le gouvernement prévoit parallèlement le gel des recrutements, avancements et promotions et supprime la possibilité de cumuler emploi et retraite publics. Concernant les prestations sociales, le gouvernement préconise une diminution des prestations chômage, une réduction de 20 % du revenu minimum d'insertion, une baisse de 25 % des allocations familiales et le gel des retraites. Le déremboursement de médicaments, l'instauration de nouveaux barèmes de prise en charge et le renforcement des contrôles sont également prévus. Une réduction des budgets ministériels est, par ailleurs, envisagé, le ministère de l'éducation étant le principal concerné (diminution des crédits estimée à 0,4 % du PIB). Une restructuration de l'administration et des entreprises publiques est également lancée. A cet effet, une diminution des transferts aux administrations régionales et locales est envisagée.

L'augmentation des recettes passe par une diminution de la dépense fiscale qui se traduit par le plafonnement de nombre de déductions et d'avantages fiscaux, à destination des particuliers, notamment des retraités, et des entreprises. Le gouvernement prévoit, par ailleurs, une augmentation de deux points de la taxe sur la valeur ajoutée qui passe à 23 %, ainsi qu'une révision de la liste des produits bénéficiant d'un taux réduit de TVA. Le budget 2011 intègre également la création d'une taxe sur le crédit à la consommation et l'ouverture de nouveaux péages autoroutiers. L'alignement des taux de cotisation retraite des fonctionnaires est également inclus dans la loi de finances.

La loi de finances 2011 succède au programme d'austérité et de croissance adopté en mars dernier. Ce texte prévoit la privatisation de 32 entreprises d'ici 2013. Sont notamment visés le secteur fret de la compagnie nationale de chemins de fer, une partie des activités assurance de la banque publique Caixa, des parts de Galp Energie et de REN, le gestionnaire du réseau électrique. 90 % des 6 milliards d'euros espérés à l'occasion de ces ventes seraient destinées à la réduction de la dette publique. Les dépenses d'investissement sont, quant à elles, reportées qu'il s'agisse de la construction d'un nouvel aéroport à Lisbonne ou de l'ouverture du deuxième tronçon TGV Lisbonne - Madrid. Une commission réunie sous l'autorité du président de la Cour des comptes est, par ailleurs, chargée d'évaluer les projets d'infrastructures envisagés par les autorités en vue de déterminer, au regard des avantages qu'ils sont censés fournir, s'il est soutenable financièrement de les poursuivre.

Ce programme prévoyait, en outre, un gel des rémunérations des fonctionnaires jusqu'en 2013. Leur nombre devait être réduit de 73 000 d'ici quatre ans.

La réduction de la dépense publique est une constante de la politique du Premier ministre depuis 2005. Dès sa prise de fonction, un ambitieux programme de réorganisation de l'État destiné à moderniser la Fonction publique a en effet été lancé. En cinq ans, 75 000 postes (750 000 fonctionnaires en 2005) et 187 organismes publics ou parapublics (568 en 2005) ont été supprimés. L'ouverture des « boutiques du citoyen », où sont regroupés les guichets d'une quarantaine d'administrations et entreprises publiques : impôts, télécoms, électricité, assurances sociale et de chômage, aide à la création de micro entreprises, sont venus matérialiser cet objectif.

Le gouvernement avait dans le même temps introduit davantage de flexibilité dans le code du travail et entrepris une première réforme des retraites. Celle-ci a permis de porter de 60 à 65 ans l'âge de la retraite, voire 67 si le cotisant en fait la demande. Les pensions sont désormais calculées sur la base de la moyenne des salaires versés durant toute la carrière professionnelle et non plus les quinze dernières années. Une telle révision a pu alléger la dette sociale de l'État, la pension représentant désormais 55 % du dernier salaire et non plus 80 %.

Une première vague de privatisations et l'augmentation de la TVA étaient venus compléter ce dispositif. Celui-ci avait permis la réduction du déficit budgétaire de 6,1 % du PIB en 2005 à 2,8 % en 2007. La crise économique et financière et l'augmentation du chômage concomitante ont bouleversé cet équilibre.

Le programme d'austérité et de croissance a été suivi en mai par l'adoption de nouvelles dispositions prévoyant, notamment, une hausse de la TVA de 1 point, passant de 20 à 21 %. Le gouvernement relève en outre de 2,5 % le taux d'impôt sur les bénéfices des grandes entreprises supérieurs à 2 millions d'euros pour le porter à 27,5 %. Une retenue salariale de 1 à 1,5 % selon le niveau de revenu vise, quant à elle, les ménages. Les indemnités versées aux élus et les salaires des gestionnaires d'entreprises publiques sont abaissés de 5 %.

Une telle politique d'austérité, la plus dure depuis 1983, n'est pas sans laisser songeur sur leur effet potentiellement récessif sur la demande interne. A cet égard, le gouvernement envisage un repli de la consommation privée de 0,5 %, chiffre a priori sous-évalué. La Commission européenne s'attend, elle, à une chute de la demande intérieure totale de 2,8 %. L'objectif de réduction drastique des déficits publics pourrait de fait fragiliser une relance de la croissance.

L'annonce par le ministère de l'économie portugais, le 6 janvier dernier, de l'atteinte de l'objectif de ramener à 7,3 % du PIB le déficit public pour 2010, vient aux yeux de ses promoteurs, justifier l'efficacité d'une telle politique. Elle a surtout valeur de symbole à destination des marchés en vue d'obtenir une baisse relative des taux.

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