b) Les raisons de l'échec
(1) Une absence de connaissance partagée des politiques décentralisées

Dans leur rapport consacré à la maîtrise des dépenses locales 14 ( * ) , MM. Gilles Carrez et Michel Thénault montrent combien l'absence de connaissance partagée des politiques décentralisées obère le dialogue entre l'État et les collectivités. De même, M. Pierre Jamet 15 ( * ) dénonce le manque d'information actualisée dont disposent les ministères sur la gestion des politiques décentralisées, en particulier sur la situation financière des départements.

En effet, les données disponibles proviennent essentiellement du réseau des comptables publics de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) qui alimente les instruments de suivi de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Or, ces données ne parviennent qu'après la clôture des comptes et leur approbation par les assemblées locales dans le courant du second trimestre de l'année N+1 ; d'où une connaissance tardive par les administrations centrales de la réalité budgétaire des collectivités territoriales. Pour les départements, M. Pierre Jamet estime ainsi que la crise économique a joué le rôle de révélateur de ce cruel déficit de connaissance des données par les administrations centrales.

(2) La confusion entre dialogue et proclamation : l'exemple de la CNE

La crise du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales est particulièrement visible au niveau de la CNE. Alors que sa création avait pour objectif la mise en place d'un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales , force est de constater que son fonctionnement n'a pas eu le bilan escompté.

Les difficultés de fonctionnement de la CNE sont, tout d'abord, liées à son absence de fondement juridique . Par conséquent, la CNE ne peut s'appuyer ni sur un secrétariat technique, ni sur un conseil d'orientation permanent. Or, cette situation constitue un frein à son ambition, puisque la CNE est dans l'incapacité de préparer les dossiers qui lui sont soumis et ne peut se réunir ni sur la base d'un véritable ordre du jour, ni sur celle de véritables rapports introductifs. Dès lors, ses réunions ne peuvent aboutir à de véritables résolutions ou recommandations, cantonnant ainsi la CNE à une instance de proclamation du Gouvernement.

La Conférence est en effet largement laissée aux mains du Gouvernement, qui en assure l'organisation, en maîtrisant l'envoi des convocations et la fixation de l'ordre du jour. Ainsi, comme il a été indiqué ci-dessus, la seconde réunion de la CNE, qui devait avoir lieu le 24 avril 2008, a été annulée la veille par le Premier ministre, officiellement pour des problèmes d'agenda, officieusement en raison d'un manque de préparation de la réunion. Celle-ci a été reportée au 10 juillet 2008, soit près de dix mois après la réunion d'installation de la CNE.

Ensuite, la composition de la CNE suscite de nombreuses interrogations. Selon les « règles » prévues lors de sa réunion d'installation, elle est composée de vingt-six membres, dont dix-huit représentant paritairement les trois grandes associations d'élus locaux que sont l'AMF, l'ADF et l'ARF. Mais certaines associations nationales d'élus regrettent d'être écartées de la CNE, notamment l'Association des maires ruraux de France (AMRF). La composition de la CNE constitue ainsi un aspect majeur qui ne doit pas être négligé car elle a un impact sur le contenu et l'acceptation du travail produit par cette instance.

Enfin, disposant d'un domaine qui n'est pas clairement défini, la CNE risque d'interférer avec d'autres instances de dialogue déjà bien installées dans le paysage politico-administratif français et qui conduisent des réflexions dans un certain nombre de domaines (CFL, CCEC, CCEN, etc.).


* 14 Rapport du groupe de travail sur la maitrise des dépenses locales, présidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault, présenté lors de la conférence des déficits publics du 20 mai 2010.

* 15 Rapport à M. le Premier ministre sur les finances départementales : JAMET Pierre, MOLEUX Marguerite, PHILIPPOT Florian, PONROY Pierre. Avril 2010.

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