B. 1995-2006 UNE MODERNISATION DES INSTRUMENTS DE LA COOPÉRATION

Avec l'élection de M. Jacques Chirac à la présidence de la République en 1995, vont se mettre en place des réformes de structure fondamentales qui permettront l'adaptation du dispositif français de coopération à la nouvelle donne mondiale issue de 1990. Il n'est pas indifférent de souligner que l'élection présidentielle se situe un an après l'échec de la communauté internationale particulièrement marquant à empêcher le génocide rwandais.

Ces réformes de fond vont permettre de refonder et de faire évoluer les relations entre la France et l'Afrique, mais aussi de mutualiser les interventions, en particulier au niveau européen. Cette politique, qui s'appuie sur un message fort de fidélité et de solidarité avec l'Afrique, va prendre tout d'abord la forme d'une modernisation nécessaire des outils qui, à son tour, permettra l'évolution de la politique africaine de la France. Il est ainsi procédé à trois réformes complémentaires : celle du ministère de la coopération, celle de l'aide au développement et celle de la coopération militaire.

Il faut noter que durant la période de cohabitation, avec l'arrivée au pouvoir en 1998 du gouvernement de M. Lionel Jospin, la position française a été formulée de la façon suivante : « ni indifférence, ni ingérence » vis-à-vis de l'Afrique.

1. La réforme du ministère de la coopération

En 1996, la réforme porte sur le ministère de la Coopération. Ses compétences sont élargies à toute l'Afrique et son autorité étendue aux services diplomatiques en charge de ce continent au sein du ministère des Affaires étrangères (MAE). Sur le terrain, un rapprochement des services sous l'autorité de l'ambassadeur est entrepris 4 ( * )

La réforme du dispositif de coopération date de 1998 en prévoyant :

• Le regroupement des services du secrétariat d'Etat à la Coopération et du ministère des Affaires étrangères ;

• La création d'un « Comité interministériel de la coopération internationale et du développement » (CICID) comme organe de coordination, de réflexion, de débat et d'orientation sur la coopération internationale de tous les ministères concernés ;

• La création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) 5 ( * ) qui a pour mission de piloter la coopération au développement et la politique de rayonnement culturel, scientifique et audiovisuel.

Cette réforme des structures est suivie en 2001 par la modernisation de l'outil de présentation des lois de finances, la LOLF, qualifiée de « constitution financière de la France ». Les crédits d'aide publique au développement (APD) du MAE et du ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI) sont regroupés dans un budget au sein d'une mission interministérielle.

Depuis 2004, le ministre chargé de la Coopération est en charge de la coordination de cette politique sous l'autorité du ministre des affaires étrangères et européennes. Presque tous les ministères ont développé directement ou indirectement une action dans le domaine de la coopération, mais la politique de coopération est rationalisée autour de deux grands pôles : les Affaires étrangères et la Coopération d'une part (responsables de la coordination d'ensemble de la coopération, de l'aide programme et de l'aide projet), l'Economie et les Finances d'autre part (en charge de la dette, de l'aide budgétaire globale et des relations avec les institutions financières internationales).

Le décret d'attribution du ministre chargé de la coopération, M. Henri de Raincourt, prévoit qu'il connaît de toutes les affaires relatives à la coopération et au développement notamment pour la préparation et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière de coopération culturelle, scientifique et technique et d'aide au développement.

Il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence, ou y participe. Il représente le Gouvernement ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent, y compris celles des groupes consultatifs de la Banque mondiale.

Il suit les actions de l'Union européenne en matière d'aide au développement. Par délégation de la ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, il peut représenter le Gouvernement aux conseils des ministres prévus dans le cadre de la coopération de l'Union européenne avec les Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

En outre, il accomplit toutes missions que la ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, lui confie, notamment à l'égard des Français de l'étranger. (Décret n° 2010-1500 du 7 décembre 2010 relatif aux attributions du ministre auprès de la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération ).

2. La réforme de l'aide au développement

L'Agence française de développement (AFD) joue un rôle pivot dans l'ensemble du dispositif 6 ( * ) . Elle a, depuis 1998, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial à vocation d'institution financière spécialisée soumise à la loi bancaire, jouant le rôle de banque de développement. Elle gère l'essentiel des projets et programmes d'aide au développement, qu'ils concernent la lutte contre la pauvreté, les infrastructures économiques de base, le soutien à l'investissement productif, l'aide au secteur privé (par sa filiale PROPARCO), l'environnement, l'allègement de la dette.

Avant 2004, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'AFD intervenaient concurremment dans tous les secteurs, désormais une répartition des rôles par secteur est prévue. Depuis la réforme de 2004, l'AFD gère aussi les équipements d'éducation et de santé et les opérations d'assistance technique. Elle dépend à la fois du ministère (administration centrale et services déconcentrés) placés sous la responsabilité d'un ministre des Affaires étrangères et du ministère de l'Economie et des Finances, avec lesquels sont établis des contrats d'objectifs. Conformément aux conclusions du CICID (Comité interministériel de la coopération internationale et du développement) du 20 juillet 2004, la convention-cadre précise les relations entre les ambassadeurs et les agences locales de l'AFD 7 ( * ) .

C'est surtout au plan économique que la présidence de M. Jacques Chirac apporte des changements sensibles. La France s'efforce de relancer son aide au développement et demeure le principal bailleur de fonds de l'Afrique subsaharienne. Alors que l'APD était retombée à 0,3 % du revenu national brut en 2002, l'objectif est d'atteindre 0,5 % et de s'approcher progressivement des 0,7 % fixés par l'ONU. L'accent est également mis sur un certain nombre de questions fondamentales comme la pauvreté, le VIH sida et les autres maladies endémiques, la protection de l'environnement, la lutte contre la déforestation ou la promotion de la micro-finance. C'est également à l'initiative de la France que sont proposées et adoptées un certain nombre d'initiatives permettant de rechercher des financements innovants (comme la taxe sur les billets d'avion) afin de pallier les insuffisances de l'aide au développement. En février 2006 est organisée à Paris une conférence ministérielle sur ce sujet qui réunit plus de 93 pays.

3. La réforme du dispositif militaire

C'est cette politique qui accompagne la mise en place des forces de maintien de la paix africaines prévues par l'Union africaine. Les grandes orientations sont définies par le Conseil de défense du 3 mars 1998 qui procède à un véritable bouleversement de notre dispositif et des orientations de la coopération militaire française sur le continent. L'intégration de la Coopération au sein du ministère des affaires étrangères entraîne la suppression de la Mission militaire de coopération qui était en charge des pays africains « du champ » et la création de direction de la coopération militaire et de défense (DCMD), devenue aujourd'hui, par décret du 16 mars 2009, la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) 8 ( * ) .

Le changement d'orientation de 1998 prévoit en particulier un appui et la prise en charge par les Africains eux-mêmes de la gestion des crises et des conflits avec la mise en place du programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).

Le programme RECAMP, lancé en 1997, vise à européaniser son propre dispositif. Ce multilatéralisme des actions se marque également par l'étroite coopération de la France avec les Nations unies et l'Union européenne pour la gestion des crises africaines en Cote d'ivoire, en RDC et au Tchad (EUFOR).


* 4 On mesure le temps parcouru quand on constate que l'article 1 er du projet de loi sur l'action extérieure de l'Etat prévoit l'affirmation de l'autorité de l'ambassadeur sur l'ensemble des services d'action extérieure de l'Etat, au delà de son rôle d'animation et de coordination.

* 5 Remplacée en 2009 par la Direction générale de la mondialisation

* 6 Nouvelle appellation de la Caisse française de développement à partir de 1998

* 7 Cette évolution a connu de nouveaux développements en 2009. En effet, le dispositif de coopération a été modifié par la révision générale des politiques publiques. L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui a délégué l'essentiel de ses activités opérationnelles à l'AFD dans les domaines du développement économique et social. Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des politiques de gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD s'est vu transférer une partie des assistants techniques qui relevaient auparavant du ministère des affaires étrangères

* 8 La DCSD est l'un des outils importants de notre action diplomatique. Elle participe à l'élaboration de la politique de la France. Elle propose une coopération structurelle, complémentaire de la coopération opérationnelle conduite sous la responsabilité de l'EMA et par le SCTIP, le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur.

En Afrique subsaharienne la DCSD se concentre sur des projets en partenariat dans un cadre régional ou sous-régional, en particulier à travers le réseau d'écoles et de centres de formation dans le domaine du maintien de la paix, du renforcement de l'Etat de droit et de la sécurité intérieure. Son action n'est pas limitée à l'aire francophone mais englobe les pays lusophones et anglophones.

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