SECONDE PARTIE : LES CONCLUSIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

L'examen des conditions dans lesquelles s'est déroulée la cession de l'hippodrome de Compiègne constitue, pour votre rapporteure spéciale, l'occasion de tirer plusieurs conclusions de portée générale . Elle en retient deux séries, qui visent les aspects juridiques des cessions immobilières de l'Etat d'abord, les enjeux patrimoniaux de l'Etat propriétaire ensuite.

I. EN CE QUI CONCERNE LES ASPECTS JURIDIQUES DES CESSIONS IMMOBILIÈRES DE L'ETAT

Pour ce qui touche aux aspects juridiques, le cas de la cession de l'hippodrome de Compiègne appelle l'attention sur deux points : d'une part, la nécessité d'améliorer les textes relatifs à certaines cessions domaniales ; de l'autre, l'opportunité d'une expertise pour certains biens que l'Etat entend vendre.

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE AMÉLIORATION DES TEXTES RELATIFS À CERTAINES CESSIONS

1. Le régime de la cession des forêts domaniales

Tout d'abord, il ressort des analyses précédentes 25 ( * ) un besoin d' améliorer la qualité juridique du régime des cessions de forêts du domaine de l'Etat .

a) La rédaction des conditions permettant une cession sans autorisation législative

En premier lieu, il est manifestement nécessaire de clarifier la rédaction de l'article L. 3211-5 du CGPPP , qui concerne les cessions au sens strict - la vente, non l'échange - de forêts domaniales, quant aux conditions permettant de procéder à une vente de celles-ci sans recourir à la loi. À cet égard, en particulier, il serait opportun de rédiger sans ambiguïté la condition ci-dessus présentée tenant à la superficie maximale de 150 hectares des forêts en cause.

Conformément à la logique de protection de la forêt domaniale inhérente à l'article L. 3211-5, il conviendrait de préciser que cette référence des 150 hectares est à appliquer au massif forestier dans lequel se situe la parcelle considérée pour une vente, et non à cette parcelle elle-même sans quoi, en théorie, l'administration pourrait librement « dépecer » les forêts domaniales, en les vendant par morceaux. Cette interprétation, du reste, ne ferait que confirmer l'état de la législation antérieur à l'ordonnance du 21 avril 2006, tel que votre rapporteure spéciale l'a évoqué déjà : la rédaction de l'ancien article L. 62 du code du domaine de l'Etat était plus claire que le droit en vigueur.

b) Le fondement de la procédure d'échange

En second lieu, il semble également opportun de réfléchir au renforcement du fondement juridique de la procédure d'échange de terrains forestiers - dont il y a d'ailleurs fort à parier que, si elle avait été la solution retenue pour l'acquisition de l'hippodrome du Putois par la Société des courses de Compiègne, on n'aurait jamais entendu parler de cette affaire.

L'ONF, certes, pratique couramment de tels échanges. Cependant, il le fait à partir d'une base légale de portée générale - l'article R. 78, déjà cité, du code du domaine de l'Etat. Or ce point pourrait être discuté, car il s'agit d'une disposition applicable à tous les biens domaniaux aliénables, alors que les forêts domaniales font précisément l'objet, comme on l'a vu, d'un régime spécial d'aliénabilité.

2. Les conditions du recours aux cessions de gré à gré

Par ailleurs, les circonstances de la cession de l'hippodrome de Compiègne font apparaître l'utilité qu'il y aurait à envisager une définition plus stricte des cas dans lesquels il peut être procédé à une cession de gré à gré de biens domaniaux, par dérogation à la règle de l'appel d'offres, sans mise en concurrence.

L'hypothèse légale qui a été mise en oeuvre ici la cession à l'amiable « lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient », qu'autorise le 5°, déjà cité, de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat - se trouve formulée d'une manière très vague. Cette rédaction, de fait, laisse à l'administration une grande latitude d'appréciation pour décider de recourir à la procédure dérogatoire. Aux yeux de votre rapporteure spéciale, elle paraît en vérité bien trop floue pour servir de réel garde-fou aux tentations de facilité ou aux risques de négligence, toujours possibles.


* 25 Cf. le II de la première partie du présent rapport.

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