D. L'APPARITION DE NOUVEAUX BESOINS ET D'UN DEGRÉ D'EXIGENCE PLUS ÉLEVÉ

Les obligations en termes de couverture mobile imposées aux opérateurs, et le référentiel technique permettant d'en contrôler le respect, ont été fixés à une époque -la fin des années 90- où la téléphonie mobile était encore confidentielle, et donc le degré d'exigence vis-à-vis de l'étendue et de la qualité de service bien moindres que ce qu'ils sont aujourd'hui, où le taux de pénétration de cette technologie est supérieur à 100 %.

Or, si la couverture s'est progressivement étendue jusqu'à avoisiner désormais les 100 % de la population, le référentiel, défini par l'Arcep dans sa décision du 20 février 2007 et appliqué par cette dernière, est aujourd'hui dépassé . Comment se satisfaire d'une réception uniquement en zone habitée, à l'extérieur des bâtiments et en situation fixe ? Le débat porte sur chacune des trois composantes du référent de couverture, soit :

- la référence à des zones habitées . Est mesurée, en effet, la possibilité de passer ou recevoir un appel téléphonique depuis les zones bâties du territoire dont l'unité est l'IRIS -subdivision d'une commune- tel que défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Sont donc, par définition, exclues les zones non habitées du territoire. Or, le fait qu'elles soient dépourvues de population fixe n'implique pas forcément que leur couverture en téléphonie mobile serait inutile.

C'est le cas des axes routiers . Certes, les principaux sont aujourd'hui couverts, notamment grâce au volet du programme d'extension de couverture spécifiquement consacré aux « axes de transports prioritaire ». Signé le 27 février 2007 par les trois opérateurs, il engage ces derniers à couvrir les autoroutes, les routes sur lesquelles le trafic est supérieur à 5 000 véhicules par jour ainsi que les axes reliant les préfectures aux sous-préfectures, au sein de chaque département, soit 57 127 km de voies. S'il est aujourd'hui quasi achevé, il ne couvre cependant, comme son nom l'indique, que les « axes de transport prioritaires » : outre le fait qu'il a dans certains départements une portée très réduite 7 ( * ) , il n'apporte aucune garantie de couverture sur l'ensemble des autres voies routières. Quant aux axes ferroviaires , ils sont certes inclus dans l'accord du 27 février 2007, signé par la SNCF et RFF, mais l'engagement ne porte que sur l'étude de la possibilité d'amélioration de la couverture et de la qualité de service dans les trains.

Au-delà des axes de communication, devrait être couvert l'ensemble des zones de développement économique qui, si elles ne constituent pas des « zones d'habitat » au sens strict du terme, ont cependant une importance capitale pour le développement des territoires.

Enfin, la demande de couverture de l'ensemble des zones d'intérêt touristique est désormais très forte. D'importants progrès ont été réalisés en la matière, puisque les plages et pistes de ski sont aujourd'hui quasi entièrement couvertes, le plus souvent par plusieurs, voire l'ensemble des opérateurs, qui en font un argument commercial auprès de leur clientèle. Le débat porte désormais sur les espaces naturels utilisés pour les sports et loisirs de plein air, comme les sentiers de randonnée. L'AMF, arguant du risque pour les maires de voir leur responsabilité engagée en cas d'accident sur des chemins de ce type où les secours ne pourraient être prévenus du fait de l'absence de réseau, demande par exemple à ce qu'ils soient couverts, tandis que l'ADF a évoqué la desserte des parcs naturels pour, par exemple, des expériences interactives et ludiques de « réalité augmentée » proposées à leurs visiteurs.

Il est certain que la couverture de toutes ces zones aujourd'hui peu ou mal desservies par la téléphonie mobile leur confèrerait une réelle plus-value et aurait une incidence très positive sur leur développement. Le débat s'étend désormais jusqu'à la couverture de l' ensemble du territoire , demandée par certains, plaidant que la couverture de chacun de ses points a un intérêt potentiel ou effectif, notamment pour des raisons de sécurité.

Tant pour des raisons économiques (le coût en a été chiffré par un opérateur à environ un milliard d'euros pour un seul réseau) qu'esthétiques (cela impliquerait en effet une multiplication des pylônes dans des espaces naturels, au nombre de 3 000 à 4 000 supplémentaires selon le même opérateur), cela semble excessif : une telle couverture intégrale n'existe nulle part au monde. Les zones les plus éloignées des lieux de vie, qui n'ont pour la plupart ni alimentation électrique ni possibilité de transmission nécessaire à proximité, ne sont évidemment pas rentables alors qu'elles sont en même temps les plus onéreuses à desservir.

Votre rapporteur, qui reconnaît donc l' aberration économique que constituerait une couverture intégrale du territoire, souligne toutefois que la couverture actuelle est insuffisante au regard des besoins et appelle à un véritable débat sur son extension future dans le cadre de la prochaine génération de téléphonie mobile ;

- la restriction des appels à l'extérieur des bâtiments . L'idée était à l'origine que les bâtiments étant majoritairement desservis par la téléphonie fixe, était surtout recherchée une couverture en réseau mobile à l'extérieur de ces derniers. De plus, la vérification de la couverture à l'intérieur aurait été source de difficultés techniques et administratives.

Là encore cependant, la demande a évolué : de plus en plus de consommateurs -notamment les plus jeunes- n'ont d'abonnement téléphonique que mobile et souhaiteraient pouvoir utiliser leur téléphone portatif chez eux. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rapporté au cours des auditions, les résidents secondaires, cherchant à éviter de reprendre un deuxième abonnement de téléphonie fixe pour leur domicile de vacances, vérifient avant de s'implanter dans un lieu de villégiature qu'il est bien couvert par le réseau de téléphonie mobile.

Pour ces raisons, la réception et l'émission d'appels à l'intérieur devient une exigence partagée par un nombre croissant d'abonnés , et remet en cause la pertinence du critère de couverture à l'extérieur d'origine ;

- la mesure de la couverture en situation fixe . Là encore, ce critère, qui résultait de considérations pratiques -la stabilité du réseau en situation fixe est plus grande qu'en mobilité- ne correspond plus aux pratiques quotidiennes en matière de téléphonie mobile. Sauf à transformer le téléphone portable en cabine téléphonique, il est acquis aujourd'hui que les consommateurs passent ou reçoivent leur appel très fréquemment en situation de mobilité : en marchant, en voiture, en train...

Or, si la stabilité des appels en marche à pied est relativement bonne, tel n'est pas le cas en voiture (le programme de couverture des « axes de transport prioritaires » n'engage d'ailleurs les opérateurs qu'à fournir un service à l'extérieur des véhicules), et encore moins en train (même si des efforts sont réalisés par les opérateurs téléphoniques et ferroviaires pour assurer un relais de transmission en leur sein).

Pour mériter son appellation de « téléphone mobile », le « portable » devra à l'avenir permettre de passer insensiblement des appels en situation fixe ou mobile. Votre rapporteur plaide, là encore, pour que cette dimension nouvelle soit également prise en compte dans les exigences fixées pour la prochaine génération de téléphonie mobile.


* 7 Comme par exemple en Haute-Marne, où l'axe préfecture - sous-préfecture est également le seul axe connaissant un trafic supérieur à 5 000 véhicules par jour.

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