c) Des gains de productivité élevés dans l'industrie qui permettent de préserver un coût unitaire du travail relativement modeste
Pour apprécier la compétitivité-prix et connaître le coût unitaire du travail, il faut également prendre en compte la productivité horaire de la main-d'oeuvre et la mettre en rapport avec le coût du travail horaire (salaires et charges sociales).
Or si la comparaison des coûts horaires de travail n'est pas à l'avantage de la France, celle des coûts unitaires de travail en revanche, qui intègre la productivité, met en évidence l'amélioration de la compétitivité de la France depuis 1999 par rapport au Royaume-Uni et à l'Italie et sa détérioration depuis 2004 face à l'Allemagne.
Évolution du coût du travail unitaire de la France et ses partenaires
Source : OCDE, Economic Outlook, n° 85
Entre 1996 et 2006, la productivité du travail dans l'industrie française a crû à un rythme annuel moyen de 3,6 % contre seulement 1,2 % dans l'ensemble des secteurs 198 ( * ) . Les gains de productivité, particulièrement élevés dans l'industrie, expliquent d'ailleurs pour une très large part les destructions d'emplois dans ce secteur.
Encore ces gains sont-ils d'une ampleur très variable selon les secteurs : ils atteignent 53 % dans le secteur « Bureautique et les matériels informatiques » et 17 % dans le secteur « Radio, TV et communications », qui sont des secteurs de haute technologie, et près de 6 % dans le secteur « Chimie ». En revanche, ils sont contenus à moins de 4 % dans les secteurs de moyenne et haute technologies, tels que l'automobile, et à moins de 1 % dans l'agroalimentaire (+ 0,6 %) et les métaux de base (- 1,2 %). Ainsi plus le contenu technologique est important, plus les gains de productivité sont élevés.
d) Des allègements et exonérations de charges principalement centrés sur les bas salaires qui profitent davantage aux services qu'à l'industrie
• Outre le bon niveau de la productivité du travail, les entreprises françaises bénéficient également de divers allègements et exonérations de charges sociales, qui contribuent à minorer de façon significative le coût du travail et dont l'objectif est d'améliorer la situation de l'emploi ou de favoriser le développement des entreprises.
Les principaux dispositifs dérogatoires applicables aux entreprises dans ce domaine sont : - les allègements généraux de charges sur les bas salaires , dits « allègement Fillon », qui consistent en une réduction dégressive du taux de charges sociales appliquée aux salaires inférieurs à 1,6 Smic et dont le montant estimé pour 2010 représente 22,1 milliards d'euros ; - les allègements de charges sur les heures supplémentaires mis en place pour compenser les effets de la réduction du temps de travail et qui représentent 2,9 milliards d'euros ; - les exonérations de cotisations sociales ciblées sur des publics particuliers ou des formes d'emplois (contrat d'apprentissage, contrats de professionnalisation, stagiaires en entreprises, contrat d'accompagnement vers l'emploi, emplois dans des structures ou associations d'insertion), qui représentent 1,4 milliard d'euros ; - les exonérations de cotisations sociales ciblées sur certains secteurs (entreprises de services à domicile pour 0,96 milliard, travailleurs occasionnels dans le secteur agricole pour 0,52 milliard), soit environ 1,5 milliard d'euros ; - les exonérations de cotisations sociales ciblées sur certains territoires (zones de redynamisation urbaine (ZRU), zones de revitalisation rurale (ZRR), zones franches urbaines (ZFU), bassins d'emploi à redynamiser (BER), zones de restructuration de la défense (ZRD) et aides spécifiques aux entrepreneurs et salariés d'outre-mer), qui permettent d'offrir un soutien aux entreprises de certaines zones dans une logique d'aménagement du territoire estimé à 1,5 milliard d'euros ; - exonération totale des cotisations sociales (sauf AT-MP) sur les salaires des personnels des jeunes entreprises innovantes (JEI), en charge de leurs activités de recherche (chercheurs, techniciens, gestionnaires de projets de R&D, juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie, personnel chargé des tests pré-concurrentiels...), dont le montant en 2010 a été estimé à 145 millions d'euros. |
Au total, pour 2010, ces allègements et exonérations auraient représenté une économie pour les entreprises de l'ordre de 29,5 milliards d'euros 199 ( * ) . Du fait de l'extension du champ des dispositifs dérogatoires et de leur optimisation par les entreprises, le montant des réductions de charges s'est accru d'environ 10 % au cours des dix dernières années, permettant ainsi de diminuer significativement le coût du travail.
• Mais les effets bénéfiques pour les entreprises varient fortement en fonction du niveau de qualification et de salaire, de la taille des entreprises et des secteurs.
En effet, les allègements généraux (plus d'un tiers des exonérations) portent essentiellement sur les bas salaires , les salaires supérieurs à 1,6 Smic ne bénéficiant quasiment d'aucune exonération ou allègement, si ce n'est dans le cadre de dispositifs dérogatoires très spécifiques et marginaux, tels que celui des jeunes entreprises innovantes. En 2011, pour des salaires supérieurs à 1,6 Smic, le taux des cotisations sociales patronales s'élève à 30,38 % contre seulement 4,38 % pour un salaire équivalent au Smic, soit 26 points d'écart 200 ( * ) .
Coût horaire réel du travail pour un salarié passé aux 35 heures au 1 er juillet 2000 travaillant dans une entreprise de plus de 20 salariés
En outre, sur le graphique qui précède, on observe que pour un salarié au Smic d'une entreprise de 20 salariés et plus bénéficiant depuis le 1 er juillet 2000 des 35 heures, le coût horaire du travail a peu augmenté entre 1982 et 2010 (0,8 % en moyenne annuelle), tandis que pour un salaire correspondant à une ou deux fois le plafond de la sécurité sociale 201 ( * ) , la progression a été beaucoup plus rapide (respectivement 1,6 % et 2 % en moyenne annuelle).
Il résulte de ces évolutions des écarts substantiels en termes de coût du travail selon le niveau de salaire. Ainsi, au 1 er juillet 2010, le coût horaire réel du travail était de 10,69 euros au niveau du Smic et respectivement de 27,93 et 55,83 euros pour des revenus se situant au niveau d'une fois et deux fois le plafond de la sécurité sociale. Ces écarts sont principalement imputables aux évolutions des taux de charges patronales et à l'ampleur des exonérations accordées, très différentes selon le niveau des rémunérations.
• Par ailleurs, on observe que les allègements de charge profitent davantage aux micro-entreprises (moins de 10 salariés) et aux PME qu'aux ETI et aux grandes entreprises. En réalité, depuis le 1 er juillet 2007, les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient d'une réduction majorée du taux de cotisation sur les salaires au niveau du Smic, de 28,1 points contre 26 points seulement pour les établissements de 20 salariés et plus. Ainsi, en tenant compte des exonérations variables selon la taille de l'entreprise, le taux de prélèvement effectif global 202 ( * ) au niveau du Smic varie de 14,01 % pour les entreprises de moins de 10 salariés à 20,61 % pour celle de 20 salariés et plus (17,11 % pour celles dont les effectifs sont compris entre 10 et 20 salariés) ;
• Enfin, ainsi que le montrent les graphiques ci-dessous, les allègements de charges profitent davantage aux services (entreprises et particuliers) qu'aux secteurs industriels. Les allègements étant ciblés sur les bas salaires, les secteurs de l'économie en perçoivent d'autant plus les effets bénéfiques qu'ils recourent abondamment à une main d'oeuvre peu qualifiée. Il faut bien sûr distinguer selon les secteurs et selon les cas, les industries agroalimentaires par exemple en bénéficiant relativement plus que les autres branches de l'industrie. De la même façon, une unité de recherche regroupant des chercheurs de haut niveau n'en percevra pratiquement pas les effets, tandis qu'une unité de production en profitera davantage.
Allégements de charges en points de
prélèvements obligatoires
par taille et par
secteur
Source : CPO d'après les liasses fiscales 2007
Part dans les allégements de charges par taille et par secteur
Source : CPO d'après les liasses fiscales 2007
* 198 OFCE, « L'industrie manufacturière française », Collection Repères, Editions La Découverte, 2010), p. 20 et suivantes.
* 199 Estimations extraites du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « Entreprises et niches fiscales et sociales : des dispositifs dérogatoires nombreux », La Documentation française, octobre 2010 - p. 184 et p. 233.
* 200 Voir les tableaux statistiques établis par l'Acoss, Annexe 5 des documents de présentation du PLFSS pour 2011.
* 201 En 2010, le plafond de la sécurité sociale s'élevait à 2 885 euros bruts par mois.
* 202 Ce taux comprend, outre les charges patronales de sécurité sociale, les autres cotisations patronales (épargne salariale, forfait social, formation, etc.).