2. Limiter les transferts des savoir-faire et des nouvelles technologies pour préserver l'avenir

À plusieurs reprises, les représentants des entreprises ont exposé le problème que pose la protection des innovations et des savoir-faire, dans le cadre d'une économie mondialisée où la commercialisation comporte automatiquement le risque d'une contrefaçon des produits . Le plus souvent même, la conquête de nouveaux marchés est conditionnée au transfert de données technologiques stratégiques pour l'avenir de l'entreprise.

a) L'exemple d'Alstom : le choix de conserver son avance technologique sur la grande vitesse

La question du transfert des technologies se pose en particulier pour la livraison des trains à grande vitesse, qui nécessitent à la fois la réalisation de grosses infrastructures et une offre de services de maintenance sur le long terme.

Actuellement, Alstom est leader dans la technologie de la grande vitesse. Le groupe est concurrencé par Siemens, qui est son principal compétiteur sur le marché mondial. Le groupe allemand a remporté un des derniers appels d'offre en Chine en acceptant de transférer la technologie de son dernier train à grande vitesse. En acceptant ce transfert, Siemens a suscité la création d'un groupe chinois, qui est désormais en mesure de concurrencer les groupes européens dans les plus gros appels d'offres ferroviaires.

À l'inverse, le groupe français a fait le choix de conserver son avance technologique sur la grande vitesse, en refusant de transférer l'intégralité de ses savoir-faire technologiques, ce qui a pu lui coûter par le passé certains marchés remportés par Siemens 184 ( * ) . En effet, même si la réalisation de chantiers sur place contraint systématiquement à partager une partie des savoir-faire de l'entreprise, il convient de ne pas transférer l'intégralité des innovations et des savoir-faire, afin de préserver l'avance technologique de l'entreprise pour pouvoir remporter les futurs marchés.

Ainsi, pour le marché kazakh du fret, les responsables d'Alstom transports ont choisi une locomotive dessinée pour les Chinois sur laquelle ont été greffé des éléments de technologies appliquées à celle qui a été vendue aux Russes. Les premières unités seront vraisemblablement réalisées à Belfort, le modèle de production d'Alstom étant en quelque sorte un « puzzle mondial » qui permet au final de faire travailler la France avec des technologies développées pour d'autres pays.

Alors qu'environ cinq cents TGV ont été produits en Europe au cours des trente dernières années, les besoins de la Chine sont évalués à cinq cents trains par an. Cette situation conforte l'idée selon laquelle il faut préserver notre avance technologique pour rester en tête sur ce marché.

b) L'exemple des usines textiles de Caudry dans le Nord : renouveler les créations à un rythme soutenu pour rester compétitif

La même problématique se pose pour les créations dans le domaine du textile et de la mode.

Les représentants des industries du textile et de la dentelle rencontrées à Caudry par la mission lors de son déplacement dans le Nord ont confirmé que « l'innovation et la protection des créations sont une préoccupation constante » : dès qu'ils sont commercialisés, les nouveaux modèles sont immédiatement copiés et produits à moindre coûts dans les pays « low cost ».

Pour contrer cette concurrence déloyale, ces entreprises, spécialisées dans le textile de luxe, ont choisi d'adopter une stratégie offensive : les collections sont renouvelées à un rythme soutenu, avec 10 % de nouveaux modèles chaque année et une très forte exigence de qualité, pour accrocher les marchés de niche du luxe. Ayant en effet constaté que les coûts de production en France ne permettent pas de se positionner de façon favorable sur les marchés de masse, les entreprises françaises ont fait le choix de valoriser un des avantages compétitifs majeurs de ce secteur en France : la créativité et les innovations (textiles techniques, nouvelles matières, ...), très recherchées et reconnues à l'étranger.

La mission considère indispensable , dans une perspective de préservation à long terme des potentialités de l'industrie française, de limiter au maximum les transferts des savoir-faire et des nouvelles technologies .


* 184 Voir Tome 2, compte rendu de l'audition de MM. Philippe Mellier, président, et Jean-Louis Ricaud, directeur des opérations, de Alstom Transports, le 3 novembre 2010.

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