3. Favoriser la protection des innovations en particulier dans les PME

Le brevet confère un monopole d'exploitation et constitue de ce fait un avantage économique considérable. II présente cependant l'inconvénient d'obliger le déposant à divulguer son invention. Une fois la demande de brevet publiée, l'invention devient alors aisément reproductible, augmentant les risques de contrefaçon, mais aussi de concurrence parfaitement légale, dans les pays non couverts par le brevet, et en toute hypothèse lorsque la protection du brevet expire.

La France est en retard en termes de dépôt de brevets, même si elle est de longue date le deuxième pays européen en la matière et le cinquième pour les brevets internationaux. Le nombre de dépôts de demandes de brevet émanant des entreprises françaises s'est s'établi à plus de 12 300 demandes pour 2008, soit une hausse d'environ 1,6 % par rapport à 2007.

a) Favoriser l'exploitation des brevets en France en rendant la fiscalité plus incitative

Si la protection des innovations par le droit d'auteur est peu onéreuse (gratuité hors coût des dépôts probatoires), il n'en va pas de même de la propriété industrielle, et en particulier des brevets. Il est généralement admis qu'un brevet, entretenu pendant vingt ans sur l'ensemble des pays industrialisés des zones Europe, Amérique et Asie, représente un budget de l'ordre de 200 000 euros. Ce chiffre doit cependant être relativisé car il s'agit de coûts étalés dans le temps.

En outre, la France, comme la plupart de ses voisins européens, a mis en place une fiscalité incitative en la matière, sous la forme d'un taux d'imposition réduit (15 %) sur les produits de cession et de concession de brevets.

Les conclusions des EGI ont souligné que ce régime fiscal comporte « deux failles importantes » :

- d'une part, le taux réduit ne s'applique qu'aux redevances et non aux produits tirés de l'exploitation directe des brevets, ce qui incite les entreprises à concéder leurs brevets, le cas échéant à des entreprises étrangères, plutôt qu'à les exploiter en propre ;

- d'autre part, le taux de 15 % ne s'appliquant depuis le 1 er janvier 2002 que dans le cas d'une concession de brevet à une filiale étrangère, les groupes français sont incités à exploiter leurs brevets dans leurs filiales implantées à l'étranger.

Ainsi, le régime fiscal incite à la détention de brevets en France mais à leur exploitation à l'étranger. Il en résulte donc une tendance des entreprises françaises à localiser à l'étranger les activités de production industrielle qui découlent d'innovations brevetées en France. Le régime fiscal des brevets expliquerait donc en partie le mauvais « retour géographique des investissements en R&D français ».

Pour remédier à ces effets pervers, la mission, souhaitant que la réalisation des innovations industrielles bénéficie plus largement à la France en termes de création de valeur et d'emplois, propose à la suite des EGI :

- d'une part, d'étendre l'application du taux réduit aux concessions de brevets à des filiales françaises, à la condition que le brevet concédé soit effectivement exploité ;

- d'autre part, d'étudier l'opportunité de l'extension du taux réduit d'imposition aux produits tirés de leur exploitation en propre par les entreprises.

b) Réduire le coût des brevets, en particulier pour les PME

Le coût des brevets constitue l'obstacle majeur à leur acquisition et à leur exploitation en France, en particulier pour les plus petites entreprises. Outre l'incitation fiscale, la mutualisation des coûts grâce à une coopération renforcée au sein de l'Union européenne et la création d'un fonds d'investissement « France brevets » sont des pistes qui ne doivent pas être négligées.

Ainsi, la mission est favorable à la création d'un brevet européen, pour lequel les contraintes de traduction seraient allégées, afin d'en réduire le coût. Aujourd'hui, pour déposer un brevet européen, il faut le faire dans chaque État membre de l'Union dans la langue correspondante, ce qui représente un coût de l'ordre de 20 000 euros, dont 14 000 pour les seuls frais de traduction.

La mise en place d'un brevet européen, dont l'idée remonte aux années 1970, suit une route difficile et encore incertaine à l'heure où est rédigé ce rapport. Il permettrait de déposer le brevet dans l'une des trois langues de travail de l'Office européen des brevets : français, anglais ou allemand, en réduisant fortement les coûts de traduction.

Vingt-cinq des vingt-sept ministres chargés de l'industrie dans l'Union européenne (hors Espagne et Italie) ont proposé le 10 mars dernier le lancement d'une procédure de coopération renforcée en vue de la création du brevet unitaire européen. La Cour de justice de l'Union européenne a toutefois estimé, dans un avis rendu en parallèle, que la juridiction européenne spécifique prévue par le projet n'est pas compatible avec le droit de l'Union européenne.

Par ailleurs, la mission suggère de créer un fonds d'investissement doté de 100 millions d'euros, intitulé « France Brevets », permettant d'acquérir et de valoriser les innovations réalisées par les entreprises ou les organismes de recherche qui le souhaiteraient.

L'objectif est en réalité de réunir en « grappes technologiques », par famille de brevets, les brevets acquis auprès des entreprises ou organismes de recherche volontaires, afin de pouvoir les commercialiser sous forme de licences auprès d'entreprises européennes ou mondiales. En effet, le plus souvent, les brevets n'acquièrent de valeur marchande que lorsqu'ils se combinent avec d'autres innovations. À titre d'exemple, Renault a évoqué le dépôt de deux cents brevets pour la future voiture électrique, comprenant notamment la chimie des électrodes, l'architecture des batteries et des véhicules, l'assemblage des différents éléments du chargeur ou du moteur ou encore le modèle économique. Si les grands groupes industriels sont en mesure de mettre en oeuvre une stratégie de R&D permettant d'engager sur plusieurs fronts des investissements en faveur d'innovations en grappes, ce n'est pas le cas des PME, à moins qu'elles prennent part à de telles stratégies au sein d'un pôle de compétitivité, dont elles seraient membres. La combinaison des innovations au sein du fonds « France Brevets » permettra d'améliorer le potentiel de commercialisation et la rentabilité des brevets déposés par les PME, mais aussi de réduire les coûts de gestion et d'expertise juridique qui seront ainsi mutualisés.

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