TROISIÈME PARTIE - LES VOIES D'UNE COMPÉTITIVITÉ INDUSTRIELLE RETROUVÉE
Même si la France reste le deuxième pays exportateur de produits manufacturés européen et le cinquième exportateur mondial, la part de marché de son industrie dans les exportations mondiales a connu un net recul au cours des quinze dernières années : de 5,8 % en 1995, elle a été ramenée à 3,8 % en 2008 151 ( * ) . Ce phénomène s'explique principalement par la montée en puissance de nouveaux compétiteurs tels que la Chine, mais aussi par la délocalisation d'une partie de la production française dans ces pays à coûts de production peu élevés, le différentiel étant évalué en moyenne à 20 % et pouvant aller jusqu'à 30 % ou 40 % selon les pays et les secteurs concernés.
Parallèlement, on constate une diminution significative de la part des exportations françaises de produits manufacturés par rapport aux exportations allemandes, qui de 2000 à 2008 est passée de 56 % à 37 %. Alors que le solde des échanges de produits industriels n'a pas cessé d'augmenter en Allemagne depuis 1995 pour atteindre un excédent de 274 milliards d'euros en 2008, il devient déficitaire en France, en passant, sur la même période, de + 11 milliards à un solde négatif de 21 milliards.
Principale cause avancée de cette évolution peu favorable de notre balance commerciale industrielle : la perte de compétitivité de l'industrie française .
L'industrie française dispose pourtant d'indéniables atouts qu'il s'agit de renforcer : son dynamisme en matière de recherche et d'innovation notamment, avec le bilan plutôt positif du crédit d'impôt recherche (CIR) et des pôles de compétitivité , ou encore la qualité de sa main d'oeuvre et sa productivité .
La mission a donc exploré plusieurs pistes pour améliorer la compétitivité :
- il convient en premier lieu d'améliorer l'image de l'industrie en France, et de donner aux formations menant aux métiers de l'industrie la place qu'elles méritent dans le système d'éducation ;
- les liens entre le monde de l'entreprise et la recherche doivent se développer et l'innovation doit mieux se diffuser, tout en mettant mieux en valeur les savoir-faire existants ;
- la fiscalité devrait s'orienter davantage en faveur de l'industrie ;
- la France doit apprendre à mieux défendre son industrie dans les marchés publics .
La mission n'a pu trouver un accord dans le débat relatif aux coûts de production et leur impact dans la perte de compétitivité de l'industrie française . Elle n'a pas non plus trouvé de consensus sur la création éventuelle d'une TVA « anti-délocalisations ». En revanche, elle est tombée d'accord sur la nécessité de protéger notre industrie, en utilisant notamment le cadre européen. Le présent rapport se fera l'écho des différentes positions affirmées par les membres de la mission.
I. RÉTABLIR UNE CULTURE INDUSTRIELLE FONDÉE SUR LA FORMATION, LA RECHERCHE ET L'INNOVATION
Plusieurs interlocuteurs rencontrés par la mission ont fait valoir l'atout déterminant que représente l'innovation dans la compétition mondiale. Le responsable du site d'Alstom à Valenciennes l'a fort bien résumé dans la formule « innover pour être compétitif demain » 152 ( * ) .
L'exemple du groupe SEB Comme d'autres chefs d'entreprises, le PDG de SEB, M. Thierry de la Tour d'Artaise, a souligné que « la stratégie de développement de son entreprise est fondée sur l'innovation » , allant même jusqu'à dire qu'elle est une « obsession » , « la seule voie de survie » face à la Chine, et estimant que, sur les produits les plus courants, on ne peut plus se battre sur les coûts, la valeur ajoutée résidant dans les nouveaux produits. Ainsi, il n'est plus possible selon lui de produire les bouilloires et les grille-pains à un coût compétitif en France, leur production devant obligatoirement être délocalisée en Chine pour être rentable. En revanche, la nouvelle friteuse sans huile produite à Is-sur-Tille a permis au groupe SEB d'avoir une longueur technologique d'avance et de la vendre à un prix qui couvre plus que largement les coûts de production en France, tout en permettant de dégager une marge satisfaisante. M. Thierry de la Tour d'Artaise a reconnu, que c'est grâce à cette innovation que le site de Côte-d'Or a pu être sauvé. Ainsi, l'innovation apparait comme la meilleure « arme anti-délocalisations » .
Source : entretien avec M. Thierry de la Tour
d'Artaise, PDG du groupe SEB,
|
Se fondant sur ce constat, de nombreux chefs d'entreprise ont souligné le rôle déterminant du crédit d'impôt recherche , tous demandant que cet avantage fiscal soit préservé et certains réclamant qu'il soit davantage orienté vers l'industrie et les PME.
La mission est plus réservée sur l'efficacité du crédit d'impôt recherche, déplorant que le dispositif actuel ait été parfois détourné de sa finalité. Elle rappelle l'intervention de M. Jean-Lou Blachier (CGPME), qui observait : « Sur le CIR, tout d'abord. Sur le milliard dépensé en 2007, 312 millions sont allés aux banques... qui ne sont pas parmi les premières à soutenir les PME. Nous estimons que le CIR devrait aller davantage vers l'industrie ».
La mission demande d'une part une véritable évaluation du crédit d'impôt recherche et propose d'autre part qu'il soit corrélé à de véritables investissements dans l'innovation.
En revanche, tous sont convenus des progrès à réaliser en France pour mieux accompagner le processus d'innovation depuis la conception jusqu'à la réalisation. Cela suppose d' intensifier encore les échanges entre le monde de l'industrie et la recherche, entre les universités et les entreprises.
En cela, les pôles de compétitivité constituent une excellente réponse , avec un premier bilan plutôt positif. Mais il conviendrait d'y associer davantage les plus petites entreprises.
Enfin, dans le contexte d'une compétition mondiale de plus en plus rude, la France doit veiller à renforcer la protection de ses savoir-faire technologiques et des innovations.
A. RAVIVER L'ESPRIT D'ENTREPRISE ET RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DES FORMATIONS INDUSTRIELLES
1. Améliorer l'image de notre industrie
a) Le constat d'une image dégradée
À une époque où le « tout communication » semble régner sans partage, l'image de notre industrie constitue aujourd'hui une faiblesse importante et récurrente. Le temps de l'industrie « fleuron promotionnel de la France » est révolu. Au contraire, un constat s'impose : notre industrie aujourd'hui n'attire plus. Elle ne parvient plus à donner une image séduisante d'elle-même. C'est pourquoi il est indispensable de revaloriser l'image de notre industrie auprès du public et des consommateurs, mais surtout auprès des jeunes.
Bon nombre de rapports et d'études d'opinion le relèvent : les jeunes ne sont plus attirés par les métiers de l'industrie, à l'exception peut-être du secteur de l'énergie.
L'attractivité des différents secteurs d'activité
* 151 « Diagnostic de l'industrie française », Jean-François Dehecq, Problèmes économiques, 29 septembre 2010.
* 152 Voir compte rendu de la table ronde avec les membres du pôle de compétitivité I-Trans à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC) lors du déplacement de la mission dans le Nord le 9 novembre 2010.