C. RENFORCER LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE
1. Un atout solide pour la compétitivité nationale
a) Le lien entre les dépenses de R&D et la croissance
Le crédit d'impôt recherche (CIR), créé par la loi de finances pour 1983, vise à tirer les conséquences du lien étroit entre les dépenses de recherche et développement (R&D) et la croissance économique à long terme, dans la mesure où les « externalités positives » engendrées par la R&D ne profitent pas seulement à ceux qui la mènent et la financent, mais également aux autres entreprises ainsi qu'à l'ensemble de la société, du fait de la diffusion technologique. Il en résulte que le rendement économique de ces dépenses est incertain du point de vue d'une entreprise. L'investissement privé dans la R&D tend, pour cette raison, à être inférieur à son niveau optimal.
Le président Joël Bourdin, dans son rapport d'information de la délégation du Sénat pour la planification, portant sur les incidences économiques de l'augmentation des dépenses de recherche en Europe 160 ( * ) , a rappelé utilement ces processus.
Parce que les rendements privés de la R&D sont plus faibles que ses rendements sociaux et que les entreprises tendent à sous-investir en R&D puisqu'elles ne peuvent pas capter tous les bénéfices de leurs efforts en matière de R&D, un soutien public des entreprises, tendant à abaisser le coût de ces activités par un outil fiscal adapté, apparaît justifié sur le plan économique. Les mécanismes de marché ne sont, en effet, pas suffisants pour assurer un niveau satisfaisant de financement des activités de R&D.
b) La pertinence d'un outil fiscal de soutien à la R&D
Bien que les dépenses de R&D soient un facteur de croissance essentiel, leur niveau spontané est insuffisant, ce qui est de nature à justifier des mesures fiscales permettant d'encourager les dépenses de recherche et d'innovation dans l'ensemble de l'économie.
Selon le rapport public annuel de la Cour des comptes pour l'année 2007, « malgré les effets d'aubaine inévitables, on admet généralement que la dépense fiscale, et singulièrement le crédit d'impôt recherche, permet d'atteindre les objectifs poursuivis dans des conditions satisfaisantes dès lors que ce sont les entreprises elles-mêmes qui déterminent le montant de l'aide fiscale selon un dispositif leur faisant supporter la part essentielle des dépenses de recherche ».
La mission attire toutefois l'attention sur le fait que quel que soit l'efficacité de l'outil fiscal, il n'est jamais une fin en soi, ni suffisant en lui-même : la localisation des activités de recherche des entreprises résulte, en effet, de plusieurs facteurs. Elle peut ainsi dépendre de différentes logiques, à l'image, par exemple, de la localisation des compétences recherchées (nombre et qualité des chercheurs dans une spécialité donnée, « écosystèmes », etc.) ou, encore, du marché dans lequel l'entreprise souhaite se développer.
En outre, dans une économie mondialisée au sein de laquelle de nouveaux « grands marchés » se développent, il est vain d'espérer capter ou conserver l'ensemble de la R&D de grands groupes, même français. En revanche, il est tout à fait approprié de recourir à l'outil fiscal pour maximiser l'intérêt de l'investissement sur le territoire national. Dans un contexte de concurrence croissante pour la localisation des centres de recherche (celle-ci n'étant plus automatiquement liée à la nationalité de ces groupes), les territoires doivent être en effet de plus en plus attractifs pour la R&D.
Après avoir dressé un bilan positif du crédit d'impôt recherche lors de son audition par la mission, M. Luc Rousseau, directeur de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a ainsi précisé que le CIR a notamment permis d'accroître notre attractivité, par exemple à l'égard des investissements étrangers en France dans les activités de recherche.
À cet égard, dans son rapport d'information sur le bilan du CIR 161 ( * ) , notre ancien collègue Christian Gaudin relève que de nombreux pays ont mis en place avantageusement des mécanismes de soutien aux dépenses privées de R&D.
Au cours de la dernière décennie, ces mécanismes se sont généralisés dans les États membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), les pays qui disposaient déjà de telles aides les ayant, de surcroît, souvent renforcées.
Le graphique suivant, élaboré par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) à partir de données de l'OCDE, illustre cette évolution.
Comparaison internationale du traitement fiscal de la
R&D :
avantage fiscal pour un dollar de dépenses de R&D
(*)
(*) Lecture : les avantages fiscaux sont calculés comme étant égaux à 1 moins un indice qui se définit comme la valeur actuelle du revenu avant impôt nécessaire pour financer le coût initial de l'investissement en R&D et acquitter l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Les valeurs positives désignent une subvention, les valeurs négatives indiquant une charge fiscale, lorsque les dépenses ne peuvent pas être déduites la même année.
Sources : OCDE, MESR, rapport d'information du Sénat n° 493 de M. Christian Gaudin
Ce graphique présente en la simplifiant une situation que rendent plus complexe les différences, parfois profondes, existant entre ces dispositifs, notamment en termes d'assiette. Nonobstant cette réserve, la mission relève que le rapport Gaudin tire un bilan globalement positif de la mesure : « les réformes successives du crédit d'impôt recherche ont fait de la France l'un des pays les plus en pointe au sein de l'OCDE en matière de soutien aux dépenses de R&D ».
Le tableau ci-après, élaboré lui-aussi par le MESR à partir des renseignements collectés par l'OCDE, en rend compte en résumant les dispositions en vigueur au sein de certains pays industriels, notamment en comparant leur assiette par rapport au manuel de Frascati 162 ( * ) .
Comparaison d'une sélection de dispositifs de
crédits d'impôt
en faveur de la R&D
(*)
(*) Dans certains pays, le dispositif fiscal est une déduction des charges majorée. Ainsi, au Royaume-Uni, une entreprise peut déduire de son revenu imposable 130 % (175 % pour les PME) de ses dépenses de R&D.
Sources : OCDE, MESR
* 160 Rapport d'information n° 391 (2003-2004).
* 161 « Le crédit d'impôt recherche à l'heure du bilan de la réforme de 2008 : des débuts encourageants, un rapport coût-efficacité perfectible », rapport d'information n° 493 (2009-2010).
* 162 Ce manuel, publié par l'OCDE, est une référence méthodologique internationale pour les études statistiques des activités de R&D.