b) Quelles sanctions en cas d'espionnage industriel ?
• Les entreprises disposent de plusieurs outils juridiques pour sanctionner l'espionnage industriel 178 ( * ) . Ainsi :
- le contrat de travail peut contenir une clause de confidentialité ou de non-concurrence . En tout état de cause, le salarié est tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur, qui peut faire jouer ces clauses en cas de besoin ;
- l'entreprise peut également invoquer l'abus de confiance , défini comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé » 179 ( * ) et puni de trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende ;
- la Cour de cassation reconnaît la notion de vol d'informations , qui demeure toutefois difficile d'application ;
- la loi du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique, dite loi Godfrain, punit les intrusions dans les systèmes informatiques , mais ne s'applique pas d'une manière générale à la transmission d'informations ;
- l'article 411-6 du code pénal sanctionne le fait de livrer ou de rendre accessibles à une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger des informations, notamment sous forme informatisée, dont l'exploitation pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation , ces derniers comprenant notamment (article 410-1 du même code) les « éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique » ;
L'évolution des technologies de l'information pourrait exiger une évolution de la législation afin de prendre en compte les nouveaux modes de partage de l'information : ainsi, la duplication d'un fichier informatique sur une clé USB ne correspond pas à un « vol » au sens traditionnel puisque le fichier d'origine demeure en la possession de son propriétaire. Dans quelle mesure la législation existante est-elle applicable ?
Une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 13 janvier 2011 par M. Bernard Carayon, député, et plusieurs de ses collègues 180 ( * ) , propose d'assimiler au délit d'abus de confiance l'« atteinte au secret d'une information à caractère économique protégée ». Les informations à caractère économique protégé y sont définies comme « les informations ne constituant pas des connaissances générales librement accessibles par le public, ayant, directement ou indirectement, une valeur économique pour l'entreprise, et pour la protection desquelles leur détenteur légitime a mis en oeuvre des mesures substantielles conformes aux lois et usages, en vue de les tenir secrètes ».
• Avant de sanctionner, il faut découvrir la transmission d'information. Pour mémoire, la surveillance des salariés est possible si le moyen soit proportionnel au but poursuivi. M. Thomas du Manoir de Juaye indique ainsi qu' « il sera par exemple plus volontiers admis qu'une entreprise écoute des commerciaux en contact avec la clientèle - comme c'est d'ailleurs souvent le cas dans les centres d'appels - plutôt qu'une secrétaire ». Le salarié doit en être informé au préalable et le comité d'entreprise doit donner un avis ; enfin, les règles de la loi Informatique et libertés s'appliquent si les informations obtenues sont stockées dans des fichiers.
• Les sanctions (trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende pour l'abus de confiance, quinze ans de détention criminelle et 225 000 euros d'amende pour la livraison d'informations de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation) sont en France comparables à celles qui sont appliquées dans les autres pays d'Europe occidentale 181 ( * ) , mais très inférieures aux usages pratiqués en Europe de l'Est et aux États-Unis, où elles peuvent atteindre jusqu'à dix ans d'emprisonnement pour un individu ayant transmis un secret d'affaires ( Economic Espionage Act ).
* 178 Voir notamment Thomas du Manoir de Juaye, entretien avec le quotidien Les Echos, 7 janvier 2011.
* 179 Code pénal, article L. 314-1.
* 180 Proposition de loi n° 3103 du député Bernard Carayon et plusieurs de ses collègues, déposée le 13 janvier 2011.
* 181 M. Thomas du Manoir de Juaye, entretien précité.