2. Le recentrage sur les mineurs délinquants

Au regard des missions de la PJJ à La Réunion, les enjeux recouvrent ceux de cette administration à l'échelle nationale : tirer les conséquences du recentrage de son action sur les mineurs délinquants .

a) La réorientation de l'action de la PJJ

Depuis 2009, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ) privilégie la prise en charge des mineurs délinquants . Cette orientation correspond à la décision du comité de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 11 juin 2008, consistant à concentrer la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) sur l'intervention au pénal.

Les prises en charge au civil étaient d'ores et déjà marginales en 2010, en dehors des investigations qui restent de la compétence de l'Etat. Ce recentrage doit donc désormais essentiellement se traduire par une évolution qualitative des méthodes de prise en charge des mineurs délinquants .

La PJJ n'a certes plus pour vocation de prendre en charge la protection des jeunes majeurs et des mineurs en danger, mais elle reste garante de la concertation entre les nombreuses institutions et les acteurs intervenant à ces titres. Ainsi, en 2011, elle poursuit la mise en oeuvre des deux principaux axes de son PSN en vue de garantir cette coordination et la qualité du parcours de tous les mineurs sous main de justice :

1. Garantir à l'autorité judiciaire, directement ou par le SAH, une aide à la décision tant en matière civile que pénale . En 2011, une profonde réforme de l'investigation est ainsi en cours. La mesure judiciaire d'investigation éducative doit en effet remplacer l'enquête sociale et l'investigation d'orientation éducative, afin d'offrir aux magistrats une réponse plus rapide et mieux adaptée à la situation du mineur.

2. Renforcer l'intervention en direction des jeunes confiés au pénal en leur assurant une prise en charge de qualité sans délai.

A La Réunion, les services de la PJJ poursuivent cette politique avec d'autant plus d'efficacité qu'ils l'avaient anticipée : avant même que la décision du recentrage sur les mineurs délinquants n'ait été prise, 93 % des prises en charge relevaient déjà de cette catégorie.

Il faut souligner certaines spécificités réunionnaises ayant un impact sur l'accomplissement des missions de la PJJ. Tout d'abord, la plupart des « passages à l'acte » 46 ( * ) de la part des jeunes se font sous influence médicamenteuse (artane, rivotril...). Ce public est d'ailleurs souvent composé de polytoxicomanes (prise de zamal 47 ( * ) en plus des médicaments), difficiles à encadrer notamment lorsqu'ils sont « en crise ». En outre, une proportion significative des jeunes pris en charge par la PJJ souffre d'illettrisme (environ 35 % selon les personnels sur place). Enfin, l'insularité de La Réunion peut se révéler handicapante, dans la mesure où elle empêche le « dépaysement » des jeunes dans un autre département et hors de portée de certaines influences qui pourraient être néfastes à leur réinsertion. Un tel « dépaysement » ne parait d'ailleurs pas être préconisé par les éducateurs de la PJJ, qui y voient le risque d'un délitement de la culture créole encore très prégnante chez les jeunes et facteur d'apaisement.

L'un des motifs de surprise de votre rapporteur spécial réside dans le faible taux d'occupation des structures dédiées à la PJJ . Ainsi, le centre éducatif fermé (CEF) n'accueillait, en avril 2011, que six mineurs pour une capacité théorique de douze, soit un taux de 50 %. Ce taux est très inférieur à la performance réalisée au niveau national, déjà perfectible, qui se situe à un niveau de 72 % 48 ( * ) . Il en résulte un coût de revient très important de cette structure : 1 200 euros par jour et par jeune (contre 625 euros en 2010 au niveau national) 49 ( * ) . De même, le centre éducatif renforcé (CER) ne comptait, à la même période, que deux jeunes pour une capacité théorique de huit, soit un taux très faible de 25 %. A l'échelle nationale, ce taux s'élève à 87 % 50 ( * ) .

Ce faible taux d'occupation s'explique notamment par un défaut de suivi de ces établissements par la PJJ au cours des dernières années, d'autant plus préjudiciable que certaines dérives ont récemment été constatées au sein de ces structures . D'une part, le CEF 51 ( * ) a fait l'objet d'un signalement de maltraitance en novembre 2009, ayant débouché sur une procédure judiciaire et une enquête administrative. Le projet éducatif y a finalement été revu. D'autre part, le CER souffrait de mauvaises conditions d'accueil et de projets pédagogiques insuffisants. La PJJ souhaite le voir évoluer vers le niveau standard de ce type de centre. Selon Christiane Tetu-Wolff, directrice territoriale, « on est en pleine révolution. Les gens n'arrivent pas à évoluer vers la qualité de prise en charge et d'accueil ».

Face à cette situation, votre rapporteur spécial rappelle la nécessité pour la PJJ d'assurer un suivi et un contrôle efficaces de ces structures. Il estime en outre nécessaire une meilleure optimisation des crédits consacrés à ces centres, en particulier via un taux d'occupation plus conforme à la moyenne nationale. Sur ce dernier point, des solutions de complémentarité pourraient être utilement mises à profit entre La Réunion et Mayotte ( cf. infra ) .

b) La rareté des familles d'accueil

Une autre des difficultés à surmonter à La Réunion consiste en la rareté des familles d'accueil sur lesquelles la PJJ peut compter.

Actuellement, la PJJ ne peut s'appuyer que sur un nombre insuffisant de familles (entre trois et huit, selon Christiane Tetu-Wolff, directrice territoriale) alors qu' il en faudrait au moins douze .

Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce déficit. Tout d'abord, le premier « passage à l'acte » décourage souvent les familles volontaires de poursuivre l'expérience. En outre, leur indemnisation (31 euros par jour et par jeune) peut paraitre insuffisante, ne créant pas d'effet incitatif. Enfin, cette indemnisation peut parfois être payée avec retard.

Dans ce contexte, on ne peut pas s'étonner que les rares familles d'accueil à La Réunion souffrent d'un certain manque de professionnalisation .

Pour sortir de cette pratique encore trop artisanale, Christiane Tetu-Wolff, directrice territoriale, a exprimé son souhait de pouvoir travailler sur un réseau d'accueil actuellement piloté par le conseil général , où les familles sont par en revanche beaucoup plus professionnalisées.


* 46 Incident important, éventuellement marqué par des faits de violence.

* 47 Le zamal est l'appellation locale du cannabis.

* 48 Rapport annuel de performances de la mission «Justice » annexé au projet de loi de règlement pour 2010.

* 49 Idem.

* 50 Idem.

* 51 Relevant du SAH, via l'association aide et protection de l'enfance et de la jeunesse (AAPEJ).

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