(1) La Cour des comptes prend en compte des allégements reposant sur une autre assiette que le travail

Tout d'abord, comme cela apparaît clairement à la lecture du tableau de la page 69 , le Gouvernement a du système de référence une conception moins « maximaliste » que la Cour des comptes.

En effet, alors que le Gouvernement ne prend en compte que les allégements relatifs aux revenus du travail, la Cour des comptes considère que la moindre imposition ou l'exonération de CSG ou de CRDS d'autres revenus (prestations sociales, revenus du patrimoine) et l'absence de cotisations des employeurs publics augmentent les niches de 12,4 milliards d'euros.

La norme de référence est nécessairement en partie conventionnelle. Cependant, il ne semble pas y avoir de raison de retenir une assiette aussi restreinte que le fait le Gouvernement.

(2) Le Gouvernement retient une hypothèse de taux d'imposition délibérément faible

La deuxième cause essentielle de l'écart des estimations est le taux d'imposition appliqué aux réductions d'assiette.

Ainsi, la Cour des comptes retient un taux global de 45,88 %, contre 30,69 % pour le Gouvernement.

Cet écart de taux est paradoxal, si l'on considère que le champ pris en compte par le Gouvernement (ensemble des régimes obligatoires de base) est plus large que celui retenu par la Cour des comptes (régime général uniquement).

La décomposition des taux retenus par la Cour des comptes et le Gouvernement est indiquée ci-avant dans le tableau de la page 69 .

L'écart entre ces deux hypothèses provient en quasi-totalité 41 ( * ) du fait que la Cour des comptes et le Gouvernement retiennent, dans le cas des cotisations de sécurité sociale, un taux de respectivement 37,88 % et 22,93 %, correspondant aux taux sous plafond et au-delà du plafond.

Le taux de 22,93 % retenu par le Gouvernement pour les cotisations de sécurité sociale (et donc son taux global de 30,69 %) paraît trop faible.

Certes, celui-ci justifie son parti pris en indiquant : « Ce choix de taux de cotisations est justifié par le fait que les avantages consentis s'ajoutent aux rémunérations ordinaires et ont donc tendance à déplacer le total de la rémunération vers ou au-delà du plafond de la sécurité sociale, limite au-delà de laquelle les taux du régime général décroissent. En outre, l'application d'un taux minoré permet de tenir compte des ajustements que les entreprises ne manqueraient pas d'opérer sur leur politique de rémunération pour s'adapter à la hausse des prélèvements sociaux ».

Cependant, le plafond est élevé (en 2009, il correspondait à un salaire de 2 859 euros par mois), et, dans le cas de la sécurité sociale, concerne la seule assurance vieillesse. Par ailleurs, selon la Cour des comptes, dans ce dernier cas « avec les données de 2009, le taux de cotisations apparent serait alors d'un peu plus de 34 %, et non de 37,88 % » 42 ( * ) . L'argument selon lequel le coût des niches sociales devrait être calculé en prenant pour référence le taux d'imposition au-delà du plafond ne paraît donc guère pertinent.

Le véritable argument du Gouvernement est en réalité le second, selon quoi il faudrait retenir un taux volontairement faible, afin de prendre en compte le fait que les entreprises modifieraient leur comportement salarial en cas de suppression des niches. Cependant, cet argument est également contestable en l'espèce. En effet, s'il pourrait effectivement être utile de compléter les estimations à comportements inchangés par des chiffrages prenant en compte les modifications de comportements, ceux-ci, compte tenu de leur caractère plus subjectif, ne peuvent constituer le chiffrage « de base ». Par ailleurs, dans le cas des niches fiscales de l'Etat, les chiffrages sont effectués, comme dans les autres pays, à comportements inchangés. Il ne saurait être question d'évaluer d'un côté les dépenses fiscales à comportements inchangés, et de l'autre les niches sociales en prenant en compte les changements supposés de comportement, faute de quoi toute comparaison serait impossible.

Dans un souci d'exhaustivité, le taux global de 45,88 % retenu par la Cour des comptes devrait en outre être porté à 68,39 % pour prendre en compte l'ensemble des administrations de sécurité sociale, comme le montre le tableau ci-après.

Le taux d'imposition global des salaires

(en %)

2009

A. Cotisations sociales sous plafond

37,88

A'. Cotisations sociales au-delà du plafond

22,93**

B. Contributions sociales (CSG et CRDS) : taux de 8 % appliqué à 97 % de l'assiette

7,76

C. Autres cotisations et contributions*

22,75

dont assurance chômage

6,4**

dont régimes complémentaires de retraites

10**

Total A+B+C (avec taux des cotisations sous plafond)

68,39

* Comprenant l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraites, mais aussi notamment l'apprentissage, la formation continue ou les transports publics en agglomération.

Source : Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2010, sauf (**) Gouvernement, réponse au questionnaire adressé par la commission des finances

En effet, le taux global de 45,88 % retenu par la Cour des comptes est la somme du taux de 37,88 % des cotisations sous plafond pour la seule sécurité sociale, et du taux de 8 % de la CSG et de la CRDS (la Cour des comptes ne prenant en effet pas en compte le fait que ces deux taxes ne s'appliquent qu'à 97 % de l'assiette).

Il convient cependant de rajouter 22,75 points d'imposition supplémentaires, correspondant aux autres administrations de sécurité sociale. Le taux d'imposition est de plus de 10 % pour les régimes complémentaires de retraite et 6,4 % pour l'assurance chômage. Il faut y adjoindre d'autres « petites » contributions (AGFF 43 ( * ) , « 1 % logement », taxe d'apprentissage, formation professionnelle), qui permettent d'atteindre le taux de 22,75 %.

Certes, le champ de l'annexe 5 des projets de loi de financement de la sécurité sociale est fixé par l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, qui prévoit explicitement qu'il se limite aux régimes obligatoires de base. Par ailleurs, il est logique que le périmètre couvert par cette annexe soit le même que celui des lois de financement de la sécurité sociale.

Cependant, il convient de compléter l'information du Parlement, soit au sein de l'annexe 5, soit en annexe au projet de loi de finances, de manière à prendre en compte les niches au niveau de l'ensemble des administrations de sécurité sociale.


* 41 L'autre cause d'écart est que la Cour des comptes applique la CSG et la CRDS à 100 % du salaire, et non 97 %.

* 42 Source : Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de septembre 2010.

* 43 Association pour la gestion des fonds de financement de l'Agirc et l'Arrco.

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