ANNEXE IX

CONTRIBUTION DU GROUPE CRC-SPG

Je tenais tout d'abord à saluer le travail sénatorial qui a été effectué par le groupe de suivi du SNIT. Comme le rappelle justement le rapport, ce travail s'est réalisé dans un climat d'écoute mutuelle permettant la formulation de propositions qui doivent guider toutes réflexions sur des infrastructures de transports tournées vers l'intérêt général.

Dans un souci d'équité territoriale, il s'agit de garantir l'égal accès à la mobilité, cela par une politique volontariste d'aménagement équilibré, garantissant un désenclavement et un maillage fin du territoire national dans son ensemble. Ce souci a été partagé par tous les membres du groupe de suivi, c'est pourquoi nous avons voté en faveur de ce rapport.

Le projet de schéma national des infrastructures de transport (SNIT), document de planification, se veut être « un changement drastique de stratégie, une rupture majeure en ce qu'il privilégie résolument le développement des modes de transport alternatifs à la route ».

C'est un exercice difficile certes, mais nécessaire tant sont fortes les interactions entre les infrastructures de transports, l'attractivité des territoires, leur développement économique et social et l'urbanisme.

On peut dès lors se réjouir de l'existence de ce document, et souligner positivement l'accent mis sur le développement des transports collectifs urbains et interurbains ainsi que l'évaluation des effets sur l'environnement même si les outils restent à préciser, c'est l'objet de la proposition numéro 10.

Toutefois l'avant projet de schéma national des infrastructures de transport laisse en suspens de nombreuses interrogations et comporte de réelles insuffisances du point de vue de la méthode retenue, de la hiérarchisation des projets, et de l'évaluation financières des besoins présents et à venir.

1. Méthode

Cet avant projet consolidé se présente comme un outil révolutionnaire puisque le mot rupture est évoqué plusieurs fois. Il est clair, qu'il ne peut y avoir qu'un consensus devant cette volonté d'« optimiser le système de transport existant », d'« améliorer les performances », de « réduire l'empreinte environnementale ».

Toutefois, cet avant projet met en avant une vision segmentée du territoire et du réseau d'infrastructures nationales. Ainsi, par exemple, dans l'Allier il n'est pas pertinent au vu du transit de marchandises constaté d'envisager des aménagements de la RCEA sans dans le même temps penser à la requalification d'un réseau ferré sur l'axe transversal Est/Ouest de la France.

Plutôt que d'envisager une complémentarité entre les différents modes de transport, ce projet risque de mettre les territoires et les infrastructures en compétition. En effet, les ressources disponibles sont finies et insuffisantes pour tous les projets candidats. Dans cette optique, il n'est pas anodin que dès les premières pages le rapport rappelle que « l'intérêt général ne se réduit pas toujours à la somme des intérêts particuliers ».

Au-delà de l'absence de cohérence horizontale : approche territoriale et multimodale, on peut aussi relever un manque de cohérence verticale. L'absence de connexion et d'articulation entre les schémas régionaux, nationaux et européens donne la sensation d'un schéma « hors sol ». C'est la chaine des déplacements présent et à venir qui doit être au coeur de cet avant projet. A ce titre le groupe CRC-PRG renouvelle sa demande d'une cartographie européenne et des territoires enclavés.

De plus le diagnostic sur la situation actuelle du transport en France est quasiment inexistant : le réseau est-il adapté aux différentes demandes de transport, en qualité ou en quantité? C'est le sens de la proposition n° 1 qui doit être complété par une évaluation des besoins en mobilités comme cela est précisé en page 13.

Enfin le cas de l'A 51 comme souligné dans le rapport illustre clairement les problèmes de méthodologie et de médiation qui ont présidé à l'inscription de certains projets au SNIT.

2. Hiérarchisation des projets

L'avant projet de SNIT fait une double impasse. D'abord, il ne dit rien sur ce qui était envisageable et qui n'a pas été retenu ; ensuite, il ne dit en rien comment seront faits les choix, année après année.

Même s'il a été proposé que l'AFTIT travaille à une hiérarchisation des projets, rien n'est dit sur la méthode surtout lorsque les financements sont si contraints.

En effet, avec des développements aux échéances de 2020 ou 2030 selon les cas, les projets inscrits doivent en théorie répondre à la pertinence d'une grille d'analyse multicritères, or le risque est bel et bien de voir la hiérarchisation des projets ne répondre qu'au classique solde coût/avantage monétarisé avec le taux de rentabilité interne de l'infrastructure.

Si nous partageons la position du rapporteur sur la nécessité d'une hiérarchisation des projets, nous ne pensons pas que la mise en place de deux listes soit des plus pertinentes. 35 ( * ) En effet, nous regrettons que la liste des projets d'aménagement du territoire arrive, dans le rapport, en second rang après celle qui relève de critères économiques, sociaux et environnementaux : elles devraient être placées au même niveau tant le souci de l'aménagement du territoire doit être une composante essentielle de tout document de programmation en matière d'infrastructure de transport.

Il était essentiel pour les sénateurs du groupe CRC-PRG que soit retenue comme critère de hiérarchisation la desserte par la grande vitesse de toutes les capitales régionales. A ce jour plusieurs d'entres elles ne sont toujours pas raccordées au réseau grande vitesse : Limoges, Caen, Clermont-Ferrand, Toulouse. Or, en ce qui concerne Clermont-Ferrand, et d'après le texte du Grenelle repris par le gouvernement, les projets sont hiérarchisés dans le temps, puisqu'il n'est pas envisagé de réaliser la LGV Paris-Clermont-Orléans avant 2020. Était-il nécessaire d'en rester à ce calendrier ? Pourtant le doublement de la ligne LGV Paris-Lyon est urgent et concerne l'irrigation d'un grand nombre de territoires du Grand Centre et de l'Auvergne jusqu'à présent complètement ignorés par la grande vitesse.

3. L'inscription de tous les projets présents et à venir dans le SNIT : vision globale de l'aménagement du territoire

L'avant-projet recense uniquement les nouvelles opérations, que deviennent les autres, sont-elles abandonnées ou reléguées aux seuls PDMI ? Ce alors même que le rapport précise que « dans le domaine routier, les PDMI et les crédits affectés à l'entretien des routes nationales connaissent une évolution inquiétante alors que les besoins sont croissants. Toute baisse dans les crédits d'entretien d'un réseau d'infrastructure de transport est non seulement inutile, puisque les travaux devront tôt ou tard être réalisés, mais contre-productive, car leur coût est alors plus élevé. » (Page 14)

Les opérations inscrites au sein des Contrats de projets, des PDMI, des CIADT, ou déclarées d'utilité publique, pas plus que celles présentes au sein des 7 directives territoriales d'Aménagement (DTA), devenues DTADD, qui ont valeur prescriptive, ne sont mentionnées dans le document. Il serait opportun que toutes apparaissent dans ce schéma.

Si tel n'est pas le cas, les projets sur un territoire risquent de manquer de cohérence et de lisibilité voire de rester inachevés. Ainsi par exemple la réalisation de l'antenne de Vichy - Gannat (A719) est inscrite au SNIT, au titre de l'équité territoriale et du désenclavement. Pourquoi ne pas y trouver la desserte nord et nord-ouest de Vichy, que l'État s'était engagé à financer dans le cadre d'un partage équitable avec les collectivités ?

De même toujours dans une logique d'aménagement du territoire, nous souhaitons voir apparaitre dans le SNIT une référence aux trains d'équilibre du territoire, ainsi qu'aux quatorze routes d'équilibre du territoire déterminées par la DATAR, rien n'étant concrètement prévu pour ces routes.

Enfin, il serait de plus opportun de procéder à l'inscription d'une fiche FER supplémentaire mettant en exergue les besoins ferroviaires spécifiques des zones de montagne ?

4. Sur le ferroviaire

Qu'il s'agisse du trafic de marchandises ou de personnes, il apparaît que le SNIT ne provoquera qu'un faible report modal d'ici 2030, le schéma seul s'avérant incapable de remettre en cause l'hégémonie du transport routier. Comme souligné par le rapport, « l'impact du schéma en tant que tel est équivalent à celui qu'aurait entrainé la réalisation du CIADT de 2003 et il ne permettra donc pas, à lui seul, de bouleverser la répartition modale actuelle pour le trafic de marchandises, la route conservant une part modale de 80 % environ en 2030, avec ou sans schéma » (page 33)

Si les projets routiers sont tous financés et à réaliser à brève échéance, les projets ferroviaires n'ont encore ni financement ni échéance de réalisation.

En ce sens, nous partageons les conclusions du groupe de travail, incitant le gouvernement à présenter «un schéma des besoins de rénovation des réseaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts».

Pour le réseau ferroviaire, les futures LGV représentent ainsi près de 70 % des sommes engagées pour le ferroviaire or leur rentabilité est loin d'être démontrée c'est pourquoi le schéma doit plus insister sur la régénération de l'existant (proposition n° 8)

Toutefois, dans ce cadre une attention particulière doit être apportée à la fiche FER 4 « Fonder la politique de maintenance sur un modèle adapté aux différents types d'usage du réseau ferroviaire », car elle est porteuse d'un véritable risque de remise en cause de l'unicité du réseau ferroviaire.

L'adaptation de la maintenance en fonction des moyens financiers et des niveaux de trafics fait courir le risque d'un système ferroviaire à deux vitesses, avec d'un côté des lignes à grande vitesse performantes et toujours plus nombreuses et de l'autre côté un réseau de proximité ayant vocation à assurer les transports quotidiens souffrant de nombreux dysfonctionnements. C'est pourquoi il est impératif que les problématiques liées au transport régional de voyageurs soient plus intégrées dans le schéma national des infrastructures. Cela est une illustration de la nécessité d'une vision globale des infrastructures et des chaines de déplacements .

La priorité donnée au ferroviaire ne doit pas s'inscrire dans une seule logique de métropolisation du territoire national. Il est essentiel que la promotion du rail au niveau national n'entraine pas localement, la fermeture de certaines lignes et l'abandon d'infrastructures.

Sur le transport de marchandises, les orientations du Grenelle de l'environnement traduites dans le SNIT ne modifient pas la demande au cours des 20 prochaines années.

Selon l'Autorité Environnementale le scénario proposé par le SNIT en comparaison avec le scénario dit au fil de l'eau, le SNIT n'entrainerait qu'une baisse de 3 % du trafic routier, une hausse de 9 % du trafic ferroviaire et une quasi-stabilité des voies navigables. Cela n'est pas suffisant !

Dans le même temps, la part modale du ferroviaire poursuit son recul. La taxe sur les poids lourds se fait toujours attendre, malgré la récente évolution de la directive « euro-vignette », et fait d'ores et déjà l'objet de pressions pour être utilisée en faveur des infrastructures routières, alors qu'elle devait être dédiée aux modes alternatifs à la route.

Sans parler de l'autorisation des camions à 44 tonnes et la volonté d'expérimenter ceux de 25,25 mètres de long pour 60 tonnes et ce alors même que l'Observatoire Energie, Environnement Transport a rendu un avis argumenté défavorable.

Le groupe de suivi souhaite l'introduction d'une annexe rappelant l'articulation entre, d'une part, le volet ferroviaire du SNIT et, d'autre part, l'engagement national pour le fret ferroviaire présenté par le Gouvernement le 16 septembre 2009 (ENFF) et le contrat de performance signé entre l'État et RFF le 3 novembre 2008. Cet engagement reprenant le plan Fret SNCF limité aux autoroutes ferroviaires, au transit, délaissant le lotissement et l'aménagement du territoire, engendre un report modal conséquent du rail vers la route estimé à 1 million de camions. C'est pourquoi si nous partageons cette proposition, nous pensons que dans le même temps il est impératif que l'activité wagon isolé voire que le fret ferroviaire soit reconnu d'intérêt général et que dans le cadre du SNIT une carte plus ambitieuse d'un réseau orienté FRET incluant le fret de proximité soit proposée.

Nous l'avons souligné à maintes reprises, le report modal n'est crédible qu'accompagné d'une étude des coûts externes du transport routier qui doit absolument être prévue dans cet avant-projet. En ce sens le groupe de suivi demande également une nouvelle évaluation des externalités négatives générées par le transport routier de marchandises tant au niveau français qu'européen, si nous partageons cette demande, nous souhaitons qu'en plus des nuisances sonores et des émissions de CO 2 , les points de congestion, les sites accidentogènes et la dégradation des routes soient pris en compte dans le calcul de ces externalités.

En effet votre rapport précise pourtant « il est d'ailleurs à craindre que la généralisation progressive de la circulation des poids lourds de 44 tonnes aggrave fortement le mauvais état de certaines routes. » « En définitive, l'augmentation des coûts d'entretien due à la généralisation des 44 tonnes pourrait atteindre 2 % pour les chaussées à fort trafic, et environ 4 % pour les chaussées à faible trafic, avec sans doute des disparités importantes suivant les types de trafic et la nature des chaussées. » (pages 15 et 16)

5. Les financements

Si certaines précisions ont été apportées par la version consolidée, les engagements et fléchages financiers restent flous. Le SNIT n'ayant pas de valeur prescriptive, quelle garantie peut-il apporter pour l'avenir ?

Sur les 260 milliards d'Euros minimum que représente le schéma dans son ensemble, 32.2 % seraient à la charge de l'État, 37.2 % à la charge des collectivités locales.

Comment ne pas voir que les collectivités locales sont désormais en plein désarroi financier ?

L'effort demandé aux collectivités territoriales est plus important que celui de l'État, or le maillage du territoire doit faire l'objet d'une réelle contribution de l'État assurant l'équité sur l'ensemble du territoire. De l'État, mais aussi des entreprises à qui bénéficient un réseau de transport performant. La suppression de la TP a rompu le lien entre les entreprises et les territoires, il est important de remédier à ce non sens et de faire participer les entreprises à cet effort national.

De même les insuffisances de RFF sont pointées en effet la situation financière du système ferroviaire, déjà bien précaire, pourrait encore se dégrader. Selon le rapport Mariton, la dette de la SNCF pourrait tripler en euros constants à 17,5 milliards et celle de RFF passer de 29,9 à 34,6 milliards, voire 43,3 milliards, en 2025. Quant à la contribution financière de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) au vu de ses dépenses annuelles actuelles, il lui faudrait... 130 ans pour financer les projets du SNIT, a fait remarquer Hervé Mariton.

Pour des motifs de sécurité et de désenclavement et de réduction de la congestion le schéma prévoit quelques tronçons de routes supplémentaires. Toutefois, là encore les informations sur le financement sont floues. Ainsi, les réalisations prévues sont estimées à 8,4 milliards d'euros sur la période 2010-2025 dont environs 5 milliards au titre de la congestion, un peu moins de 3 milliards au titre de la sécurité et 1 milliard et demi au titre de l'équité territoriale. Or aucun plan de financement spécifique pour la réalisation de ces investissements n'est mentionnée.

Lors de son audition Dominique Perben nous a rappelé que « les ressources pérennes affectées à l'Agence - provenant de la redevance domaniale, de la taxe d'aménagement du territoire, des amendes liées aux radars routiers - demeurent, on le sait, insuffisantes ».

Dès lors nous réitérons notre demande sur les pistes de financements envisageables ou envisagées (Taxe carbone, fin des concessions autoroutières, extension du versement transport, mise en oeuvre d'emprunts à taux réduit ou encore mobilisation de l'épargne populaire) et sur le rôle de l'AFITF ?

Comme le souligne votre rapport sur les 30 projets actuels du RTE-T, 8 concernent donc directement la France et bénéficient donc de financements européens. Compte tenu de la place centrale de la France dans les réseaux européens il serait opportun que les parlementaires soient mieux informés sur les financements européens, voire qu'ils soient associés à la prise de décisions européennes en matière d'infrastructures de transport. Il y a de ce point de vue une véritable opacité, ainsi le Cour des comptes européenne souligne dans son rapport de 2010 36 ( * ) que « l a définition des projets prioritaires, principal mécanisme de coordination et de concentration des ressources financières de l'UE, n'a pas, jusqu'à présent, été fondée sur une analyse du trafic réel et prévu; en outre, les axes concernes ne coïncident pas toujours exactement aux principaux axes ferroviaires transeuropéens tels qu'ils ont été définis ».

Le groupe de suivi du SNIT a formulé des propositions concrètes qui dépassent les clivages partisans et vont dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'intérêt collectif. Nous demandons au gouvernement de combler les lacunes de ce Schéma.


* 35 Une listes des projets « en fonction de leur bilan économique, social et environnemental pour le pays » et l'autre « qui réponde à une logique d'aménagement du territoire, avec une lecture raisonnable des critères du Grenelle pour augmenter les capacités routières quand il n'y a pas d'alternative de transport pertinente ».

* 36 Amélioration de la performance des transports sur les Axes ferroviaires transeuropéens : les investissements de l'UE en matière d'infrastructures ferroviaires ont-ils été efficaces? Rapport de la Cour des comptes européenne 2010 p. 6.

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