III. LES LIMITES QUI DEMEURENT DANS L'AVANT-PROJET CONSOLIDÉ

Malgré les avancées incontestables de l'avant-projet consolidé qui viennent d'être évoquées, trois sujets méritent, aux yeux du groupe de suivi, d'être approfondis par le Gouvernement avant l'adoption du schéma en conseil des ministres :

- le développement portuaire et l'interconnexion ferroviaire et fluviale avec leur hinterland qui manquent d'ambition européenne ;

- l'aménagement et la modernisation des routes nationales existantes, insuffisamment pris en compte ;

- enfin, l'évaluation environnementale du SNIT qui comporte de nombreuses limites.

A. LE DÉVELOPPEMENT PORTUAIRE ET L'INTERCONNEXION AVEC LE RÉSEAU FERROVIAIRE ET FLUVIAL DOIVENT S'INSCRIRE DANS UNE DIMENSION EUROPÉENNE

1. Le contenu de l'avant-projet consolidé

L'avant-projet consolidé dresse la liste des principaux projets de développement portuaires, dont le montant total s'élève à 2,8 milliards d'euros.

PROJETS DE DÉVELOPPEMENT PORTUAIRE

Projet proposé

Coût en M€ HT

(A) Grand Port maritime de Dunkerque : création de nouveaux terminaux

650

(B) Grand Port maritime du Havre : création d'un nouveau terminal, prolongement du grand canal du Havre jusqu'au canal de Tancarville et aménagement d'un terminal multimodal

700

(C) Port de Rouen : amélioration des accès maritimes

185

(D) Création d'une nouvelle plateforme trimodale à Achères

200

(E) Grand Port maritime de Nantes Saint-Nazaire : création de nouveaux terminaux

270

(F) Grand Port maritime de Fos - Marseille : projets Fos 2XL et 3XL

400

(G) La Rochelle - Modernisation de l'outil portuaire

32

(H) Bordeaux - Modernisation de l'outil portuaire

38

(I) Strasbourg - Extension de la plateforme multimodale de Lauterbourg

30

Amélioration des dessertes ferroviaires et/ou fluviale pour l'ensemble des ports

300

TOTAL

2805

Source : avant-projet consolidé du SNIT, page 34.

2. Les propositions du groupe de suivi

Au préalable, votre groupe de suivi ne peut que faire sienne les préconisations du groupe de travail du Sénat sur l'avenir du fret ferroviaire, sans toutefois anticiper sur les conclusions du groupe de travail « réforme portuaire » présidé par notre collègue Charles Revet, dont les travaux seront publiés début juillet.

Votre groupe de suivi constate que les dépenses de développement portuaire sont modestes car elles représentent moins de 2 % de l'enveloppe globale consacrée aux nouvelles infrastructures dans le SNIT . Certes, le renouveau des ports français ne se limite pas à l'accroissement des capacités portuaires. La question de la fiabilité est en effet première, d'où la loi portant réforme portuaire du 4 juillet 2008 visant notamment à assurer une chaîne de commandement unique dans la manutention. Toutefois, les montants consacrés aux ports pour les trois prochaines décennies sont faibles, lorsqu'on les compare aux 3 milliards d'euros investis par le port de Rotterdam dans le projet Maasvlakte II, ou au projet Port 2000 au Havre, qui a coûté 1 milliard d'euros. Les dépenses liées aux projets fluviaux sont importantes, compte tenu de la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dont le coût dépasse 4 milliards d'euros. Mais il est regrettable que le Conseil de coordination interportuaire réunissant les ports du Havre, de Rouen et de Paris n'englobe pas dans son champ de compétences, le canal, dont la mise en service est prévue pour 2015. Il convient en effet d'inciter au plus vite les ports français à mettre en valeur cette nouvelle infrastructure pour regagner des parts de marché, faute de quoi les ports du Nord de l'Europe, et notamment Anvers, conforteront définitivement leur hégémonie sur le marché français.

De manière générale, la dimension européenne n'est pas suffisamment mise en avant dans le schéma. L'Autorité environnementale du CGEDD, dans son avis du 22 septembre 2010, rappelait avec raison qu'un « schéma national d'infrastructures de transport ne peut être conçu que dans un cadre international et en particulier européen, les enjeux de transport ne s'arrêtant pas aux frontières nationales » 17 ( * ) . De même, le CNDDGE estime qu' « il manque la nécessaire articulation du SNIT avec les projets européens (Livre Blanc, RTE-T...). La logique du SNIT doit également constituer la base d'orientations portées par la France dans les discussions européennes de finalisation de ces projets » 18 ( * ) . Il est vrai que l'annexe V de l'avant-projet consolidé du SNIT, relatif aux projets de développement et aux flux européens, est pour le moins sommaire. Il est simplement fait mention par des flèches des grands corridors de transport de voyageurs et de marchandises, suite au rapport de la DATAR de juin 2003 « La France en Europe - Quelle ambition pour la politique des transports ». L'avant-projet consolidé ne se penche pas suffisamment sur le projet de réseau de transports européen de transport RTE-T, actuellement en cours de négociation. La révision de cette politique fournira l'occasion d'harmoniser les cartes des différents corridors de l'UE. La Commission européenne proposera les lignes directrices sur les RTE-T au cours de l'été 2011. Mais il semble acquis que le réseau central sera défini à partir des ports et reposera principalement sur le ferroviaire et le fluvial. Ainsi, les interconnexions port/fer devront être renforcées et constitueront une condition sine qua non pour que les ports soient inscrits dans le réseau central. Il est regrettable que l'élaboration du SNIT n'ait pas permis au Gouvernement de négocier certains projets européens concernant les ports français , compte tenu de la place centrale de la France dans les réseaux européens.

LE RÉSEAU TRANS-EUROPÉEN DE TRANSPORT (RTE-T)
ET LES PROJETS QUI CONCERNENT LA FRANCE

Le Réseau Trans-Européen de Transport (RTE-T) est destiné à réaliser l'interconnexion nécessaire entre les sous-systèmes nationaux, qui restent la structure portante du trafic. Ses objectifs sont de permettre la circulation des marchandises et des personnes et de renforcer la cohésion économique et sociale et territoriale au sein de l'Union européenne.

Au début des années 1990, divers Conseils européens ont adopté les premiers schémas, qui concernaient des lignes ferroviaires à grande vitesse, du transport combiné, des autoroutes et des voies navigables. Par la suite, en 1994 , le Conseil européen d'Essen a donné une impulsion particulière pour quatorze grands projets participant à ces schémas, dont pour la France :

- la ligne à grande vitesse Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres très largement réalisée ;

- la ligne à grande vitesse Sud-Europe (Madrid-Barcelone-Perpignan-Montpellier et Madrid-Vitoria-Dax), dont le tunnel Perpignan-Figueras est aujourd'hui achevé ;

- la ligne à grande vitesse Est-Europe (Paris-Metz-Strasbourg-Karlsruhe, Metz-Saarbrücken-Mannhein et Metz-Luxembourg), très largement réalisée pour la partie française ;

- la ligne à grande vitesse et de transport combiné Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste, actuellement en cours d'étude.

Le Parlement et le Conseil ont adopté le 30 avril 2004 , une décision révisant les orientations de 1996 pour le développement du RTE-T. Figurent désormais dans la décision trente projets prioritaires complétant les quatorze projets initiaux, désormais établis sur la base de l'Union à 27 et déclarés d'intérêt européen pour une réalisation à l'horizon de 2020.

Aux quatre projets français mentionnés précédemment ont été ajoutés :

- la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône dont un premier tronçon est en cours de réalisation ;

- la liaison fluviale Seine-Nord actuellement en cours d'études ;

- les autoroutes de la mer Atlantique et Méditerranée ;

- et la perspective d'une troisième traversée ferroviaire des Pyrénées.

Sur les 30 projets actuels du RTE-T, 8 concernent donc directement la France et bénéficient donc de financements européens .

Le groupe de suivi demande également une nouvelle évaluation des externalités négatives générées par le transport routier de marchandises tant au niveau français qu'européen. A cet égard, il se félicite de constater que la proposition de résolution européenne du Sénat sur la proposition de directive établissant un espace ferroviaire unique européen a relayé cette demande. Ceci dit, cette proposition de résolution entend confier à la Commission européenne le soin de réaliser cette étude, alors que votre rapporteur souhaite qu'elle soit diligentée dans les meilleurs délais par un organisme extérieur et impartial.


* 17 Cf . l'avis délibéré de l'Autorité environnementale sur l'avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 8.

* 18 Op. cit, p. 2.

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