B. L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LA MODERNISATION DES ROUTES NATIONALES EXISTANTES SONT INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE PAR LE SNIT

1. Le contenu de l'avant-projet consolidé

Au préalable, il convient de rappeler que l'article 10 de la loi dite Grenelle I a posé comme principe que l'augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion , des problèmes de sécurité ou des besoins d'intérêt local . Par conséquent, les projets routiers ne sont plus la priorité des investissements nationaux.

De fait, les projets de développement routier représentent 13 milliards d'euros, soit moins de 8 % de l'enveloppe consacrée au développement des réseaux (166 milliards d'euros). Si l'on intègre les investissements de modernisation, de régénération et les accroissements des charges d'entretien et d'exploitation, le secteur routier accapare environ 15 % de l'enveloppe globale du SNIT.

2. Les propositions du groupe de suivi

Votre groupe de suivi souhaite que le Gouvernement présente une liste de projets hiérarchisés qui répondent essentiellement à une logique d'aménagement du territoire. Il souscrit donc à l'analyse de notre collègue député Hervé Mariton, qui regrette que la dimension liée à l'amélioration de la compétitivité économique ne soit pas davantage développée dans le schéma 19 ( * ) . Mais il souhaite y adjoindre une autre approche, celle de l'aménagement du territoire, qui parfois entraîne des coûts supplémentaires pour la collectivité. Ces surcoûts éventuels doivent être identifiés, pour que la représentation nationale puisse en débattre, sur le modèle du compte d'affectation spéciale récemment instauré pour garantir la pérennité des trains d'équilibre du territoire, comme les Corail, aujourd'hui lourdement déficitaires.

En outre, votre groupe de suivi demande au Gouvernement d'adopter une interprétation plus raisonnable des critères de l'article 10 de la loi dite Grenelle I . Il est en effet nécessaire que l'impact du SNIT soit décliné territoire par territoire, afin d'éviter de laisser des zones à l'écart du développement national. Cette préoccupation, exprimée par la majorité des sénateurs lors du débat en séance publique le 15 février dernier, est également partagée par le CNDDGE dans son avis du 29 avril 2011 précité 20 ( * ) .

En conséquence, il estime indispensable que les tracés de LGV retenus par le Gouvernement permettent la desserte des capitales régionales françaises . Il est anormal que des capitales régionales telles que Caen, Limoges, Clermont-Ferrand ou encore Toulouse ne soient pas aujourd'hui intégrées dans le réseau des lignes à grande vitesse. Le projet de LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, en particulier, pourrait à terme permettre d'amener le TGV dans les métropoles du centre.

Votre groupe de travail considère également que les critères du Grenelle ne doivent pas conduire à bloquer toute amélioration des capacités routières lorsqu'aucune solution alternative pertinente, notamment ferroviaire, n'est envisageable.

Il constate en effet que les bilans sociaux-économiques des différents projets inscrits dans le SNIT ne sont pour l'instant que des approximations, mais qu'ils permettent de mettre en évidence le bilan positif des projets routiers. En outre, la mise en oeuvre de quelques projets routiers répondant à une logique d'aménagement du territoire ne remettrait pas en cause l'impact global du schéma, ni son équilibre financier. C'est pourquoi votre groupe de travail souhaite certains assouplissements de la part du Gouvernement au sujet des capacités routières.

ESTIMATION DE L'IMPACT SOCIO-ÉCONOMIQUE DE CERTAINS PROJETS INSCRITS AU SNIT SELON LE RAPPORT D'ÉVALUATION GLOBALE DU MINISTÈRE

S'agissant des infrastructures ferroviaires à réaliser avant 2020, le rapport entre le bénéfice net et le coût d'investissement est estimé, selon le ministère 21 ( * ) , à environ 0,2. Autrement dit, une fois neutralisés les investissements initiaux, les coûts de fonctionnement et les coûts induits, un investissement ferroviaire de cinq milliards d'euros engendre, sur la durée d'amortissement d'un projet (généralement cinquante ans) un bénéfice net d'un milliard d'euro. Mais il existe une grande disparité entre les projets ferroviaires : un tiers des projets présente un bénéfice actualisé à peine équilibré, voire susceptible d'être négatif, ainsi qu'un bilan CO 2 mitigé . À l'inverse, les projets routiers connaissent un ratio bénéfice actualisé/investissement de l'ordre de 4 à 5. Ainsi, un investissement d'un milliard d'euros dans un projet routier peut engendrer un bénéfice net de cinq milliards d'euros.

Très concrètement, le groupe de suivi demande au Gouvernement d'engager, dès la prochaine loi de finances, des crédits d'études pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier mentionnés dans la nouvelle fiche ROU 6 « Renforcer l'accessibilité des territoires dont les populations souffrent d'enclavement » 22 ( * ) :

- la RN 20 en Ariège ;

- la RN 88 entre le Puy et l'A 75 ;

- la RN 12 entre Dreux et Fougères ;

- la RN 21 entre Limoges et Tarbes ;

- la RN 164 en Bretagne ;

- la RN 122 dans le Cantal et le Lot ;

- la RN 102 en Ardèche et Haute-Loire ;

- la RN 116 dans les Pyrénées orientales ;

- l'accès à Digne-les-Bains par la RN 85 ;

- la RN 1 et la RN 2 en Guyane.

Le ministère précise que les actions à mettre en oeuvre pour aménager ces axes pourront « conduire éventuellement à une mise à 2x2 voies complète à terme de certains itinéraires routiers, en passant toutefois par des phases d'aménagement intermédiaire, moins ambitieuses ».

Votre rapporteur, suite au déplacement qu'il a effectué dans le Lot-et-Garonne et dans le Gers les 7 et 8 décembre derniers, estime que des aménagements urgents et d'envergure sont nécessaires sur la RN 21 . Les représentants de l'association EURO 21, qui plaident pour la mise en concession de cet axe sous forme de 2 fois 2 voies, doivent obtenir des réponses précises à leurs propositions. Il n'est en effet pas acceptable de parcourir la distance entre Auch et Mirande, sans pouvoir effectuer des dépassements en sécurité faute de créneaux prévus à cet effet. Les nombreux accidents que déplorent les autorités publiques dans le Gers, comme le montre l'annexe III du rapport, exigent des mesures rapides pour rassurer la population et les élus locaux.

Votre rapporteur s'est également rendu à Gap le 15 décembre pour étudier le dossier de l'A 51 et il a acquis la conviction que le chainon manquant autoroutier devait être réalisé (voir annexe II).

L'A 51, LE CHAINON MANQUANT

L'A 51 est un projet d'autoroute reliant Grenoble à Marseille dont le tronçon central, de part et d'autre de Gap, reste encore à réaliser. Après de multiples rebondissements et contrairement à des engagements pris précédemment 23 ( * ) , ce projet n'est finalement pas retenu par l'avant-projet de SNIT. Les revirements de l'État ont été nombreux au cours des vingt-cinq dernières années et un simple examen de la carte met en évidence l'incohérence de la situation actuelle , qui voit une autoroute s'interrompre 80 kilomètres au nord de Gap pour reprendre quelques kilomètres au sud de cette ville.

Afin de mieux comprendre les enjeux de ce dossier, votre rapporteur, après avoir rencontré les représentants du ministère, s'est rendu sur le terrain le 15 décembre dernier. Il y a constaté que l'axe actuel de la RN 85 entre Grenoble et Gap, l'un des plus dangereux de France 24 ( * ) , est à plusieurs endroits très difficiles à parcourir, ce qui impose une vitesse de circulation réduite. Or une amélioration significative par des travaux classiques de rectification de virages ou de mise en double voie ne paraît pas toujours possible à mettre en oeuvre en raison d'un relief très tourmenté.

Votre rapporteur constate que la plupart des acteurs de ce dossier se prononce en faveur de l'achèvement du chainon manquant. La majorité des intervenants rencontrés au cours d'une table ronde réunissant de nombreux élus locaux, représentants de l'administration déconcentrée et acteurs économiques et associatifs, plaident pour l'achèvement de l'axe autoroutier Grenoble - Gap - Aix-en-Provence. En outre, il a pu constater, parmi les personnes présentes, un accord général pour le tracé Est , passant par Gap, par opposition à un tracé ouest plus court qui ne desservirait pas le chef-lieu du département. Le groupe de suivi a également reçu de nombreuses contributions écrites provenant de plusieurs personnalités, et tout particulièrement de M. Pierre Bernard-Reymond, sénateur et ancien maire de Gap. Votre rapporteur constate également l'engagement de personnalités nationales en faveur de ce projet, dont les présidents des deux assemblées du Parlement.

Il considère que l'application des principes du Grenelle , auquel il est très attaché en tant que co-rapporteur de la loi « Grenelle II » au Sénat, ne doit pas conduire à ignorer les situations locales . Il rappelle que, selon les termes même de l'article 10 du projet de loi Grenelle I, « les projets permettant d'achever les grands itinéraires autoroutiers largement engagés seront menés à bonne fin dans les meilleurs délais et dans le respect de normes environnementales conformes au développement durable ». La réalisation de cet axe est une nécessité pour la sécurité et présente un intérêt évident d' équité territoriale et d' aménagement du territoire pour le Sud-Isère et le département des Hautes-Alpes. Votre rapporteur y voit également, dans une perspective plus large, un impératif stratégique pour soulager l'axe rhodanien, actuellement très chargé, et offrir une alternative en cas de rupture, un jour, de cet axe essentiel à l'économie française.

Votre rapporteur a donc acquis la conviction qu'il est nécessaire d'achever cet axe et de clore enfin le feuilleton de l'A 51.


* 19 Cf . le rapport d'information n° 3450 de M. Hervé Mariton précité, p. 6.

* 20 Cf . « Il faudrait prévoir des études d'impact, des indicateurs de performance, et des études de suivi des objectifs du SNIT sur les dimensions économiques, sociales et environnementales, et cela par territoire ».

* 21 Cf . le rapport d'évaluation globale de l'avant-projet consolidé de Schéma national des infrastructures de transport, pp. 26-27.

* 22 Cf . l'avant-projet consolidé de SNIT, op. cit , p. 118.

* 23 Voir en annexe une présentation plus complète du projet de l'A 51.

* 24 D'après des données communiquées par le ministère, 40 personnes ont été tuées et 89 gravement blessées de 2005 à 2009 sur l'axe de la RN85, sur un tronçon de 107,5 kilomètres de part et d'autre de Gap. L'accident le plus grave est celui d'un car en juillet 2007, dans la rampe de Laffrey, au bas de laquelle votre rapporteur a pu constater la présence d'un virage particulièrement délicat.

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