C. L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DU SNIT COMPORTE DE NOMBREUSES LIMITES

1. La nécessité de réaliser une évaluation environnementale du SNIT

En application de la directive 2001/42/CE du Parlement et du Conseil du 27 juin 2001, dite « directive plans et programmes », tout programme ou plan doit être soumis à une évaluation environnementale.

Cette évaluation doit ensuite être examinée par une autorité indépendante afin que l'administration ne soit pas juge et partie dans un même dossier. En France, c'est la formation de l'autorité environnementale (AE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), qui est chargée de donner un avis sur les évaluations environnementales réalisées par le ministère.

L'Autorité environnementale avait en amont fourni un cadrage préalable au Gouvernement le 25 juin 2009. Puis elle a rendu un avis délibéré le 22 septembre 2010 sur la base de l'avant projet initial de SNIT et de son évaluation environnementale. Suite à cet avis, l'avant-projet consolidé a été expurgé des parties qui traitaient de l'évaluation environnementale et un rapport d'évaluation globale de l'avant-projet consolidé du SNIT a été rendu public début 2011, qui fournit un éclairage sur la dimension économique du schéma.

Certaines des préconisations de l'AE ont été entendues et notamment :

- le scénario de référence utilisé pour les comparaisons et le suivi du SNIT a été explicité: il s'agit du CIADT de 2003, et plus secondairement d'un scénario « au fil de l'eau » qui prolonge les évolutions actuelles ;

- l'examen des objectifs liés au Grenelle de l'environnement est renforcé.

Toutefois, toutes les observations de l'AE n'ont pas été pleinement reprises dans le rapport d'évaluation globale, comme nous le verrons plus loin.

2. La réalisation du SNIT entrainera à long terme une rupture environnementale

Votre groupe de suivi constate que le SNIT a un impact positif sur les trois dimensions, économique, sociale et environnementale, du développement durable . Le schéma n'entraîne aucun effet pervers, quel que soit le domaine étudié, comme le montre l'annexe I du présent rapport. S'agissant de l'impact environnemental, le schéma aura une influence bénéfique sur les émissions de CO 2 , sur la pollution locale de l'air, sur la qualité des sols et sur le report modal. Ces effets sont également positifs en matière d'emploi, de sécurité routière et d'accessibilité ainsi que d'économies d'énergie.

Ceci dit, l'impact du schéma en tant que tel est équivalent à celui qu'aurait entrainé la réalisation du CIADT de 2003 et il ne permettra donc pas, à lui seul, de bouleverser la répartition modale actuelle pour le trafic de marchandises, la route conservant une part modale de 80 % environ en 2030, avec ou sans schéma. Qu'il s'agisse du trafic de marchandises ou de personnes, il apparaît que le SNIT provoquera un faible report modal d'ici 2030, le schéma seul s'avérant incapable de remettre en cause l'hégémonie du transport routier.

S'agissant du trafic de marchandises, la route représente une part modale de 82 % en 2002. Sans intervention des pouvoirs publics, cette part se maintiendrait au même niveau en 2030. Le SNIT devrait l'abaisser à 80 %, contre 81 % pour le CIADT. En 2030, la part du ferroviaire s'établirait à 18 % avec le SNIT, et 17 % sans le SNIT ou avec le CIADT. Quant au trafic fluvial, sa part de 1 % en 2002 resterait stable en 2030, avec ou sans SNIT. Les autoroutes maritimes atteindraient 1 % de part de marché en 2030. En définitive, la part du non routier (trafics ferroviaire, fluvial et maritime) passerait de 15 % en 2002 à 20 % avec le SNIT en 2030, et 19 % avec le CIADT. Autrement dit, le SNIT à lui seul ne permettra pas d'atteindre l'objectif fixé par le Grenelle de l'environnement, à savoir porter la part du fret non routier à 25 % d'ici 2022.

PRINCIPAUX RÉSULTATS SUR LES TRAFICS DE MARCHANDISES

Mode

Parts modales 2002

Parts modales 2030 Référence

Parts modales 2030 SNIT

Parts modales 2030 CIADT

Route

85 %

82 %

80 %

81 %

Fer

14 %

17 %

18 %

17 %

Voies navigables 25 ( * )

1 %

1 %

1 %

1 %

Autoroutes maritimes

0 %

0 %

1 %

1 %

Non routier

15 %

18 %

20 %

19 %

TOTAL

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : rapport d'évaluation globale de l'avant-projet consolidé de SNIT, p. 14.

S'agissant du trafic de voyageurs à longue distance, là encore le rééquilibrage modal existe, mais demeure en deçà du souhaitable. Dans le schéma SNIT, la route aurait une part de 64,5 % (contre 66 % avec ou sans le CIADT), tandis que le fer atteindrait 30,5 % (contre 27,5 % pour le scénario de référence et 29 % pour le CIADT).

PRINCIPAUX RÉSULTATS SUR LES TRAFICS DE VOYAGEURS À LONGUE DISTANCE

Mode

Parts modales 2002

Parts modales 2030 Référence

Parts modales 2030 SNIT

Parts modales 2030 CIADT

Route

68 %

66 %

64,5 %

66 %

Circulation VP

-

-

-

-

Fer

27 %

27,5 %

30,5 %

29 %

Air

5 %

6,5 %

5 %

5 %

TOTAL

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : rapport d'évaluation globale de l'avant-projet consolidé de SNIT, p. 15.

Votre groupe de travail constate en outre que la contribution du schéma à la lutte contre le changement climatique sera modeste. Le rapport d'évaluation globale indique que les projets de développement des réseaux nationaux prévus par le SNIT permettront à la France d'économiser entre 2 et 3 millions de tonnes de CO 2 par an, soit 100 à 150 millions de tonnes de CO 2 pour les 50 années à venir, contre 50 à 100 millions de tonnes pour le CIADT 26 ( * ) . Le SNIT permettrait donc d'économiser, sur une période d'un demi-siècle, l'équivalent d'une année d'émission de dioxyde de carbone dans le secteur des transports (environ 130 millions de tonnes en 2009).

Compte tenu de ce double constat, la rupture environnementale n'aura lieu que si des politiques publiques volontaristes, modifiant en profondeur le comportement des usagers, accompagnent la réalisation du schéma . Il convient de rappeler que des économies substantielles de CO 2 auront lieu dans le secteur du bâtiment. Quant au secteur des transports, la France doit s'inspirer des ambitieuses politiques menées notamment en Suisse ou en Allemagne à l'égard des poids lourds. De plus de grands espoirs sont placés dans l'éco-conduite, la fiscalité (la TIPP, la taxe carbone et les péages urbains) ou encore les subventions aux modes alternatifs à la route, notamment en faveur des transports en commun en site propre (TCSP). Surtout, il est essentiel que l'État encourage les évolutions technologiques pour développer les voitures propres. En effet, le progrès technologique devrait permettre d'abaisser les émissions de CO 2 de 23 millions de tonnes en 2030 par rapport au scénario au « fil de l'eau », alors que dans le même temps les nouvelles infrastructures du SNIT ne permettront d'économiser que 2 à 3 millions de tonnes par an. Autrement dit, créer de nouvelles infrastructures de transport est pratiquement 10 fois moins efficace pour réduire les émissions de CO 2 que le progrès technologique concernant les véhicules propres 27 ( * ) . En définitive, les efforts visant à améliorer les infrastructures de transport n'induiront une forte dynamique sur les changements de comportements des usagers que si le Gouvernement mène des politiques publiques ambitieuses en parallèle. Il est d'autant plus urgent d'agir que l'Agence internationale de l'énergie a annoncé, lundi 30 mai, que les émissions mondiales de CO 2 avaient atteint un niveau très élevé en 2010. Les émissions annuelles de CO 2 ne devaient pas dépasser les 32 gigatonnes en 2020. Or, selon les dernières estimations, ces rejets ont d'ores et déjà atteint 30,6 gigatonnes l'année dernière.


* 25 Le modèle MODEV ne peut prendre en compte les générateurs de trafic, et donc les transports modaux, de façon aussi fine que les études des grands projets de voies navigables.

* 26 Cf . le rapport d'évaluation globale de l'avant-projet consolidé de Schéma national des infrastructures de transport, p. 18.

* 27 Cf. idem, p. 20.

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