4. Selon le CEPII, un facteur important de la compétitivité des firmes allemandes

Ainsi que le confirme une étude spécialement réalisée pour le présent rapport par le CEPII, l'intensité de l'externalisation de ses productions par l'Allemagne est un élément-clef de sa compétitivité.

Une étude d'Erkel-Rousse et Sylvander avait déjà estimé que sur un écart de croissance des exportations françaises et allemandes de 4 points en moyenne annuelle entre 2000 et 2005, le supplément d'externalisation observé en Allemagne expliquerait entre 45 % (1,9 point) et 76 % (3,2 points) de cet écart.

Cette conclusion est confirmée par l'étude du CEPII . Utilisant une méthode d'analyse à un niveau très fin du commerce international, elle confirme d'abord l'existence d'une divergence entre les firmes allemandes et françaises.

Entre 1987 et 2007, la France n'a pas augmenté la part des importations des produits retournant dans le processus de production quand un tel processus est intervenu en Allemagne.

Part des différentes catégories de biens
dans les importations françaises (1987-2007)

Source : Sénat d'après les données BACI-CEPII

Part des différentes catégories de biens
dans les importations allemandes (1987-2007)

Source : Sénat d'après les données BACI-CEPII

Les importations de biens intermédiaires des deux pays proviennent principalement des pays développés et l'intégration des systèmes productifs de l'Allemagne et de la France est forte puisque l'Allemagne est le premier fournisseur de la France tandis que celle-ci est le premier fournisseur de l'Allemagne. Toutefois, il existe des écarts significatifs :

si l'Allemagne fournit près de 20 % des biens intermédiaires importés par la France, cette proportion est deux fois moindre pour les biens importés de France par l'Allemagne ;

on peut relever également l'importance relative plus forte des importations allemandes de biens intermédiaires en provenance des PECO (République Tchèque et Pologne notamment) ;

enfin, la progression des importations de biens intermédiaires des pays à bas coûts de production est plus forte pour l'Allemagne que pour la France.

Quoiqu'il en soit, les tests réalisés montrent que le fractionnement des chaînes de production - qu'il soit appréhendé restrictivement 42 ( * ) ou plus largement 43 ( * ) - a un effet positif sur la compétitivité des firmes allemandes mais est sans effet notable pour les firmes françaises (excepté, marginalement, celles correspondant à la définition étroite).

Pour l' Allemagne , dans les deux cas, l'impact est positif sur la compétitivité des entreprises. Pour la France , seules les importations intrabranches ont un effet mais elles doivent pour cela être assez massives.

La mise en place de la division internationale du travail par les entreprises allemandes leur donnerait, au niveau microéconomique, des avantages compétitifs supérieurs à ce qu'ils sont en France.

Fragmentation des chaînes de production et déploiement des entreprises, une comparaison France-Allemagne

Par ailleurs, l'étude du CEPII explore le lien existant entre la fragmentation de la chaîne de valeur et la présence des firmes en dehors du territoire national.

Le déploiement géographique des groupes multinationaux français et allemands est analogue. On relève la prégnance des pays développés.

Distribution géographique des activités à l'étranger
(pourcentage entre parenthèses)

Allemagne

France

Groupe de revenu

Faible revenu

Revenu moyen

Haut revenu

Faible revenu

Revenu moyen

Haut revenu

Nombre de maisons-mères

39

(0,914)

1263

(29,606)

2964

(69,480)

79

(7,035)

412

(36,687)

632

(56,278)

Chiffre d'affaire à l'étranger (million €)

2

(0,097)

269

(16,012)

1410

(83,929)

8

(1,068)

142

(18,959)

599

(79,973)

Effectifs étranger (100)

217

(0,622)

12223

(35,047)

22436

(64,331)

565

(1,952)

10979

(37,932)

17400

(60,116)

Nombre de filiales étrangères

77

(0,451)

3702

(21,661)

13312

(77,889)

367

(2,288)

4360

(27,185)

11311

(70,526)

Source : Sénat d'après les données BACI-CEPII

Ils représentent 83,9 % et 79,9 % des ventes des filiales étrangères des groupes allemands et français respectivement. Toutefois, les effectifs mobilisés dans ces pays sont relativement plus faibles (64,3 ; 60,1 %) mais restent majoritaires.

Ces données suggèrent que l'internationalisation des entreprises des deux pays est principalement motivée par des facteurs ne relevant pas d'un objectif d'optimisation des coûts mais de conquête des marchés .

Il reste cependant des différences importantes entre les deux pays .

La différence est d'abord sectorielle : les entreprises allemandes du secteur manufacturier réalisent près de la moitié des ventes à l'étranger, tandis que, pour l'échantillon français 44 ( * ) , les services occupent une place largement prééminente avec 80 % des ventes.

Par ailleurs, il existe une forte corrélation entre l'intensité des importations de biens intermédiaires et l'extension internationale des firmes qu'elle soit appréhendée par leur présence à l'étranger ou par le nombre de leurs filiales. En bref, il existe une probabilité plus forte de disposer de filiales à l'étranger à mesure qu'augmente l'intensité des biens intermédiaires importés par une entreprise.

Le déploiement du capital allemand à l'étranger serait globalement plus favorable (moins défavorable ?) aux exportateurs allemands que pour la France.

Une partie plus substantielle des IDE allemands correspondrait à des investissements nationaux s'intégrant dans les plans de production des entreprises allemandes. Ces IDE feraient profiter l'Allemagne de gains de compétitivité supérieurs à ce qu'ils seraient pour les entreprises françaises privilégiant l'investissement horizontal et capturant la totalité des gains associés aux IDE.

Par ailleurs, le nombre de filiales étrangères (marge extensive) augmente avec l'intensité du fractionnement des chaînes de valeur dans le cas allemand et, ce, particulièrement dans les pays d'origine des importations de biens intermédiaires. Cette corrélation ne semble pas exister pour la France, le nombre des filiales à l'étranger paraissant indépendant des conditions de fractionnement des chaînes de production des firmes françaises.

Peut-être ce résultat vient-il de ce que les multinationales françaises ont structurellement beaucoup plus de filiales à l'étranger que les allemandes, le ratio du nombre de filiales par entreprise multinationale étant de 21 pour la France et de 5,1 seulement pour l'Allemagne.

Toutefois ces données qui établissent des corrélations fortes entre la présence des multinationales à l'étranger et l'intensité du fractionnement de la production ne peuvent fonder une corrélation entre celle-ci et les chiffres d'affaires des filiales à l'étranger.

En effet, le chiffre d'affaires des filiales étrangères n'est pas relié à l'intensité du fractionnement des chaînes de valeur.

Toutefois, il semble que les conditions d'internationalisation des firmes françaises soient plus indépendantes de la structure géographique des importations de biens intermédiaires que pour les entreprises allemandes.

Autrement dit, il y a pour les firmes germaniques une forme de complémentarité entre l'origine de leurs importations et leur déploiement à l'étranger qu'on ne vérifie pas pour les entreprises françaises.


* 42 Par rapprochement des consommations intermédiaires de produits de la branche par la branche en question.

* 43 En tenant compte de l'ensemble des consommations intermédiaires importées par une branche.

* 44 Le recours à un échantillon - par ailleurs beaucoup plus étroit que pour l'Allemagne - peut biaiser ces résultats.

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