Rapport d'information n° 664 (2010-2011) de M. Yves POZZO di BORGO , fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 22 juin 2011

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N° 664

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) et de la commission des affaires européennes (2) sur les relations entre l' Union européenne et la Russie ,

Par M. Yves POZZO di BORGO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Bel, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di  Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

(2) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes  Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Mme Roselle Cros, M. Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

INTRODUCTION

«L'Europe doit respirer avec ses deux poumons :
celui de l'Est et celui de l'Ouest »

Jean-Paul II

Mesdames, Messieurs,

A la demande du Président Hubert Haenel, j'avais présenté, il y a quatre ans, au nom de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, un rapport d'information sur les relations entre l'Union européenne et la Russie 1 ( * ) , qui était paru quelques jours avant l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, en mai 2007.

A l'époque, les relations entre l'Union européenne et la Russie étaient marquées par de fortes tensions, avec notamment la vive opposition de Moscou au projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque, à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, ou encore en raison des crises du gaz.

Ainsi, le lancement des négociations sur un nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie, qui doit succéder à l'actuel accord de partenariat et de coopération, signé en 1994 et entré en vigueur en 1997 pour une période initiale de dix ans, était durablement bloqué, notamment en raison du veto de la Pologne, puis de la Lituanie.

La situation en matière de démocratie et de droits de l'homme en Russie était également une importante source de préoccupation.

Malgré ce contexte difficile, il me semblait indispensable de renforcer les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Depuis l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, la Russie représente pour l'Union européenne, son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur de gaz et de pétrole. De son côté, l'Union européenne constitue le premier partenaire commercial de la Russie et son principal débouché pour ses hydrocarbures. En réalité, il existe une interdépendance entre l'Union européenne et la Russie.

De plus, si l'Union européenne veut jouer un rôle accru sur la scène internationale et faire entendre sa voix dans la mondialisation, face aux Etats-Unis ou aux puissances émergentes, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, elle se doit d'établir un dialogue étroit avec la Russie.

Par ailleurs, je crois que la plupart des malentendus s'expliquent par le fait que de nombreux responsables occidentaux continuent de regarder la Russie avec des lunettes datant de la guerre froide, alors que celle-ci s'est achevée depuis plus de vingt ans avec la disparition du bloc soviétique et de l'URSS.

Je plaidais donc, dans mon rapport, en faveur d'un renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie et de la mise en place d'un véritable partenariat stratégique.

Depuis quatre ans, le contexte international a beaucoup changé.

Les relations entre la Russie et les Etats-Unis se sont nettement améliorées depuis l'élection du Président Barack Obama, de même que la coopération entre l'OTAN et la Russie. Dans le même temps, on a assisté à la poursuite de la montée en puissance de la Chine et des autres pays émergents, comme le Brésil ou l'Inde.

Or, si les deux partenaires ont connu des évolutions, notamment avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et l'élection de Dimitri Medvedev à la présidence de la Russie, la place de l'Europe et de la Russie semble s'être relativisée par rapport à l'Asie ou aux autres grands ensembles.

La crise économique mondiale, la chute brutale du prix des hydrocarbures et la découverte du gaz de schiste ont révélé les fragilités de l'économie russe, qui reste encore fortement dépendante du pétrole et du gaz.

Les négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie ont été lancées en juin 2008, mais semblent piétiner depuis. Ainsi, le dernier Sommet Union européenne-Russie, qui s'est tenu les 9 et 10 juin à Nijni-Novgorod, n'a pas permis de réaliser de grandes avancées.

J'ai donc pensé utile de « réactualiser » mon rapport afin de dresser un nouvel état des lieux des relations entre l'Union européenne et la Russie.

Compte tenu du rôle majeur joué par la Russie sur la scène internationale, il m'a semblé opportun que ce rapport soit présenté à la fois devant la commission des Affaires européennes et la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat.

J'ai, en effet, la conviction qu'il est indispensable de renforcer les relations entre l'Union européenne et la Russie de manière à établir un véritable partenariat stratégique fondé sur un espace économique commun, de libre circulation des personnes et de sécurité à l'échelle du continent, comme l'a d'ailleurs souligné le Président de la République à Evian en 2008.

Enfin, je tiens à remercier les nombreuses et diverses personnalités rencontrées à Paris, à Bruxelles, à Genève et à Moscou, pour leur grande disponibilité et leur aide précieuse dans l'élaboration de ce rapport. 2 ( * )

I. UN NOUVEAU CONTEXTE PLUS FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA RUSSIE

Depuis 2007, le contexte des relations entre l'Union européenne et la Russie a beaucoup évolué, tant en raison de facteurs externes que de raisons internes.

A. LES RAISONS INTERNES

Par rapport à 2007, la physionomie de l'Union européenne a été transformée avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, qui a notamment réformé et renforcé les instruments de la politique étrangère de l'Union européenne.

De son côté, la Russie a connu une transition politique inédite, avec l'élection de Dimitri Medvedev à la présidence de la Fédération de Russie en mai 2008 et la désignation de Vladimir Poutine au poste de Premier ministre.

1. Le renforcement des instruments de la politique étrangère de l'Union européenne par le traité de Lisbonne

La politique étrangère est sans doute le domaine où le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1 er décembre 2009, apporte les changements les plus notables.

Ces évolutions ne sont pas sans incidences sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, dans la mesure où, en raison des fortes divisions entre ses Etats membres, l'Union européenne avait du mal à parler d'une seule voix à l'égard de la Russie, qui privilégiait, pour sa part, les relations bilatérales avec les grands Etats membres, comme l'Allemagne ou la France, comme je l'avais souligné dans mon précédent rapport en 2007.

Avec la création d'un président stable du Conseil européen et du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui remplace à la fois le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le Commissaire européen chargé des relations extérieures, le traité de Lisbonne offre à l'Union européenne « une voix et un visage » sur la scène internationale, ce qui devrait permettre de renforcer la cohérence de la politique extérieure de l'Union européenne.

La mise en place du service européen pour l'action extérieure , qui rassemble des fonctionnaires issus des services concernés de la Commission européenne, du Secrétariat général du Conseil et des agents détachés des services diplomatiques nationaux, vise également à renforcer la coordination et l'efficacité de la politique étrangère de l'Union européenne et à favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique commune en rapprochant les points de vues entre les différents Etats membres.

Les modifications institutionnelles apportées par le traité de Lisbonne ont permis des progrès en ce qui concerne les relations de l'Union européenne avec la Russie

Tout d'abord, la création du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique a été une source de clarification concernant les relations avec la Russie.

Auparavant, la compétence concernant les relations avec la Russie était partagée entre le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, le Commissaire européen chargé des relations extérieures, ainsi que les différents commissaires européens compétents.

De même, les différents aspects relatifs aux relations avec la Russie étaient dispersés entre plusieurs services relevant du Secrétariat général du Conseil et les nombreuses directions générales de la Commission européenne, ce qui rendait très difficile une approche cohérente et coordonnée de l'Union européenne.

Dorénavant, c'est le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui, assisté par le service européen pour l'action extérieure, est chargé de coordonner l'ensemble de la politique de l'Union à l'égard de la Russie, y compris au sein de la Commission européenne.

Ainsi, c'est Mme Catherine Ashton et le Service européen pour l'action extérieure qui sont chargés, pour la partie européenne, de piloter les négociations sur le nouvel accord entre l'Union européenne et la Russie, qui devrait remplacer l'actuel accord de partenariat et de coopération.

Ensuite, le traité de Lisbonne a permis de clarifier le partage des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres sur certaines questions sensibles pour les relations avec la Russie, telles que les visas ou en matière de droit de la famille.

Enfin, la présidence stable du Conseil européen a permis de renforcer la préparation et le suivi des Sommets entre l'Union européenne et la Russie.

La Russie est, en effet, le pays tiers avec lequel l'Union européenne dispose du cadre politique le plus dense, avec en particulier deux Sommets Union européenne-Russie par an.

Avant le traité de Lisbonne, l'Union européenne était représentée, lors des Sommets avec la Russie, comme avec les autres pays tiers, par le chef d'Etat ou de gouvernement du pays exerçant la présidence semestrielle du Conseil, le Président de la Commission européenne et le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune.

Or, comme je l'avais souligné dans mon précédent rapport, les priorités changeantes des présidences tournantes de l'Union européenne, leur volonté d'afficher des résultats à tout prix, mais aussi l'insuffisante coordination entre les différentes institutions européennes, aboutissaient souvent à l'absence de véritables impulsions et à des frustrations inutiles.

Aujourd'hui, l'Union européenne est représentée par le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne et le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, sans la présence du pays exerçant la présidence tournante du Conseil.

À l'initiative du Président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont d'ailleurs réunis à Bruxelles, le 16 septembre 2010, pour un Conseil européen extraordinaire consacré aux relations entre l'Union européenne et ses principaux partenaires stratégiques . Rappelons que la Russie avait été reconnue par l'Union européenne comme un « partenaire stratégique » , dans une stratégie commune de juin 1999, mais que cette reconnaissance n'avait pas réellement eu de répercussions pratiques.

L'objectif de ce Conseil européen était d'examiner la manière dont l'Union européenne gère ses relations avec ses principaux partenaires stratégiques que sont la Russie, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Brésil ou le Japon. Il s'agissait, notamment, pour l'Union européenne de mieux définir ses intérêts et ses objectifs et les moyens d'y parvenir.

À la lecture des conclusions adoptées lors de ce Conseil européen, on reste toutefois assez perplexe sur les résultats concrets de ce Sommet concernant les relations entre l'Union européenne et la Russie. Certes, ce Conseil européen a permis de dégager les grands principes qui doivent guider les relations de l'Union européenne avec ses principaux partenaires stratégiques, en particulier, la définition précise des intérêts européens à promouvoir et à défendre, une meilleure articulation entre l'action de l'Union européenne et celle de ses Etats membres, ainsi que la recherche de relations équilibrées fondées sur le principe de réciprocité.

Toutefois, l'accent est principalement mis, dans les conclusions, sur la dimension économique et la libéralisation des échanges.

Surtout, on peut se demander s'il est réellement pertinent de vouloir débattre du partenariat stratégique avec la Russie dans le cadre des relations de l'Union européenne avec l'ensemble de ses autres partenaires.

Or, à mes yeux, le partenariat avec la Russie ne peut être mis sur le même plan , car il se distingue des relations qu'entretient l'Union européenne avec d'autres partenaires, comme la Chine ou le Brésil, ne serait-ce que parce que la Russie est le plus grand voisin de l'Union européenne.

La Russie est d'ailleurs le pays qui a suscité le plus de discussions lors de ce Sommet, comme me l'ont confié le Secrétaire général du service européen pour l'action extérieure, M. Pierre Vimont, ainsi que le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, M. Philippe Etienne, lors de mes entretiens à Bruxelles, ce qui semble confirmer la nécessité d'une approche spécifique des relations avec la Russie.

Extraits des conclusions du Conseil européen extraordinaire du 16 septembre 2010 consacré aux relations entre l'Union européenne et ses partenaires stratégiques

(...)

Un monde en évolution: un défi pour l'UE

1. Dans un monde en évolution rapide, l'Europe est confrontée à de nombreux défis, qui tous appellent une réponse internationale concertée. La récente crise économique et financière a montré de manière frappante à quel point le bien-être, la sécurité et la qualité de vie des Européens dépendent de la conjoncture extérieure. Par ailleurs, l'apparition de nouveaux acteurs, qui ont une vision du monde et des intérêts qui leur sont propres, constitue un nouvel élément important dans l'environnement international.

2. L'Union européenne doit jouer véritablement un rôle sur la scène internationale, en étant prête à assumer sa part de responsabilité dans la sécurité mondiale et à montrer la voie pour trouver des réponses communes à des défis communs. La cohésion interne de l'Union et la vigueur de son économie la rendront mieux à même d'exercer une influence dans le monde. L'Union peut s'appuyer sur son profond attachement au multilatéralisme effectif, en particulier au rôle des Nations unies, aux valeurs universelles et à une économie mondiale ouverte et sur un ensemble d'instruments unique au monde. Elle demeure le plus important bailleur de fonds pour les pays démunis, elle est la première puissance commerciale mondiale et elle a élaboré une politique de sécurité et de défense commune étayée par des outils de gestion des crises, qu'il conviendrait de renforcer encore. Elle joue également un rôle stabilisateur important dans son voisinage. L'Union est parvenue à stabiliser la situation dans les Balkans occidentaux, notamment grâce à la perspective européenne proposée à cette région ; le Conseil européen y reviendra lors d'une prochaine réunion.

3. Conformément au traité de Lisbonne et à la stratégie européenne de sécurité, l'Union européenne et ses États membres agiront de manière plus stratégique afin que l'Europe puisse jouer le rôle qui lui revient sur la scène internationale. Cette dernière doit pour cela pouvoir identifier clairement ses intérêts et objectifs stratégiques à un moment donné et mener une réflexion ciblée sur les moyens de les défendre plus résolument. Le Conseil européen demande que les synergies entre l'Union européenne et le niveau national soient améliorées, conformément aux dispositions des traités, que la coordination entre les acteurs institutionnels soit renforcée, que toutes les politiques et tous les instruments pertinents soient mieux intégrés et que les rencontres au sommet avec les pays tiers soient utilisées plus efficacement, comme indiqué plus en détail à l'annexe I.

4. Les partenariats stratégiques de l'Union européenne avec des acteurs clés dans le monde constituent un instrument utile pour servir les objectifs et les intérêts européens. Mais, pour qu'il en soit ainsi, ces partenariats doivent fonctionner dans les deux sens, sur la base d'intérêts et d'avantages mutuels, étant entendu que tous les acteurs ont des droits mais aussi des devoirs. La pleine participation des économies émergentes au système international devrait permettre d'en répartir les bénéfices de manière équilibrée et d'en partager les responsabilités de manière égale. À cet égard, il est primordial de développer le commerce avec les partenaires stratégiques et de contribuer ainsi à la relance de l'économie et à la création d'emplois. Nous devons prendre des mesures concrètes pour permettre la conclusion d'accords de libre-échange ambitieux, garantir aux entreprises européennes un accès plus large au marché et renforcer la coordination avec nos principaux partenaires commerciaux en matière réglementaire.

(...)

Le Conseil européen du 16 septembre 2010 a néanmoins adopté un ensemble de mesures destinées à améliorer le fonctionnement de la politique extérieure de l'Union européenne , en renforçant notamment la préparation et le suivi des Sommets entre l'Union européenne et les pays tiers, ce qui présente une importance particulière pour les relations avec la Russie.

Mesures internes destinées à améliorer la politique extérieure de l'Union européenne, annexe I aux conclusions du Conseil européen du 16 septembre 2010

a) Dans le cadre de la réflexion qu'il a menée sur des mesures concrètes destinées, de manière générale, à améliorer le fonctionnement de la politique extérieure de l'Union européenne, le Conseil européen appelle de ses voeux une approche plus intégrée, afin que l'ensemble des politiques et instruments pertinents de l'UE et des États membres soient mobilisés pleinement et de manière cohérente, conformément aux dispositions des traités, au service des intérêts stratégiques de l'Union européenne. Lors de la préparation des sommets et des événements internationaux, il faut tenir pleinement compte de l'importance que revêtent des thèmes tels que le changement climatique, la politique énergétique, le commerce, le développement ou les questions liées à la justice et aux affaires intérieures, notamment les migrations et la politique des visas, dans les contacts de l'UE avec ses partenaires et au niveau multilatéral. À cet égard, l'Union européenne devrait davantage renforcer la cohérence et la complémentarité entre sa politique intérieure et sa politique extérieure. La pratique consistant à tenir des débats d'orientation bien avant les sommets devrait être étendue, l'accent devant être mis en particulier sur l'établissement de priorités et d'instructions concrètes.

b) Il convient de renforcer les synergies entre les relations extérieures de l'Union européenne et les relations bilatérales des États membres avec les pays tiers, de manière à ce que, s'il y a lieu, l'action menée au niveau de l'Union européenne complète et renforce celle qui est menée au niveau des États membres et inversement. Le processus d'échange d'informations et de concertation sur les développements intervenus à ces deux niveaux devrait être plus dynamique et plus régulier, sur la base d'un calendrier constamment mis à jour des sommets tenus par l'UE et les États membres avec les principaux partenaires stratégiques.

c) Il est nécessaire d'assurer une coordination étroite et régulière entre l'ensemble des différents acteurs institutionnels participant à la définition et à la mise en oeuvre des relations extérieures de l'Union européenne afin que les représentants de celle-ci puissent défendre des positions cohérentes en ce qui concerne l'ensemble des intérêts et des objectifs stratégiques de l'Union.

d) Des progrès importants ont été accomplis dans la préparation, au niveau de l'Union européenne, des sommets multilatéraux, notamment grâce aux dispositions pratiques sur la représentation de l'UE dans les structures du G8 et du G20 arrêtées par le président du Conseil européen et le président de la Commission, qui sont invités à poursuivre leurs travaux visant à améliorer la manière dont l'Union européenne présente ses positions dans ces enceintes.

e) L'Union européenne doit disposer d'une vue d'ensemble claire des questions particulières que soulèvent les relations avec les divers pays partenaires. Elle doit mettre en place une planification à moyen terme fixant les objectifs à atteindre au fil du temps, chaque sommet se concentrant sur deux ou trois questions essentielles. Le Conseil européen demande donc à la Haute Représentante, en coordination avec la Commission et avec le Conseil des affaires étrangères, d'évaluer les perspectives des relations avec l'ensemble des partenaires stratégiques et de définir en particulier nos intérêts et les moyens que nous pouvons mettre au service de ces intérêts. La Haute Représentante est invitée à présenter un premier rapport sur l'état d'avancement de ces travaux au Conseil européen de décembre 2010. À cet égard, il conviendrait de mener une réflexion sur la fréquence, la configuration et le résultat de ces sommets, qui doivent être davantage ciblés sur la réalisation des objectifs de l'UE. Le Conseil européen invite son président, en coopération avec le président de la Commission et la Haute Représentante, à prendre toute initiative nécessaire en vue d'améliorer ce processus.

f) Le Service européen pour l'action extérieure constituera un instrument de première importance pour soutenir les efforts entrepris afin de renforcer la politique extérieure de l'Union européenne. Ses services, sous l'autorité de la Haute Représentante, apporteront un appui au Conseil européen, au Conseil et à la Commission en ce qui concerne la vue d'ensemble stratégique et la coordination qui sont nécessaires pour assurer la cohérence de l'action extérieure de l'Union européenne dans son ensemble.

Malgré ces avancées, la politique étrangère reste une politique de nature intergouvernementale relevant de la compétence première des gouvernements des Etats membres .

Les orientations en matière de politique étrangère commune continuent de relever des chefs d'Etat et de gouvernement, réunis au sein du Conseil européen, et les décisions des ministres des affaires étrangères au sein du Conseil statuant en règle générale à l'unanimité.

Or, la relation avec la Russie est l'un des domaines qui continue de susciter le plus de clivages entre les Etats membres de l'Union européenne , qui n'ont pas la même expérience historique et ne partagent pas les mêmes intérêts, ni la même vision de ces relations.

En particulier, il subsiste un important clivage entre les Etats membres, avec d'un côté les « pays fondateurs » , comme l'Allemagne, l'Italie ou la France, qui poussent à un renforcement des relations avec la Russie, et, de l'autre, les pays d'Europe centrale et orientale, comme la République tchèque ou les Pays-baltes, qui se montrent souvent plus réservés à l'égard de la Russie, principalement du fait de leur passé et de leur plus grande proximité géographique. Il en va ainsi, par exemple, en matière de suppression des visas de court séjour avec la Russie. Le récent rapprochement entre la Pologne et la Russie montre cependant que ce clivage n'est plus toujours aussi pertinent.

Dans ce contexte, les relations bilatérales occupent toujours une place particulière , comme l'illustrent notamment l'importance des liens entre la Russie et l'Allemagne ou des relations entre la France et la Russie. Ainsi, le Sommet de Deauville, réunissant le Président de la République français, la Chancelière allemande et le Président russe, en octobre 2010, a permis d'aboutir à des avancées sur la question de la libéralisation des visas, qui ont été confirmées lors du Sommet Union européenne-Russie de décembre 2010. De même, en matière énergétique, les relations présentent encore un fort caractère bilatéral, même si des progrès ont été réalisés ces dernières années vers la mise en place d'une politique européenne de l'énergie.

Avec le traité de Lisbonne, l'Union européenne s'est dotée de l'ambition d'une politique commune de l'énergie.

Bien que la construction européenne ait été lancée dans le domaine de l'énergie, avec le premier traité européen de 1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), puis avec l'Euratom en 1957, l'Union européenne ne s'était, pour l'essentiel, intéressée depuis aux questions énergétiques que sous l'angle de la concurrence.

Ce n'est qu'au début des années 2000, avec la publication d'un Livre vert par la Commission sur la sécurité d'approvisionnement énergétique 3 ( * ) , que des priorités ont été esquissées en vue d'élaborer une véritable politique européenne de l'énergie visant à maîtriser la demande, à diversifier les sources d'approvisionnement, à développer un marché intérieur mieux intégré et à maîtriser l'offre externe en privilégiant le dialogue avec les pays producteurs.

Dans ce livre vert, la Commission européenne avait mis en lumière la forte dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis des pays producteurs, les importations de pétrole et de gaz devant passer de 50 % aujourd'hui à 70 % vers 2020 ou 2030.

Le traité de Lisbonne a introduit, à l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une base juridique nouvelle visant à établir une politique européenne de l'énergie . Cela ne signifie pas pour autant que l'Union européenne n'intervenait pas auparavant dans ce domaine, mais elle le faisait sur la base de la clause de flexibilité de l'ancien article 308 du traité, donc à l'unanimité.

Article 194 du TFU issu du traité de Lisbonne

1. Dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement, la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres:

a) à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie;

b) à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union;

c) à promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables; et

d) à promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques.

2. Sans préjudice de l'application d'autres dispositions des traités, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs visés au paragraphe 1. Ces mesures sont adoptées après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions. Elles n'affectent pas le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans préjudice de l'article 192, paragraphe 2, point c).

3. Par dérogation au paragraphe 2, le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, à l'unanimité et après consultation du Parlement européen, établit les mesures qui y sont visées lorsqu'elles sont essentiellement de nature fiscale.

Le domaine de l'énergie fait désormais partie des compétences partagées entre l'Union et ses Etats membres.

La reconnaissance d'une compétence de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie avait suscité des réticences de la part de l'Allemagne, soucieuse de préserver sa souveraineté et son indépendance en la matière.

D'importantes différences existent, en effet, au sein de l'Union européenne, entre les Etats, comme la France, qui privilégient l'énergie nucléaire, et ceux qui la refusent, principalement pour des raisons environnementales.

Pour lever les craintes de l'Allemagne, il a été précisé que la législation de l'Union européenne « n'affecte pas le droit d'un Etat membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique » .

Le traité évoque aussi l' « esprit de solidarité » qui doit prévaloir entre les Etats membres dans la définition et dans la mise en oeuvre de la politique européenne de l'énergie. L'ajout de cette clause, dont la portée juridique demeure imprécise, avait été demandé par la Pologne et par les pays Baltes, lors de la Conférence intergouvernementale de 2007, en raison de leurs différends avec la Russie pour leur approvisionnement en gaz et en électricité.

La politique commune de l'énergie vise, entre autres objectifs, à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie, à assurer la sécurité de l'approvisionnement en énergie et à promouvoir l'efficacité et le développement d'énergies renouvelables.

Son régime juridique est celui de la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire, le vote à la majorité qualifiée au Conseil, sur proposition de la Commission européenne et en co-décision avec le Parlement européen, même si le paragraphe 3 de l'article 194 du TFUE autorise, à titre dérogatoire, le Conseil à statuer à l'unanimité, après consultation du Parlement européen, s'agissant des mesures qui sont « essentiellement de nature fiscale » .

La portée de ce nouvel article est précisée par la déclaration n°35 annexée au traité de Lisbonne, qui prévoit que « l'article 194 n'affecte pas le droit des Etats membres de prendre les dispositions nécessaires afin d'assurer leur approvisionnement énergétique dans les conditions prévues par l'article 347 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » , c'est-à-dire en cas de « troubles intérieurs graves affectant l'ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre ou pour faire face à des engagements contractés en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale » .

La politique européenne de l'énergie a fait l'objet d'importants développements ces dernières années , notamment à la suite des tensions provoquées par les crises du gaz entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie, en 2005 et en 2009, qui ont mis en évidence la dépendance énergétique de l'Union européenne à l'égard de la Russie et la crainte d'une utilisation par Moscou de l'arme énergétique à des fins politiques.

Le 8 mars 2006, la Commission européenne a publié un Livre vert qui assigne trois objectifs à une politique européenne de l'énergie : lutter contre le changement climatique, renforcer la sécurité énergétique et améliorer la compétitivité européenne. En juin 2006, une communication commune du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et de la Commission européenne a souligné l'importance de la dimension extérieure de la politique européenne de l'énergie 4 ( * ) .

Le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 a adopté le principe d' une politique intégrée énergie-climat en reconnaissant trois objectifs stratégiques majeurs à l'horizon 2020 : économiser 20 % d'énergie, réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation d'énergie et garantir que les sources d'énergie renouvelable représenteront à cette date au moins 20 % du bouquet énergétique de l'Union.

Un plan global, intitulé « Une politique énergétique pour l'Europe » , annexé aux conclusions de ce Conseil européen, comporte cinq priorités : achèvement du marché intérieur du gaz et de l'électricité, sécurité de l'approvisionnement, politique énergétique internationale, efficacité énergétique et énergies renouvelables, technologies de l'énergie.

Le 13 novembre 2008, la Commission européenne a présenté une communication, intitulée « Deuxième analyse stratégique de la politique énergétique - Plan d'action européen en matière de sécurité et de solidarité énergétiques », dont les grandes initiatives ont été approuvées par le Conseil européen, les 19 et 20 mars 2009.

Ce plan d'action, qui a pour objectif de renforcer la sécurité énergétique, érigée en une « question d'intérêt commun pour l'Union européenne », comprend cinq axes : promouvoir les infrastructures essentielles à la satisfaction des besoins en énergie de l'Union européenne ; mettre davantage l'accent sur l'énergie dans les relations internationales de l'Union européenne ; améliorer le système de stockage de pétrole et de gaz, ainsi que les mécanismes de réaction en cas de crise ; créer une nouvelle dynamique en matière d'efficacité énergétique ; faire meilleur usage des réserves énergétiques indigènes de l'Union européenne, en donnant la priorité au développement des énergies renouvelables.

Enfin, en septembre 2009, le Conseil a adopté le troisième « paquet énergétique », qui contient un ensemble de mesures concernant le marché intérieur de l'énergie. Concernant l'électricité, une directive a ainsi été adoptée qui définit les modalités de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité, complétée par un règlement sur les échanges transfrontaliers. En ce qui concerne le marché intérieur du gaz naturel, ont été adoptés une directive sur le transport, la distribution, la fourniture et le stockage et un règlement sur les conditions d'accès aux infrastructures gazières. Un nouveau règlement prévoit aussi la création d'une agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie.

L'adoption de ce troisième « paquet énergétique » a toutefois suscité de fortes réserves en Russie, dont le Premier ministre, Vladimir Poutine, s'est fait l'écho lors de sa visite à Bruxelles, en février dernier.

2. L'élection de Dimitri Medvedev à la présidence de la Russie et l'accent mis sur la modernisation

Après la disparition de l'URSS en 1991, la Russie avait été confrontée dans les années 1990, sous la présidence de Boris Eltsine, à une situation anarchique, à un effondrement de l'économie, à un véritable « pillage » de ses ressources et à une déliquescence de l'État.

Depuis 2000, date à laquelle il a succédé à Boris Eltsine à la tête de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine s'est employé à restaurer l'autorité de l'État, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur, en renforçant la « verticale du pouvoir » et la « dictature de la loi ».

Ce renforcement du pouvoir et du rôle de l'Etat a alimenté un débat sur l'évolution du régime : faut-il parler d'une restauration de l'autorité de l'Etat ou bien, comme certains commentateurs, d'une dérive plébiscitaire, voire autoritaire du régime ?

La Constitution russe interdisant au Président de la Fédération d'exercer plus de deux mandats consécutifs, Vladimir Poutine ne pouvait se représenter et il s'était toujours refusé à réviser la Constitution pour obtenir la possibilité de briguer un troisième mandat, bien que disposant d'une forte popularité et de la majorité qualifiée nécessaire au Parlement.

Le 10 décembre 2007, Vladimir Poutine a donc désigné son successeur en la personne de Dimitri Medvedev, l'un de ses proches, originaire comme lui de Saint-Pétersbourg, ancien professeur de droit romain, président du Conseil d'administration de Gazprom et premier Vice-Premier ministre.

Celui-ci a été élu sans difficulté lors des élections du 2 mars 2008, avec plus de 70 % des voix et un niveau de participation suffisant (67,7%) pour valider cette élection dès le 1 er tour. Dès le lendemain de son investiture, le 7 mai 2008, Dimitri Medvedev a désigné Vladimir Poutine au poste de Premier ministre.

Plus de trois ans après l'arrivée au pouvoir de Dimitri Medvedev, le tandem Medvedev-Poutine fonctionne toujours et ne semble pas avoir connu d'accroc majeur.

Le Président Dimitri Medvedev semble incarner la « face moderne » du régime, en mettant en avant dans ses discours la nécessaire « modernisation » de la Russie, devenue le nouveau slogan des autorités russes, et en se montrant beaucoup plus ouvert à l'égard des Etats-Unis et de l'Union européenne.

Cependant, l'essentiel du pouvoir semble se concentrer dans les mains du Premier ministre Vladimir Poutine, qui jouit d'une très grande popularité dans l'opinion et qui peut s'appuyer notamment sur les structures de force.

A l'approche des prochaines élections présidentielles russes, qui devraient se tenir en mars 2012, de nombreux observateurs spéculent sur une candidature de Vladimir Poutine à un troisième mandat à la tête de l'Etat et sur une éventuelle compétition entre Dimitri Medvedev et Vladimir Poutine, en particulier depuis leurs déclarations de l'automne 2009.

On peut toutefois penser que, dans toutes les hypothèses, Vladimir Poutine continuera de jouer un rôle clé.

Vladimir Poutine paraît représenter aujourd'hui aux yeux des Russes, volontairement ou malgré lui, la figure d'un « leader national », ayant permis de restaurer l'autorité de l'Etat, y compris au travers des manifestations d'autorité dont il a fait preuve, de redresser l'économie russe et de retrouver à la Russie son rang sur la scène internationale.

Force est de constater que la personnalité de Vladimir Poutine continue d'alimenter les interrogations sur l'évolution de la Russie vers les valeurs démocratiques occidentales ou, à l'inverse, vers la restauration de pratiques autoritaires 5 ( * ) .

Les institutions de la Fédération de Russie

La Constitution de la Fédération de Russie a été adoptée par référendum le 12 décembre 1993. Conformément à celle-ci, la Russie est un Etat fédéral qui repose sur une séparation des pouvoirs, législatif et exécutif, tant à l'échelon fédéral, qu'à l'échelon local. La Fédération de Russie compte actuellement 83 « sujets ».

Tant dans les textes que dans la pratique, le président de la Fédération dispose de larges pouvoirs. Il est élu au suffrage universel direct au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Par une révision constitutionnelle, le mandat présidentiel a été prolongé à six ans à compter des prochaines élections.

Au sommet de la hiérarchie du pouvoir, il dirige la politique intérieure et extérieure, contrôle l'action du gouvernement et détient un pouvoir d'initiative législative. Il a à sa disposition l'administration présidentielle forte de plusieurs milliers de fonctionnaires à Moscou et dans les capitales des sept districts fédéraux. Il préside également le Conseil d'Etat, ainsi que le conseil du Service fédéral de sécurité (FSB). Il est en outre le chef du Conseil national de sécurité et le chef des armées.

Le président de la Fédération nomme le Premier ministre, « président du gouvernement » selon la dénomination officielle, nomination qui doit ensuite être approuvée par la majorité des députés. Au troisième rejet du candidat du président de la Fédération, ce dernier peut dissoudre la Douma. Il dispose en effet d'importantes prérogatives par rapport à celle-ci, en particulier du droit de veto et de dissolution.

Le président de la Fédération dispose également de moyens d'action dans le domaine législatif. Il peut adopter des décrets et des ordonnances. La décision de la Cour constitutionnelle du 30 avril 1996 lui reconnaît le droit d'adopter des décrets dans des matières devant faire l'objet d'une loi, mais seulement à titre provisoire, pour combler un vide législatif.

Le président de la Fédération lui-même ne peut être destitué que par un vote à la majorité des deux tiers dans chaque chambre et après une procédure longue et complexe qui associe notamment la Cour suprême et la Cour constitutionnelle fédérale.

Le gouvernement de la Fédération de Russie est composé du Premier ministre et des vice-Premiers ministres, des ministres fédéraux et des vice-ministres. Le Premier ministre est responsable devant la Douma d'Etat. Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif, mais son action est placée sous le contrôle du président de la Fédération. L'article 113 de la Constitution précise que le Premier ministre détermine les orientations fondamentales de l'activité du gouvernement et coordonne l'activité des organes fédéraux, mais il doit le faire « conformément à la Constitution de la Fédération de Russie, aux lois fédérales et aux décrets du président de la Fédération de Russie ».

Le parlement russe est une Assemblée fédérale bicamérale composée du Conseil de la Fédération (chambre haute) et de la Douma d'Etat (chambre basse).

Les lois sont adoptées par l'Assemblée fédérale. Un projet de loi doit d'abord obtenir la majorité des votes des députés, puis être approuvé par la majorité au Conseil de la Fédération et enfin être promulgué par le président de la Fédération. Un projet de loi du Conseil de la Fédération peut être rejeté à la majorité des deux tiers de la Douma. Le rejet d'un projet de loi du président de la Fédération peut être obtenu à la majorité des deux tiers des deux chambres.

La Douma d'Etat, composée de 450 membres, était élue jusqu'aux dernières élections législatives au suffrage universel direct selon un scrutin mixte, pour moitié avec un scrutin de liste à la proportionnelle, pour moitié avec un scrutin uninominal de circonscription. Le mandat des députés est de quatre ans. La loi électorale a été modifiée le 15 avril 2005. Les dernières élections législatives de décembre 2007 ont été les premières à appliquer un scrutin purement proportionnel, avec un nouveau seuil minimal porté à 7 % et sans possibilité de constituer des coalitions ni de modifier en cours de législature le nom et la composition des groupes parlementaires.

Le Conseil de la Fédération est la chambre haute du Parlement. Elle représente les sujets de la Fédération. Elle comprend deux représentants par sujet, l'un de l'exécutif, l'autre de l'organe législatif.

Selon la Constitution, le rôle du Conseil de la Fédération est de contrôler l'action des autorités fédérales, et, en particulier, celle du président. Les réformes entreprises depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000 ont modifié la composition et le mode de désignation des représentants au Conseil de la Fédération : Depuis 2004, les gouverneurs des régions et les présidents des républiques ne sont plus élus au suffrage universel direct mais désignés. Une nouvelle loi fédérale modifie, à compter du 1er janvier 2011, la composition du Conseil de la Fédération. La principale nouveauté tient à l'obligation pour les membres de la chambre haute de disposer au moment de leur nomination d'un mandat électif local.

Sur proposition de Vladimir Poutine, un nouvel organe consultatif a été créé en 2005 : la Chambre sociale. Celle-ci est composée de 126 représentants « non partisans » issus des organisations non gouvernementales de dimension fédérale et régionale. Elle constitue une sorte de Conseil économique et social.

Depuis les années 1990, le système judiciaire russe est en constante évolution. Les réformes judiciaires ont conduit à une spécialisation plus poussée des tribunaux par la création de nouvelles instances ou de sections spécialisées au sein des tribunaux existants. Elles se sont également traduites par l'adoption de nouveaux codes -fiscal, civil, du travail et de procédure pénale.

La Cour constitutionnelle est composée de 19 juges désignés par le président et approuvés par le Conseil de la Fédération. Elle veille à la constitutionnalité des actes normatifs et des traités, au respect des droits constitutionnels des citoyens et peut interpréter la Constitution. Elle résout les conflits de compétence entre organes.

La Cour suprême de la Fédération de Russie est la plus haute instance du système judiciaire pour tous les tribunaux de compétence générale, tant civils que militaires. Les juges de ces tribunaux sont également désignés par le président de la Fédération et approuvés par le Conseil de la Fédération de Russie.

La Haute Cour d'arbitrage est la juridiction la plus élevée pour le règlement des litiges commerciaux entre personnes morales, et entre des personnes morales et l'Etat.

Le procureur général, chef de la Prokuratura, est également nommé par le Conseil de la Fédération sur proposition du président de la Fédération.

A la suite de la fusion de plusieurs entités, la Fédération comprend 83 « sujets » relevant de six statuts différents, dont 21 républiques, 9 territoires (kraï), 46 régions (oblast), 2 villes à statut fédéral (Moscou et Saint-Pétersbourg), 6 districts autonomes (okrug).

Le décret présidentiel du 13 mai 2000 a institué 7 nouveaux districts fédéraux -Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov, Nijni Novgorod, Ekaterinbourg, Novossibirsk et Khabarovsk- couvrant l'ensemble du territoire de la Fédération, dirigés par un représentant plénipotentiaire du Président (Polpred). Dotés de larges prérogatives, ces représentants sont chargés de mettre en conformité les législations des « sujets » de la Fédération avec le droit fédéral, mais également de superviser et de contrôler l'action des gouverneurs. Ils disposent d'une administration propre.

Au niveau de chaque sujet de la Fédération, il existe des organes législatifs et exécutifs. Le pouvoir exécutif est exercé par une administration régionale, dit « gouvernement régional », qui comprend différents ministères régionaux. Le pouvoir législatif revient à une Douma régionale, mais les lois régionales ne peuvent pas contredire les lois adoptées au niveau fédéral.

Dans les villes de taille importante, il existe une Douma municipale (un conseil municipal) qui prend toutes les décisions locales ou une Assemblée au niveau des arrondissements.

B. LES FACTEURS EXTERNES

On peut également mentionner quatre facteurs externes qui ont eu un impact important sur les relations entre l'Union européenne et la Russie.

1. Le « reset » des relations américano-russes et la relance de la coopération entre l'OTAN et la Russie

Alors que les relations entre les Etats-Unis et la Russie s'étaient fortement dégradées sous les deux mandats successifs de George W. Bush, avec notamment la forte opposition de la Russie au projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque et à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, elles se sont nettement améliorées depuis l'élection du Président Barack Obama en novembre 2008.

Dès son arrivée à la Maison-Blanche, le Président Barack Obama a fait de l'amélioration des relations avec la Russie l'une des priorités de sa politique étrangère.

La formule du « reset », qui a été employée par le Président américain et que l'on peut traduire par « une remise à zéro » ou « un nouveau départ », illustre cette volonté de donner un nouvel élan aux relations entre les Etats-Unis et la Russie.

Concrètement, cette nouvelle approche s'est notamment traduite par la signature et la ratification du traité New START entre les Etats-Unis et la Russie, qui porte sur la réduction des armes nucléaires stratégiques.

Le traité New START

Signé à Prague, le 8 avril 2010, entre les Etats-Unis et la Russie, le « nouveau traité START » (« New Strategic Arms Reduction Treaty »), conclu pour une durée de 10 ans, avec possibilité de renouvellement pour 5 ans supplémentaires, doit se substituer au traité « SORT » (« Strategic Offensive Reductions Treaty »), conclu en 2002 et qui devait normalement courir jusqu'en 2012.

Comme pour SORT, les limites fixées par le « nouveau START » ne concernent que les armes stratégiques déployées et excluent les armes en réserve, les armes en attente de démantèlement et les armes non-stratégiques.

Le traité prévoit que le nombre d'armes stratégiques déployées par chaque partie sera ramené à 1 550 dans les 7 ans suivant son entrée en vigueur , alors que SORT retenait une fourchette de 1 700 à 2 200 armes fin 2012. La diminution supplémentaire de 2012 à 2018 est donc de 30 % par rapport à la limite haute et de 9 % par rapport à la limite basse fixée par SORT. Elle s'applique uniquement aux armes stratégiques déployées, et non au volume global de chacun des arsenaux (estimé à 9 400 armes nucléaires pour les Etats-Unis et à 13 000 pour la Russie), le traité ne comportant par ailleurs aucun engagement de diminution et de destruction des armes non déployées .

A la même échéance, le nombre de vecteurs (missiles balistiques intercontinentaux sol-sol ou mer-sol ; bombardiers lourds équipés pour des armes nucléaires) sera ramené à 800 maximum , dont 700 vecteurs déployés . A la date de juillet 2009, la Russie disposait de 809 vecteurs stratégiques déployés et les Etats-Unis de 1 188, dont moins de 900 effectivement dotés de têtes nucléaires. Les deux Etats se trouvent donc pratiquement déjà au niveau fixé par le traité.

Comme START I, et à la différence de SORT, le « nouveau START » est assorti de mesures de vérification (inspections sur place, échanges de données, notifications réciproques des armements offensifs et des sites nucléaires). Les modalités pratiques de vérification font l'objet d'annexes techniques. La Russie paraît avoir obtenu, conformément à ses souhaits, un régime moins contraignant et intrusif que celui de START I.

Le traité ne comporte aucune disposition relative au déploiement des défenses anti-missiles ou à la conversion de missiles balistiques en armes conventionnelles pour des frappes de précision (projet américain de « Prompt Global Strike »).

L' impact quantitatif du « nouveau START » sur le volume des arsenaux nucléaires sera assez modeste . Son importance est avant tout politique. Il constitue la première traduction concrète du nouveau départ (« reset ») souhaité par l'administration Obama dans la relation américano-russe , après une longue période de contentieux et de défiance.

Il pérennise jusqu'à la prochaine décennie le cadre stratégique bilatéral , assorti de mécanismes de transparence et de vérification . Un mois avant la Conférence d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), il représentait un signal politique des deux principales puissances nucléaires à l'adresse de la communauté internationale, sur leur volonté de poursuivre sur la voie du désarmement nucléaire.

Malgré les réserves du Sénat américain, où la ratification devait recueillir la majorité qualifiée (67 voix sur 100 sénateurs) le Président Barack Obama a réussi à obtenir la ratification du traité New START par le Sénat, à une courte majorité (71 voix pour, contre 26), le 22 décembre 2010, et moyennant l'adoption de deux amendements (non intégrés au traité), l'un sur la poursuite par les Etats-Unis de la modernisation des arsenaux nucléaires, l'autre sur le déploiement du système de défense anti-missiles.

De son côté, le Parlement russe a approuvé le traité le 24 décembre, bien que plusieurs parlementaires russes aient souhaité établir un lien entre la ratification du traité New START et la question de la défense anti-missiles.

Le rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie s'est également traduit par une approche plus constructive de la Russie sur le dossier du nucléaire iranien et par une coopération accrue de Moscou concernant l'intervention en Afghanistan, notamment en matière de transit d'hommes et de matériels par son territoire.

Un autre effet important du « reset » américano-russe tient à la relance au plus haut niveau des relations entre l'OTAN et la Russie , lors du Sommet de l'Alliance qui s'est tenu à Lisbonne, les 19 et 20 novembre 2010.

En 1997, dans le cadre de l'Acte fondateur OTAN-Russie, les deux parties avaient déclaré qu'elles ne se considéraient plus comme des adversaires et avaient établi des mécanismes de consultation et de coopération. Une autre avancée avait été réalisée avec la création, en mai 2002, du Conseil OTAN-Russie , au sein duquel la Russie siège sur un pied d'égalité avec chacun des pays de l'Alliance et qui permet de conduire un dialogue politique sur les principaux dossiers de sécurité, mais aussi d'aborder sous un angle concret les préoccupations russes.

L'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999, l'élargissement de l'Alliance aux pays d'Europe centrale et orientale et les projets d'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, soutenus par l'administration Bush, avaient toutefois suscité une profonde crise de confiance entre la Russie et l'Alliance.

Ces tensions expliquent notamment la décision de Vladimir Poutine, en juillet 2007, de geler l'application du traité adapté sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), signé en novembre 1990 et révisé en 1999, qui vise à établir un équilibre et une réduction des principaux équipements militaires en Europe.

Le traité sur les forces conventionnelles en Europe (traité FCE)

Signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie, le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), entré en vigueur en 1992, scellait la fin de la guerre froide en Europe en prévoyant une réduction des armements conventionnels et la destruction de plusieurs milliers d'équipements lourds. Il posait le principe qu'aucune force étrangère ne pouvait stationner sur le territoire d'un Etat signataire sans le consentement de celui-ci. Il instaurait des mécanismes de transparence à travers des échanges d'information et des inspections réciproques.

Toutefois, reposant sur la notion d'équilibre d'alliance à alliance, le traité FCE est rapidement devenu obsolète avec l'évolution du contexte stratégique européen. Dès 1993, la Russie s'était plainte des restrictions apportées par ces dispositions à sa liberté de déployer des matériels et des équipements dans le flanc sud de son territoire national, dans le contexte du conflit en Tchétchénie et des tensions séparatistes en Géorgie.

Après plusieurs années de négociation, un accord d'adaptation du traité FCE - ou « traité FCE adapté » - a été adopté lors du sommet de l'OSCE à Istanbul le 19 novembre 1999.

Le traité FCE adapté fixe pour chaque Etat signataire un plafond des différents types d'équipements qu'il est autorisé à détenir (nombre de chars de bataille, de véhicules blindés de combat, de pièces d'artillerie, d'avions de combat, d'hélicoptères d'attaque ...).

La ratification du traité FCE adapté a été autorisée par la Douma en juin 2004, mais le traité n'est toujours pas entré en vigueur, les pays de l'OTAN subordonnant leur propre ratification au respect des « engagements d'Istanbul » pris par la Russie en marge de la signature du traité FCE adapté, à savoir le retrait de leurs forces qui stationnent dans des Etats tiers - la Géorgie et la Moldavie - sans le consentement de ces derniers.

Le 26 avril 2007, Vladimir Poutine a annoncé un moratoire sur l'application du traité FCE de 1990 et le 14 juillet 2007 un décret présidentiel a suspendu l'application de ce traité sur le territoire russe. La Russie a précisé que cette suspension la dégage de toute obligation sur la base du traité dans ses relations avec les autres Etats parties. Ce retrait a vidé le traité d'une grande partie de son intérêt et en menace la viabilité politique à court terme. En 2008, les Alliés ont mandaté les Etats-Unis pour négocier en leur nom avec la Russie les modalités d'un retour à l'application normale du traité FCE.

Au début de l'année 2010, les Etats-Unis ont désigné une émissaire spéciale pour les Forces conventionnelles en Europe, l'ambassadeur Victoria Nuland, chargée de trouver une solution à la crise du traité FCE. A son initiative, de juin 2010 à mai 2011, les 36 Etats concernés se sont réunis dix fois à Vienne pour élaborer les termes d'un nouveau mandat de négociations. Celui-ci n'a cependant pas pu être finalisé, en raison notamment des divergences américano-russes sur le préalable d'un régime intérimaire de transparence militaire et sur la formulation de la référence aux principes de respect de l'intégrité territoriale et du consentement de la nation-hôte au stationnement des forces étrangères.

Cet échec rend à nouveau vraisemblable à court terme la fin, annoncée depuis 2007, du traité FCE.

Le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté lors du Sommet de Lisbonne reconnaît l'importance d'établir un partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie.

Le Sommet OTAN-Russie, qui s'est tenu en marge du Sommet de Lisbonne, en présence du Président russe Dimitri Medvedev, a permis de relancer, au plus haut niveau, les relations entre l'OTAN et la Russie.

L'OTAN s'est engagée à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans plusieurs domaines, comme la défense anti-missiles, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la drogue, la lutte contre la piraterie, et, plus largement, la promotion de la sécurité internationale.

Comme le mentionne la déclaration adoptée lors du Sommet de Lisbonne, le 20 novembre 2010, les pays de l'Alliance souhaitent établir un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie.

EXTRAITS DE LA DÉCLARATION ADOPTÉE LORS DU SOMMET DE L'OTAN À LISBONNE, LE 20 NOVEMBRE 2010

La coopération OTAN-Russie revêt une importance stratégique, comme en témoigne la réunion de ce jour, à Lisbonne, du Conseil OTAN-Russie au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Ayant avec elle des intérêts de sécurité communs, nous sommes déterminés à construire de concert avec la Russie une paix durable et inclusive dans la région euro-atlantique. Nous devons partager la responsabilité pour ce qui est de faire face aux défis communs, identifiés conjointement. Nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque. Nous réaffirmons notre attachement aux objectifs, aux principes et aux engagements sur lesquels s'appuie le Conseil OTAN-Russie. Sur cette base solide, nous invitons instamment la Russie à remplir les engagements qu'elle a pris à l'égard de la Géorgie dans le cadre de la médiation de l'Union européenne le 12 août et le 8 septembre 2008. Au cours de l'année écoulée, la coopération OTAN-Russie a progressé et a donné des résultats notables. Nous nous réjouissons, en particulier, de l'achèvement de la revue conjointe des défis de sécurité communs du XXIe siècle, qui définit des projets de coopération pratique concernant l'Afghanistan, notamment pour ce qui est de la lutte antidrogue ; la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ; la lutte contre la piraterie ; la lutte contre le terrorisme ; et la réponse aux catastrophes. Nous nous félicitons également des nouveaux arrangements, plus étendus, proposés par la Russie en vue de faciliter le transit à destination et en provenance de l'Afghanistan pour la FIAS. Nous cherchons activement à coopérer avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile, y compris par la reprise des exercices de défense contre les missiles de théâtre. Nous souhaiterons également débattre, au Conseil OTAN-Russie, d'une série d'autres sujets, dont l'Afghanistan, l'application des principes de l'OSCE, les déploiements militaires, y compris tous ceux qui pourraient être perçus comme menaçants, le partage de l'information et la transparence concernant la doctrine et la posture militaires, ainsi que la disparité globale des arsenaux nucléaires à courte portée, la maîtrise des armements et d'autres questions de sécurité. Nous attendons avec intérêt de débattre de toutes ces questions au Conseil OTAN-Russie, forum de dialogue politique en toutes circonstances et sur tous les sujets, y compris ceux sur lesquels nous avons des avis divergents. Le dialogue et la coopération avec la Russie nous aident aussi à surmonter nos différences en renforçant la confiance mutuelle, la transparence, la prévisibilité et la compréhension mutuelle.

On retrouve également cette volonté de renforcer les liens entre l'OTAN et la Russie dans le nouveau concept stratégique de l'Alliance adopté à Lisbonne.

EXTRAITS DU NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE DE L'OTAN, ADOPTÉ LORS DU SOMMET DE LISBONNE, LES 19 ET 20 NOVEMBRE 2010

(...)

23. La coopération OTAN Russie revêt une importance stratégique car elle contribue à la création d'un espace commun de paix, de stabilité et de sécurité. L'OTAN ne représente aucune menace pour la Russie. Au contraire, nous souhaitons un véritable partenariat stratégique entre l'OTAN et la Russie, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque.

24. La relation OTAN Russie repose sur les objectifs, les principes et les engagements énoncés dans l'Acte fondateur OTAN Russie et la Déclaration de Rome, s'agissant tout particulièrement du respect des principes démocratiques ainsi que de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de tous les États de la zone euro atlantique. Malgré certaines divergences sur des points particuliers, nous demeurons convaincus que la sécurité de l'OTAN et celle de la Russie sont indissociablement liées et qu'un partenariat solide et constructif, s'appuyant sur la confiance mutuelle, la transparence et la prévisibilité, servirait au mieux notre sécurité. Nous sommes déterminés :

- à renforcer les consultations politiques et la coopération pratique avec la Russie dans des domaines où nos intérêts se recoupent, notamment la défense antimissile, la lutte contre le terrorisme, la lutte antidrogue, la lutte contre la piraterie et la promotion de la sécurité internationale au sens large ;

- à exploiter tout le potentiel du Conseil OTAN Russie au profit d'un dialogue et d'une action conjointe avec la Russie.

La déclaration conjointe adoptée à l'issue de la réunion du Conseil OTAN-Russie, qui s'est tenue à Lisbonne le 20 novembre 2010, témoigne également de cette volonté de renforcer la coopération dans toute une série de domaines, y compris la défense anti-missiles.

Déclaration conjointe du COR

Réunion du Conseil OTAN-Russie au niveau des Chefs d'Etat et/ou de gouvernement tenue à Lisbonne le 20 Novembre 2010

Nous, chefs d'État et de gouvernement des pays membres du Conseil OTAN-Russie, nous sommes réunis aujourd'hui à Lisbonne et avons affirmé que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de coopération vers un véritable partenariat stratégique.

Nous avons réaffirmé tous les buts, principes et engagements inscrits dans l'Acte fondateur, la Déclaration de Rome et la Charte de sécurité européenne établie par l'OSCE en 1999, y compris dans la « Plate-forme pour la sécurité coopérative », et nous avons reconnu que la sécurité de tous les États de la communauté euro-atlantique est indivisible et que la sécurité de l'OTAN et celle de la Russie sont étroitement liées. Nous nous emploierons à conclure un véritable partenariat stratégique modernisé fondé sur les principes de la confiance mutuelle, de la transparence et de la prévisibilité, l'objectif étant de contribuer à la création d'un espace commun de paix, de sécurité et de stabilité dans la zone euro-atlantique. Les États membres du Conseil OTAN-Russie s'abstiendront de recourir à la menace ou à l'emploi de la force l'un contre l'autre ainsi que contre tout autre État, sa souveraineté, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, de toute manière qui soit incompatible avec la Charte des Nations Unies et avec la Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des États participants consignée dans l'Acte final d'Helsinki.

Les États membres du Conseil OTAN-Russie sont déterminés à travailler en tant que vingt neuf partenaires égaux afin de réaliser le formidable potentiel du Conseil OTAN-Russie, en continuant pour ce faire à développer leur dialogue politique et leur coopération pratique sur la base de leurs intérêts communs. Nous soulignons que le Conseil OTAN-Russie est un forum qui permet un dialogue politique en toutes circonstances et sur tous les sujets, y compris ceux de désaccord. Nous sommes déterminés à faire jouer pleinement ce mécanisme de consultation, de construction de consensus, de coopération, de décision conjointe et d'action conjointe sur un large éventail de questions de sécurité dans la région euro-atlantique. Nous reconnaissons tous que les États membres du Conseil OTAN-Russie peuvent tirer parti de politiques visionnaires et transparentes visant à renforcer la sécurité et la stabilité dans la zone euro-atlantique, y compris grâce aux institutions et aux instruments existants. Nous soutenons fermement la redynamisation et la modernisation du régime de maîtrise des armements conventionnels en Europe, et nous sommes prêts à poursuivre le dialogue sur les questions relatives à la maîtrise des armements, au désarmement et à la non-prolifération qui présentent de l'intérêt pour le Conseil OTAN-Russie. Nous nous félicitons de la conclusion du nouveau Traité START et attendons avec intérêt qu'il soit ratifié et qu'il entre en vigueur rapidement. Les États membres du Conseil OTAN-Russie sont résolus à oeuvrer à un monde plus sûr pour tous et à créer les conditions d'un monde sans armes nucléaires, conformément aux objectifs énoncés dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), d'une manière qui promeuve la stabilité internationale et sur la base du principe d'une sécurité non diminuée pour tous.

Aujourd'hui, nous avons entériné la revue conjointe des défis de sécurité communs du XXIe siècle, lancée il y a un an. Nous avons des intérêts communs importants et faisons face à des défis communs. Sur cette base, nous avons donc défini des activités concrètes de coopération pratique.

Nous sommes convenus de discuter de la poursuite de la coopération dans le domaine de la défense antimissile. Nous avons adopté une évaluation conjointe des menaces liées aux missiles balistiques et décidé de poursuivre le dialogue dans ce domaine. Le Conseil OTAN-Russie va de plus reprendre la coopération sur la défense contre les missiles de théâtre. Nous avons chargé le Conseil OTAN-Russie d'établir une analyse conjointe approfondie du cadre futur de la coopération en matière de défense antimissile. L'avancement de cette analyse sera évalué à la réunion que les ministres de la Défense des pays du Conseil OTAN-Russie tiendront en juin 2011.

Nous avons souligné l'importance de l'action internationale en soutien au gouvernement afghan et en faveur de la paix et de la stabilité régionales. Dans ce contexte, les dispositions révisées visant à faciliter davantage encore le transit ferroviaire, par le territoire russe, de matériels non létaux destinés à la FIAS ont une valeur toute particulière. Compte tenu du succès du projet du Conseil OTAN-Russie sur la formation à la lutte antidrogue, nous nous réjouissons de l'inclusion du Pakistan parmi les pays participants, aux côtés de l'Afghanistan, du Kazakhstan, de la République kirghize, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan, et nous avons décidé d'élargir le champ d'action de ce projet afin d'accroître l'aide directe au renforcement des capacités institutionnelles, en étroite consultation avec les gouvernements des pays qui envoient des participants. Par ailleurs, afin de rendre les forces aériennes afghanes à même d'utiliser plus efficacement leur flotte d'hélicoptères, nous avons également demandé la mise en oeuvre, en 2011, d'un fonds d'affectation spéciale du Conseil OTAN-Russie pour la maintenance des hélicoptères.

En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le Conseil OTAN-Russie renforcera sa coopération, y compris en développant conjointement des technologies de détection des explosifs 1 , en luttant contre les menaces terroristes qui pèsent sur l'aviation civile 2 et en échangeant des informations sur le terrorisme. La Fédération de Russie a confirmé son souhait d'apporter à nouveau son soutien à l'opération « Active Endeavour » de lutte contre le terrorisme menée par l'OTAN en mer Méditerranée.
Étant donné que la piraterie et les vols à main armée en mer continuent de représenter une menace de plus en plus grave pour la sûreté maritime, les États membres du Conseil OTAN-Russie vont étendre, notamment au moyen d'entraînements et d'exercices conjoints, leur coopération actuelle au niveau tactique.
Nous mettrons à profit l'amélioration de nos relations pour aplanir plus facilement nos divergences de vues. Sur la base de notre agenda de coopération conjoint, nous, chefs d'État et de gouvernement des pays membres du Conseil OTAN-Russie, avons décidé d'élargir et d'approfondir davantage encore le dialogue et la coopération pratique OTAN-Russie et de favoriser un partenariat OTAN-Russie qui renforce la sécurité pour tous dans la zone euro-atlantique et au-delà.

1. STANDEX (Détection à distance des explosifs)

2. CAI - Initiative sur l'espace aérien en coopération

Enfin, on peut mentionner, à titre d'illustration du rapprochement entre l'OTAN et la Russie, l'exercice conjoint mené le 7 juin dernier dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Lors de cet exercice, des avions de l'armée de l'air polonaise ont escorté et transmis à des chasseurs russes la surveillance d'un avion de ligne « détourné » au dessus de la frontière commune, simulant de cette manière le type de coopération requis en cas de tentative d'attentats terroristes par la voie aérienne.

Les relations entre l'OTAN et la Russie restent toutefois empreintes de méfiance des deux côtés.

À cet égard , la mise en place du futur système de défense anti-missiles de territoire devrait constituer le principal défi en ce qui concerne l'avenir des relations entre l'OTAN et la Russie.

L'abandon par le Président Barack Obama du projet d'installation d'éléments du système américain de défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque, qui avait été soutenu par l'administration Bush, mais qui était fortement dénoncé par la Russie et perçu comme une menace directement dirigée contre elle, avait permis d'apaiser les tensions et de relancer les discussions sur ce sujet sur une base plus constructive.

Pour autant, les Etats-Unis ne sont pas prêts à renoncer à la construction d'un système de défense anti-missiles, qui soit en mesure de protéger la population et le territoire américain, et celui de ses alliés, face à la menace représentée par la prolifération de missiles balistiques, notamment en provenance d'Iran ou de la Corée du Nord.

Rappelons que la Russie possède elle-même son propre système de défense antimissile installé durant la guerre froide pour protéger la région de Moscou des missiles à moyenne et longue portée. Il se compose de près d'une centaine d'intercepteurs à charge nucléaire. La Russie dispose aussi de systèmes de défense antimissile de théâtre (S-300 et S-400).

Lors du Sommet de Lisbonne, les pays de l'OTAN ont décidé de mettre en place une capacité de défense anti-missiles pour assurer la protection du territoire et des populations des pays européens de l'Alliance, tout en exprimant leur volonté de coopérer étroitement avec la Russie sur ce sujet.

La France, qui était au départ assez réticente au projet de défense anti-missiles de territoire, en raison notamment de la crainte que ce système soit perçu non comme un complément mais comme un substitut à la dissuasion nucléaire, avait beaucoup milité pour inscrire le principe d'une coopération avec la Russie en matière de défense anti-missiles afin que ce système ne soit pas perçu comme une menace par la Russie.

En définitive, le Conseil OTAN-Russie a adopté une évaluation conjointe des menaces liées aux missiles balistiques et décidé de reprendre la coopération sur la défense contre les missiles de théâtre. Le Conseil OTAN-Russie a également décidé de procéder à une analyse conjointe approfondie du cadre futur de la coopération en matière de défense anti-missiles de territoire.

Cette forte volonté d'une coopération avec la Russie en matière de défense anti-missiles représente un tournant majeur dans les relations entre l'OTAN et la Russie , comme l'a reconnu l'ambassadeur russe auprès de l'OTAN, M. Dimitri Rogozine, lors de notre entretien, le 14 février 2011.

Malgré cette volonté commune, toutes les difficultés ne sont pas réglées pour autant et d'importantes divergences subsistent sur la nature, l'architecture et la localisation du futur système de défense anti-missiles 6 ( * ) .

Les responsables russes ont proposé un système conjoint au sein duquel la Russie et l'OTAN assumeraient chacune la responsabilité de la défense anti-missile d'un secteur de l'Europe. En outre, le développement et la planification d'un tel système seraient menés de manière totalement conjointe. « La participation permanente de spécialistes russes à la conception de l'architecture du système de défense anti-missiles en Europe doit constituer la condition principale de la coopération » a indiqué le chef de l'état-major général russe, le général Nikolaï Makarov, en janvier 2011.

A l'inverse, les responsables des Etats-Unis et de l'OTAN insistent sur le fait qu'il conviendrait d'examiner comment deux systèmes distincts, dont chacun protège son territoire et ses populations, pourraient au mieux se renforcer mutuellement. Le Secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, a déclaré que « la vision de l'Alliance est d'avoir deux systèmes séparés mais liés, qui partagent et échangent des informations permettant de mieux déterminer les possibles menaces » 7 ( * ) . Comme l'a fait valoir la Secrétaire d'Etat adjointe américaine, « l'OTAN protègera l'OTAN, et c'est l'essentiel en ce qui nous concerne ».

La Russie voudrait aussi conclure un accord formel, juridiquement contraignant, avec l'Alliance, selon lequel aucune des deux parties ne ciblerait les missiles offensifs de l'autre avec les intercepteurs de défense anti-missiles. Les responsables russes continuent, en effet, de craindre que les systèmes défensifs de l'OTAN ne mettent en danger leur propre force nucléaire stratégique, sapant ainsi sa valeur dissuasive, « qui est la base et la garantie de notre souveraineté et de notre indépendance » , a indiqué Dimitri Rogozine, en février 2011. Parmi les principales préoccupations russes figurent les missiles intercepteurs plus évolués qui seraient déployés en Europe vers 2018, dans le cadre de l'approche adaptive phasée. Ces missiles intercepteurs SM-3 Block IIA seraient, en effet, conçus pour être capables de contrer les missiles balistiques intercontinentaux.

La possibilité d'un accord juridiquement contraignant qui réponde aux préoccupations russes paraît toutefois actuellement peu probable, car il devrait être approuvé par les 2/3 des membres du Sénat américain. Or le parti démocrate n'y possède plus qu'une courte majorité et les Sénateurs républicains sont opposés à toute limitation du système de défense anti-missiles.

Les responsables russes mettent aussi en doute la justification du déploiement final de missiles intercepteurs en Pologne, emplacement qu'ils jugent éloigné de la menace balistique en provenance d'Iran.

Ainsi, de nombreux désaccords persistent sur le futur système de défense anti-missiles.

Aucun résultat concret n'a d'ailleurs été enregistré lors de la récente réunion des vingt-neuf ministres de la défense du Conseil OTAN-Russie, qui s'est tenue le 8 juin dernier. A l'issue de cette réunion, le ministre russe de la défense, M. Anatoly Serdioukov aurait déclaré 8 ( * ) : « Les divergences sont fondamentales. Nous parlons d'abord de garanties écartant la possibilité d'une utilisation de la défense européenne antimissile pour intercepter des ICBM russes ». « Nous n'avons pas non plus formulé l'objectif ultime de la coopération, ni défini les grandes lignes et l'architecture du système de défense anti-missiles » a-t-il ajouté.

Pour autant, la Russie reste un partenaire clef de l'OTAN en matière de défense anti-missiles.

Dans une lettre conjointe 9 ( * ) , l'ancien ministre russe des Affaires étrangères, M. Igor Ivanov, et l'ancienne Secrétaire d'Etat américaine, Mme Madeleine Albright, ont proposé des pistes intéressantes pour la coopération entre l'OTAN et la Russie en matière de défense anti-missiles.

Dans cette lettre, ces deux personnalités ont identifié un certain nombre de domaines qui pourraient faire l'objet d'une coopération entre l'OTAN et la Russie, comme, par exemple, la création d'un centre commun d'analyse des données, qui évaluerait les données des radars de détection lointaine et des capteurs spatiaux, le lancement d'exercices conjoints d'entraînement à la défense anti-missiles, et, à plus long terme, la mise au point de protocoles ou d'instructions pour la réaction rapide qui serait exigée des responsables de l'OTAN ou de la Russie si un lancement d'un intercepteur de missile devait s'avérer nécessaire.

Par ailleurs, la Russie pourrait apporter une contribution notable à ce système, grâce notamment à ses moyens d'alerte avancés, à l'image du radar dont elle dispose sur la base de Gabala, en Azerbaïdjan, située à proximité immédiate de l'Iran.

Il est indispensable de poursuivre les efforts en vue de trouver un accord avec la Russie sur le futur système de défense anti-missiles.

Car, l'alternative évoquée par Vladimir Poutine serait une relance de la « course aux armements » et un regain de tensions en Europe.

Lors d'un entretien avec l'ambassadeur de Chine en France, Son Exc. M. Quan Kong, celui-ci m'a indiqué que la Chine partageait les préventions de la Russie à l'égard de la défense anti-missiles.

Il m'a fait observer qu'en chinois le mot « contradiction » est la contraction des mots « lance » et « bouclier ». Évoquant les risques d'une nouvelle « course aux armements », il m'a cité le proverbe chinois, selon lequel, plus le fabriquant de boucliers renforce ses boucliers, plus le vendeur de lances les perfectionne afin qu'elles puissent percer les boucliers.

L'enjeu est donc de faire en sorte que la défense anti-missiles soit un sujet de coopération et non de confrontation entre l'OTAN et la Russie.

À terme, pourquoi ne pas imaginer qu'un jour, la Russie ne soit tentée de devenir membre à part entière de l'OTAN, notamment face à la montée en puissance de la Chine ?

Une telle hypothèse a été évoquée par certains experts 10 ( * ) et même par l'ancien Secrétaire général de l'OTAN, M. Jaap de Hoop Scheffer, en 2009, et par des responsables russes.

2. La montée en puissance de la Chine et des autres puissances émergentes et l'attitude ambivalente de la Russie

La Russie et la Chine ont toujours entretenu une relation ambiguë sur la scène internationale, notamment au sein du « triangle stratégique » formé par ces deux pays avec les Etats-Unis. On se souvient qu'après s'être alliée à l'URSS face aux Etats-Unis, la Chine communiste s'était rapprochée des Etats-Unis, après le voyage de Nixon à Pékin, ce qui avait suscité des tensions avec l'Union soviétique.

Après le « désenchantement » du rapprochement avec l'Occident et la multiplication des différends avec les Etats-Unis, la Russie s'était tournée vers la Chine pour peser davantage sur la scène internationale. Le choix du Président Dmitri Medvedev d'effectuer en Chine son premier déplacement à l'étranger, hors des pays de la Communauté des Etats indépendants, était d'ailleurs révélateur de la réorientation de la politique étrangère russe.

La fourniture d'énergie et d'armements, tout comme l'attachement commun à un monde multipolaire et la coopération sur des grands dossiers régionaux, comme la Corée du Nord ou l'Iran, avaient permis à la Russie de nouer une étroite coopération avec la Chine. Ainsi, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité, la Russie et la Chine coopèrent depuis 2001, avec les trois Etats d'Asie centrale frontaliers de cette dernière, au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Tant l'ambassadeur de Chine en France, Son Exc. M. Quan Kong, que le directeur chargé des relations avec l'Asie au ministère russe des Affaires étrangères, M. Igor Morgulov, ont souligné les bonnes relations existantes entre les deux pays. Pourtant, on a souvent le sentiment que la question de la menace chinoise est dans tous les esprits des responsables russes, même si elle reste encore taboue pour nombre d'entre eux.

En effet, si les différends frontaliers avec la Chine semblent avoir trouvé une solution satisfaisante pour les deux parties, l'émergence de la puissance chinoise, le renforcement de son influence, notamment en Asie centrale, et surtout la pression démographique chinoise exercée sur les régions sous peuplées de Sibérie suscitent une grande méfiance de la part de la Russie.

En voulant se rapprocher du géant chinois, la Russie ne risque-t-elle pas de devenir un jour un satellite de la Chine ? Avec une population de 140 millions d'habitants, surtout concentrée dans la partie occidentale et confrontée à une crise démographique, face à une Chine en plein essor économique et peuplée d'1,4 milliard d'habitants, la relation entre la Russie et la Chine ne peut qu'être déséquilibrée.

C'est d'ailleurs peut-être pour éviter un tête-à-tête qui lui serait trop défavorable avec la Chine, que la Russie attache aujourd'hui une grande importance au BRIC.

DU BRIC AU BRICSA

L'acronyme « BRIC », qui désigne le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, est apparu pour la première fois en 2001 dans un rapport de la banque d'investissement Goldman Sachs.

Les quatre pays constituant le BRIC sont considérés comme des grandes puissances émergentes. Ils représentent actuellement 40 % de la population mondiale, 15 % du PIB mondial et 50 % de la croissance économique. Leur poids dans l'économie mondiale devrait s'accroître à l'avenir. En 2015, ces pays devraient assurer plus de 60 % de la croissance mondiale, selon le FMI.

Le premier Sommet des BRIC a eu lieu le 16 juin 2009 à Iekaterinbourg en Russie, le deuxième à Brasilia au Brésil, le 16 avril 2010 et le troisième à Sanya en Chine, le 14 avril 2011. Lors de ce troisième Sommet, le BRIC s'est élargi à l'Afrique du Sud, devenant ainsi le « BRICSA ».

Alors que la première vocation de ce groupe était surtout économique, et visait à renforcer leur place et leur influence dans les instances internationales, notamment par rapport aux Etats-Unis et à l'Union européenne, récemment, les pays du BRICSA ont cherché à jouer un rôle accru sur les grands dossiers internationaux.

Les pays du BRICSA revendiquent une meilleure représentativité dans les instances économiques et financières internationales, notamment au FMI ou à la Banque Mondiale, et souhaitent peser davantage dans les négociations économiques et financières internationales, notamment au sein du G 20 ou de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Récemment, ces pays ont également exprimé leur volonté de se concerter sur les grands sujets de politique étrangère.

De manière générale, les pays du BRICSA partagent un certain nombre de positions, comme l'attachement à un monde multipolaire et au principe de « non ingérence » dans les affaires intérieures, et se montrent souvent critiques en ce qui concerne l'« unilatéralisme » des Etats-Unis et, plus largement, la « domination » du monde occidental.

Les pays du BRICSA se sont ainsi abstenus ou ont voté contre lors du vote de la résolution n°1973 par le Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant l'intervention en Libye et se montrent réticents à l'égard d'une éventuelle résolution condamnant la répression en Syrie.

La volonté de la Russie de voir le BRICSA jouer un rôle en matière de politique étrangère s'accommode cependant mal des importantes différences qui existent entre les pays qui composent cet ensemble et de leurs intérêts parfois divergents.

Ainsi, l'Afrique du Sud a une population de cinquante millions d'habitants, une croissance économique de l'ordre de 3,5 % et un PIB seize fois inférieur à celui de la Chine.

Les systèmes politiques de ces pays sont assez éloignés, avec d'un côté des démocraties pluralistes, comme l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, et de l'autre côté des régimes autoritaires, comme la Chine.

Au niveau géopolitique, il existe également une forte rivalité entre la Chine et l'Inde et les intérêts de ces pays ne sont pas toujours convergents.

Ainsi, la Chine et la Russie, qui disposent chacun d'un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, ne montrent pas un grand empressement en ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies et à soutenir les revendications du Brésil et de l'Inde pour obtenir un siège de membre permanent.

Malgré la volonté de la Russie de diversifier ses relations afin de peser davantage sur la scène internationale, notamment face aux Etats-Unis, l'Union européenne reste, aux yeux des Russes, le partenaire naturel car, par son histoire, sa culture et son peuplement, la Russie fait partie de l'Europe.

Comme me l'a fait remarquer plaisamment l'un de mes interlocuteurs, lorsque les Russes souhaitent acheter des résidences secondaires, ils choisissent de préférence des résidences situées en Europe, au Royaume-Uni, en France ou en Italie, et non à Pékin ou à New Dehli.

3. L'impact de la crise économique, de la chute brutale du prix des hydrocarbures et de la découverte du gaz de schiste

En 2007, l'Union européenne faisait face à une Russie sûre d'elle-même, soucieuse de retrouver son rang sur la scène internationale, grâce à l'arme énergétique et à une forte croissance économique, appuyée sur la hausse du prix des hydrocarbures 11 ( * ) .

Aujourd'hui, le contexte a radicalement changé, notamment en raison de l'impact de la crise économique mondiale, de la découverte du gaz de schiste et de la chute brutale du prix du pétrole et du gaz, qui ont mis en évidence les fragilités de l'économie russe.

Alors qu'elle avait connu une période de croissance économique entre 2000 et 2008, grâce notamment à la forte hausse du prix des hydrocarbures, avec une croissance moyenne annuelle de + 7 % par an, la Russie a été durement touchée par la crise économique mondiale, avec une récession de près de - 8 % en 2009, l'une des plus importantes en Europe.

En particulier, la forte chute du prix des hydrocarbures en 2009 (pétrole et gaz) a réduit drastiquement les revenus tirés des exportations et a creusé le déficit public. La découverte de gaz de schiste, notamment aux Etats-Unis et au Canada, a également eu pour effet de réduire les ambitions russes d'exporter du gaz naturel en Amérique du Nord grâce aux terminaux méthaniers.

La crise financière a révélé les faiblesses de l'économie russe, qui reste largement une « économie de rente » , selon le « syndrome hollandais » fondée sur la production et l'exportation des matières premières, en particulier des hydrocarbures, puisque la Russie constitue le premier producteur mondial de pétrole et le deuxième producteur mondial de gaz naturel.

La Russie doit faire face à un manque de compétitivité de nombreux secteurs, à une insuffisance des investissements étrangers comme russes et à une dépendance excessive aux matières premières.

Beaucoup d' infrastructures de base demeurent délabrées et les besoins collectifs sont considérables dans le secteur de la santé, de l'éducation, du logement, des transports ou de l'environnement.

Enfin, si l'on constate l'émergence d'une classe moyenne, une large partie de la population vit dans des conditions précaires, la hausse globale des revenus masquant de fortes disparités, alors que certains « filets de protection » ont disparu avec l'Union soviétique 12 ( * ) . Environ 20 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, la modernisation et la diversification de l'économie ont été érigées au rang de priorités nationales par le Président Dimitri Medvedev. Dans un discours prononcé devant le Parlement russe, le 12 novembre 2009, le Président Dimitri Medvedev a notamment déclaré : « Nous devons entamer la modernisation et la mise à niveau technologique de tout notre secteur industriel. Je considère cela comme une question de survie du pays dans un monde moderne ».

À l'occasion du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en juin 2010, le Président Dimitri Medvedev a de nouveau insisté sur le fait que la Russie était entrée dans une phase de modernisation et de diversification. Il a également annoncé plusieurs mesures concernant la promotion des investissements privés et le développement de l'innovation. Ces raisons expliquent que la Russie semble avoir fait le choix stratégique d'un rapprochement avec l'Occident et avec l'Union européenne et d'un partenariat centré sur les échanges économiques et les nouvelles technologies.

Avec un PIB de 1 500 milliards de dollars en 2010, la Russie se situe au 10 e rang des économies mondiales, loin derrière des Etats-Unis, dont le PIB est dix fois supérieur (15 000 milliards de dollars) et la Chine (5 700 milliards de dollars), et après le Japon (5 400), l'Allemagne (3 300), la France (2 500), le Royaume-Uni, l'Italie, le Brésil et le Canada, d'après le FMI.

La Russie a également été durement touchée l'été dernier par la canicule et de graves incendies. Les autorités russes ont mis en place un moratoire sur les exportations de céréales, qui a été levé récemment.

En 2010, la Russie a toutefois renoué avec la croissance, qui s'est élevée à + 4 % du PIB. L'excédent commercial a progressé en 2010, avec 150 milliards de dollars (soit une hausse de 36 % par rapport à 2009), ce qui a permis une reconstitution des réserves de change (la Russie dispose des 3 e réserves de change au monde, avec 490 milliards de dollars au 1 er mars 2011). L'économie russe bénéficie actuellement de la hausse des prix du pétrole depuis le début de l'année 2011 et d'une augmentation de la demande interne.

Les perspectives économiques de la Russie restent toutefois assombries par un facteur majeur : la détérioration de la situation démographique .

Les résultats officiels du dernier recensement attribuent à la Russie 142,5 millions d'habitants et font apparaître un recul de la population, qui était de 147 millions d'habitants en 1989, dans les frontières de la Russie actuelle.

Les démographes situent au milieu des années 1960 l'arrêt de l'amélioration de l'espérance de vie et la dégradation des indicateurs. L'espérance de vie, qui était en 1964 de 65,1 ans pour les hommes et 73,6 ans pour les femmes, n'a cessé de diminuer depuis, n'étant en 2001 que de 59 ans pour les hommes et 72,3 ans pour les femmes. L'espérance de vie s'est toutefois améliorée en 2006, passant à 60,4 ans pour les hommes. Le taux de fécondité n'est actuellement que de 1,2 enfant par femme, soit 57 % de celui nécessaire au renouvellement des générations.

Entre 1992 et 2007, on estime que la population de la Russie a diminué de 400 000 personnes par an . Les projections démographiques établies par les Nations-Unies à partir des tendances démographiques récentes retiennent pour hypothèse, à l'horizon 2050, une population ramenée à 101,5 millions d'habitants, soit une diminution de pratiquement 1 million d'habitants chaque année. En 2007, la natalité a toutefois enregistré sa meilleure performance depuis vingt cinq ans, passant de 8,3 °/°° à 11,3°/°°. L'effet du déclin démographique est accentué par la très inégale distribution de la population sur le territoire et le sous-peuplement de très vastes régions, en particulier dans la partie orientale du pays. Cette situation constitue bien évidemment un frein au développement des régions et à la mise en valeur de leurs ressources. Dans ce contexte, la pression démographique chinoise sur les régions de l'extrême orient russe est une source d'inquiétude pour les responsables russes.

4. L'apaisement des relations entre la Russie et ses voisins, malgré la persistance de tensions avec la Géorgie

Ces dernières années, la Russie a amélioré ses relations avec ses voisins et renforcé son influence dans l'espace post-soviétique, à l'exception notable de la Géorgie.

En 2007, la Pologne figurait parmi les États membres de l'Union européenne les plus réticents à renforcer les relations avec la Russie.

La Pologne a ainsi pendant longtemps opposé son veto au lancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie, qui doit succéder à l'actuel accord de partenariat et de coopération, en raison notamment de l'embargo russe qui visait la viande et les légumes en provenance de son territoire.

La Pologne figurait également parmi les plus ardents défenseurs du projet de bouclier anti-missiles, soutenu par l'administration Bush, dont elle espérait accueillir des intercepteurs sur son territoire.

Or, depuis cette date, nous avons également assisté à un spectaculaire rapprochement entre la Pologne et la Russie, qui est pourtant passé largement inaperçu en France.

Ce rapprochement a été favorisé par l'arrivée au pouvoir, après les élections législatives de 2008, d'une coalition de centre-droit et à la politique menée par le Premier ministre libéral Donald Tusk mais il s'est surtout manifesté après la tragédie de Smolensk en avril 2010, autour de la mémoire du massacre d'officiers polonais par le NKVD à Katyn en 1940.

Dans une tribune conjointe, publiée par le journal Le Monde , le 30 juin 2010, l'ambassadeur de Russie en France, Son Exc. M. Alexandre Orlov et l'ambassadeur de Pologne en France, Son Exc. M. Tomasz Orlowski 13 ( * ) , ont comparé la réconciliation polono-russe à la réconciliation franco-allemande.

Dans cette tribune, les deux ambassadeurs, qui portent chacun le même nom que l'emblème de leur pays (l'aigle), ont également émis le souhait que cette réconciliation puisse contribuer au lancement d'un nouveau partenariat entre l'Union européenne et la Russie.

Le Sommet des pays du « triangle de Weimar », qui réunit périodiquement la France, l'Allemagne et la Pologne, s'est d'ailleurs élargi en février 2011 à la Russie.

Alors que la Pologne doit exercer la présidence de l'Union européenne au second semestre de cette année, ce rapprochement entre Varsovie et Moscou pourrait permettre de renforcer la coopération entre l'Union européenne et la Russie.

La Pologne et la Russie ont ainsi présenté récemment une initiative conjointe au niveau européen visant à améliorer le « petit trafic transfrontalier » en supprimant l'obligation de visas pour les ressortissants de l'enclave russe de Kaliningrad.

Kaliningrad : laboratoire des relations entre l'Union européenne et la Russie

La région de Kaliningrad, qui compte près d'un million d'habitants sur un territoire de 15 100 km², couvre l'ancienne partie septentrionale de la Prusse orientale, qui a été rattachée à l'Union soviétique après la seconde guerre mondiale.

Depuis la fin de l'URSS, en 1991, cette enclave russe n'a plus de continuité territoriale avec le reste de la Fédération de Russie, dont elle est géographiquement coupée par la Lituanie et la Biélorussie. De plus, du fait de l'élargissement de l'Union européenne du 1 er mai 2004, la région de Kaliningrad est entourée de pays membres de l'Union européenne (Pologne et Lituanie).

La reprise de l'acquis de Schengen par la Lituanie a créé un différend important avec la Russie. En effet, elle mettait un terme au régime qui permettait le transit des citoyens russes entre la Fédération de Russie et l'enclave de Kaliningrad à travers le territoire lituanien, sans autre formalité que la présentation d'un document d'identité par l'introduction d'une obligation de visa pour les ressortissants russes.

Après de difficiles négociations, un accord a été trouvé fin 2002 sur la mise en place d'un régime de transit facilité pour les citoyens russes ainsi que pour les marchandises qui a commencé à s'appliquer le 1 er juillet 2003. Trois ans après l'entrée en vigueur de ce système de transit facilité, la Commission européenne a rendu un rapport en décembre 2006 qui dresse un bilan positif de son application.

Toutefois, la question du transit a resurgi avec l'entrée de la Pologne et de la Lituanie dans l'espace Schengen en 2007.

Les relations entre la Russie et les pays baltes se sont également améliorées, comme j'ai eu l'occasion de le constater lors de mon entretien avec l'ambassadeur de Lettonie en France, Son Exc. Mme Sanita Pavluta-Deslandes, même si des tensions persistent, notamment à propos des minorités russophones ou en matière énergétique. 14 ( * )


Les contentieux russo-baltes

Les trois pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, ont connu un destin historique commun : ces trois pays ont fait partie de l'empire russe, avant de connaître une brève indépendance entre 1920 et 1940, remise en cause par l'occupation soviétique puis allemande et l'intégration forcée à l'URSS au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Ayant proclamé leur indépendance en 1991, ces trois pays ont fait le choix de se tourner vers l'Europe occidentale avec l'intégration dans l'OTAN et l'adhésion à l'Union européenne le 1 er mai 2004.

La question des minorités russophones revêt une acuité différente selon les trois pays baltes. Elle est faible en Lituanie où la minorité russophone ne représente que 10 % des 3,8 millions d'habitants, alors que cette proportion est de 30 % en Estonie (400 000 personnes), et 40 % en Lettonie (900 000 personnes).

La forte concentration territoriale des minorités russophones, la dégradation de leur niveau de vie et leur sentiment d'abandon ont fait de ces populations la pierre d'achoppement des relations russo-baltes. Ces tensions se sont cristallisées autour des conditions d'obtention de la nationalité et du statut des personnes n'ayant pas obtenu la citoyenneté de ces pays.

En Lituanie, le choix (dit de l'« option zéro ») a été fait d'accorder la citoyenneté lituanienne à tous ceux qui possédaient un permis de résidence permanent depuis dix ans. Près de 90 % des représentants des minorités nationales ont obtenu la nationalité lituanienne, à la grande satisfaction de la Russie.

En revanche, la Lettonie et l'Estonie ont choisi une autre voie (dite de l'« option 1940 ») qui consiste à ne reconnaître un droit de naturalisation automatique qu'aux citoyens de ces pays avant l'invasion soviétique et à leurs descendants ainsi qu'aux enfants nés sur le sol national après 1992 d'un parent ayant la nationalité. Quant aux autres arrivés pendant la période soviétique, ils ont dans leur majorité refusé de se plier à la procédure qui conditionne l'attribution de la citoyenneté à la réussite d'un examen de connaissance de la langue et de la Constitution, qui a été vivement critiqué par la Russie.

Les personnes n'ayant pas obtenu la citoyenneté de ces pays sont devenues de facto apatrides si elles n'avaient demandé aucune citoyenneté (380 000 en Lettonie et 250 000 en Estonie). En 1998, certains ont obtenu, sous la pression de la Communauté internationale, un passeport « gris » de non citoyen, leur permettant de voyager et de jouir de certains droits.

La Russie n'a eu de cesse d'invoquer la question des minorités russophones dans ses discussions avec l'Union européenne en arguant de la violation des droits de l'homme dont feraient l'objet ces personnes. Pour la Commission européenne, les pays baltes respectent tous les critères imposés par l'Union européenne en ce qui concerne le traitement des minorités, ce qui a été confirmé par les missions d'observation des organisations européennes indépendantes de défense des droits de l'homme.

Le tracé des frontières entre les pays baltes et la Russie a constitué une autre pierre d'achoppement dans les relations entre ces pays. En effet, la frontière administrative tracée à l'époque soviétique ne recoupe pas exactement les frontières de 1920. À cet égard, on peut relever la signature, le 27 mars 2007, d'un traité frontalier entre la Lettonie et la Fédération de Russie, qui fait suite à un premier traité avec la Lituanie.

Un autre traité avec l'Estonie devait également être conclu mais sa signature a été retardée en raison des tensions provoquées par la décision du gouvernement estonien de déplacer le mémorial russe de la deuxième guerre mondiale , une statue en bronze représentant un soldat soviétique, situé dans le centre de la capitale, pour l'installer dans le cimetière militaire. Cette décision avait été vivement contestée par la population russophone et par la Russie et a donné lieu à des incidents violents, tant en Estonie, qu'en Russie.

Cette affaire illustre la « guerre des mémoires » qui oppose les Pays Baltes à la Russie. L'Estonie reproche ainsi à la Russie de ne pas reconnaître l'occupation soviétique, alors que pour la Russie, qui a payé un lourd tribut pendant la seconde guerre mondiale avec vingt millions de morts, la question des monuments revêt une sensibilité particulière. Ainsi, au moment de la réunification allemande, le dernier président de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, avait beaucoup insisté sur cette question.

Enfin, la forte dépendance énergétique des pays Baltes à l'égard de la Russie constitue un autre motif récurrent de tensions, en particulier depuis les crises gazières entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie.

Ainsi, la mise en oeuvre du troisième « paquet énergétique » a entraîné des tensions entre la Lituanie et la Russie.

Il convient également de ne pas sous-estimer l'importance de l'accord conclu entre la Russie et la Norvège , en septembre 2010, sur la délimitation de la frontière maritime entre les deux Etats, qui a mis un terme à un contentieux vieux de quarante ans.

Cet accord, ratifié par la Norvège en février et par le Parlement russe en mars dernier, porte sur la délimitation de la frontière maritime entre la Russie et la Norvège concernant un territoire de 175 000 kilomètres carrés, en mer de Barents et dans l'océan Arctique.

Il devrait permettre à la Russie et à la Norvège d'exploiter les importantes réserves pétrolières et gazières du plateau continental arctique.

De manière générale, la Russie a renforcé ces dernières années son influence dans l'espace post-soviétique , à l'exception des trois pays baltes, en particulier grâce à l'arme énergétique.

Ainsi, les relations entre la Russie et l'Ukraine se sont considérablement améliorées depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch, lors des élections présidentielles de février 2010.

L'Ukraine présente une importance particulière pour la Russie. Historiquement, l'Ukraine est, en effet, le berceau de la Russie, avec la principauté de Kiev, et de l'orthodoxie russe. Ce pays de 48 millions d'habitants est divisé entre une partie occidentale, nationaliste et qui porte son regard vers l'Ouest, et une partie orientale, russophone et tournée vers la Russie. Ce pays compte également plus de 8 millions de russes sur son territoire, principalement dans la partie orientale et en Crimée.

L'Ukraine occupe une place géostratégique centrale, entre l'Union européenne et la Russie, elle est le principal pays de transit des gazoducs et des oléoducs en provenance de Russie vers l'Union européenne. La base de la flotte russe de Sébastopol, louée à l'Ukraine, présente également une importance stratégique pour la Russie. Comme l'a souligné Zbigniew Brzezinski 15 ( * ) , « Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire » .

L'arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko, à la suite de la « révolution orange » en novembre 2004, et la volonté de rapprochement de Kiev avec l'Union européenne et surtout avec l'OTAN avaient suscité une forte inquiétude à Moscou.

Or, la Russie dispose d'un important moyen de pression, qui tient à l'arme énergétique, l'Ukraine étant dépendante du gaz en provenance de Russie.

Ainsi, peu après la « révolution orange », la Russie n'avait pas hésité à fermer le gazoduc à destination de l'Ukraine à l'hiver 2005 et à relever fortement le prix du gaz. Peu après le Sommet de l'OTAN de Bucarest, d'avril 2008, qui avait reconnu la vocation de l'Ukraine à devenir membre de l'OTAN, la Russie avait annoncé le doublement du tarif du gaz à partir de janvier 2009, provoquant ainsi une grave crise énergétique entre les deux pays.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch, les autorités ukrainiennes ont réorienté leur politique étrangère en direction de la Russie et les relations entre la Russie et l'Ukraine se sont beaucoup apaisées

Le Parlement ukrainien a adopté en 2010 une nouvelle loi qui reconnaît l'Ukraine comme étant un « pays non aligné », ce qui a mis un terme au projet d'adhésion de ce pays à l'OTAN, au grand soulagement de Moscou.

La Russie a également conclu, le 21 avril 2010, un accord avec l'Ukraine sur le prolongement du bail de la flotte russe dans le port de Sébastopol de 25 ans (soit jusqu'en 2042 avec une option de renouvellement de cinq ans), en contrepartie d'une réduction de 30 % du prix du gaz.

Le Président ukrainien n'a toutefois pas accédé aux demandes de la Russie de renforcer la coopération énergétique, en rejetant notamment la proposition russe d'un rachat du géant énergétique ukrainien Naftogaz par Gazprom.

La Russie fait aussi pression sur l'Ukraine afin que ce pays rejoigne l'union douanière formée entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Or, dans le même temps l'Ukraine négocie avec l'Union européenne un accord d'association, comprenant notamment la création d'une zone de libre-échange.

Le choix qui sera fait par Kiev de rejoindre l'union douanière avec la Russie ou de signer l'accord d'association avec l'Union européenne devrait avoir un caractère déterminant pour l'avenir de ce pays, mais aussi pour les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Plus généralement, la Russie a renforcé ces dernières années son influence dans son « étranger proche », terminologie utilisée à Moscou pour qualifier les pays issus de l'ex-URSS, qui constituent la première priorité de sa politique étrangère.

La Communauté des Etats indépendants (CEI)

La Communauté des Etats indépendants (CEI), créée en 1991 sur les décombres de l'Union soviétique, regroupe toutes les anciennes républiques soviétiques, à l'exception des trois pays baltes et de la Géorgie, qui s'est retirée de cette organisation après le conflit russo-géorgien de l'été 2008.

La CEI compte aujourd'hui onze pays répartis, outre la Russie, en trois sous-ensembles : les pays « occidentaux » que sont la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie, deux pays du Caucase -Arménie et Azerbaïdjan- et cinq Etats d'Asie centrale : Turkménistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizstan. La CEI forme un ensemble d'environ 280 millions d'habitants, dont un peu plus de la moitié dans la Fédération de Russie. 16 millions de Russes résideraient dans les 10 autres pays membres de la CEI.

La CEI comprend un Conseil des chefs d'Etats, un Conseil des chefs de gouvernements, une assemblée interparlementaire et un secrétariat. La CEI n'est toutefois en rien un ensemble politique intégré, comme peut l'être l'Union européenne. Plusieurs sous-ensembles coexistent en son sein.

En matière de sécurité, un traité de sécurité collective, dit traité de Tachkent, a été signé en mai 1992 par 7 des 12 pays de la CEI : la Russie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan, l'Arménie et la Biélorussie. Ces pays ont décidé en mai 2001 de créer des forces collectives d'intervention rapide. En 2003, ce traité a donné naissance à l' Organisation du traité de sécurité collective (OTSC)

Sur le plan économique, une Communauté des Etats intégrés a été créée en 1996 pour devenir en octobre 2000 la Communauté économique eurasiatique . Elle ne comporte que 6 des 12 Etats de la CEI : la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Elle consiste en une union douanière destinée à renforcer les échanges entre les 6 pays membres.

Un autre accord, plus récent, lie la Russie au Kazakhstan et au Belarus. Signé en février 2003, il prévoit l'établissement d' une union douanière et la création entre ces trois pays d'un espace économique commun, qui est entré en vigueur le 1 er janvier 2010.

Enfin, la Russie et la Biélorussie ont signé, en 2007, un traité instituant une « Union russo-biélorusse », qui est toutefois demeurée jusqu'à présent une « coquille vide », en raison des relations souvent difficiles des responsables russes avec le président biélorusse.

En revanche, les relations entre la Russie et la Géorgie restent tendues depuis le conflit de russo-géorgien de l'été 2008 et la reconnaissance par la Russie de l'indépendance des deux entités séparatistes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.

Depuis l'arrivée au pouvoir du Président pro-occidental Mikhaïl Saakachvili à la faveur de la « révolution des roses » en 2003, les relations de la Géorgie avec la Russie s'étaient fortement dégradées, en raison notamment de la volonté de la Géorgie de rejoindre l'Alliance atlantique et du soutien de la Russie aux entités séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, ayant proclamé leur indépendance et désireuses de se rapprocher de la Russie.

Un violent conflit armé a éclaté en août 2008 entre la Géorgie et la Russie, auquel il a été possible de mettre un terme grâce, à la médiation de la présidence française de l'Union européenne, par deux accords du 12 août et du 8 septembre 2008.

Dans son rapport du 30 septembre 2009, la commission internationale indépendante, dirigée par la diplomate suisse Mme Heidi Tagliavini, sur les causes du conflit russo-géorgien de l'été 2008, a conclu que la Géorgie avait entamé le conflit en bombardant des points civils de la capitale sud-ossète Tskhinvali, dans la nuit du 7 au 8 août 2008, mais que la responsabilité du conflit était en partie partagée par la Russie, dont l'attitude d'ingérence et la politique de provocation militaire continue est dénoncée par le rapport.

À l'issue de ce conflit, le Président russe Dimitri Medvedev a signé, le 26 août 2008, un décret reconnaissant l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, indépendance qui n'est toutefois reconnue à ce jour que par le Nicaragua, le Venezuela et l'île de Nauru, la Russie a renforcé sa présence militaire dans les deux provinces. De son côté, la Géorgie s'est retirée de la Communauté des Etats indépendants et a rompu ses relations diplomatiques avec la Russie. L'Union européenne a mis en place une mission civile d'observation en Géorgie, chargée notamment de contribuer à la stabilisation de la situation sur le terrain.

Des discussions internationales, prévues par les accords du 12 août et du 8 septembre 2008, se poursuivent à Genève entre la Russie et la Géorgie, sous l'égide de l'Union européenne, de l'ONU et de l'OSCE. À ce jour, seize réunions ont eu lieu, qui ont notamment permis l'adoption d'un mécanisme de prévention et de règlement des incidents.

Pour Mme Hélène Carrère d'Encausse, la guerre russo-géorgienne de l'été 2008 a d'abord été le moyen pour la Russie d'affirmer son retour sur la scène internationale 16 ( * ) .

II. LES RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA RUSSIE N'ONT GUÈRE PROGRESSÉ CES DERNIÈRES ANNÉES

Malgré un contexte beaucoup plus favorable qu'il y a quatre ans, le sentiment qui domine est que les relations entre l'Union européenne et la Russie n'ont guère progressé ces dernières années.

Certes, ces relations ont connu certaines avancées, comme le lancement des négociations sur un nouvel accord de partenariat, qui remplacerait l'actuel accord de partenariat et de coopération, ou encore l'adoption du « Partenariat pour la modernisation ».

Mais, dans l'ensemble, les relations entre l'Union européenne et la Russie n'ont pas beaucoup évolué depuis 2007.

A. DES AVANCÉES LIMITÉES

1. Le lancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat

Les relations entre l'Union européenne et la Russie restent aujourd'hui fondées sur un accord de partenariat et de coopération , signé en 1994 et entré en vigueur en 1997, pour une période initiale de dix ans, mais qui est reconduit d'année en année.

Comme je l'avais indiqué dans mon précédent rapport, le bilan de cet accord de partenariat et de coopération apparaît mitigé.

L'accord de partenariat et de coopérationentre l'Union européenne et la Russie : un bilan mitigé

Acte fondateur des relations entre l'Union européenne et la Russie, l'Accord de partenariat et de coopération a été signé en juin 1994 et est entré en vigueur le 1 er décembre 1997, pour une période initiale de dix ans.

Ce volumineux document de 178 pages constitue le fondement juridique qui régit actuellement les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Ainsi, l'accord institue un cadre pour le dialogue politique .

Ce cadre institutionnel comprend notamment :

- un Sommet qui réunit, deux fois par an, le Président de la Fédération de Russie, ainsi que, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne, ainsi que le Haut Représentant pour la politique étrangère et la politique de sécurité, et qui est chargé de définir les orientations stratégiques du partenariat ;

- un Conseil de coopération, rebaptisé en 2003 « Conseil de partenariat permanent », qui réunit, aussi souvent que nécessaire et en différentes formations, les ministres des pays de la « troïka » (c'est-à-dire le ministre du pays exerçant la présidence de l'Union européenne et le ministre du pays exerçant la présidence suivante) ainsi que le commissaire européen compétent et le ministre de la Fédération de Russie et qui est chargé d'examiner l'ensemble des questions relatives à l'application de l'accord ainsi que tous les sujets d'intérêt commun ;

- des réunions régulières sont également organisées entre les directeurs politiques des pays de la « troïka », des représentants de la Commission européenne, du Secrétariat général du Conseil et du ministère russe des Affaires étrangères pour évoquer les sujets de politique internationale ;

- des comités de coopération et des sous-comités au niveau des hauts fonctionnaires ainsi que des groupes d'experts, peuvent aussi se réunir pour approfondir des sujets spécifiques ;

- enfin, une coopération au niveau parlementaire est également prévue avec une commission conjointe réunissant des représentants du Parlement européen et du parlement de la Fédération de Russie.

Si l'accord de partenariat et de coopération a pour objectif de renforcer la coopération dans les domaines politiques, économiques et culturels, c'est toutefois l'approche économique qui y est privilégiée.

L'accord vise, en effet, à la promotion du commerce et à l'amélioration de la qualité de l'environnement pour les investissements avec pour finalité une intensification des relations économiques entre l'Union européenne et la Russie. A terme, l'objectif est d'instaurer une zone de libre échange entre la Communauté et la Russie, l'accession de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce étant toutefois considérée comme un préalable.

Ainsi, en matière commerciale, la Russie bénéficie de la clause de la « nation la plus favorisée » et de la suppression de la plupart des restrictions quantitatives aux importations, à l'exception de certains secteurs comme l'agriculture, l'acier et les matières nucléaires, qui doivent donner lieu à la conclusion d'accords spécifiques.

Outre le champ économique, d'autres domaines de coopération sont également prévus, notamment en matière de transport, d'éducation, de recherche, de culture, d'environnement ou encore de lutte contre la criminalité.

Plus de dix ans après son entrée en vigueur, le bilan de l'accord de partenariat et de coopération apparaît mitigé.

Certes, cet accord a eu des résultats satisfaisants, notamment en matière commerciale. Il a incité la Russie à rapprocher sa législation avec celle de l'Union européenne en matière de normes et de certifications, de droit de la concurrence, ou encore en matière de protection de la propriété intellectuelle. Dans ces domaines, l'accord a permis de réelles avancées. En novembre 2002, l'Union européenne a d'ailleurs reconnu à la Russie le statut d'économie de marché. Toutefois, cet accord n'a pas permis de résoudre toutes les difficultés.

Le dialogue politique a ainsi montré ses limites. Le Sommet Union européenne-Russie s'est tenu avec régularité deux fois par an, mais il n'a pas réussi véritablement à donner les impulsions nécessaires pour renforcer les relations entre les deux partenaires. Au contraire, la volonté des présidences successives de l'Union européenne d'afficher des résultats à tout prix a souvent provoqué des tensions inutiles.

Pour sa part, le Conseil de partenariat permanent ne s'est réuni que dans trois formations (Affaires étrangères, Justice et Affaires intérieures et Énergie) et il n'a pas permis d'entrer dans des discussions plus approfondies.

Mais c'est surtout au niveau technique que l'accord s'est révélé décevant. Ainsi, depuis 2003, aucune réunion ne s'est tenue au niveau des groupes d'experts, à l'exception du groupe sur les affaires douanières, et il en a été de même, depuis 2004, pour les comités de coopération.

Le mécanisme de règlement des différends n'a pas fonctionné de manière satisfaisante . La plupart des différends commerciaux (comme la question des droits de survol de la Sibérie par exemple) se sont réglés non pas dans le cadre de cette procédure, mais de manière autonome.

Surtout, l'accord apparaît daté car, depuis 1994, tant l'Union européenne que la Russie ont beaucoup évolué . Ainsi, l'accord de partenariat et de coopération a été signé à un moment où l'Union européenne ne comptait que douze États membres et où elle n'avait pas encore développé certaines politiques, notamment en matière de politique étrangère et de défense ou dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures.

La relation entre l'Union européenne et la Russie s'est d'ailleurs enrichie d'une nouvelle dimension. En effet, lors du Sommet de Saint-Pétersbourg, de mai 2003, l'Union européenne et la Russie ont décidé d'établir quatre « espaces communs » : un « espace économique commun » ; un « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » ; un « espace commun de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure » ; un « espace commun de recherche et d'éducation, incluant les aspects culturels ». Or, ces aspects ne sont pas pris en compte par l'accord de partenariat et de coopération.

Plus fondamentalement, on peut se demander si le maigre bilan de l'accord ne résulte pas de son ambiguïté originelle .

En effet, cet accord revêt une forme singulière dans la mesure où il ne peut être assimilé, ni aux accords d'association négociés avec les pays candidats, ni aux accords d'association partenariale signés avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée.

Négocié dans l'urgence par la Commission européenne et avec déjà des approches divergentes entre les États membres, l'accord avec la Russie fut d'abord défini par opposition aux accords signés avec les pays d'Europe centrale, tout en reproduisant paradoxalement le même schéma.

De plus, les attentes des deux partenaires à l'égard de l'accord n'étaient pas identiques, dans la mesure où l'Union européenne était surtout attachée à la stabilité du continent et à favoriser la transition en Russie vers la démocratie et l'économie de marché, tandis que celle-ci attendait une véritable intégration économique. Dès lors, il n'est pas surprenant que cet accord ait donné lieu à des désillusions réciproques.

Bien qu'il était prévu que cet accord arrive à échéance fin 2007, il a été convenu de le renouveler automatiquement d'année en année jusqu'à ce qu'il soit remplacé par un nouvel accord.

La réflexion sur l'élaboration d'un nouvel accord, qui remplacerait l'accord de partenariat et de coopération, a commencé dès 2005.

Toutefois, l'adoption du mandat de négociation en vue de l'élaboration de ce nouvel accord a été bloqué jusqu'en mai 2008, d'abord par la Pologne, puis par la Lituanie. Ainsi, le Sommet d'Helsinki du 24 novembre 2006 devait marquer le lancement officiel des négociations sur le nouvel accord. Toutefois, la Pologne avait opposé son veto au mandat de négociations proposé par la Commission européenne, en raison de l'embargo russe sur la viande et les végétaux en provenance de son territoire et du refus de la Russie de ratifier le traité sur la Charte de l'énergie.

Malgré la levée du veto polonais, la Lituanie, s'était à son tour opposée au lancement des négociations sur le nouvel accord, à cause notamment des conséquences des crises gazières entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie.

Après la levée du veto polonais puis lituanien, le lancement des négociations sur le nouvel accord a été annoncé lors du Sommet Union européenne-Russie de Khanty-Mansijk du 27 juin 2008.

La première session de négociation s'est déroulée en juillet 2008 dans une ambiance « positive et constructive », au cours de laquelle les deux parties sont parvenues à un accord sur le champ d'application et la structure des négociations et sont convenues de créer quatre groupes de travail mixtes correspondants aux quatre « espaces communs ».

A la suite du conflit russo-géorgien d'août 2008, sous présidence française de l'Union européenne, la deuxième session, initialement prévue en septembre, a été reportée lors du Conseil européen extraordinaire du 1 er septembre, et « suspendue » tant que le retrait des troupes russes sur leurs positions antérieures à celles du 7 août n'aurait pas été réalisé. Compte tenu des progrès réalisés sur ce dossier, les négociations ont repris lors du Sommet Union européenne-Russie de Nice du 14 novembre 2008.

A ce jour, douze sessions de négociations ont eu lieu. Cependant, depuis le lancement des négociations sur le nouvel accord en juin 2008, les discussions piétinent.

Ce constat a d'ailleurs été partagé lors de mes entretiens à Bruxelles par les deux principaux négociateurs, pour la partie européenne, le Secrétaire général du service européen pour l'action extérieure, M. Pierre Vimont, et, pour la partie russe, le représentant de la Russie auprès de l'Union européenne, Son Exc. M. Vladimir Chizhov.

Il existe, en effet, une divergence fondamentale d'approche entre l'Union européenne et la Russie en ce qui concerne ce nouvel accord. L'Union européenne souhaiterait parvenir à un accord global (incluant un volet énergétique) et contraignant (reprise de l'acquis communautaire), alors que la Russie privilégie un accord succinct, centré sur les principes, complété ultérieurement par des accords sectoriels.

2. La lente mise en oeuvre des quatre « espaces communs »

Lors du Sommet de Saint-Pétersbourg, en mai 2003, l'Union européenne et la Russie ont adopté une déclaration visant à renforcer leur coopération avec l'objectif de créer à terme quatre « espaces communs » : un « espace économique commun » ; un « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » ; un « espace de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure » et un « espace commun de recherche et d'éducation incluant les aspects culturels » .

L'idée de ces quatre « espaces communs » est une initiative française, qui a été reprise au niveau européen grâce au couple franco-allemand.

Des « feuilles de route », qui ont été agréées au Sommet de Moscou, le 10 mai 2005, détaillent pour chacun de ces quatre « espaces communs », les mesures à prendre pour atteindre les objectifs fixés.

A la différence de l'accord de partenariat et de coopération, les « feuilles de route » ne sont pas des instruments juridiquement contraignants, comme le sont les traités internationaux, mais des documents d'orientation. Elles se distinguent également par leur souplesse et leur caractère évolutif. Surtout, elles témoignent d'une approche concrète et pragmatique des relations entre l'Union européenne et la Russie.

Selon le dernier rapport sur la mise en oeuvre des quatre « espaces communs, de mars 2011 17 ( * ) , les progrès se sont poursuivis en 2010.

a) Les relations économiques se sont beaucoup développées

Le domaine économique est certainement celui où les relations entre l'Union européenne et la Russie ont le plus progressé ces dernières années.

L'Union européenne est, de loin, le premier partenaire commercial de la Russie avec lequel elle réalise plus de la moitié de ses échanges (55 % des exportations russes ont été dirigées vers l'Union européenne et 49 % des importations de la Russie provenaient de l'Union européenne en 2005).

En sens inverse, la Russie ne constitue que le 3 e partenaire commercial de l'Union, après les États-Unis et la Chine , avec lequel elle réalise 11 % de ses importations et 6 % de ses exportations.

Après une période de forte croissance, les échanges de biens entre l'Union européenne et la Russie ont connu une reprise partielle en 2010, après avoir connu une forte baisse en 2009 en raison de la crise économique mondiale.

Les exportations de l'Union européenne vers la Russie ont baissé, passant de 105 milliards d'euros en 2008 à 66 milliards d'euros en 2009, puis ont augmenté à 87 milliards en 2010.

Les importations ont, quant à elles, diminué, passant de 178 milliards d'euros en 2008 à 118 milliards d'euros en 2009, puis sont remontées à 158 milliards en 2010.

En conséquence, le déficit du commerce extérieur de l'Union européenne avec la Russie a augmenté, passant de 52 milliards d'euros en 2009 à 72 milliards d'euros en 2010.

Échanges de biens de l'UE27 avec la Russie

en milliards d'euros

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Russie

Exportations

22 ,7

31,6

34,4

37,2

46,0

56,7

72,3

89,1

105,0

65,6

86,5

Importations

63,8

65,9

64,5

70,7

84,0

112,6

140,9

145,0

178,1

117,7

158,4

Solde

-41,0

-34,3

-30,1

-33,5

-37,9

-55,9

-68,6

-55,9

-73,1

-52,1

-71,9

Total extra-UE27

Exportations

849,7

884,7

891,9

869,2

953,0

1052,7

1160,1

1240,6

1309,9

1097,1

1348,8

Importations

992,7

979,1

937,0

935,2

1027,5

1179,6

1352,8

1435,0

1566,3

1206,5

1501,8

Solde

-143,0

-94,4

-45,1

-66,0

-74,6

-126,8

-192,7

-194,5

-256,4

-109,3

-153,1

Russie/Total

Exportations

2,7%

3,6%

3,9%

4,3%

4,8%

5,4%

6,2%

7,2%

8,0%

6,0%

6,4%

Importations

6,4%

6,7%

6,9%

7,6%

8,2%

9,5%

10,4%

10,1%

11,4%

9,8%

10,5%

L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Russie (26,3 milliards d'euros, soit 30 % des exportations de l'Union européenne), loin devant l'Italie (7,9 milliards, soit 9 %). La France figure en troisième position (6,3 milliards, soit 7 %).

L'Allemagne a été également le principal importateur (29,9 milliards d'euros, soit 19 % des importations de l'Union européenne), suivie des Pays-Bas (21,7 milliards, soit 14 %), de la Pologne (13,6 milliards, soit 9 %), de l'Italie (13,1 milliards, soit 8 %) et de la France (11,7 milliards, soit 7 %).

La plupart des Etats membres ont affiché des déficits commerciaux avec la Russie en 2010, les plus importants étant observés aux Pays-Bas (- 15,6 milliards d'euros), en Pologne (- 8,6 milliards), en France (- 5,4 milliards), ainsi qu'en Italie (- 5,2 milliards). Les plus forts excédents ont été enregistrés en Autriche (0,7 milliard) et au Danemark (0,6 milliard).

Échanges de biens des Etats membres de l'UE27 avec la Russie

en millions d'euros

Exportations

Importations

Solde

2000

2010

2000

2010

2000

2010

UE27

22 738

86 508

63 777

158 385

-41 039

-71 877

Belgique

944

3 682

1 614

6 225

-670

-2 543

Bulgarie

129

444

1 641

3 094

-1 512

-2 650

Rép. Tchèque

420

2 672

2 260

4 892

-1 840

-2 220

Danemark

542

1 268

419

685

123

583

Allemagne

6 660

26 276

14 263

29 933

-7 603

-3 657

Estonie

82

847

391

752

-310

94

Irlande

179

342

11

147

168

195

Grèce

269

322

1 185

4 703

-916

-4 381

Espagne

578

1 956

2 412

6 092

-1 834

-4 136

France

1 838

6 295

4 501

11 663

-2 662

-5 369

Italie

2 521

7 923

8 336

13 078

-5 815

-5 155

Chypre

7

19

160

43

-153

-23

Lettonie

85

1 099

402

877

-317

222

Lituanie

238

2 449

1 544

5 757

-1 306

-3 308

Luxembourg

21

178

18

11

3

168

Hongrie

496

2 574

2 809

5 199

-2 313

-2 625

Malte

0

1

12

2

-12

-1

Pays-Bas

1 796

6 077

3 901

21 700

-2 105

-15 623

Autriche

711

2 873

1 132

2 170

-421

704

Pologne

943

5 046

5 019

13 618

-4 077

-8 572

Portugal

17

120

248

413

6231

6293

Roumanie

97

831

1 218

2 035

61 121

61 203

Slovénie

210

768

251

312

-41

456

Slovaquie

115

1 932

2 346

4 679

-2 231

-2 746

Finlande

2 174

4 693

3 471

9 064

-1 296

-4 371

Suède

601

2 201

958

5 500

-357

-3 299

Royaume-Uni

1 066

3 618

3 256

5 740

-2 190

-2 123

Total extra-UE27

849 739

1 348 790

992 698

1 501 843

-142 959

-153 053

Russie/Total

2,7 %

6,4 %

6,4 %

10,5 %

Le commerce entre l'Union européenne et la Russie se caractérise par une forte asymétrie : la Russie exporte surtout des matières premières, principalement des hydrocarbures, alors que l'Union européenne lui fournit essentiellement des biens d'équipement, des produits transformés et de l'agroalimentaire.

En 2010, environ 85 % des exportations de l'Union européenne vers la Russie ont concerné des produits manufacturés (principalement des médicaments, des véhicules automobiles, des téléphones portables et des avions), alors que l'énergie (pétrole, gaz, charbon) a représenté près des trois-quarts des importations.

Échanges de biens de l'UE27 avec la Russie par produit

en millions d'euros

Exportations

Importations

Solde

2000

2010

2000

2010

2000

2010

Total

22 738

86 508

63 777

158 385

-41 039

-71 877

Matières premières :

3 652

10 276

40 172

122 726

-36 519

-112 450

Produits alimentaires

2 823

8 159

727

605

2 096

7 554

Produits de base

708

1 407

3 652

3 929

-2 944

-2 522

Energie

121

711

35 793

118 193

-35 671

-117 482

Articles manufacturés :

18 483

74 832

13 487

19 748

4 996

55 084

Produits chimiques

3 280

15 838

2 519

4 705

761

11 133

Machines et véhicules

8 381

38 671

1 074

1 317

7 308

37 354

Autres art. manufacturés

6 822

20 323

9 895

13 725

-3 072

6 597

Autres

602

1 399

10 118

15 910

-9 516

-14 511

L'Union européenne est également le premier investisseur en Russie (70 % des investissements étrangers), même si une partie importante de ces capitaux proviennent de Chypre et du Luxembourg et sont en réalité des capitaux russes placés à l'étranger mais réinvestis en Russie.

Les investissements directs étrangers (IDE) de l'Union européenne en Russie ont augmenté de 18,2 milliards d'euros en 2007 à 27,3 milliards d'euros en 2008, avant de connaître une baisse de 0,6 milliard en 2009 et un désinvestissement de 0,4 milliard d'euros en 2010 en raison de la crise. Les investissements directs russes dans l'Union européenne ont, pour leur part, baissé de 10,5 milliards d'euros en 2007 à 0,5 milliard d'euros en 2008, puis sont remontés à 2,7 milliards en 2009, avant de connaître un désinvestissement de 0,4 milliard d'euros en 2010.

Flux d'IDE entre l'UE et la Russie

En millions d'euros

2007

2008

2009

2010

IDE de l'UE27 en Russie

18 186

27 344

658

-414

IDE de la Russie dans l'UE27

10 476

518

2 699

-401

Source : Eurostat

Les relations économiques entre l'Union européenne et la Russie pourraient encore être fortement développées.

A cet égard, l'adhésion de la Russie à l'organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait ouvrir la voie à la mise en place d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et la Russie.

b) La coopération en matière de justice et d'affaires intérieures a permis certains progrès

Des progrès ont été enregistrés sur la sécurité intérieure.

Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le renforcement de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme a été érigé en priorité.

Les attentats meurtriers de Madrid et de Londres, comme de l'école de Beslan ou encore la dramatique prise d'otages au théâtre de Moscou, montrent que l'Union européenne et la Russie doivent faire face à des défis communs.

Malgré certaines divergences de vues concernant notamment la définition du terrorisme et les moyens de lutter contre ce fléau, l'Union européenne et la Russie ont adopté plusieurs déclarations communes sur la lutte contre le terrorisme international et ont décidé de renforcer leur coopération dans ce domaine.

Plus généralement, l'Union européenne et la Russie, qui partagent 2 200 km de frontières communes, ont un intérêt mutuel à renforcer leur coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée, de lutte contre la drogue, de lutte contre l'immigration illégale et la traite des êtres humains ou encore en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

En matière de coopération policière, un accord a été conclu entre le ministère de l'Intérieur russe et l'Office européen de police Europol en novembre 2003. Il s'agit d'un accord de coopération stratégique qui devrait être suivi d'un autre accord de coopération opérationnelle, permettant l'échange de données à caractère personnel.

La négociation de ce deuxième accord, qui avait pris du retard en raison de l'absence de garanties suffisantes de la législation russe en matière de protection des données personnelles, a été lancée en octobre 2010.

On peut également mentionner la coopération entre l'agence européenne de protection des frontières extérieures (Frontex) et la garde-frontière russe ou les contacts entre l'Observatoire européen des drogues et de toxicomanies et Europol, d'une part, et l'agence fédérale russe pour le contrôle des stupéfiants, d'autre part.

La coopération dans le domaine judiciaire est restée, en revanche, plus limitée .

Depuis 2003, le parquet général de Russie et l'unité européenne de coopération judiciaire Eurojust discutent d'un accord sans toutefois parvenir à trouver un terrain d'entente. Les difficultés portent également sur les garanties offertes par la législation russe en matière de protection des données personnelles. A cet égard, la signature d'un accord entre l'Union européenne et la Russie sur la protection des informations classifiées, le 1 er juin 2010, pourrait peut-être permettre des avancées.

L'annonce récente de l'adhésion de la Russie à la Convention de La Haye devrait également faciliter les relations en matière de droit de la famille et d'adoption, en particulier en apportant des réponses aux douloureuses difficultés rencontrées par les couples mixtes en matière de divorce ou de garde d'enfants et en mettant un terme aux enlèvements d'enfants par l'un ou l'autre des parents.

Compte tenu du fait que la Russie représente pour l'Union européenne son plus grand voisin, la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures pourrait représenter à l'avenir un axe important de développement des relations entre l'Union européenne et la Russie.

c) Le dialogue sur la sécurité extérieure n'a pas donné les résultats espérés

Le renforcement de la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité entre l'Union européenne et la Russie figure au rang des priorités des deux partenaires.

Même si la Russie a perdu sa qualité de « super grande puissance » avec la disparition de l'URSS, elle reste un acteur de premier plan sur la scène internationale. Sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies lui permet de traiter tous les grands dossiers de politique internationale.

C'est le cas par exemple pour le conflit israélo-palestinien, dans lequel elle est impliquée comme membre du « quartet » 18 ( * ) ou les Balkans occidentaux, puisqu'elle est membre du « groupe de contact » 19 ( * ) , du nucléaire iranien, mais également pour un grand nombre de dossiers dans lesquels sa diplomatie est engagée, comme par exemple la Syrie.

Enfin, la Russie continue d'exercer une forte influence sur les pays de l'ex-URSS, à l'exception des trois pays baltes.

La stratégie commune de l'Union européenne à l'égard de la Russie de 1999 avait notamment pour objectif de « renforcer la stabilité et la sécurité en Europe et dans le monde » . Elle prévoyait, en particulier, de renforcer le dialogue politique, de donner sa place à la Russie dans l'architecture européenne de sécurité et de pratiquer une « diplomatie préventive » afin, d'une part, d'encourager la maîtrise des armements et le désarmement et, d'autre part, d'intensifier la coopération entre l'Union européenne et la Russie en vue de contribuer à la prévention des conflits, à la gestion des crises et au règlement des conflits.

Ces objectifs ont été repris par la « feuille de route » relative à l'espace de sécurité extérieure qui retient cinq domaines prioritaires :

- le renforcement du dialogue et de la coopération sur les questions internationales ;

- la lutte contre le terrorisme ;

- la non-prolifération des armes de destruction massive ;

- la gestion des crises ;

- la protection civile.

La Russie a obtenu, depuis 2002, un statut privilégié au sein des structures de sécurité de l'Union européenne . La Russie est le seul pays non membre de l'Union européenne à avoir des consultations régulières avec le Comité politique et de sécurité (COPS). De plus, un officier de liaison russe est détaché auprès de l'État-major militaire de l'Union européenne (EMUE).

En juin 2002, le Conseil européen de Séville a arrêté les modalités concernant la participation éventuelle de la Russie aux opérations de gestion des crises de l'Union européenne. Dans ce cadre, la Russie a participé à une mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, qui s'est déroulée de janvier 2003 au printemps 2006.

La Russie a également apporté une contribution importante à l'Union européenne en mettant à sa disposition quatre hélicoptères avec leur équipage lors de l'opération EUFOR-Tchad.

Toutefois, malgré la volonté de l'Union européenne de reconnaître à la Russie une place dans l'architecture européenne de sécurité, celle-ci est restée limitée, comme en témoigne notamment l'accueil très réservé au projet de traité sur la sécurité en Europe, proposé par le Président Dimitri Medvedev .

La proposition russe d'une nouvelle architecture de sécurité en Europe

Le Président de la Fédération de Russie, Dimitri Medvedev, a proposé en juin 2008 à Berlin une nouvelle architecture de sécurité en Europe, reposant sur un nouveau traité de sécurité européenne. Si cette idée n'est pas nouvelle, puisqu'elle conjugue des éléments de la vieille proposition Gorbatchev sur « la maison commune » et de l'ancienne proposition Primakov des années 90 sur la création d'un conseil de sécurité pour l'Europe, elle constitue néanmoins une importante contribution aux réflexions actuelles sur la refonte de l'architecture de sécurité en Europe depuis la fin de la guerre froide.

Les piliers de ce projet de Traité seraient le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des Etats, le non-recours à la force armée, le contrôle des armements et le principe selon lequel aucune organisation internationale n'a le droit exclusif d'assurer la sécurité en Europe. Dans son projet de refonte de l'architecture de sécurité en Europe, la Russie propose de mettre en oeuvre sur le continent un principe de «sécurité indivisible» selon lequel toute mesure de sécurité prise par un État ou par une organisation (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, Union Européenne) devra prendre en compte «les intérêts de sécurité» des autres parties membres du traité.

Le contenu de la proposition

Le 29 novembre 2009, le projet russe de Traité pour la sécurité en Europe, composé de 14 articles, a été mis en ligne sur le site du chef de l'Etat russe pour être transmis par la suite aux partenaires européens, aux Etats de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

Le projet de traité comporte quatorze articles

L'article 1 du traité prévoit que « toutes les parties présentes s'engagent à coopérer sur la base d'une sécurité indivisible, égale pour tous et intégrale. Chaque mesure de sécurité prise par l'une des parties, individuellement ou en commun avec d'autres, y compris dans le cadre d'une organisation internationale, d'une alliance militaire ou d'une coalition, doit être mise en oeuvre dans le respect des intérêts sécuritaires de toutes les autres parties. Les parties agissent conformément à l'accord, pour mettre en oeuvre ces principes et renforcer la sécurité mutuelle ».

Les articles suivants (articles 2 à 5) évoquent la mise en pratique de cet accord qui passe par le non-recours à la force armée, la transparence, la coordination des Etats, le principe de consultation entre Etats en cas de non-respect des fondements du traité. Les Etats peuvent alors convoquer une conférence (article 6) qui a valeur juridique si au moins les deux tiers des parties y prennent part. Ses décisions sont prises au consensus et sont contraignantes.

Dans les cas d'une agression ou menace d'agression armée contre l'une des parties contractantes (article 7), « la partie agressée ou menacée d'agression armée informe le dépositaire qui convoque sans délai une Conférence extraordinaire, pour décider des mesures collectives à mettre en oeuvre ».

Que faut-il penser de cette proposition ?

L'initiative du Président russe constitue une importante contribution à la refonte de l'architecture de sécurité en Europe et le signe d'une volonté de dialogue sur ce sujet, après le conflit russo-géorgien de l'été 2008.

La principale nouveauté du projet russe de Traité de sécurité en Europe, qui serait un instrument juridiquement contraignant, repose sur le principe de «sécurité indivisible», selon lequel toute mesure de sécurité prise par un État ou par une organisation (OTAN, Union Européenne) devra prendre en compte «les intérêts de sécurité» des autres parties membres du traité. Ainsi, la Russie accepterait par ce traité de restreindre sa liberté de recourir à la force de manière unilatérale à condition que les pays européens et les Etats-Unis en fassent de même.

Toutefois, tel qu'il a été présenté par la partie russe, ce projet de traité emporterait des conséquences importantes pour les mécanismes actuels de sécurité en Europe.

Tout d'abord, ce traité viendrait en quelque sorte remplacer l'Acte final de la conférence d'Helsinki, acte fondateur dans le domaine de la sécurité en Europe. Le projet russe met davantage l'accent sur la dimension politico-militaire de la sécurité et ne reprend pas la dimension humaine de la « troisième corbeille » d'Helsinki, comme la défense des droits de l'Homme.

Ce traité aurait également des conséquences importantes pour l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et le rôle des Etats-Unis en tant qu'acteur de la sécurité européenne. Ainsi, ce traité, s'il était accepté tel quel, reléguerait l'OTAN au second plan en forçant les États signataires à s'en remettre, en dernière instance, au Conseil de sécurité des Nations unies. L'Alliance atlantique n'aurait ainsi pas pu engager la guerre en Yougoslavie, en 1999, sans un aval onusien.

En tout état de cause, il convient de discuter de cette initiative au sein de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui est l'enceinte de discussion en matière de sécurité en Europe.

Les progrès limités de la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière de gestion des crises s'expliquent par une divergence de vue fondamentale entre les deux partenaires .

La Russie souhaite, en effet, être associée à la prise de décision en matière de gestion des crises, mais cette revendication se heurte au refus de l'Union européenne de voir remettre en cause le principe de son autonomie de décision. Comme me l'ont expliqué les responsables russes, notamment Vladimir Pozdniakov, Directeur du bureau de la sécurité internationale du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, les modalités de participation de la Russie aux opérations de l'Union européenne suscitent une insatisfaction à Moscou, car la Russie est confinée dans un rôle de simple exécutant, sans avoir la possibilité d'être associée à la prise de décision.

Le Conseil OTAN-Russie, créé en mai 2002, est à cet égard cité comme modèle pour un renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie en matière de sécurité extérieure.

La reconnaissance de l'indépendance du Kosovo en 2008 par un grand nombre de pays de l'Union européenne avait également été dénoncée par la Russie, qui continue de contester cette indépendance.

Par ailleurs, le lancement par l'Union européenne du « Partenariat oriental », dans le cadre de la politique européenne de voisinage, a suscité certaines tensions avec la Russie, soucieuse de maintenir son influence dans son « étranger proche ».

Le Partenariat oriental 20 ( * )

Résultant d'une initiative polono-suédoise, le Partenariat oriental, qui est inclus dans la politique européenne de voisinage, a été lancé lors du Sommet de Prague en 2009. Il s'adresse aux voisins orientaux de l'Union européenne, c'est-à-dire à l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi que, lorsque ce pays aura progressé sur la voie de la démocratie, à la Biélorussie.

La déclaration adoptée lors du Sommet de Prague évoque l'établissement d'une association politique et l'approfondissement de l'intégration économique, le soutien aux réformes politiques et sociaux-économiques, de manière à faciliter le rapprochement avec les valeurs communes et les normes de l'Union européenne. Les objectifs visent aussi un renforcement des relations bilatérales, avec la conclusion d'accords d'association, l'instauration de zones de libre-échange, une amélioration de la mobilité, avec, comme perspective à long terme, la libéralisation des visas de court séjour, ainsi que la sécurité énergétique. Enfin, la coopération régionale est encouragée.

Le prochain Sommet du Partenariat oriental devrait se tenir les 29 et 30 septembre 2011 à Varsovie sous présidence polonaise de l'Union européenne.

Enfin, l'Union européenne a fondé beaucoup d'espoirs sur le dialogue de sécurité pour la résolution des « conflits gelés » où la Russie est fortement impliquée.

Toutefois, ces espoirs ont été jusqu'à présent largement déçus, la Russie n'acceptant pas une intervention de l'Union européenne dans ce qu'elle considère comme son « pré carré ».


Les « conflits gelés » : l'exemple de la Transnistrie

L'expression « conflits gelés » renvoie aux conflits séparatistes apparus lors de l'effondrement de l'URSS dans les régions de Transnistrie en Moldavie et du Caucase du Sud, en Géorgie (Ossétie du Sud et Abkhazie) et en Azerbaïdjan (Nagorny-Karabakh). Comme l'a montré le conflit russo-géorgien de l'été 2008, ces régions demeurent une source d'instabilité et de tensions en Europe.

Ainsi, en 1992, la région orientale de Moldavie, la Transnistrie, surtout peuplée de Russes et d'Ukrainiens, a voulu faire sécession du nouvel État moldave, majoritairement peuplé d'une population roumanophone. Des affrontements armés ont opposé les troupes moldaves aux forces locales. Un cessez-le-feu est intervenu entre les deux camps, et la Russie a déployé une force d'interposition qui est toujours présente sur place.

En 2003, la Russie avait proposé un plan de règlement, le « plan Kozak », du nom de son auteur, qui a été rejeté par la Moldavie.

Lors d'un référendum d'autodétermination, organisé en septembre 2006, 97 % des habitants de la province se sont prononcés en faveur de l'indépendance et d'une association avec la Russie. La République autoproclamée de Transnistrie n'est pas reconnue par la communauté internationale.

Des négociations dans le format 5 + 2 (Moldavie, Transnistrie, Russie, Ukraine, OSCE, plus l'Union européenne et les États-Unis depuis leur admission comme observateurs en mai 2005) n'ont pas permis d'arriver à ce jour à un accord sur le statut de cette province.

Toutefois, on constate depuis plusieurs semaines des signaux positifs qui peuvent laisser espérer une reprise des négociations.

d) La coopération en matière de recherche, d'éducation et de culture est restée très insuffisante

La culture, l'éducation et la recherche devraient naturellement constituer un terrain privilégié des relations entre l'Union européenne et la Russie, même si ces domaines relèvent, pour l'essentiel, de la compétence des États membres.

Toutefois, si le développement des échanges universitaires, culturels et scientifiques figure au rang des priorités, force est de constater que les réalisations concrètes sont restées très limitées dans ces domaines.

La coopération en matière scientifique et technique repose sur un accord, qui a été signé en 2002 et renouvelé en 2009. Cet accord vise à encourager la coopération et les échanges dans une série de secteurs prioritaires, comme l'espace, l'aéronautique, l'énergie, l'environnement et le climat, la santé ou encore les nouvelles technologies, où la communauté scientifique russe dispose d'une expertise reconnue.

Il contient un cadre général pour la mise en oeuvre d'actions conjointes qui peuvent revêtir différentes formes : participation réciproque à des programmes de recherche, échanges d'informations scientifiques et techniques, partage ou échanges d'équipements et de matériels, visites et échanges de chercheurs, etc. Un comité conjoint Union européenne-Russie est chargé de superviser la mise en oeuvre opérationnelle de cet accord et de définir les priorités.

L'Union européenne, qui s'est fixé pour objectif la création d'un « espace européen de la recherche », s'est également engagée vers une large ouverture de ses programmes de recherche à des chercheurs issus de pays tiers. Cela concerne en particulier le septième programme-cadre de recherche et de développement (PCRD). Dans le cadre de ce programme, la Russie, qui a obtenu le statut de pays partenaire ( « International Cooperation Partner Country » ) représente un partenaire privilégié et le pays tiers le plus actif.

Enfin, on peut citer deux accords dans le domaine du nucléaire, portant respectivement sur la sûreté nucléaire et le contrôle de la fusion nucléaire, qui ont été signés en 2001 et sont entrés en vigueur en 2002. La Russie est d'ailleurs intéressée de devenir membre associé au programme cadre de recherche et de développement technologique de l'Union européenne et d'EURATOM en matière nucléaire.

La nouvelle « feuille de route » relative à cet espace, telle qu'elle a été adoptée en juillet dernier, insiste sur une meilleure synergie et une utilisation plus efficace des nombreux programmes de recherche existants au niveau bilatéral et européen et sur un renforcement des échanges et de la mobilité des chercheurs.

En ce qui concerne le domaine de l'éducation, les relations entre l'Union européenne et la Russie reposent sur plusieurs instruments.

La Russie fait tout d'abord partie du « processus de Bologne », qui est une initiative intergouvernementale regroupant la plupart des pays européens visant à développer l'idée d'un « espace commun d'enseignement supérieur » et à accroître la mobilité des étudiants et des professeurs, grâce notamment à l'harmonisation des cursus (autour du modèle Licence-Master-Doctorat).

La Russie bénéficie également des programmes européens dans le domaine de l'éducation et de la formation, comme les programmes Tempus et Erasmus Mundus ou encore Jeunesse.

Toutefois, la coopération dans le domaine de l'éducation est restée de l'ordre du symbole.

Ainsi, dans le cadre du programme Erasmus Mundus, moins d'une centaine d'étudiants russes (75) seulement bénéficient actuellement d'une bourse de l'Union européenne pour étudier dans une université ou une grande école européenne 21 ( * ) . Depuis 2004, au total seulement 350 étudiants russes ont bénéficié d'une telle bourse pour étudier dans un pays de l'Union européenne. 520 étudiants russes ont également bénéficié en 2010 du programme de partenariat Erasmus Mundus pour effectuer un séjour d'études dans l'Union européenne. Sur un total estimé à près de 44 000 étudiants russes inscrits dans les universités ou les grandes écoles à l'étranger, environ 9 800 étudient en Allemagne, 4 900 aux Etats-Unis, 4 350 en Ukraine, 3 500 en France et 2 600 au Royaume-Uni.

De la même manière, le nombre d'universités russes impliquées dans des programmes de coopération avec leurs homologues de l'Union européenne est resté très limité, notamment en raison d'une baisse du financement de l'Union européenne ces deux dernières années. La délégation de l'Union européenne en Russie estime qu'il existe actuellement environ 239 programmes entre des universités européennes et des universités russes, dont 65 % au niveau Master et seulement 6 % au niveau doctoral.

Par ailleurs, de nombreux obstacles subsistent en matière de reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications.

On peut cependant se féliciter de la création, au sein de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO), d'un institut d'études européennes, cofinancé par l'Union européenne et le gouvernement russe à hauteur de 3 millions d'euros. Cet institut, conçu comme une sorte de troisième université de l'Europe, après le Collège d'Europe de Bruges et le Collège d'Europe de Natolin, a pour vocation d'apporter à de jeunes fonctionnaires russes une bonne connaissance de l'Union européenne. Il a ouvert ses portes au début de l'année 2006. Environ 200 étudiants ont été diplômés en janvier 2010 et 110 étudiants ont été sélectionnés en septembre 2009.

Comme l'a reconnu le représentant adjoint de l'Union européenne à Moscou, M. Michael Webb, lors de notre entretien, la coopération universitaire pourrait encore être fortement développée.

Malgré des objectifs ambitieux, les actions concrètes dans le domaine culturel sont également restées très limitées.

Certaines actions culturelles ont pu bénéficier de cofinancements de l'Union européenne, en particulier dans le cadre du programme « Culture ».

On peut citer notamment certains événements culturels organisés à l'occasion de l'année culturelle de la France en Russie et de la Russie en France en 2010, qui a donné lieu à de nombreuses manifestations culturelles en France et en Russie qui ont rencontrés un très grand succès populaire.

Mais, au niveau de l'Union européenne, tout ceci est resté relativement marginal. Ainsi, entre 2007 et 2010, on dénombre seulement 25 projets culturels communs, pour un montant total d'environ 6 millions d'euros.

La culture apparaît donc comme un domaine où les relations entre l'Union européenne et la Russie mériteraient d'être encouragées.

3. L'adoption du « partenariat pour la modernisation »

La principale nouveauté des relations entre l'Union européenne et la Russie tient à l'adoption du « Partenariat pour la modernisation » , lors du Sommet Union européenne-Russie de Rostov-sur-le-Don, les 31 mai et 1 er juin 2010.

Il ne s'agit pas d'un instrument juridique contraignant mais d'une déclaration politique visant à renforcer la coopération dans plusieurs domaines.

L'objectif de ce partenariat est de servir de « cadre souple pour promouvoir les réformes, stimuler la croissance et améliorer la compétitivité » .

Cette initiative fait écho au discours réformateur du Président russe Dimitri Medvedev sur la nécessaire « modernisation » de la Russie.

Il s'articule autour de cinq domaines prioritaires : navigation satellitaire, efficacité énergétique et économie verte, normes et règlements, coopération judiciaire et lutte contre la corruption et dialogue accru avec la société civile.

Déclaration commune sur le partenariat pour la modernisation

Sommet UE-Russie de Rostov-sur-le-Don

Les 31 mai - 1er juin 2010

*

Réunies à Rostov-sur-le-Don pour leur 25ème sommet, les 31 mai et 1er juin 2010, l'Union européenne et la Russie ont lancé un partenariat pour la modernisation, qui devrait profiter aux citoyens des deux parties.

Dans un monde où les peuples et les économies sont de plus en plus étroitement liés et interdépendants, il est d'autant plus important et nécessaire de moderniser nos économies et nos sociétés.

L'Union européenne et la Russie, qui sont des partenaires stratégiques de longue date dans un monde multipolaire en évolution, ont la volonté de travailler ensemble pour relever les défis communs d'une manière équilibrée et pragmatique, dans le respect de la démocratie et de l'État de droit, tant au niveau national qu'international. Le nouvel accord entre l'Union européenne et la Russie, qui est en cours de négociation, servira également de base pour atteindre ces objectifs. Dans ce contexte, le partenariat pour la modernisation offrira un cadre souple pour promouvoir les réformes, stimuler la croissance et améliorer la compétitivité, et se fondera sur les résultats déjà engrangés dans le cadre des espaces communs entre l'Union européenne et la Russie, en complément des partenariats développés entre les États membres de l'Union européenne et la Fédération de Russie. Les dialogues sectoriels constitueront un outil essentiel pour la mise en oeuvre du partenariat pour la modernisation.

L'Union européenne et la Russie ont toutes deux intérêt à développer le commerce bilatéral et les possibilités d'investissement et à faciliter et à libéraliser les échanges dans une économie mondialisée, ainsi qu'à renforcer et à étendre la concurrence, y compris par une accession rapide de la Russie à l'OMC.

Figureront au nombre des actions prioritaires du partenariat pour la modernisation: multiplier les possibilités d'investissement dans des secteurs clés porteurs de croissance et d'innovation, renforcer et approfondir le commerce bilatéral et les relations économiques et promouvoir les petites et moyennes entreprises; promouvoir l'alignement des réglementations et normes techniques, ainsi qu'un respect rigoureux des droits de propriété intellectuelle; améliorer les transports; promouvoir une économie durable sobre en carbone et l'efficacité énergétique, ainsi que les négociations internationales sur la lutte contre le changement climatique; améliorer la coopération en matière d'innovation, de recherche et développement, ainsi que dans l'aéronautique; assurer un développement équilibré en s'intéressant aux conséquences régionales et sociales des restructurations économiques ; assurer le fonctionnement efficace de l'appareil judiciaire et renforcer la lutte contre la corruption; encourager les liens entre les citoyens; et améliorer le dialogue avec la société civile pour favoriser la participation des personnes et des entreprises. Cette liste de domaines de coopération n'est pas exhaustive, et d'autres pourront s'y ajouter s'il y a lieu. L'Union européenne et la Russie encourageront la mise en oeuvre de projets spécifiques dans le cadre du partenariat pour la modernisation.

Le partenariat pour la modernisation fera l'objet d'un suivi et d'échanges permanents à tous les niveaux du dialogue entre l'Union européenne et la Russie. Les coordinateurs du partenariat et les coprésidents des dialogues sectoriels entre les deux parties seront étroitement associés à la mise en oeuvre du partenariat. L'Union européenne et la Russie ont confronté leurs manières d'envisager les principaux domaines de coopération dans le cadre du partenariat pour la modernisation. Les dirigeants ont chargé les coordinateurs des deux parties d'élaborer un plan de travail.

Que faut-il penser de cette initiative ?

Le « partenariat pour la modernisation » a permis de donner une image plus positive des relations entre l'Union européenne et la Russie.

Il offre également un cadre utile pour développer la coopération dans une série de domaines, tels que l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, l'agriculture, la santé, l'innovation, la promotion des petites et moyennes entreprises, etc.

L'adoption d'un programme de travail lors du Sommet Union européenne-Russie du 7 décembre 2010 devrait permettre de faire gagner en substance ce partenariat.

Des interrogations demeurent toutefois au sujet de son financement. En effet, l'innovation est un domaine qui relève pour l'essentiel des entreprises privées pour l'Union européenne, alors que la Russie n'a pas la même conception, comme l'illustre le « projet de Skolkovo », destiné à devenir un pôle d'innovation technologique sur le modèle de la « Silicon Valley » , situé en périphérie de Moscou, et piloté directement par le gouvernement russe.

Lors du Sommet Union européenne-Russie des 9 et 10 juin 2011, la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque de développement de la Russie (VEB) ont conclu un memorandum d'entente portant sur un montant de près de 2 milliards d'euros afin de soutenir les projets de modernisation.

Plus généralement, l'insistance de l'Union européenne à inclure dans ce partenariat un important volet sur l'Etat de droit, les échanges entre la société civile et la lutte contre la corruption, est symptomatique des différences d'approche entre l'Union européenne et la Russie.

Lorsque la Russie souhaite parler avec l'Union européenne de sujets comme le commerce, l'innovation ou le développement des investissements, l'Union européenne semble lui répondre : « démocratie, droits de l'homme, Etat de droit et lutte contre la corruption ».

Certes, la question de la démocratie et de l'Etat de droit présente une certaine importance en matière économique, par exemple pour la sécurité des investissements étrangers. Mais n'est-il pas paradoxal de vouloir faire du « Partenariat pour la modernisation », qui se voulait avant tout une initiative à caractère économique, un instrument principalement destiné à faire progresser l'Etat de droit en Russie ?

B. LA PERSISTANCE DES DIFFÉRENDS

Malgré ces avancées, les relations entre l'Union européenne et la Russie se heurtent toujours à d'importantes divergences.

1. La démocratie et les droits de l'homme

La question de la démocratie et du respect des droits de l'homme demeure l'un des sujets les plus difficiles dans les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Comme me l'avaient fait observer de nombreuses personnalités issues de la société civile rencontrées à Moscou lors de mes précédents déplacements, notamment les représentants de la Fondation Carnegie, les deux mandats successifs de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie, de 2000 à 2008, se sont caractérisés par un net recul de la démocratie, du pluralisme des médias et des libertés individuelles.

En effet, même si la Russie a rompu avec le système totalitaire soviétique, et malgré le discours plus modernisateur du Président Dimitri Medvedev, il n'existe pas aujourd'hui de véritables contre-pouvoirs institutionnels, politiques et juridiques face à l'autorité de l'exécutif .

Ainsi, le Parlement russe est largement dominé par le parti pro-Poutine « Russie unie » et n'exerce qu'une influence réduite. De plus, certaines réformes, comme la réforme du fédéralisme par exemple, ont encore renforcé le poids de l'administration présidentielle, accroissant ainsi la concentration des pouvoirs.

Comme l'a encore illustré le récent procès de Mikhail Khodorkovski, et le verdict prononcé le 26 mai 2011, l'indépendance du pouvoir judiciaire reste très théorique. Le Président Dimitri Medvedev a toutefois lancé une ambitieuse réforme du système judiciaire, avec notamment l'introduction d'un appel et l'extension des jurys populaires.

On constate également en Russie des atteintes à la liberté d'expression et de manifestation. La répression policière brutale de la Gay pride organisée à Moscou le 28 mai dernier ou des manifestations pacifiques de l'opposition organisées le 31 de chaque mois comptant 31 jours (pour la défense de l'article 31 de la Constitution russe sur la liberté de réunion) en offrent l'illustration, même s'il semble que l'incompétence des forces de police, voire leur expérience passée en Tchétchénie, expliquent en partie les violences à l'égard des manifestants.

L'indépendance et le pluralisme des médias constituent un autre sujet de préoccupation. S'il n'existe pas de restrictions à l'utilisation d'Internet et qu'il existe encore des médias indépendants, comme le journal « Novaïa Gazeta » ou la station de radio « Écho de Moscou », on constate un net renforcement du contrôle du Kremlin sur les principaux médias, notamment les grandes chaînes de télévision.

L'assassinat en Tchétchénie de la journaliste Natalia Estemirova, le 15 juillet 2009, qui rappelle celui d'Anna Politkovskaïa à Moscou, le 7 octobre 2006, et qui s'ajoute à la liste des journalistes russes assassinés ces dernières années, a également provoqué une vive émotion au sein de l'Union européenne.

Par ailleurs, une loi sur les organisations non gouvernementales (ONG), qui est entrée en vigueur le 10 avril 2006, s'est traduite par d'importantes restrictions pour les ONG présentes en Russie. Cette loi impose, en effet, aux ONG, une rigoureuse procédure d'enregistrement et elle limite la possibilité pour ces ONG de bénéficier de financements étrangers. Même si cette loi a été amendée en 2009 à l'initiative du Président Dimitri Medvedev dans un sens plus favorable aux ONG, elle n'en demeure pas moins un obstacle à l'activité des organisations russes de défense des droits de l'homme.

La création d'une chambre sociale et d'un Conseil présidentiel des droits de l'homme, afin de servir de relais entre le pouvoir et la société civile, en plus du médiateur des droits de l'homme, constituent toutefois des signaux positifs, de même que les discours du Président Dimitri Medvedev sur la modernisation et l'Etat de droit.

Enfin, si la situation en Tchétchénie tend à se stabiliser, les forces russes ayant laissé la place aux milices pro-Kremlin de Ramzan Kadyrov, la situation reste très tendue dans les républiques voisines du Caucase du Nord , notamment en Ingouchie, en Kabardino Balkarie, en Ossetie du Nord et au Daghestan, où tant l'islamisme radical que le sentiment d'impunité à l'égard des violations des droits de l'homme progressent.

À la veille du Sommet Union européenne-Russie, des 10 et 11 juin 2011, le Parlement européen a adopté, le 9 juin, une résolution très critique à l'égard de la situation des droits de l'homme en Russie.

L'insistance de l'Union européenne sur les « valeurs communes » est toutefois très mal perçue par le gouvernement russe.

En réalité, il existe un profond malentendu sur ce sujet. Comme le souligne très justement un spécialiste des relations entre l'Union européenne et la Russie, « le malentendu est profond dans la mesure où l'Union européenne se force à croire que la Russie souhaite intégrer ses normes et ses valeurs alors que cette dernière voit dans cette rhétorique un moyen à peine déguisé d'intervenir dans ses affaires intérieures » 22 ( * ) .

Il faut par ailleurs tenir compte du fait que le discours de l'Union européenne sur les droits de l'homme et la démocratie suscite une relative indifférence au sein de l'opinion publique russe.

Ainsi, selon un sondage réalisé en Russie par l'Institut Levada et le centre Union européenne-Russie en février 2007, plus de 40 % des personnes interrogées considèrent que la démocratie en tant que système politique est inappropriée, voire destructrice pour la Russie et, à la question de savoir quel type de régime conviendrait le mieux à la Russie, 35 % des personnes interrogées répondent le système soviétique , 26 % le régime actuel et 16 % la démocratie de type occidental .

Cette perception négative à l'égard de la démocratie et des valeurs occidentales semble s'expliquer par le fait que les années 1990, qui ont été marquées par l'instauration de la démocratie et du libéralisme économique ont dans le même temps coïncidé avec l'effondrement de l'économie et des valeurs de l'ancien système. De ce fait, on constate aujourd'hui une certaine confusion dans l'opinion à l'égard des notions de « démocratie » et de « valeurs occidentales ».

En outre, peut-on demander à la Russie de réaliser en quinze ans ce que les grandes démocraties ont mis plusieurs siècles à accomplir ?

Plutôt que d'adopter un discours purement incantatoire sur les droits de l'homme et la démocratie, il semble plus efficace pour l'Union européenne d'évoquer de manière ferme ces questions mais dans le cadre d'un véritable dialogue avec la Russie.

À cet égard, le mécanisme de consultations sur les droits de l'homme mis en place dans le cadre de l' « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » paraît particulièrement bienvenu.

Depuis le 1 er mars 2005, des consultations régulières sur les droits de l'homme sont organisées dans le cadre de cet espace. Ce dialogue a permis d'évoquer plusieurs sujets sensibles comme la situation en Tchétchénie, la liberté de la presse et le pluralisme des médias, la lutte contre le racisme et la xénophobie ou encore le traitement des minorités.

Lors de la treizième réunion de ce forum, le 10 mai dernier, l'Union européenne a ainsi fait part de son inquiétude concernant l'Etat de droit, la société civile et la lutte contre les discriminations en Russie. Elle a également exprimé un certain nombre de préoccupations concernant la situation particulière de certains défenseurs des droits de l'homme ou de journalistes russes. Certaines personnalités rencontrées lors de mes entretiens, comme la représentante de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) chargée de la Russie, Mme Sacha Koulaeva, ont toutefois fait part de leur déception à l'égard des résultats de ce dialogue 23 ( * ) . Elles m'ont ainsi fait observer que chaque rencontre donnait lieu à un communiqué de l'Union européenne et un autre de la Russie, dont le contenu varie considérablement. L'Union européenne se félicite en règle générale dans ces communiqués d'avoir pu évoquer ses préoccupations en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en Russie, comme la situation des journalistes, alors que, de son côté, la Russie met régulièrement en avant la question du statut des minorités russophones dans les pays baltes.

De manière générale, les organisations de défense des droits de l'homme semblent critiquer le fait qu'elles ne soient suffisamment assez associées à ce dialogue. Pourtant, chaque consultation est précédée du côté de l'Union européenne par une rencontre avec les représentants des organisations non gouvernementales européennes et russes. Il est vrai que, pour sa part, la partie russe se refuse à rencontrer ces organisations.

Enfin, certains considèrent que la mise en place de ce dialogue a paradoxalement contribué, avec la création d'une enceinte spécifique, à minorer l'importance de la question des droits de l'homme, qui ne figurerait plus parmi les priorités évoquées au plus haut niveau dans le cadre des Sommets Union européenne-Russie.

Une meilleure articulation entre le mécanisme de consultations sur les droits de l'homme et les rencontres politiques paraît ainsi nécessaire.

A cet égard, on peut saluer l'insistance du Président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy, à évoquer ce sujet lors des différents Sommets Union européenne-Russie, comme cela fut le cas lors du dernier Sommets des 9 et 10 juin 2011.

Il faut également mentionner le rôle central du Conseil de l'Europe et de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière.

La Russie et le Conseil de l'Europe

La Russie a adhéré au Conseil de l'Europe en 1996.

La principale avancée consiste dans la possibilité pour les citoyens russes de saisir directement la Cour de Strasbourg pour non respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Russie est d'ailleurs le pays à l'origine du plus grand nombre de plaintes déposées devant la Cour (avec plus de 10.000 plaintes enregistrées en 2005).

Plusieurs condamnations ont été prononcées concernant les exactions commises par les forces de sécurité en Tchétchénie.

La Russie a ratifié, le 15 janvier 2010, le protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit une réforme de la procédure devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Même si la Russie n'a toujours pas ratifié le sixième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme sur l'abolition de la peine de mort, la Cour constitutionnelle russe a récemment prolongé le « moratoire » sur la peine de mort.

2. La suppression des visas

La question des visas constitue depuis longtemps une pierre d'achoppement dans les relations entre l'Union européenne et la Russie.

La Russie souhaite, en effet, depuis déjà plusieurs années, obtenir de l'Union européenne la levée de l'obligation de visa pour ses ressortissants désireux de se rendre dans l'Union européenne, mais cette demande se heurte toujours à l'opposition de certains Etats membres.

Après de laborieuses négociations, la Communauté européenne et la Fédération de Russie sont parvenues à signer deux accords, l'un sur la facilitation de la procédure de délivrance des visas, l'autre sur la réadmission, en mai 2006.

Les accords entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie
sur la facilitation de la délivrance des visas et la réadmission

Après plus de cinq ans de négociations, la Communauté européenne et la Russie ont signé, lors du sommet de Sotchi le 25 mai 2006, un accord visant à faciliter la délivrance des visas de court séjour, ainsi qu'un accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier. Ces deux accords, qui ont été ratifiés par la Russie en février 2007, sont entrés en vigueur en juillet 2007.

I. L'accord visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour

Cet accord de facilitation de la délivrance des visas de court séjour est le premier accord communautaire de ce genre. Il prévoit notamment :

- une réduction des frais de visa à 35 euros pour l'ensemble des ressortissants russes, alors que le coût normal pour un visa Schengen est passé, le 1 er janvier 2007, à 60 euros ;

- des exemptions de visas pour les ressortissants détenteurs d'un passeport diplomatique ;

- une simplification des justificatifs de voyage devant être fournis pour certaines catégories de voyageurs (membres des délégations officielles, hommes d'affaires, journalistes, écoliers, scientifiques, artistes, sportifs, etc.), ainsi qu'une suppression des frais de visa pour plusieurs de ces catégories.

II. L'accord de réadmission

L'accord de réadmission avec la Russie est le sixième accord de ce type conclu entre la Communauté européenne et un pays tiers. Les accords de réadmission s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine. L'obligation de réadmission des ressortissants de pays tiers devrait constituer, en principe, la principale valeur ajoutée des accords communautaires. En l'espèce, la Russie a obtenu que cette obligation soit minimale, en l'assortissant de plusieurs conditions.

Tout d'abord, l'accord prévoit qu'il n'y aura obligation de réadmission d'un ressortissant de pays tiers par la Russie que s'il est prouvé :

- soit qu'il détient, au moment du dépôt de la demande de réadmission, un visa en cours de validité délivré par la Russie lors de son entrée sur le territoire d'un État membre en provenance directe du territoire de celle-ci ;

- soit qu'il possède, au moment du dépôt de la demande de réadmission, une autorisation de séjour en cours de validité délivrée par la Russie ;

- soit qu'il a pénétré illégalement sur le territoire des États membres en arrivant directement du territoire russe.

De plus, l'obligation de réadmission ne s'appliquera pas pour les ressortissants de pays tiers :

- qui n'ont effectué qu'un transit par un aéroport international russe ;

- à qui l'État requérant ou un autre État membre a délivré un visa ou une autorisation de séjour, pour autant que la Russie n'ait pas délivré un visa ou une autorisation de séjour pour une durée plus longue ;

- qui bénéficient d'une exemption de visa pour entrer sur le territoire de l'État membre requérant.

Enfin, la Russie a obtenu que ces dispositions ne s'appliquent que trois ans après l'entrée en vigueur de l'accord (sauf pour les ressortissants de pays avec lesquels elle a conclu des accords bilatéraux de réadmission).

La Russie demande toutefois d'aller encore plus loin et souhaite obtenir la suppression des visas de court séjour avec l'Union européenne.

Cette question soulève cependant un important clivage entre les Etats membres de l'Union européenne.

Alors que la France était au départ assez réservée, le Président de la République Nicolas Sarkozy s'est fortement engagé, lors de la visite du Président russe Dimitri Medvedev à Paris le 1 er mars 2010, en faveur de la levée à terme des visas de court séjour avec la Russie et de la création d'un « espace humain commun » sur le continent européen. Plusieurs pays, comme la Finlande ou l'Italie, sont également favorables à cette perspective.

Toutefois, comme j'ai pu le constater lors de mes entretiens à Bruxelles, l'Allemagne reste très réticente au principe de la libéralisation du régime de visas avec la Russie , malgré les liens étroits qui existent entre Berlin et Moscou, notamment en matière économique.

Il semblerait que la position allemande s'explique surtout par des considérations de politique intérieure, en raison notamment de récentes affaires de corruption découvertes dans plusieurs consulats allemands situés en Europe orientale, et de craintes concernant la criminalité organisée.

D'autres Etats membres, comme les Pays-Bas, de Danemark ou l'Autriche, mettent également en avant les risques migratoires et sécuritaires.

Plus généralement, les pays d'Europe centrale et orientale voudraient établir un lien entre la levée de l'obligation de visas entre l'Union européenne et la Russie et le processus en cours de suppression des visas de court séjour avec les pays du Partenariat oriental, comme l'Ukraine ou la Moldavie.

Grâce à l'accord trouvé entre la France, l'Allemagne et la Russie, lors du Sommet de Deauville, d'octobre 2010, entre le Président de la République, la chancelière allemande et le Président russe, et malgré l'hostilité de plusieurs Etats membres, des progrès ont été réalisés récemment sur cette question.

Lors du Sommet du 7 décembre 2010, l'Union européenne et la Russie ont accepté le lancement d'un processus progressif et graduel, proposé par la Commission européenne, d'élaboration d'une liste d'« étapes conjointes » destinées à répertorier les critères, les garanties et les mécanismes de vérification nécessaires pour avancer vers la suppression des visas de court séjour.

La formulation retenue, qui écarte toute idée de « feuille de route » ou de « plan d'action », se veut néanmoins très prudente.

De plus, alors qu'un accord sur ces « étapes conjointes » devait être trouvé lors du dernier Sommet Union européenne-Russie, qui s'est tenu les 9 et 10 juin 2011 à Nijni Novgorod, la Commission européenne et les autorités russes ne sont pas parvenus à un accord.

Cela illustre les fortes réticences auxquelles se heurte encore chez certains Etats membres, dont l'Allemagne, l'idée d'une suppression des visas entre l'Union européenne et la Russie, que, pour ma part, j'appelai déjà de mes voeux dans mon précédent rapport de 2007.

3. L'énergie

Depuis les crises gazières entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie, qui ont fait craindre une rupture des approvisionnements énergétiques de l'Union européenne et une utilisation par la Russie de l'arme énergétique à des fins politiques, l'énergie constitue une source de tensions entre l'Union européenne et la Russie.

Ainsi, le refus de la Russie de ratifier le traité sur la Charte de l'énergie est régulièrement dénoncé par l'Union européenne.


Le traité sur la Charte de l'énergie

Le traité sur la Charte de l'énergie est un traité signé en 1994 et entré en vigueur en 1998. Il a été précédé par une déclaration politique (la « Charte européenne de l'énergie ») adoptée en 1991.

Ce traité a été signé par tous les États membres de l'Union européenne et les pays candidats, ainsi que par l'ensemble des pays de la CEI, dont la Russie, le Japon et la Suisse, mais pas par les États-Unis et le Canada.

L'objectif de ce traité est d'établir un cadre de coopération internationale entre les pays d'Europe et d'autres pays industrialisés, notamment dans le but de développer le potentiel énergétique des pays d'Europe centrale et orientale et d'assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Union européenne.

Les dispositions les plus importantes du traité concernent la protection des investissements contre les nationalisations arbitraires, le commerce des matières et produits énergétiques pour lequel chaque État s'engage à appliquer les règles de l'OMC, le transit et le règlement des différends, pour lesquels le traité prévoit des procédures particulièrement rigoureuses. Il est complété par des protocoles sur l'efficacité énergétique et sur le transit.

Le traité a été ratifié par la plupart des pays signataires, à l'exception de la Russie, de la Biélorussie et de la Norvège.

La Russie refuse de ratifier le traité sur la Charte de l'énergie, qu'elle a pourtant signé en 1994 24 ( * ) . La Russie considère que ce texte a été élaboré en prenant en compte uniquement les intérêts des pays consommateurs et non ceux des pays producteurs et conteste notamment ses dispositions en matière de transit.

Le 26 novembre 2010, la Russie a même présenté une proposition de « Convention destinée à garantir la sécurité énergétique internationale » , qui recouvre très largement les dispositions de la Charte de l'énergie (notamment en matière de protection des investissements), sans pour autant garantir un niveau équivalent de sécurité juridique.

Cette proposition contient certaines suggestions intéressantes, comme par exemple l'idée d'un mécanisme d'alerte précoce à caractère contraignant ou l'appel à la diversification.

Ce texte produit cependant un certain déséquilibre au profit des pays producteurs. De plus, certaines dispositions (par exemple en matière de transit) sont clairement incompatibles avec l'acquis communautaire. Enfin, la Russie continue à susciter des discussions sur la base de sa proposition au sein d'autres instances multilatérales (comme l'OSCE, la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies).

L'Union européenne a défini récemment une position commune en réponse à cette proposition russe. D'après cette position, l'Union européenne est favorable à une discussion, d'une part, dans le contexte multilatéral du processus de modernisation de la Charte de l'énergie, et, d'autre part, dans le cadre de la négociation du nouvel accord bilatéral.

De manière générale, l'Union européenne rappelle son attachement à la Charte de l'énergie, dont les principes pourraient être repris dans le futur accord bilatéral. Certains sujets, comme le souhait de donner un cadre juridique plus contraignant au mécanisme d'alerte précoce, pourraient être traités de façon complémentaire dans le cadre de la Charte et dans celui du futur accord. Il est, en effet, plus aisé d'aller plus loin dans un accord bilatéral sur des sujets comme le mécanisme d'alerte précoce que dans un cadre multilatéral.

De son côté, la Russie dénonce fortement l'adoption par l'Union européenne du « troisième paquet énergétique », adopté en 2009 et entré en vigueur le 3 mars 2011.

Ce sujet constitue aujourd'hui l'un des principaux sujets de tensions entre l'Union européenne et la Russie , comme l'a illustré la visite du Premier ministre russe Vladimir Poutine à Bruxelles le 24 février dernier à Bruxelles.

Lors de cette visite, ce sujet a ainsi donné lieu à un vif échange en public entre le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et Vladimir Poutine. Ce dernier a déclaré : « Ce troisième paquet énergie portera atteinte aux activités de nos entreprises énergétiques en Europe. La mise en oeuvre mécanique de cette législation peut déboucher sur la hausse des prix sur le marché européen ». Le Président de la Commission européenne lui a alors répliqué : «  L'Union européenne a compris les préoccupations de la Russie au sujet du troisième paquet de libéralisation du marché de l'énergie et espère trouver une solution mutuellement acceptable ».

Les principales dispositions du « troisième paquet énergétique »

Adopté par le Conseil des ministres en septembre 2009, le troisième « paquet énergétique » se compose de plusieurs textes législatifs, qui comprennent notamment les dispositions suivantes :

Le principe de « dégroupage » ou « découpage » (« unbundling ») des activités de production et de transport d'énergie selon trois modèles :

- découpage patrimonial strict : aucun lien de propriété, séparation complète des activités de production et de transport d'énergie ;

- mise en place d'un opérateur indépendant de réseau (« independent system operator ») : ce modèle n'implique pas de séparation patrimoniale complète entre les activités de production et de transport. Dans ce schéma, l'Etat membre nomme un opérateur de réseau entièrement indépendant de la société qui conserve la propriété de ce réseau. Cette désignation doit être validée par la Commission européenne. La compagnie propriétaire garde une partie des revenus générés par les réseaux de transport ;

- mise en place d'un opérateur indépendant de transmission (« independent transmission operator ») : l'opérateur du réseau de transport reste dans le périmètre de l'entreprise propriétaire du réseau (c'est-à-dire que ses résultats financiers sont intégrés dans les comptes consolidés de la société propriétaire du réseau), mais l'autonomie de sa régulation et de son activité sont garanties.

Chaque Etat membre choisit, pour les infrastructures existantes, l'un des trois modèles proposés pour les infrastructures existantes. La France a fait le choix de la « troisième voie », qui garantit l'indépendance des gestionnaires de réseaux sans aller jusqu'à la séparation patrimoniale (« ownership unbundling »)

Une exemption au principe du découpage patrimonial (théoriquement appliqué à tous les opérateurs, domestiques ou étrangers) pourra être accordée par un régulateur national et approuvée par la Commission européenne dans les cas précis où l'investissement considéré n'est pas réalisable autrement.

La clause dite « pays tiers » et la nécessité de certification des opérateurs de transport contrôlés par les investisseurs étrangers. Les compagnies détenues par des actionnaires hors de l'Union européenne devront démontrer qu'elles ne portent pas atteinte à la sécurité énergétique de l'Union européenne si elles veulent pouvoir opérer dans l'Union européenne. Les délais de certification pourraient atteindre dix mois.

La garantie de l'accès des tiers aux réseaux de transport d'énergie .

L'adoption par l'Union européenne du troisième « paquet énergétique » a suscité de fortes préoccupations du côté de la Russie.

Deux raisons majeures expliquent ces inquiétudes.

D'une part, Gazprom aime être propriétaire . Pour Gazprom, qui a subi, à la chute de l'URSS, le traumatisme de la perte d'une partie importante de son réseau de gazoduc (notamment en Ukraine et en Biélorussie), la possession d'actifs est une condition à la sécurisation d'un marché et à la création de richesses. La stratégie de développement poursuivie par Gazprom en Europe se construit donc depuis des années autour d'un principe central : sécuriser un accès le plus proche possible des clients, en fournissant le gaz jusqu'aux frontières nationales, voire jusqu'aux consommateurs finaux. Pour descendre en aval vers les marchés consommateurs et diminuer les risques de transit, Gazprom a ainsi acheté des parts dans des réseaux de transport et mis en oeuvre de nouveaux projets de gazoducs (comme Nord Stream). L'adoption du troisième paquet énergétique remet aujourd'hui en question cette stratégie.

Gazprom

Héritier des différentes structures ministérielles qui ont organisé l'industrie du gaz en Union soviétique puis en Russie, Gazprom est devenue une entreprise en 1989 puis une société d'actionnaires en 1993 dénommée OAO Gazprom.

En 2005, l'État russe est devenu son actionnaire majoritaire avec la moitié plus une action. 7,45 % du capital est détenu par des actionnaires non résidents, dont l'entreprise allemande E.ON. La capitalisation boursière de Gazprom, qui était de 269 milliards de dollars en mai 2006, la place au troisième rang mondial.

Il s'agit de la plus grande société russe (400.000 employés) et du plus gros producteur de gaz au monde : Gazprom contrôle aujourd'hui plus de 80 % de la production de gaz naturel en Russie et 20 % de l'ensemble des réserves mondiales. Elle possède également 155 000 km de gazoducs et toutes les stations de compression. Gazprom fournit environ le quart du gaz consommé en Europe.

L'activité de Gazprom ne se limite pas au gaz. Elle est également présente dans l'électricité, le nucléaire, le pétrole, la pétrochimie et le nucléaire. Gazprom contrôle aussi plusieurs chaînes de télévision et des journaux, une compagnie d'assurance et même des équipes de football en Russie et à l'étranger.

Contrôlée majoritairement par l'Etat, Gazprom joue un rôle central dans la politique et la diplomatie énergétique du pays. Le Président du directoire de Gazprom, Alexeï Miller, est un proche de Vladimir Poutine. Le Président de la Russie Dimitri Medvedev était auparavant Président du Conseil d'administration de Gazprom.

Bien qu'étroitement contrôlée et appuyée par le pouvoir, Gazprom semble connaître depuis deux ans une relative baisse d'influence face à deux autres acteurs : le numéro 2 du gaz Novatek, société privée dont Total vient d'acquérir 12 % du capital, et le géant pétrolier public Rosneft, défendu par le Vice Premier ministre, M. Igor Setchine.

D'autre part, la Russie estime que ses investissements font l'objet d'un traitement différencié, voire discriminatoire . La clause dite « pays tiers », soumettant les investisseurs étrangers dans le secteur énergétique européen à une autorisation préalable, a ainsi été dénommée clause « anti-Gazprom » par les Russes.

Les principales critiques de la Russie à l'égard du troisième « paquet énergétique » , telles qu'elles m'ont été citées par les responsables russes lors de mes entretiens, peuvent être résumées de la manière suivante :

Premier argument , « le principe de découpage des actifs existants porte atteinte à la sécurité d'investissement » .

Pour la Russie, ce principe implique que les producteurs d'énergie soient dépossédés des réseaux d'approvisionnement qu'ils ont précédemment acquis. Les Etats membres ont la possibilité de contraindre les producteurs à se séparer entièrement de la propriété de ces gazoducs, solution qui a été notamment choisie par la Lituanie. Le statut des actifs existants sur le territoire de l'Union européenne dans le transport et le stockage de gaz, leur réorganisation, les possibilités de vente ou d'échange de ces actifs figurent parmi les principaux sujets d'inquiétude de la Russie.

Deuxième préoccupation de la Russie, « le statut des nouveaux projets et les conditions d'exemptions au découpage patrimonial ou à la garantie de l'accès aux tiers sont flous ».

La Russie craint notamment que les investisseurs étrangers puissent se voir refuser leur certification au motif d'une « atteinte à la sécurité énergétique de l'Union européenne », qui peut être interprétée de façon arbitraire par les Etats membres de l'Union européenne.

Troisième source d'inquiétude , « les contrats à long terme sont fragilisés ».

Selon certains concepteurs du troisième « paquet », les contrats gaziers à long terme constituent une barrière à l'entrée pour de nouveaux fournisseurs potentiels et freinent le développement des marchés spot. Les Russes, pour leur part, mettent en garde contre le fait que le troisième « paquet énergétique » a été adopté par l'Union européenne dans un contexte d'abondance de l'offre en gaz et de prix du gaz sur le marché inférieur à celui prévu dans les contrats à long terme. Or, le contexte a significativement évolué avec les évènements récents au Sud de la méditerranée.

Selon Gazprom, les contrats à long terme constituent pour la Russie un facteur essentiel de la « sécurisation de la demande européenne » et de leurs investissements dans le développement de nouveaux champs gaziers de plus en plus coûteux (à l'image de Shtokman), et, pour l'Union européenne, une garantie de stabilité des approvisionnements.

Or, avec la mise en oeuvre concrète du troisième « paquet énergétique », Gazprom considère qu'il va se trouver dans une situation de discordance contractuelle (« contractual mismatch ») affaiblissant la sécurité des contrats à long terme. En effet, la société a, conformément aux stipulations contractuelles des contrats à long terme, l'obligation contractuelle de livrer le gaz, alors que l'absence de maîtrise sur les réseaux de transport (en raison des risques de mésentente contractuelle entre fournisseur et transporteur, des déconnexions des durées des contrats d'approvisionnement et de transport, des décisions de l'opérateur indépendant concernant les capacités des gazoducs réservés aux tiers, etc.) fait peser un risque de défaut de livraison.

Quatrième motif de préoccupation , « la mise en oeuvre du troisième paquet énergétique pourrait réduire l'attractivité des investissements dans le secteur gazier de l'Union européenne ».

D'après les responsables russes chargés de l'énergie, les compagnies indépendantes opératrices des réseaux risquent de ne pas avoir de capacités d'investissement suffisantes pour maintenir et développer les réseaux. Au final, le sous-investissement dans les infrastructures de transport d'énergie serait contraire à l'objectif de garantie de la sécurité énergétique de l'Union européenne.

La Russie revendique notamment pour le projet de gazoduc South Stream l'exemption à la clause de découpage patrimonial, déjà accordée au projet de gazoduc Nabucco, une telle exemption pouvant être accordée dans les cas précis où l'investissement considéré n'est pas réalisable autrement. Une telle exemption permettrait à Gazprom d'exercer un contrôle sur la partie de South Stream située sur le continent européen, une garantie indispensable, selon la Russie, pour assurer les banques de sa capacité à transporter les volumes gaziers contractés par ses clients et à en tirer les recettes prévues.

Enfin, cinquième et dernier argument , « le troisième paquet énergétique applique aux investissements russes un régime manuel de décision qui est source d'incertitude ».

Certains de mes interlocuteurs russes ont attiré l'attention sur le risque accru de conflits énergétiques engendré par l'application du troisième « paquet énergétique », et en particulier par la clause « pays tiers ».

Cette clause « pays tiers », qui soumet les investissements étrangers à une autorisation spécifique préalable, met tous les acteurs du secteur gazier (investisseurs étrangers mais aussi leurs partenaires européens) dans une « approche manuelle » : tout projet sera jugé au cas par cas, avec un risque d'arbitraire et de tensions.

D'après eux, un mode de « gestion automatique » (qui considèrerait qu'un projet est conforme à la loi européenne jusqu'à ce qu'il soit fait éventuellement la preuve du contraire) serait largement préférable.

Ce mode automatique reviendrait à exempter la Russie de la clause « pays tiers ». Ses investissements seraient soumis aux règles du troisième « paquet énergétique », mais sans contrôle a priori.

Les premiers exemples d'application du troisième « paquet énergétique » n'ont pas apaisé les craintes de la Russie mais ont au contraire conforté leurs inquiétudes.

Alors que la Pologne était très désireuse de trouver une solution acceptable par Gazprom, la Lituanie a adopté une attitude plus conflictuelle.

L'accord gazier russo-polonais du 29 octobre 2010

La signature de l'accord gazier du 29 octobre 2010 entre la Russie et la Pologne, au terme de négociations difficiles mais qui ont obtenu l'aval de la Commission européenne, démontre que les inquiétudes de la Russie vis-à-vis des conséquences du 3 e paquet énergétique peuvent, en pratique, être surmontées.

L'un des principaux points de blocage était l'exploitation conjointe du gazoduc Yamal-Europe.

Au début de l'année 2010, la Pologne et la Russie s'étaient mis d'accord sur les modalités d'exploitation de ce gazoduc à partir du 1 er janvier 2011 qui étaient fondées sur les principes suivants : le contrôle du gazoduc et la fixation du tarif devaient être assurés par la joint venture russo-polonaise Europolgaz (détenue à 50 % par Gazprom et à 50 % par la compagnie polonaise PGNiG), propriétaire de la partie polonaise du gazoduc.

Cet arrangement a été contesté par la Commission européenne, qui a demandé, conformément au troisième « paquet énergétique », de garantir l'accès des fournisseurs indépendants au gazoduc.

Dans les négociations avec la Commission européenne, la Pologne et la Russie ont formé une position consolidée en arguant du fait que Gazprom était, pour des raisons géographiques, le seul fournisseur de l'Union européenne par le gazoduc Yamal-Europe.

L'accord trouvé avec la Commission européenne a finalement permis d'acter le principe d'un accroissement des importations de gaz russe par la Pologne via le gazoduc Yamal :

- en répondant aux exigences européenne de gestion de la section polonaise du gazoduc (transport et maintenance technique) par une entité indépendante (l'opérateur polonais Gaz-System), qui assure les fonctions d'opérateur des réseaux, ce rôle étant précédemment joué par l'opérateur Europolgaz, détenu à parité par Gazprom et le groupe polonais PGNiG ;

- en laissant à Gazprom et à PGNiG un degré de contrôle sur les tarifs de transit gazier, sous le contrôle du régulateur national polonais.

En résumé, grâce à cet accord, Gazprom a réussi à s'assurer le maintien d'une forme d'influence sur le réseau, tout en renonçant à ses fonctions techniques de transporteur.

A l'inverse, le récent conflit gazier entre la Russie et la Lituanie autour de l'application du troisième « paquet énergétique » constitue une bonne illustration des préoccupations russes.

Le cas de la Lituanie

Les trois pays Baltes dépendent intégralement des gazoducs russes pour leur approvisionnement. Il n'y a ni d'autres fournisseurs, ni de terminaux gaziers pour le gaz naturel liquéfié, ni de jonction entre les réseaux gaziers baltes et européens. Au début des années 2000, les trois pays baltes ont vendu leurs parts dans ces réseaux de gazoducs à Gazprom et se sont tous organisés sur le même principe : plus de 30 % des actions sont détenues par Gazprom (en Lettonie : 34 %, en Estonie : 37 % et en Lituanie : 37 %) et par la compagnie allemande E.on Ruhrgas (respectivement à hauteur de 47 %, 34 % et 39 %). La Lituanie est le seul pays à avoir conservé une participation de l'Etat (17 %).

Au début de l'année 2011, la Lituanie a adopté, sur le fondement du troisième « paquet énergétique » de l'Union européenne, une nouvelle loi sur le gaz prévoyant la séparation complète des activités de production et de transport et un transfert à l'Etat des parts détenues par Gazprom.

Considérant qu'il s'agissait là d'une expropriation, Gazprom a annoncé que le prix du gaz pour l'Estonie et la Lettonie serait prochainement réduit de 15 % mais pas pour la Lituanie.

A la suite de cette déclaration, la Lituanie a déclenché une procédure contre Gazprom au niveau européen, en dénonçant son abus de position dominante sur son marché.

Afin d'apporter des réponses aux préventions russes à l'égard du troisième « paquet énergétique », la Commission européenne et Gazprom sont convenus de mettre en place un groupe de travail mixte chargé d'examiner régulièrement l'application du troisième « paquet énergétique » et son impact sur l'exécution des contrats à long terme, au sein des instances du dialogue énergétique entre l'Union européenne et la Russie , créé en 2000, à l'initiative de l'ancien Président de la Commission européenne M. Romano Prodi.

Toutefois, les discussions menées jusqu'à présent n'ont pas permis d'aboutir à un accord satisfaisant pour les deux parties.


Le dialogue Union européenne-Russie sur l'énergie

Ce dialogue a été lancé lors du Sommet Union européenne-Russie de Paris, le 30 octobre 2000, afin de permettre des progrès dans la définition et la mise en oeuvre d'un partenariat énergétique entre l'Union européenne et la Russie.

Ce dialogue vise à renforcer la sécurité énergétique, à améliorer les possibilités d'investissement dans le secteur de l'énergie en Russie afin de renforcer et d'étendre les infrastructures de production et de transport d'énergie et d'améliorer leur impact sur l'environnement, à encourager l'ouverture des marchés de l'énergie, à faciliter l'essor sur le marché de technologies plus respectueuses de l'environnement et des ressources en énergie, et à promouvoir l'efficacité énergétique ainsi que les économies d'énergie.

Le fonctionnement du dialogue sur l'énergie se fonde sur plusieurs niveaux. Le Conseil permanent de partenariat énergétique réunit notamment le ministre russe chargé de l'énergie et le Commissaire européen chargé de l'énergie. Il existe également plusieurs groupes de travail, qui réunissent des représentants des services russes de l'énergie et de la Commission européenne, ainsi que des groupes thématiques, qui comprennent également des experts désignés par les Etats membres et la Russie, des représentants des entreprises.

A la suite de la réunion du Conseil permanent de décembre 2008, il a été décidé de restructurer les groupes thématiques conjoints en trois formations : stratégies, prévisions et scénarios énergétiques ; développement des marchés ; efficacité énergétique.

En outre, la « table ronde des industriels russes et européens » traite souvent de sujets énergétiques.

Les inquiétudes de la Russie à l'égard de la mise en oeuvre du troisième « paquet énergétique » constituent aujourd'hui un sérieux obstacle au renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie en matière énergétique.

De manière générale, la coopération entre l'Union européenne et la Russie semble marquer le pas, comme l'illustre le maigre résultat du dernier Sommet Union européenne-Russie des 9 et 10 juin 2011, et il apparaît nécessaire de donner un nouveau souffle à ces relations.

III. POUR UN « ESPACE ÉCONOMIQUE, HUMAIN ET DE SECURITÉ COMMUN » DE BREST À VLADIVOSTOK

Quatre domaines prioritaires permettraient de donner un nouvel élan aux relations entre l'Union européenne et la Russie.

A. UN PRÉALABLE À LA CRÉATION D'UN ESPACE ECONOMIQUE COMMUN : L'ADHESION DE LA RUSSIE À L'OMC

Seul grand pays non membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Russie est officiellement candidate à l'adhésion à l'OMC depuis 1993.

Plus de dix-sept ans après la présentation de sa candidature, la Russie se trouve toujours à la porte de cette organisation. Entre-temps d'autres pays, qui ont pourtant présenté plus tard leur candidature, ont accédé et sont devenus membres de l'OMC depuis déjà plusieurs années, à l'image de la Géorgie ou de la Moldavie.

Quelles sont les raisons qui expliquent cette lenteur des négociations, qui n'est toutefois pas propre à la Russie, puisque la Chine a négocié son entrée à l'OMC pendant quinze années ?

Les raisons de ce retard ne tiennent pas tant à la taille de l'économie russe, qui reste une économie relativement modeste à l'échelle mondiale. Ce retard semble s'expliquer surtout par des considérations politiques et par l'importance des enjeux pour les milieux d'affaires russes.

Jusqu'en 1999, les négociations sur l'adhésion de la Russie au GATT puis à l'OMC n'avaient guère progressé en raison de la situation chaotique de l'économie russe. Ce n'est qu'à partir de l'élection de Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération de Russie en mars 2000 que les négociations ont pu réellement s'engager. En effet, dès le début de son mandat, Vladimir Poutine a fait de l'adhésion de la Russie à l'OMC l'une des priorités de sa présidence en matière économique.

La Russie a procédé à d'importantes réformes qui ont porté notamment sur la réduction des droits de douane et la simplification des dispositions relatives au commerce extérieur, mais aussi sur les conditions de concurrence, les investissements étrangers et la restructuration du système bancaire.

En 2002, le statut d'économie de marché lui a été reconnu par l'Union européenne, puis par les Etats-Unis, et son intégration de plein exercice au G8 a été officialisée.

L'accord bilatéral conclu avec l'Union européenne en mai 2004 a représenté une étape importante en vue de l'adhésion de la Russie à l'OMC. En effet, l'Union européenne représente le premier partenaire commercial pour la Russie avec lequel elle réalise plus de 55 % de ses échanges. À titre de comparaison, les échanges commerciaux avec les États-Unis sont très modestes (5 % du commerce extérieur russe).

Les principales difficultés ont porté sur le prix de l'énergie, la propriété intellectuelle, l'agriculture, les réglementations sanitaires et phytosanitaires et les industries politiquement sensibles et les droits de survol de la Sibérie.

En juin 2010, lors d'une rencontre entre Barack Obama et Dimitri Medvedev, les Etats-Unis et la Russie sont parvenus à un accord sur les termes de cette adhésion et les Etats-Unis ont annoncé leur soutien à la candidature de la Russie à l'OMC.

Enfin, en décembre 2010, l'Union européenne et la Russie ont signé un memorandum d'entente sur l'adhésion de la Russie à l'OMC.

Où en sommes-nous aujourd'hui dans les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC ?

Ces négociations ont connu une forte accélération depuis l'été 2010 et la rencontre entre Barack Obama et Dimitri Medvedev.

Auparavant, la déclaration de Vladimir Poutine en juin 2009 selon laquelle la Russie voulait adhérer à l'OMC de manière groupée, dans le cadre de l'union douanière avec la Biélorussie et le Kazakhstan, avait jetée un froid, étant donné qu'une telle adhésion groupée aurait eu pour effet de retarder encore l'adhésion de la Russie, compte tenu de la situation de la Biélorussie, qui reste encore une économie largement soviétisée.

Depuis l'accord russo-américain de juin 2010, et l'accord avec l'Union européenne de décembre 2010, on constate une forte accélération des négociations qui démontre une réelle volonté d'aboutir du côté russe.

Ainsi, les négociations sur les services sont aujourd'hui quasiment bouclées et concernant les biens, les accords bilatéraux ont été signés et sont en voie de consolidation. Le rapport du groupe de travail, qui contient les engagements du pays accédant, et qui conditionne largement l'adhésion, a beaucoup avancé au cours de ces derniers mois.

Actuellement, quatre points restent encore en suspens.

La première difficulté est de nature technique. Elle est apparue lors du travail de consolidation des accords bilatéraux sur les biens, car il est apparu que les taux des différents droits de douane ou taxes étaient calculés de manière très variable selon les différents accords bilatéraux (avec parfois des taux ad valorem, parfois des taux spécifiques ou des taux mixtes). Or, il est très complexe de consolider ces taux dans un texte général. Cette difficulté s'explique largement par la longueur des négociations sur l'adhésion de la Russie, étant donné que la nomenclature de l'OMC a beaucoup évolué entre la date du début des négociations et aujourd'hui. Un important travail de consolidation et d'harmonisation reste donc à faire concernant l'harmonisation des taux. Toutefois, il s'agit là principalement d'un problème de nature technique.

Le deuxième sujet conflictuel porte sur l'agriculture .

Tout candidat à l'accession doit formuler des propositions concernant les tarifs douaniers prélevés sur les importations de produits agricoles, mais aussi quant aux subventions accordées au secteur (élevage, production agricole, aide à l'investissement, prêts bonifiés, aide au transport de produits agricoles, etc.). En conformité avec l'accord de l'OMC sur l'agriculture, la Russie doit fixer un plafond à ses interventions en prenant pour référence une période de trois années précédant son accession et s'engager à réduire ses aides de 20 % durant les six années qui suivent.

En comparaison des grandes puissances agricoles, telles que l'Union européenne ou les Etats-Unis, la Russie n'apporte qu'un soutien très faible à son agriculture. Elle souhaite se donner la possibilité d'accroître à terme le niveau de ce soutien, mais les règles de l'OMC imposent de fixer le niveau des aides futures sur la base des aides passées, ce qui limite considérablement la marge possible. Le secteur agricole, bien qu'en progrès, souffre de maux structurels : usure et obsolescence de l'appareil de production, faiblesse des investissements, difficultés logistiques et fort endettement. La discussion porte donc sur la période de référence à retenir pour évaluer le montant des aides. Certains membres de l'OMC prennent pour base la période de transition, durant laquelle elles ont été proches de zéro. Les autorités russes souhaitent au contraire se fonder sur les années ayant précédé la transition, durant lesquelles les aides ont été bien supérieures, l'agriculture étant alors largement collectivisée.

Les propositions initiales de la Russie étaient fondées sur les chiffres de la période 1989-1992, faisant apparaître des propositions de soutien interne au secteur de 84 milliards de dollars et des subventions à l'exportation à hauteur de 1,6 milliard. Face au rejet de ces propositions, la partie russe a dû réviser plusieurs fois sa position. Ses dernières propositions ramènent le niveau de soutien interne maximal à 9,5 milliards de dollars et celui des subventions aux exportations à 0,7 milliard. La principale opposition provient des pays du groupe de Cairns 25 ( * ) , qui souhaitent prendre comme période de base les années 1997 à 1999, durant lesquelles la crise budgétaire avait fortement réduit les subventions à l'agriculture : le montant du soutien était compris entre 2 et 3 milliards de dollars, soit moins que le niveau minimal autorisé par les accords sur l'agriculture, correspondant à 5 % des coûts du secteur.

Le cas de l'agriculture illustre le caractère asymétrique des négociations d'accession. La Russie n'est pas en mesure de dicter ses conditions et le rapport est favorable aux pays membres de l'organisation, qui peuvent infléchir de manière substantielle les conditions dans lesquelles la Russie pourra accéder à l'OMC.

La troisième difficulté concerne les mesures d'investissement liées au commerce, et en particulier le secteur automobile

Malgré un tarif douanier sur les importations de 25 %, la part de marché des principaux constructeurs automobiles nationaux, en baisse depuis quinze ans, est désormais tombée en dessous de 50 %.

Afin de protéger son industrie automobile, fleuron de l'époque soviétique et soumise à une forte concurrence étrangère, européenne mais aussi et surtout asiatique, la Russie a mis en place un régime qui propose, en contrepartie d'un tarif élevé sur les véhicules et composants importés, des tarifs proches de zéro pour les composants destinés à l'assemblage sur des sites propriétaires sur le territoire russe, moyennant l'engagement de ces derniers à faire progressivement appel à des fournisseurs russes.

Ce régime avait été réclamé par les représentants de l'industrie automobile russe qui avaient su se faire entendre du pouvoir politique.

Comme l'a reconnu le directeur chargé des négociations commerciales internationales au ministère de l'économie, M. Vladimir Tkachenko, lors de notre entretien, ce régime, qui peut s'assimiler à une subvention indirecte à l'exportation, est clairement contraire aux règles de l'OMC et les négociations portent actuellement sur l'instauration d'une période transitoire qui pourrait courir jusqu'en 2018, date à laquelle la Russie s'engagerait à mettre un terme à ce régime.

Le négociateur russe n'a toutefois pas caché qu'il se heurtait à un fort lobbying de la part des constructeurs automobiles, et de représentants d'autres secteurs industriels, inquiets de la concurrence étrangère sur le marché domestique. De telles demandes dérogatoires risquent d'après lui de se multiplier à l'approche des élections présidentielles russes de 2012, ce qui devrait inciter à conclure au plus vite les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC.

Enfin, le quatrième et dernier point sensible porte sur l'union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

En effet, même si les autorités russes ont renoncé à l'idée d'une adhésion groupée des trois pays, des interrogations demeurent sur le fonctionnement de cette union douanière et sa compatibilité avec les règles de l'OMC.

Les autres points difficiles semblent désormais réglés ou en voie de l'être.

Il en va ainsi des normes sanitaires et phytosanitaires , qui ont constitué pendant longtemps une pierre d'achoppement des négociations.

La Russie a, en effet, été accusée de ne pas respecter les règles de l'OMC en matière de barrières non tarifaires, en édictant des normes sanitaires et phytosanitaires non justifiées. Ainsi, les Etats-Unis ont exprimé des doutes sur la régularité des mesures prises en Russie à l'encontre des importations de poulet américain, suspecté de véhiculer le virus de la grippe aviaire. En novembre 2005, la Russie avait également gelé ses importations d'animaux vivants, de produits carnés et de végétaux en provenance de Pologne, en reprochant à ce pays une absence de contrôles suffisants et des falsifications répétées de certificats vétérinaires.

Plus récemment, début juin 2011, l'embargo décrété par la Russie sur les importations de légumes frais en provenance de l'Union européenne, à la suite de l'apparition de cas d'intoxication alimentaire en Allemagne, a également été contestée comme contraire aux règles de l'OMC par les pays européens.

Une récente « pomme de discorde » : la « crise du concombre » entre l'Union européenne et la Russie

A la suite de l'apparition de cas mortels d'intoxication alimentaire en Allemagne, au début du mois de juin 2011, dus à une souche rare de la bactérie E.coli, la Russie a décrété un embargo sur les légumes frais en provenance de l'Union européenne.

La Commission européenne a estimé que la décision de la Russie de maintenir l'embargo après l'identification de la source de contamination par les autorités allemandes était « totalement injustifiée ».

Cette question a occupé une place importante lors du dernier Sommet Union européenne-Russie, qui s'est tenu les 9 et 10 juin 2011 à Nijni-Novgorod. Lors de ce Sommet, l'Union européenne et la Russie ont accepté le principe d'une levée de cet embargo et d'une reprise des importations de légumes frais « sans délai », dès lors qu'un système spécial de certification aura été mis en place.

Malgré les assurances de l'Union européenne, la Russie n'a toujours pas levé à ce jour son embargo, ce qui suscite une forte protestation du côté européen.

Un autre sujet conflictuel a concerné la protection des droits de propriété intellectuelle . Bien que la Russie ait mis en place un arsenal législatif destiné à encadrer la protection des droits de propriété intellectuelle et qu'elle ait ratifié les principales conventions internationales et conclu plusieurs accords bilatéraux sur cette question, les Etats-Unis et l'Union européenne ont fait part à plusieurs reprises de leur préoccupation au sujet de l'application sur le terrain et de l'inaction des autorités face à l'ampleur du phénomène de contrefaçon sur le territoire de la Russie. Ainsi, fin 2005, le Congrès américain a suspendu le maintien de la clause de la nation la plus favorisée à la Russie en conditionnant son rétablissement à l'amélioration de la lutte contre les violations des droits de propriété intellectuelle, les pertes liées à la reproduction non autorisée de produits audiovisuels américains étant estimées à plus de 750 millions de dollars. La partie russe souligne de son côté les efforts entrepris pour réduire l'ampleur du phénomène et fait observer que d'autres membres de l'OMC, comme la Chine, font face aux mêmes difficultés.

Au-delà de ces difficultés techniques, l'adhésion de la Russie à l'OMC se heurte à deux difficultés de nature politique .

La première difficulté est liée à l'attitude des Etats-Unis et résulte de l'amendement Jackson-Vanik.

L'amendement Jackson-Vanik

L'amendement Jackson-Vanik est un héritage de la guerre froide. Cet amendement à la Loi sur la réforme du commerce (Trade Reform Act) a été adopté, à l'initiative des sénateurs Jackson et Vanik, en 1974 en réponse aux restrictions qui frappaient les Juifs d'URSS et des autres pays du bloc soviétique, empêchés d'émigrer librement. Il veut que les Etats-Unis procèdent à un examen annuel des relations commerciales avec l'URSS et les pays du bloc soviétique pour s'assurer que ces pays permettent l'émigration des Juifs. Plus précisément, il interdit au gouvernement américain d'étendre le très convoité statut de la nation la plus favorisée avec ses privilèges commerciaux aux pays qui ne sont pas des « économies de marché » et qui ont un mauvais dossier en matière de droits de l'homme, principalement ceux qui ne reconnaissent pas le droit d'émigrer librement.

Malgré la disparition du bloc soviétique et de l'URSS et le fait que le droit à l'émigration des Juifs ne pose plus de difficultés, cet amendement n'a pas été levé. Depuis 1989, un moratoire annuel s'applique à l'égard de la Russie et des autres pays issus du bloc soviétique.

Depuis déjà plusieurs années, l'administration présidentielle et les milieux d'affaires américains font pression sur le Congrès pour lever cet amendement, sans succès jusqu'à présent. Le Président Barack Obama souhaite obtenir la levée de cet amendement et cette question figure à l'ordre du jour du Congrès.

Toutefois, le Congrès demeure réticent à supprimer cet amendement, essentiellement pour des raisons de politique intérieure, car plusieurs parlementaires du Congrès contestent la politique de rapprochement de Moscou du Président Barack Obama, accusé de se montrer trop complaisant vis-à-vis de la Russie. La difficile ratification du traité New Start a illustré les difficultés rencontrées par l'administration présidentielle dans ses relations avec le Congrès en ce qui concerne sa politique de rapprochement avec la Russie. Ainsi, certains parlementaires américains ont proposé de remplacer cet amendement par un nouvel « amendement Magnitsky », du nom du juriste de la société britannique Hermitage mort en détention en Russie en novembre 2009, et qui instaurerait un régime de sanctions à l'égard de la Russie.

Il semblerait également que des considérations tenant à la protection de certains secteurs économiques ne soient pas étrangères à l'attitude du Congrès américain. Ainsi, la Russie est le plus important producteur d'engrais azoté au monde. Or, les producteurs américains se plaignent du fait que leurs concurrents russes bénéficient d'un avantage en payant un prix beaucoup moins élevé de gaz naturel, qui est l'un des principaux composants de cet engrais.

Avant de se prononcer sur l'abrogation de l'amendement Jackson-Vanik, le Congrès attendra certainement de connaître en détail le contenu précis des conditions de l'accession de la Russie à l'OMC. La levée de cet amendement devrait toutefois faire l'objet d'une forte pression de la part du Président Barack Obama sur le Congrès.

La levée de l'amendement Jackson-Vanik n'est toutefois pas une condition impérative pour l'adhésion de la Russie à l'OMC.

Avant l'adhésion du Vietnam à l'OMC, les Etats-Unis avaient invoqué l'article XIII de l'accord instituant l'OMC, qui permet à un Etat membre de l'organisation de ne pas appliquer l'accord avec un Etat devenant membre de l'OMC, dans l'attente de l'accord du Congrès sur la levée de l'amendement Jackson-Vanik. En définitive, le Congrès avait accepté de lever cet amendement avant l'adhésion du Vietnam dans l'OMC, qui est intervenue en janvier 2007, et l'article XIII n'avait pas eu à s'appliquer. Il n'est toutefois pas certain que la Russie accepte un tel traitement de la part des Etats-Unis.

Article XIII de l'Accord instituant l'OMC

Non-application des Accords commerciaux multilatéraux entre des Membres

1. Le présent accord et les Accords multilatéraux figurant aux Annexes 1 et 2 ne s'appliqueront pas entre un Membre et tout autre Membre si l'un des deux, au moment où il devient Membre, ne consent pas à cette application.

2. Le paragraphe 1 ne pourra être invoqué entre des Membres originels de l'OMC qui étaient parties contractantes au GATT de 1947 que dans les cas où l'article XXXV dudit accord avait été invoqué précédemment et était en vigueur entre ces parties contractantes au moment de l'entrée en vigueur pour elles du présent accord.

3. Le paragraphe 1 ne s'appliquera entre un Membre et un autre Membre qui a accédé au titre de l'article XII que si le Membre ne consentant pas à l'application l'a notifié à la Conférence ministérielle avant que celle-ci n'ait approuvé l'accord concernant les modalités d'accession.

4. A la demande d'un Membre, la Conférence ministérielle pourra examiner le fonctionnement du présent article dans des cas particuliers et faire des recommandations appropriées.

5. La non-application d'un Accord commercial plurilatéral entre parties audit accord sera régie par les dispositions dudit accord.

En réalité, l'amendement Jackson-Vanik représente davantage une difficulté pour les Etats-Unis que pour la Russie. En effet, ce sont surtout les milieux d'affaires américains qui risquent d'être pénalisés dans le cas où l'amendement serait maintenu.

La deuxième difficulté est plus délicate. Elle porte sur un éventuel veto de la Géorgie à l'entrée de la Russie dans l'OMC en raison de la reconnaissance par Moscou de l'indépendance des deux provinces séparatistes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, à l'issue du conflit russo-géorgien de l'été 2008.

En théorie, l'accès d'un Etat à l'OMC requiert l'approbation d'une majorité des deux tiers des pays membres de l'organisation. Toutefois, en pratique, il n'est pas procédé à un vote et c'est la règle du consensus qui s'applique.

La Géorgie entendra-t-elle bloquer l'accession de la Russie à l'OMC pour des raisons politiques ?

La Géorgie souhaiterait obtenir de la Russie la possibilité de contrôler le franchissement des frontières entre le territoire de la Fédération de Russie et celui des deux provinces séparatistes, ce qui ne paraît pas acceptable pour la Russie, qui a reconnu l'indépendance des deux entités. Il semblerait que cette question ait été abordée dans le cadre des discussions entre la Géorgie et la Russie qui se déroulent actuellement à Genève, sous médiation suisse, à propos de la mise en oeuvre des termes de l'accord ayant mis un terme au conflit russo-géorgien de l'été 2008.

Afin de surmonter un éventuel blocage de la Géorgie, la Russie pourrait peut-être invoquer l'article XIII de l'accord instituant l'OMC, qui permet à un Etat membre ou à un Etat candidat de ne pas appliquer les règles de l'OMC à l'égard d'un autre Etat.

Jusqu'à présent l'article XIII a été invoqué à treize reprises et a été appliqué neuf fois, chaque fois à la demande d'un Etat membre de l'organisation. Même si le cas ne s'est pas encore présenté, il semble possible juridiquement que cet article soit invoqué par un pays candidat. Juridiquement, une telle solution paraît possible, mais politiquement elle semble toutefois difficile à mettre en oeuvre.

Article XII de l'Accord instituant l'OMC

Accession

1. Tout Etat ou territoire douanier distinct jouissant d'une entière autonomie dans la conduite de ses relations commerciales extérieures et pour les autres questions traitées dans le présent accord et dans les Accords commerciaux multilatéraux pourra accéder au présent accord à des conditions à convenir entre lui et l'OMC. Cette accession vaudra pour le présent accord et pour les Accords commerciaux multilatéraux qui y sont annexés.

2. Les décisions relatives à l'accession seront prises par la Conférence ministérielle. La Conférence ministérielle approuvera l'accord concernant les modalités d'accession à une majorité des deux tiers des Membres de l'OMC.

3. L'accession à un Accord commercial plurilatéral sera régie par les dispositions dudit accord.

Les Etats-Unis et l'Union européenne pourraient également faire pression sur la Géorgie pour que ce pays accepte l'entrée de la Russie dans l'OMC. Une forte incertitude demeure donc sur l'attitude de la Géorgie à l'égard de la candidature de la Russie à l'adhésion à l'OMC.

Les personnalités rencontrées ou interrogées, tant à Bruxelles qu'à Genève et à Moscou, se sont déclarées confiantes sur l'accession de la Russie à l'OMC qui pourrait, selon elles, intervenir dès la fin de cette année ou l'an prochain. L'issue des négociations devrait être favorisée par la forte volonté politique exprimée par le Président Dimitri Medvedev d'obtenir l'adhésion de la Russie avant la fin de son mandat.

Toutefois, l'approche des élections présidentielles russes, qui devraient intervenir en 2012, devrait compliquer la tâche des négociateurs russes pour accepter de nouvelles concessions qui risquent de contrarier les milieux d'affaires, à l'image du secteur automobile.

L'adhésion à l'OMC présenterait de nombreux avantages pour la Russie :

- en termes de prestige et d'influence, cette accession permettrait de renforcer la place de la Russie dans les enceintes internationales et de faire valoir ses positions dans les futurs cycles de négociation et mieux défendre ses intérêts ;

- la Russie pourrait bénéficier des institutions de l'OMC et des accords multilatéraux qui y sont attachés (clause de la nation la plus favorisée, lutte contre le dumping, réduction des barrières tarifaires et suppression des barrières non tarifaires) ;

- l'adhésion à l'OMC permettrait à la Russie de développer ses relations commerciales : l'ouverture accrue des marchés étrangers devrait offrir davantage d'opportunités aux exportateurs nationaux ; dans le même temps, l'intensification de la concurrence est susceptible de favoriser la baisse des prix, l'amélioration de la qualité des produits et des services et plus généralement l'allocation des ressources ;

- l'accession à l'OMC ouvrirait l'accès de la Russie à l'Organe de règlement des différends (ORD) qui donne la possibilité d'un traitement indépendant des contentieux commerciaux ;

- en intégrant l'OMC, la Russie espère obtenir l'abrogation des procédures anti-dumping unilatérales lancées par plusieurs partenaires commerciaux (dont les Etats-Unis et l'Union européenne) à son encontre, qui coûtent à son économie entre 2 et 4 milliards de dollars par an, selon le ministère russe du commerce ;

- l'accès à l'OMC permettrait à la Russie de stabiliser et d'améliorer le système légal qui encadre les activités économiques et de garantir son application effective sur l'ensemble du territoire national, ce qui permettrait de développer fortement les investissements étrangers. On estime qu'en moyenne, sur les vingt dernières années, l'adhésion à l'OMC s'est traduite par une accélération des flux d'investissements directs étrangers de 4 milliards de dollars par an pour les pays concernés ;

- l'adhésion à l'OMC devrait contribuer à orienter la Russie vers une économie fondée sur la connaissance : par la protection des droits de propriété intellectuelle, la participation à l'OMC devrait permettre à la Russie d'offrir un cadre légal favorisant l'épanouissement des secteurs intensifs en recherche et développement, et de maintenir la main d'oeuvre qualifiée et le potentiel scientifique sur le territoire national ;

- en devenant membre de l'OMC, la Russie pourrait accéder à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et devenir partie aux conventions conclues au sein de cette organisation, en particulier en matière de lutte contre la corruption et de lutte contre le blanchiment de capitaux ;

- enfin, l'adhésion à l'OMC constitue un préalable au renforcement des relations économiques entre la Russie et l'Union européenne.

De nombreuses estimations quantitatives des gains à attendre d'une accession de la Russie à l'OMC ont été réalisées. Ces études ont mis en évidence les effets de l'amélioration de l'accès aux marchés étrangers, de l'allocation plus efficace des ressources, des effets de l'importation de capitaux et de technologies étrangères sur la productivité de l'industrie et des services ou de l'augmentation du rendement des investissements. Les résultats de ces travaux sont difficiles à évaluer puisque les gains estimés varient entre 0,4 et 4 points de croissance annuelle supplémentaires à moyen terme. A long terme, les effets positifs sur la consommation atteindraient 7% par an, du fait de la réduction des tarifs douaniers et surtout de l'amélioration de l'accès des investisseurs étrangers au secteur des services.

L'intégration dans l'OMC n'est toutefois pas sans risques pour la Russie.

De nombreux secteurs protégés (comme l'industrie automobile et l'industrie aéronautique ou encore l'agriculture) risquent de souffrir d'une plus grande ouverture à la concurrence étrangère. Le lobbying, sinon la proximité, des représentants de ces industries auprès des autorités de l'Etat, ne semblent d'ailleurs pas étrangers à la longueur, voire aux réticences, rencontrées lors des négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC.

Depuis près de vingt ans, l'accession de la Russie à l'OMC est soumise à des vicissitudes, avec tantôt des périodes de forte accélération, mais aussi des périodes de stagnation, voire de reculs.

Or, le temps joue contre la Russie puisque, au fil des ans, les conditions deviennent de plus en plus restrictives et, dans le même temps, l'intégration de nouveaux membres complique mécaniquement la tâche des négociateurs russes.

Depuis 2010 et la rencontre entre Barack Obama et Dimitri Medvedev, il semblerait que les plus hautes autorités de la Russie aient clairement fait le choix d'une adhésion de la Russie à l'OMC. Témoignage de cette forte volonté politique, les négociations ont connu une forte accélération ces derniers mois. Les dirigeants russes évoquent désormais la fin de l'année 2011 pour une adhésion de leur pays à l'OMC, même s'il reste encore plusieurs difficultés à résoudre et qu'une incertitude demeure sur l'attitude de la Géorgie à l'égard de la candidature russe.

Or, la « fenêtre de tir » de la Russie est relativement courte car, de l'aveu même du négociateur russe, plus la date des prochaines élections présidentielles de 2012 se rapproche, plus des concessions seront difficiles à accepter pour la Russie, compte tenu des intérêts de certains secteurs industriels.

L'Union européenne devrait donc encourager et soutenir fortement la Russie concernant sa candidature à l'OMC.

L'adhésion de la Russie à l'OMC devrait, en effet, avoir pour effet de renforcer les échanges économiques entre l'Union européenne et la Russie, d'encourager les investissements réciproques et constituerait une forte incitation pour la Russie à engager les réformes nécessaires pour moderniser son économie.

Cette adhésion ouvrirait la voie à l'établissement d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et la Russie. La Russie aurait un plus grand accès au marché européen, tandis que les entreprises européennes pourraient profiter des potentialités du marché russe, vaste de plus d'une centaine de millions d'habitants et doté d'importantes ressources naturelles.

B. VERS UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE EN MATIÈRE ÉNERGÉTIQUE

Depuis les crises gazières entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie, les questions énergétiques sont régulièrement une source de tensions entre l'Union européenne et la Russie 26 ( * ) .

Pourtant, il existe en matière énergétique une réelle interdépendance entre l'Union européenne et la Russie.

En effet, la Russie devrait rester sur le long terme le principal fournisseur d'hydrocarbures de l'Union européenne, malgré la volonté de cette dernière de diversifier ses sources et voies d'approvisionnement.

De son côté, l'Union européenne devrait demeurer, en dépit de la volonté de la Russie de mondialiser ses ventes de gaz, le principal client énergétique de la Russie.

La Russie est aujourd'hui le premier producteur et le premier exportateur mondial de gaz naturel . Elle est également le deuxième producteur et le deuxième exportateur mondial de pétrole (après l'Arabie Saoudite).

Elle détient environ 30 % des réserves mondiales de gaz naturel , ce qui la place au premier rang devant l'Iran et le Qatar (avec chacun près de 15 %), loin devant les autres pays producteurs. Elle dispose aussi de 6 % des réserves mondiales de pétrole, de 20 % des réserves mondiales de charbon et de 14 % des réserves mondiales d'uranium .

La Russie est le premier fournisseur de gaz naturel des Vingt-sept (avec 40 % des importations, ce qui représente 19 % de la consommation totale de gaz de l'Union européenne) et le deuxième fournisseur de pétrole (avec 30 % des importations et 16 % de la consommation totale).

La dépendance énergétique à l'égard de la Russie varie cependant fortement entre les pays . Si de nombreux pays d'Europe centrale ou orientale dépendent entièrement de la Russie pour leur approvisionnement en gaz, comme la Slovaquie ou les Pays Baltes, la part du gaz russe est de 80 % en Pologne, 65 % en Autriche, 37 % en Allemagne et en Italie et 24 % en France.

Cette dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis de la Russie devrait fortement s'accroître dans les prochaines années. La Commission européenne estime que, d'ici vingt ou trente ans, 70 % des besoins énergétiques de l'Union européenne devront être assurés par les importations, contre 50 % aujourd'hui.

C'est surtout la dépendance en matière de gaz qui devrait augmenter dans les prochaines décennies, compte tenu de la hausse de la consommation dans l'Union européenne et de l'épuisement du gisement gazier en Mer du Nord, et malgré la découverte de « gaz de schiste », notamment en Pologne.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande européenne de gaz devrait augmenter de 50 % d'ici 2020 et, selon le ministère russe de l'énergie, la Russie pourrait fournir 70 % du gaz importé par les pays européens (contre 40 % aujourd'hui).

De son côté, l'Union européenne représente le principal débouché de la Russie, avec 70 % de ses exportations de gaz et 80 % de ses exportations de pétrole.

A l'avenir, la production d'hydrocarbures en Russie proviendra de gisements de plus en plus difficiles à exploiter et qui exigeront d'importants investissements et des techniques très élaborées, que seules les entreprises occidentales seraient en mesure d'apporter à la Russie.

Les entreprises européennes pourraient également apporter à la Russie des solutions permettant de renforcer l'efficacité énergétique et de réduire les pertes, provenant notamment de la vétusté des infrastructures et des techniques d'extraction (à l'image du torchage).

Afin d'assurer, à l'une, la sécurité de ses débouchés et, à l'autre, la sécurité de ses approvisionnements, l'Union européenne et la Russie ont un intérêt évident à renforcer leurs relations en matière énergétique.

Or, force est de constater qu'une grande partie des incompréhensions actuelles sont davantage d'ordre conceptuels (comme la question du retrait de la Russie de la Charte de l'énergie ou le troisième « paquet énergétique ») que pratique.

En effet, en pratique, les entreprises gazières étrangères coopèrent étroitement avec les entreprises russes comme Gazprom, comme l'illustrent notamment la place croissante des sociétés étrangères dans le secteur de l'énergie en Russie.

On estime que la part des sociétés étrangères dans la production russe d'hydrocarbures serait comprise entre 15 et 25 %, avec une nette domination des compagnies anglo-saxonnes (BP et Shell notamment) et japonaises.

Comme on l'a vu précédemment, les autorités russes et Gazprom expriment un fort mécontentement à l'égard des dispositions du troisième « paquet énergétique » de l'Union européenne, qui seraient susceptibles selon elles de limiter ou d'empêcher le contrôle d'infrastructures par Gazprom sur le territoire européen.

En particulier, la clause dite « pays tiers », surnommée d'ailleurs clause « anti-Gazprom » par les Russes, obligerait les entreprises extracommunautaires à soumettre tout investissement à une autorisation spécifique. Elle pourrait théoriquement permettre d'empêcher Gazprom de posséder des infrastructures de transport au sein de l'Union européenne.

Selon des spécialistes, cette clause « pays tiers » impliquerait pour les opérateurs étrangers le respect d'une stricte « séparation patrimoniale » (un fournisseur ne pourrait être simultanément propriétaire d'infrastructures de transport), et non d'une simple « séparation juridique » de la gestion des activités fourniture et transport.

Le sentiment que je retire de mes entretiens avec les responsables russes chargés de cette question est que la Russie serait particulièrement inquiète des conséquences du troisième « paquet énergétique » sur sa propriété actuelle de réseaux de transport dans les pays baltes et l'impossibilité pour Gazprom d'exercer un contrôle patrimonial sur la partie européenne du futur gazoduc South Stream, et de mener à bien d'autres projets dans l'aval européen.

Si la remise en cause du troisième « paquet énergétique », en tant que législation européenne, ne semble pas d'actualité, des possibilités existent au niveau de sa mise en oeuvre qui permettraient d'atténuer les préventions russes et de trouver un accord acceptable pour les deux parties.

En effet, le troisième « paquet énergétique » doit être complété par une série de textes d'application. Il laisse, en outre, une grande marge d'interprétation à la Commission européenne et aux Etats membres, qui pourrait être mise à profit pour tenir compte des préventions de la Russie, car, comme me l'a rappelé le directeur à l'international de Gazprom lors de notre entretien, « le diable se cache souvent dans les détails ».

Une première solution, qui permettrait de répondre aux préventions russes concernant le troisième « paquet énergétique », serait que l'Union européenne adopte une déclaration politique de principe reconnaissant l'intérêt du développement des investissements russes dans le secteur énergétique européen et assurant la Russie de son approche bienveillante vis-à-vis des projets qu'elle pourra avoir à examiner.

Concrètement, une telle déclaration pourrait notamment rappeler l'importance de la Russie pour l'avenir de l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne, le rôle essentiel joué par les contrats à long terme, rassurer la Russie sur le maintien des conditions de bonne exécution des contrats d'approvisionnement gazier, et confirmer la volonté d'identifier et de clarifier avec les investisseurs russes les points potentiellement délicats dans l'application du troisième « paquet énergétique ».

Une autre solution envisageable serait de reconnaître, par exemple dans le cadre du nouvel accord entre l'Union européenne et la Russie, une exemption au bénéfice de la Russie , selon laquelle la Russie ne serait pas sujette à la clause pays-tiers .

Une telle approche serait cohérente avec les recommandations formulées par l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), M. Claude Mandil, dans son rapport remis au Premier ministre en avril 2008 sur « Sécurité énergétique et Union européenne ».

Dans ce rapport, M. Claude Mandil se prononçait pour l'application à Gazprom sur le marché européen des mêmes règles que celles applicables aux opérateurs domestiques. Comme il l'écrivait dans ce rapport : « on ne voit pas très bien ce que la clause des pays tiers, évidemment discriminatoire, apporte de plus que l'application stricte et non discriminatoire des règles du marché intérieur, valables pour toute entreprise opérant sur le territoire de l'Union, et en particulier le fameux « unbundling » ou découplage (...). Cette règle s'applique à l'intérieur de l'Union à Gazprom comme à Gaz de France, à Sonatrach comme à Eon-Ruhrgas ».

L'exemption de la Russie de la clause dite « pays tiers », c'est-à-dire le renoncement de l'Union européenne à soumettre les investissements russes dans les infrastructures énergétiques européennes à des autorisations administratives préalables, serait de nature à rassurer la Russie et permettrait de restaurer un climat de confiance sur les questions énergétiques.

De même, plutôt que d'assister à une concurrence stérile entre le projet de gazoduc South Stream et le projet de gazoduc Nabucco, ne serait-il pas opportun d'encourager au contraire les synergies entre les deux projets 27 ( * ) ?

Le projet de gazoduc Nabucco a été conçu pour permettre à l'Union européenne de renforcer ses approvisionnements en gaz naturel en provenance d'Asie centrale et du Caucase.

La Russie a conçu le projet de gazoduc South Stream, sous la mer Noire, en réponse au projet de gazoduc Nabucco, qu'elle estimait directement dirigée contre elle, dans la mesure où le tracé de ce gazoduc permet de contourner le territoire russe à travers la Turquie.

Même si on ne peut qu'approuver la volonté de l'Union européenne de poursuivre la diversification de ses voies et de ses sources d'approvisionnement en gaz, un grand nombre d'experts et d'opérateurs économiques semblent douter de la faisabilité de l'un et de l'autre de ces deux projets qui n'existent actuellement que sur le papier.

Ne pouvant bénéficier ni du gaz russe, ni du gaz iranien, le gazoduc Nabucco ne pourrait s'appuyer initialement que sur du gaz en provenance d'Azerbaïdjan, ce qui soulève des interrogations sur la viabilité économique d'un tel projet au regard des investissements nécessaires.

Inversement, réalisé essentiellement sur la base du gaz russe, avec un complément de gaz azéri, South Stream impliquerait de dévier une quantité importante du gaz russe transitant actuellement par l'Ukraine et destiné à l'Union européenne.

Dès lors, on peut se demander s'il ne serait pas plus pertinent d'accorder ces deux projets au bénéfice d'un « corridor gazier sud » , qui avait été déjà suggéré dès 2008 par Claude Mandil dans son rapport.

Plutôt que de paraître favoriser à tout prix une solution déjà figée, sur la base d'un tracé ou d'un actionnariat déjà constitué, pourquoi ne pas envisager la définition d'un cahier des charges général d'un tel corridor, qui comprendrait des exigences en termes de diversification des provenances du gaz et conçu à partir du bassin à approvisionner ?

Compte tenu de la forte interdépendance énergétique, il est indispensable d'aller vers un véritable partenariat stratégique en matière énergétique entre l'Union européenne et la Russie.

C. APPROFONDIR LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE DÉFENSE

Si l'Union européenne veut jouer un rôle accru sur la scène internationale et parvenir à faire entendre sa voix dans la mondialisation, face aux États-Unis ou à des puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde, il est indispensable de renforcer les liens avec la Russie en matière de politique étrangère et de sécurité.

En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie représente, en effet, un partenaire privilégié de l'Union européenne en matière de politique étrangère. Ainsi, sur le dossier du nucléaire iranien, la concertation étroite menée par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Russie a permis de faire des propositions constructives à l'égard de Téhéran.

Qu'il s'agisse du processus de paix au Proche Orient ou des évènements récents au Sud de la Méditerranée, comme l'intervention de l'OTAN en Libye ou encore la répression en Syrie, il est indispensable d'entretenir un dialogue régulier avec la Russie.

Or, malgré la volonté de l'Union européenne d'assurer à la Russie sa place dans l'architecture européenne de sécurité, il faut reconnaître que la coopération dans ce domaine est restée limitée.

Ainsi, l'Union européenne, comme l'OTAN, n'a pas donné suite à la proposition du Président Dimitri Medvedev d'un nouveau traité sur la sécurité en Europe, présentée le 29 novembre 2009.

Certes, la Russie est le seul pays tiers avec lequel l'Union européenne a institutionnalisé des consultations régulières au niveau du Comité politique et de sécurité ou au niveau de l'État-major de l'Union européenne.

Mais ne pourrait-on pas envisager d'aller plus loin et réunir périodiquement une sorte de Conseil Union européenne-Russie en matière de politique étrangère sur le modèle du Conseil OTAN-Russie, comme je l'avais proposé dans mon précédent rapport de 2007 ?

Dans cette optique, l'Union européenne devrait soutenir l'initiative germano-russe dite de Meseberg, visant à créer un comité de politique et de sécurité Union européenne-Russie, qui réunirait périodiquement le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le ministre russe des affaires étrangères.

L'initiative de Meseberg

Le 5 juin 2010, à Meseberg, la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Russie Dimitri Medvedev ont proposé de créer un « comité de politique et sécurité Union européenne-Russie au niveau ministériel » entre la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le ministre russe des Affaires étrangères.

La création d'un tel comité correspond à une forte attente de la partie russe, que le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, a réitérée dans un projet de mémorandum d'entente adressé à la Haute représentante, Mme Catherine Ashton, en mars 2011.

Si la France soutient cette initiative, plusieurs Etats membres ont manifesté des réticences vis-à-vis de la proposition russo-allemande et ont souhaité que l'Union européenne demande, comme préalable, des gestes concrets de la Russie sur le dossier de la Transnistrie.

La création d'un tel comité, qui pourrait d'ailleurs se faire à partir d'une réforme du Conseil de partenariat sur les Affaires étrangères, permettrait à l'Union européenne et à la Russie de renforcer leur dialogue sur les grandes questions internationales et de sécurité.

Une autre priorité importante tient au renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie en matière de sécurité et de gestion de crises .

La Russie a apporté une contribution importante à l'opération de l'Union européenne au Tchad et en République centre-africaine (EUFOR-Tchad), de décembre 2008 à mars 2009, en mettant à la disposition de l'Union européenne quatre de ses hélicoptères avec leur équipage. La Russie coopère également avec l'Union européenne en ce qui concerne l'opération ATALANTA de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes.

Toutefois, la pratique a montré les limites des accords ad hoc , comme cela avait été le cas pour la participation russe à l'opération EUFOR-Tchad, notamment compte tenu des délais de ratification.

La Russie et l'Union européenne envisagent donc de négocier un accord-cadre sur la participation russe aux opérations extérieures de l'Union européenne.

La Russie a transmis à l'Union européenne, lors du Sommet Union européenne-Russie de Rostov-sur-le-Don, des 31 mai et 1 er juin 2010, un projet d'accord qui reprend pour l'essentiel le contenu de l'accord EUFOR-Tchad, et qui, d'après les interlocuteurs rencontrés à Bruxelles, constitue une base de travail acceptable pour l'Union européenne.

La Russie exprime toutefois deux fortes exigences concernant le futur accord. D'une part, la Russie voudrait être associée de manière étroite aux décisions de l'Union européenne en ce qui concerne ses soldats impliqués dans les opérations. D'autre part, la Russie veut être reconnue comme un partenaire égal de l'Union européenne, et, en conséquence, souhaiterait que l'accord soit conclu sur une base réciproque.

Ces deux exigences soulèvent des difficultés pour plusieurs Etats membres, qui souhaitent préserver l'autonomie de décision de l'Union européenne et qui n'envisagent pas de placer des soldats européens sous commandement russe.

Pour autant, la conclusion d'un accord-cadre sur la participation russe aux opérations extérieures de l'Union européenne permettrait de donner un nouvel élan aux relations en matière de sécurité.

L'Union européenne et la Russie pourraient notamment, sur la base de cet accord, lancer des opérations communes, par exemple en Transnistrie.

De même, la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière d'armement, notamment avec l'agence européenne de la défense, pourrait être fortement développée. On pense notamment aux avions de transport très gros porteurs ou au futur avion de combat de nouvelle génération. A cet égard, l'achat de bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral à la France par la Russie constitue un signal positif. Afin de renforcer la coopération dans ce domaine, on peut d'ailleurs se demander s'il ne serait pas opportun de revoir les règles posées par l'arrangement de Wassenaar, en matière de contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage, qui date de 1994 et qui semble un peu dépassé depuis la fin de la guerre froide.

D. UNE PRIORITÉ : LA MULTIPLICATION DES ÉCHANGES HUMAINS PAR LA SUPPRESSION DES VISAS ET LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION CULTURELLE, SCIENTIFIQUE ET UNIVERSITAIRE

La création d'un espace de libre circulation des personnes par la suppression de l'obligation de visa constitue une forte attente des citoyens russes et une priorité de leur gouvernement.

La Russie représente aujourd'hui pour l'Union européenne et pour la France le premier pays en termes de demandes de visa. Sur près de 2,1 millions de demandes adressées aux autorités françaises en 2009, plus de 250 000 concernaient des ressortissants russes, contre 360 000 pour l'ensemble des pays du Maghreb (dont 150 000 pour le Maroc).

Or, le risque migratoire en provenance de Russie paraît peu élevé. Ainsi, le taux de refus concernant la Russie est très faible puisqu'il n'est que de 2,4 % contre une moyenne de 10 %. Dans certains pays, notamment en Afrique, le taux de refus est même supérieur à 50 %. De plus, en 2006, seulement 744 mesures d'éloignement ont été prononcées en France à l'encontre de ressortissants russes.

La procédure de délivrance des visas constitue un important obstacle au développement des échanges, qu'il s'agisse du tourisme ou des relations économiques. Elle présente, en outre, une charge non négligeable tant pour les consulats européens en Russie, que pour les consulats russes en Europe. Avec seulement trois consulats, l'un à Moscou, l'autre à Saint-Pétersbourg, et un troisième qui vient d'ouvrir ses portes à Iekaterinbourg, et un nombre limité de personnel, les autorités consulaires françaises peinent ainsi à traiter ce grand nombre de demandes de visa dans de brefs délais, même si des progrès ont été réalisés depuis la mise en place d'une externalisation. De même, la procédure de délivrance des visas au consulat russe à Paris s'apparente à un véritable parcours du combattant, digne du « Procès » de Kafka. À cet égard, l'accord conclu sur la facilitation de la procédure de délivrance des visas n'a pas permis de résoudre toutes les difficultés et la mise en place de la biométrie risque de poser de sérieux problèmes étant donné l'immensité du pays. Les représentants de la communauté d'affaires française en Russie ont également mentionné les difficultés posées par la procédure d'enregistrement en Russie. Lors de mon entretien à Moscou avec le directeur chargé des affaires consulaires au ministère russe des affaires étrangères, M. Andreï Karlov, celui-ci s'est d'ailleurs déclaré prêt à supprimer la procédure d'enregistrement dès lors qu'un accord serait trouvé sur la suppression des visas.

Les pays de l'Union européenne ont récemment accepté de lever l'obligation de visa de court séjour à l'égard de l'ensemble des ressortissants des pays des Balkans occidentaux (à l'exception toutefois du Kosovo) et envisagent d'aller vers une libéralisation des visas avec tous les pays du Partenariat oriental, dont l'Ukraine, la Moldavie ou les pays du Caucase.

Dès lors, pourquoi ne pas envisager de supprimer l'obligation de visa entre l'Union européenne et la Russie et créer un véritable espace européen de libre circulation des personnes ?

La suppression de l'obligation de visa constituerait un signal fort en direction de la Russie et favoriserait les échanges entre les citoyens des pays de l'Union européenne et les ressortissants russes.

Afin de lever les réticences de plusieurs Etats membres, comme l'Allemagne, on pourrait imaginer de lancer une expérimentation en levant les visas sur le trafic transfrontalier entre les habitants de l'enclave russe de Kaliningrad et l'Union européenne , sur la base de la récente initiative russo-polonaise. Cela permettrait de mettre un terme à la question délicate du transit entre l'enclave de Kaliningrad et le reste du territoire de la Fédération de Russie et de servir de « laboratoire » pour la levée des visas avec la Russie.

On pourrait aussi, dans le cadre du réexamen de l'accord de facilitation de la délivrance des visas, assouplir certaines modalités, par exemple en posant le principe selon lequel, lors de la première demande, un visa de moins de trois mois est accordé, mais, lors de la deuxième demande, le délai passe à un an et, lors de la troisième demande, le durée du visa serait équivalente à celle du passeport, soit cinq ans.

Afin d'accompagner la suppression de l'obligation de visas, la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière de protection des frontières et de lutte contre l'immigration clandestine pourrait être renforcée.

On pourrait ainsi envisager une coopération plus poussée entre la garde-frontière russe et les garde-frontières de l'Union européenne, en partenariat avec l'agence européenne de protection des frontières Frontex, ainsi que des initiatives communes en matière de lutte contre l'immigration illégale et la traite des êtres humains.

L'Union européenne et la Russie devraient également développer leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent sale et la criminalité organisée internationale.

La coopération scientifique et technique constitue un terrain privilégié pour un approfondissement des relations entre l'Union européenne et la Russie.

La coopération spatiale repose ainsi sur une collaboration très étroite qui s'est développée depuis déjà de nombreuses années, grâce à la France en particulier, comme l'illustre le lancement de fusées « Soyouz » à partir de la base de Kourou en Guyane.

Dans de nombreux domaines, l'Union européenne et la Russie pourraient lancer des initiatives et des projets communs de coopération scientifique et technique, en s'appuyant notamment sur le « Partenariat pour la modernisation » . On peut citer notamment : le nucléaire, les nanotechnologies, la génétique, la biotechnologie, le réchauffement climatique, etc.

Ainsi, pourquoi ne pas envisager de constituer des « pôles d'innovation communs », sur le modèle des pôles de compétitivité, qui associeraient des entreprises privées, des laboratoires de recherche, des universités et grandes écoles, etc. ?

La coopération décentralisée représente aussi un terrain privilégié pour la coopération entre l'Union européenne et la Russie, afin que les échanges ne se limitent pas à Moscou et à Saint-Pétersbourg, mais qu'ils se développent aussi avec les autres régions et grandes villes de l'immense territoire russe.

Enfin, il convient d'insister tout particulièrement sur l'importance des échanges culturels et universitaires.

La coopération dans le domaine de la culture et de l'éducation constitue un vecteur important de rapprochement entre les peuples.

C'est aussi le meilleur moyen de faire progresser la démocratie et les droits de l'homme en Russie.

Or, force est de constater que, malgré les nombreuses déclarations soulignant l'importance de ces aspects, l'Union européenne ne s'est guère donné jusqu'à présent les moyens de mener une action ambitieuse dans ces domaines. Ainsi, moins d'une centaine d'étudiants russes seulement bénéficient actuellement d'une bourse de l'Union européenne pour étudier dans une université ou une grande école située dans l'Union européenne.

L'Union européenne pourrait ainsi lancer un nouveau programme destiné à renforcer les relations avec la Russie dans le domaine de la culture , en encourageant notamment la circulation des films et des artistes, la traduction d'ouvrages ou encore l'organisation d'événements culturels communs.

On pourrait s'inspirer à cet égard du succès de l'année culturelle croisée « Année de la France en Russie » et « Année de la Russie en France », qui a eu lieu en 2010.

De même, il paraît indispensable de renforcer la coopération dans le domaine de l'éducation. L'Union européenne devrait encourager plus fortement la mobilité et les échanges des étudiants, la reconnaissance mutuelle des diplômes ou la coopération entre les établissements scolaires, les grandes écoles et les universités.

Pourquoi ne pas envisager un ambitieux programme Union européenne-Russie dans le domaine de l'éducation en multipliant le nombre de bourses destinées aux étudiants russes désireux de venir étudier dans l'Union européenne ?

CONCLUSION

« Il est important que la Russie ne soit pas être considérée comme un adversaire de l'Europe mais comme un partenaire. Ainsi serait créé un grand espace de plus de 800 millions d'habitants, qui partageraient la même sécurité, la même prospérité »

Nicolas Sarkozy, 5 mai 2009

Comme je le soulignais déjà dans mon précédent rapport de 2007, l'interdépendance entre l'Union européenne et la Russie est telle qu'en réalité, il n'existe pas d'alternative à un partenariat stratégique.

La Russie représente, en effet, pour l'Union européenne son plus grand voisin et son premier fournisseur d'hydrocarbures, tandis que cette dernière constitue son principal débouché. De plus, face aux États-Unis ou à des puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde, l'Union européenne et la Russie ont besoin l'une de l'autre pour peser sur la scène internationale et faire entendre leur voix dans la mondialisation.

Comme l'a déclaré Vladimir Poutine dans un discours devant le Bundestag, le 25 septembre 2001 « l'Europe ne peut à long terme affermir sa réputation de puissant et indépendant centre de la politique mondiale que si elle unit ses moyens avec les hommes, le territoire et les ressources naturelles russes, ainsi qu'avec le potentiel économique, culturel et de défense de la Russie. »

Il paraît donc indispensable de conclure un nouvel accord, qui remplacerait l'actuel accord de partenariat et de coopération, et de renforcer la coopération, en particulier en matière énergétique, de politique étrangère et de défense ou encore de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Toutefois, ces relations resteront incomplètes et fragiles si elles se limitent uniquement aux rencontres diplomatiques et qu'elles ne s'accompagnent pas d'une multiplication des contacts au niveau de la société civile. La Russie et l'Union européenne partagent, en effet, histoire, une culture et des valeurs communes.

C'est la raison pour laquelle je suis profondément convaincu qu'il est nécessaire de renforcer les échanges économiques, de lancer des projets conjoints en matière industrielle ou technologique, d'encourager toutes les formes de coopération décentralisée ou encore de développer fortement la coopération culturelle et les échanges d'étudiants.

À cet égard, la suppression des visas et la création d'un espace de libre circulation des personnes à l'échelle du continent constitueraient le meilleur moyen de rapprocher les peuples de l'Union européenne et de la Russie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, conjointement avec la commission des affaires européennes, s'est réunie le 22 juin 2011 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Yves Pozzo di Borgo, un débat s'est engagé.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères - Je vous remercie pour ce rapport sur un sujet passionnant et d'une grande actualité. Les relations avec la Russie représentent en effet un défi pour l'Union européenne, compte tenu du fait que la Russie et l'Union européenne partagent non seulement des frontières et des intérêts communs, mais aussi une histoire, une culture et des valeurs communes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -Je voudrais également remercier notre collègue pour son excellent rapport. Je souhaiterais vous poser une question qui concerne les relations économiques, et plus spécialement les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce. Si on prend l'exemple de la Chine, on constate que l'adhésion de ce pays à l'OMC a permis des progrès en matière économique, avec notamment une réduction des barrières douanières, le mécanisme de règlement des différends et une meilleure protection des investissements, mais aussi en ce qui concerne la situation des droits de l'homme et de l'Etat de droit. Concernant les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC, vous avez mentionné les différents points qui restent encore en suspens, comme les aides au secteur automobile par exemple. Mais pourriez vous nous préciser ce qu'il en est en matière de protection des droits de propriété intellectuelle ? Je me souviens, en effet, que cette question avait été soulevée lors des négociations sur l'adhésion de la Chine à l'OMC et il me semble que la Russie connaît également des difficultés en matière contrefaçon et de piratage informatique, et, plus largement, en ce qui concerne le respect des droits de propriété intellectuelle.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - la protection des droits de propriété intellectuelle a effectivement constitué un sujet important dans le cadre des négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC. Bien que la Russie ait mis en place un arsenal législatif destiné à encadrer la protection des droits de propriété intellectuelle et qu'elle ait ratifié les principales conventions internationales et conclu plusieurs accords bilatéraux sur ce sujet, les Etats-Unis et l'Union européenne ont fait part, à plusieurs reprises, de leur préoccupation au sujet de l'application sur le terrain et de l'inaction des autorités face à l'ampleur du phénomène de contrefaçon sur le territoire de la Russie. Ainsi, en 2005, le Congrès américain a suspendu le maintien de la « clause de la nation la plus favorisée » à la Russie en conditionnant son rétablissement à l'amélioration de la lutte contre les violations des droits de propriété intellectuelle, les pertes liées à la reproduction non autorisée de produits audiovisuels américains étant estimées à plus de 750 millions de dollars. Cette question semble avoir trouvé une solution satisfaisante dans le cadre des négociations avec l'OMC. Toutefois, comme le montre l'exemple de la Chine, l'adhésion à l'OMC ne suffit pas à elle seule à régler toutes les difficultés.

M. Didier Boulaud - Je partage de manière générale les conclusions du rapporteur sur la nécessité pour l'Union européenne d'entretenir des relations étroites avec la Russie, compte tenu notamment du rôle important qu'elle occupe sur la scène internationale, même si ce pays connaît aussi des fragilités, avec en particulier une grave crise démographique.

Toutefois, si l'Union européenne peut offrir des concessions à la Russie, comme dans toute négociation, sur des sujets comme les visas ou l'adhésion de la Russie à l'OMC par exemple, il me semble aussi qu'elle doit demander en échange des contreparties à la Russie.

Or, la Russie n'a pas fait preuve jusqu'à présent d'une grande ouverture sur des sujets tels que la Syrie, puisque la Russie s'oppose toujours à l'adoption d'une résolution par le conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la brutale répression par le régime syrien, le cas du Kosovo, dont la Russie n'a pas reconnu l'indépendance ou encore la résolution des conflits gelés, comme l'illustre le conflit russo-géorgien de l'été 2008, qui a été suivi par la reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud et par un renforcement de la présence militaire russe dans ces deux entités. La Russie ne semble pas disposée à se retirer de l'Ossétie du Sud, ni surtout de l'Abkhazie.

Même si j'étais personnellement assez réservé sur l'idée d'une adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN, je pense que la situation de ces deux pays au regard de l'OTAN ne peut pas être mise sur le même plan et que l'Union européenne devrait se montrer plus ferme vis-à-vis de la Russie en ce qui concerne la Géorgie.

Je considère donc qu'il est important d'avoir une approche équilibrée des relations avec la Russie, en accordant des concessions, mais en demandant aussi des contreparties

Par ailleurs, je voudrais vous interroger à propos de la proposition présentée par le président Dimitri Medvedev d'un nouveau traité sur la sécurité européenne. Quelle a été la réponse de l'Union européenne et de l'OTAN à cette proposition russe et où en sommes-nous dans les discussions ?

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - Il est vrai que, depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie a fait son retour sur la scène internationale et qu'elle est un partenaire parfois difficile pour les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union européenne sur un certain nombre de sujets.

Compte tenu du fait qu'elle occupe un siège de membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies, qu'elle est membre du Quartet sur le processus de paix au Proche-Orient, du groupe de contact sur les Balkans occidentaux, et qu'elle joue un rôle important sur les grands dossiers internationaux, comme le nucléaire iranien, il est toutefois indispensable d'entretenir un dialogue étroit avec la Russie.

Je rappelle notamment que récemment la Russie a fait preuve d'une plus grande ouverture sur le dossier du nucléaire iranien, qu'elle s'est abstenue sur le vote de la résolution autorisant l'intervention en Libye, qu'elle a renforcé sa coopération avec l'OTAN sur l'Afghanistan en matière de transit sur son territoire, qu'elle apporte une contribution notable à l'Union européenne pour l'opération EUFOR-Tchad et pour l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime et qu'elle a accepté de renforcer sa coopération avec l'OTAN dans une série de domaine, y compris la défense anti-missiles.

Je considère donc qu'il est indispensable de renforcer les relations entre l'Union européenne et la Russie, comme entre l'OTAN et la Russie, car nous partageons un grand nombre d'intérêts communs et nous devons faire face aux mêmes menaces, comme le terrorisme ou l'instabilité.

Certes, la Russie se montre hostile au vote d'une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la répression en Syrie, au nom du principe de non ingérence dans les affaires intérieures et du risque de déstabilisation de l'ensemble de la région, mais ce n'est pas le seul grand pays dans ce cas. Elle s'appuie sur le précédent de la Libye, dont l'intervention de l'OTAN dépasse d'après elle de loin le mandat donné par l'ONU. N'oublions pas non plus que les européens ont une part de responsabilité dans les évènements actuels au Sud de la méditerranée car nos pays ont soutenu pendant longtemps des dictatures qui nous semblaient être le meilleur rempart face à la menace islamiste. D'ailleurs, la Russie, qui est elle-même confrontée au risque terroriste et à la montée de l'islamisme radical, en Tchétchénie, mais plus largement dans tout le Caucase du Nord, craint par-dessus-tout des risques de déstabilisation sur son territoire. C'est aussi un facteur qui explique son attitude concernant la Syrie.

S'agissant de la proposition du Président Dimitri Medvedev sur un nouveau traité de sécurité en Europe, qui a été évoquée en juin 2008 à Berlin et présentée fin 2009, et qui serait un instrument juridiquement contraignant, sa principale nouveauté repose sur le principe de «sécurité indivisible», selon lequel toute mesure de sécurité prise par un État ou par une organisation (OTAN, Union Européenne) devra prendre en compte «les intérêts de sécurité» des autres parties membres du traité. Ainsi, la Russie accepterait par ce traité de restreindre sa liberté de recourir à la force de manière unilatérale à condition que les pays européens et les Etats-Unis en fassent de même.

Cette proposition russe représente à mes yeux une contribution utile à la réflexion sur l'avenir de l'architecture de la sécurité en Europe.

Toutefois, tel qu'il a été présenté par la partie russe, ce projet de traité emporterait des conséquences importantes pour les mécanismes actuels de sécurité en Europe.

Tout d'abord, ce traité viendrait en quelque sorte remplacer l'Acte final de la conférence d'Helsinki, acte fondateur dans le domaine de la sécurité en Europe. Le projet russe met davantage l'accent sur la dimension politico-militaire de la sécurité et ne reprend pas la dimension humaine de la « troisième corbeille » d'Helsinki, comme la défense des droits de l'Homme.

Ce traité aurait également des conséquences importantes pour l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et le rôle des Etats-Unis en tant qu'acteur de la sécurité européenne. Ainsi, ce traité, s'il était accepté tel quel, reléguerait l'OTAN au second plan en forçant les États signataires à s'en remettre, en dernière instance, au Conseil de sécurité des Nations unies. L'Alliance atlantique n'aurait ainsi pas pu engager la guerre en Yougoslavie, en 1999, sans un aval onusien.

Si la France et d'autres pays ont salué cette initiative et se sont déclarés prêts à en discuter, ils estiment toutefois nécessaire d'en débattre au sein de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui est l'enceinte de discussion en matière de sécurité en Europe.

Mme Catherine Tasca - L'Union européenne doit entretenir des relations étroites avec la Russie, car les deux pays partagent des frontières communes. Je partage toutefois les observations de notre collègue Didier Boulaud et ses interrogations concernant le rôle joué par la Russie sur la scène internationale. Il me semble aussi que, lorsque l'on évoque le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie, il faut prendre en compte non seulement la politique étrangère de la Russie, mais aussi sa politique intérieure et la situation de la Russie au regard de la démocratie et des droits de l'homme.

Les événements récents au Sud de la Méditerranée, avec le « printemps arabe », devraient inciter l'Union européenne mais aussi la diplomatie française à s'intéresser davantage à la situation politique, au respect de la démocratie et des droits de l'homme et à accorder plus d'importance au rôle joué par la société civile dans les pays partenaires.

Or, depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, on constate un net recul de la démocratie, du pluralisme et des libertés individuelles en Russie, l'absence de véritables contre-pouvoirs, une répression du régime à l'égard des opposants et même la multiplication des assassinats de journalistes ou de défenseurs des droits de l'homme, à l'image de l'assassinat d'Anna Politovskaia ou celui de Natalia Estemirova, ou encore de l'acharnement judiciaire à l'encontre de Mikhail Khodorkovski.

Je considère donc qu'il faudrait porter davantage d'attention à la société civile en Russie et à la question du respect des droits de l'homme.

Par ailleurs, je m'interroge sur les conséquences d'une levée immédiate et sans conditions préalables de l'obligation des visas de court séjour avec la Russie, sur laquelle je suis personnellement assez réservée.

Une telle mesure, si elle est trop rapide, ne risque-t-elle pas d'avoir des conséquences néfastes en ce qui concerne la criminalité organisée et la traite des êtres humains ?

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - Je me suis efforcé dans mon rapport d'avoir une approche aussi précise et complète que possible de la situation des droits de l'homme en Russie. J'ai notamment rencontré des représentants d'organisations non-gouvernementales russes et européennes, dont la représentante de la fédération internationale des ligues des droits de l'homme chargée de suivre la situation en Russie.

En ce qui concerne la démocratie et la situation des droits de l'homme, il est indéniable que la situation s'est dégradée par rapport aux années 1990. Le régime actuel se caractérise par la toute puissance de l'exécutif et l'absence de véritables contrepouvoirs. Le Parlement est dominé par le parti pro-Poutine « Russie unie » et ne joue qu'un rôle limité. Il existe également des atteintes à la liberté de réunion et de manifestation, comme on a pu le constater par exemple avec la répression policière brutale de la Gay Pride à Moscou ou des manifestations pacifiques de l'opposition. Il y a également les assassinats de journalistes et les atteintes aux activités des ONG ou des défenseurs des droits de l'homme.

Si les libertés politiques sont très limitées, on constate en revanche que la société russe est relativement libre dès lors qu'elle ne s'occupe pas de politique. Ainsi, l'Internet est totalement libre et il existe également des journaux et des radios indépendants.

Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte le fait que les années 1990 sont synonymes pour les Russes d'un affaiblissement de l'autorité de l'Etat, d'un effondrement de l'économie et d'un « pillage » des ressources par les oligarques.

On peut également relever certains progrès ces dernières années, comme le maintien du moratoire sur la peine de mort, la création d'un conseil des droits de l'homme auprès du président ou encore la ratification par la Russie du protocole n°14 sur la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme.

Quelle doit être l'attitude de l'Union européenne face à cette situation ?

Peut-on demander à la Russie, qui est passée de l'empire tsariste au régime communiste, avant de découvrir la démocratie dans les années 1990, de réaliser en vingt-ans ce que nos démocraties occidentales ont mis plusieurs siècles à accomplir ?

Plutôt qu'un discours purement incantatoire sur les droits de l'homme et la démocratie en Russie, qui suscite des tensions avec le gouvernement et qui ne recueille d'ailleurs qu'un faible écho en Russie, je crois qu'il serait plus utile pour l'Union européenne d'évoquer ces questions avec fermeté, sans renoncer à nos valeurs, mais dans le cadre d'un véritable dialogue avec les autorités russes.

Ainsi, le mécanisme actuel de consultations sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Russie mériterait d'après moi d'être renforcé, notamment concernant son articulation avec les instances politiques et les Sommets.

En ce qui concerne les visas, je comprends vos réserves mais je ne les partage pas.

Le risque migratoire en provenance de Russie paraît peu élevé et, en ce qui concerne la criminalité organisée, je ne pense pas que le maintien des visas ait une grande influence.

En effet, le système des visas pèse surtout sur les simples citoyens, qui ne peuvent voyager librement, tandis que les organisations criminelles peuvent facilement avoir recours aux faux documents, voire à la corruption pour obtenir les formalités nécessaires.

Je rappelle que la Russie est aujourd'hui l'un des premiers pays en termes de demandes de visas pour l'Union européenne et pour la France, avec environ 350 000 visas par an pour notre pays.

Cela représente une charge non négligeable pour les consulats européens, notamment dans la perspective de la biométrie.

La suppression des visas permettrait de renforcer nos échanges économiques et de développer le tourisme. Elle permettrait surtout de renforcer les échanges humains et de multiplier les contacts au niveau de la société civile.

Or, il existe dans ce domaine une forte attente de la part des ressortissants russes, notamment issus de la classe moyenne, qui désirent voyager en Europe.

Les échanges constituent un vecteur important de rapprochement entre les peuples. C'est aussi d'après moi le meilleur moyen de renforcer la protection des droits de l'homme et la démocratie en Russie. C'est la raison pour laquelle je suis personnellement favorable à la suppression des visas.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères - Quelle a été l'attitude de la Russie à l'égard de la politique européenne de voisinage, et notamment du « Partenariat oriental » et de la « Synergie Mer Noire » ? Quelles sont les raisons qui expliquent le refus de la Russie d'être incluse dans la politique de voisinage ?

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - La Russie n'a pas souhaité faire partie de la politique européenne de voisinage, car elle ne veut pas être mise sur le même plan que des pays comme la Moldavie ou la Géorgie. Elle insiste au contraire sur le caractère spécifique du partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie.

Par ailleurs, la Russie a accueilli avec une certaine réticence le « partenariat oriental », qu'elle considère comme une intrusion de l'Union européenne dans sa zone d'influence. A cet égard, le choix de l'Ukraine de signer un accord de libre échange avec l'Union européenne ou de rejoindre l'union douanière formée entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, devrait avoir un caractère déterminant pour l'avenir de ce pays.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères - Il semble que l'Union européenne soit à la recherche d'une formule de partenariat spécifique avec certains pays, tels que la Russie.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - La Russie a, en effet, été reconnue par l'Union européenne comme un partenaire stratégique, au même titre que les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Inde ou le Brésil. Le partenariat avec la Russie est même le plus poussé des partenariats qu'entretient l'Union européenne avec des pays tiers. Ainsi, la Russie est le seul pays avec lequel l'Union européenne a deux Sommets par an et avec lequel des relations ont été institutionnalisées au comité politique et de sécurité (COPS).

A l'initiative du président du Conseil européen M. Herman Van Rompuy, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont réunis, lors d'un Conseil européen extraordinaire, le 16 septembre 2010, consacré aux relations entre l'Union européenne et ses partenaires stratégiques et ont adopté des conclusions, qui insistent notamment sur la nécessité pour l'Union européenne de mieux définir et défendre ses intérêts, en se fondant notamment sur le principe de réciprocité.

La Russie se distingue toutefois des autres partenaires stratégiques de l'Union européenne, ne serait ce que parce qu'elle représente pour l'Union européenne, son plus grand voisin.

Je plaide donc dans mon rapport pour un renforcement des relations avec la Russie sur la base d'un partenariat stratégique spécifique.

A terme, la relation entre l'Union européenne et la Russie pourrait donner lieu à un partenariat fondé sur la formule de Romano Prodi « tout sauf les institutions ».

M. Robert Badinter - Qu'en est-il de la situation de la langue française en Russie ? Avez-vous des éléments en ce qui concerne la coopération universitaire et les échanges d'étudiants ?

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur - Il est vrai que ces dernières années, la place de l'enseignement du français en Russie, comme d'ailleurs de la langue russe en France, a reculé, en particulier par rapport à l'anglais. Nous ne sommes plus à l'époque de Tolstoï, qui, dans la version russe de « Guerre et paix », utilise de nombreuses expressions françaises.

Le groupe d'amitié France-Russie du Sénat, présidé par notre collègue Patrice Gélard, se montre très actif sur ce sujet.

Un accord bilatéral sur l'apprentissage de la langue du partenaire a été signé fin 2004. En 2006, 15 220 élèves apprenaient le russe en France, soit une augmentation de 1000 élèves par rapport à l'année 2004-2005. En Russie, l'apprentissage du français, avec 750 000 apprenants, vient en troisième position, loin derrière l'Allemand, avec 3 millions d'apprenants, et l'anglais, avec 11 millions.

Par ailleurs, le projet d'extension du lycée français de Moscou par son installation dans de nouveaux locaux, semble en bonne voie. L'année culturelle croisée « Année de la Russie en France » et « Année de la France en Russie », qui s'est déroulée en 2010 et qui s'est traduite par de nombreuses manifestations culturelles dans les deux pays et a rencontré un grand succès populaire, a permis de donner un nouvel élan à la coopération culturelle et linguistique entre nos deux pays.

Afin de maintenir cette dynamique, l'année 2012 devrait être proclamée « année des langues et littératures » russes en France et françaises en Russie, et se traduire par de nombreuses manifestations culturelles. La ville de Moscou devrait ainsi être l'invité d'honneur du salon du livre en 2012.

En revanche, la coopération universitaire me semble très insuffisante. La France n'attire que 3 500 étudiants russes, contre 9 800 en Allemagne et 4 900 aux Etats-Unis. L'action de l'Union européenne en la matière est de l'ordre du symbole. 75 étudiants russes seulement ont bénéficié en 2010 d'une bourse de l'Union européenne pour étudier dans une université ou une grande école d'un Etat membre. Il me paraît donc indispensable de développer fortement la coopération universitaire, d'encourager les échanges d'étudiants et de multiplier le nombre de bourses destinées aux étudiants russes désireux de venir étudier dans l'Union européenne.

La culture et l'éducation constituent un vecteur important de rapprochement des peuples. C'est aussi le meilleur moyen de faire progresser la situation de la démocratie et des droits de l'homme en Russie.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes - Il serait peut-être utile, si les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC progressent et qu'elles permettent d'entrevoir un accord, que vous nous présentiez une communication sur ce sujet, qui présenterait les enjeux de cette accession, y compris au regard de la situation de la Russie en matière de droits de l'homme, et qui pourrait éventuellement donner lieu à une résolution du Sénat, afin que le Parlement soit pleinement informé et puisse éventuellement prendre position sur ce sujet.

A l'issue de ce débat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des affaires européennes ont autorisé la publication du rapport d'information.

CARTES

- 89 -

LA COMMUNAUTÉ DES ETATS INDÉPENDANTS

LE PÉTROLE EN RUSSIE ET DANS L'EX-URSS

LE GAZ NATUREL EN RUSSIE ET DANS L'EX-URSS

LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES

1. à Paris

- Mme Hélène Carrère d'Encausse , Secrétaire Perpétuel de l'Académie française ;

- M. Hervé Morin , Ancien ministre de la Défense ;

- M. Arnaud Guillois , Conseiller au cabinet de M. François Fillon, Premier ministre ;

- M. Alexis Dutertre , Conseiller au cabinet de M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes ;

- M. Jean-Michel Casa , Directeur de l'Union européenne au ministère des Affaires étrangères ;

- M. Roland Galharague , Directeur de l'Europe continentale au ministère des Affaires étrangères ;

- Mme Florence Ferrari , sous-directeur à la Direction de l'Europe continentale du ministère des Affaires étrangères ;

- S. Exc. M. Alexandre Orlov , Ambassadeur de la Fédération de Russie en France ;

- S. Exc. M. Tomasz Orlowski , Ambassadeur de la République de Pologne en France ;

- S. Exc. Mme Sanita Pavluta-Deslandes , Ambassadeur de la République de Lettonie en France ;

- S. Exc. M. Quan Kong , Ambassadeur de la République populaire de Chine en France ;

- M. Gérard Mestrallet , Président Directeur Général de Suez ;

- M. François Heisbourg , Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique ;

- Mme Sacha Koulaeva , Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) ;

- M. Jean-Pierre Thomas , ancien député, associé-gérant de la banque Lazard frères ;

- M. Patrick Suet , Secrétaire général, Société générale ;

- M. Wladimir Reine , consultant ;

- M. David Clark , président de la Russia Foundation, M. Alan Riley, chercheur à la City Law School de Londres, et Maître Emmanuel Gaillard, spécialiste des procédures arbitrales internationales et des questions énergétiques ;

- M. Emmanuel Gout , Président de StratinvestRu et Mme Marie-Jeanne Leboeuf, chargée des relations publiques chez Rosatom.

2. à Bruxelles

- S. Exc. M. Pierre Vimont , Secrétaire Général du Service européen pour l'action extérieure ;

- S. Exc. M. Philippe Etienne , Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne ;

- S. Exc. M. Jean-Louis Falconi , Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne ;

- S. Exc. M. Hans-Dieter Lucas , Ambassadeur, Représentant permanent de l'Allemagne auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne ;

- S. Exc. M. Vladimir Chizhov , Ambassadeur, Représentant permanent de la Russie auprès de l'Union européenne ;

- S. Exc. M. Dimitri Rogozine , Ambassadeur, Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'OTAN ;

- M. Michael Koehler , chef du cabinet de M. Gunther Oettinger, Commissaire européen chargé de l'énergie ;

- M. Peter Balas , Directeur général de la DG Commerce de la Commission européenne ;

- M. Hugues Mingarelli , Directeur général adjoint de la DG Relations extérieures de la Commission européenne ;

- M. Cyril Blondel , Conseiller chargé de la Russie à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.

3. à Genève (entretien téléphonique )

- Mme Emmanuelle Ganne , conseillère au cabinet de M. Pascal Lamy, chargée des négociations d'adhésion à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ;

4. à Moscou

- S. Exc. M. Jean de Gliniasty , Ambassadeur de France en Russie ;

- M. Michael Webb , Représentant adjoint de l'Union européenne en Russie ;

- M. Eric Green , Ministre-conseiller chargé des affaires politiques à l'ambassade des Etats-Unis à Moscou ;

- M. Vladimir Voronkov , directeur du Département de la coopération paneuropéenne au Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie ;

- M. Vladimir Pozdniakov , directeur pour les questions de sécurité internationale du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie ;

- M. Igor Morgulov , directeur Asie au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie ;

- M. Andreï Karlov , directeur des affaires consulaires au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie ;

- M. Vladimir Tkachenko , directeur-adjoint du département des négociations commerciales du ministère de l'économie de la Fédération de Russie ;

- M. Pavel Oderov , directeur du département chargé de l'international de Gazprom ;

- M. Andrei Konoplyanik , ancien vice-ministre de l'énergie, conseiller auprès de la Présidence de Gazprombank, M. Vladimir Feyguine , Directeur de l'Institut « énergie et finances », Mme Anastasia Goreva , journaliste à Argus Media, Mme Marina Lastovskaya , expert à l'Agence russe de l'énergie ;

- M. Fiodor Loukianov , rédacteur en chef de la revue « Russia in Global Affairs ».

5. à Saint-Pétersbourg 28 ( * )

- M. Valery Zorkine , Président de la Cour constitutionnelle ;

- M. I. Krotov , Secrétaire général de l'Assemblée interparlementaire des pays de la CEI.


* 1 Rapport d'information n°307 (2006-2007) sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, présenté par M. Yves Pozzo di Borgo, au nom de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 10 mai 2007.

* 2 La liste des personnalités rencontrées figure en annexe du présent rapport.

* 3 « Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement », 29 novembre 2000.

* 4 « Une politique extérieure au service des intérêts de l'Europe en matière énergétique », juin 2006.

* 5 Voir à ce sujet l'audition de Son Exc. M. Jean de Gliniasty, ambassadeur de France en Russie, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le 18 octobre 2010.

* 6 Voir le projet de rapport « Défense anti-missiles : orientations futures de l'OTAN ? » de M. Raymond Knops, au nom de la commission « Défense et sécurité » de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, du 21 avril 2011.

* 7 Cité dans « Europe Diplomatie et Défense », du 11 juin 2011, n°423

* 8 Interfax

* 9 Mme Madeleine Albright et M. Igor Ivanov, « Moving ahead on reducing nuclear arms », The International Herald Tribune, 7 avril 2011.

* 10 Voir sur ce point l'article de Charles A. Kupchan, « Why Russia should join the Atlantic Alliance », paru dans la revue « Foreign Affairs », mai-juin 2010, pp. 101 à 112.

* 11 Voir le rapport d'information n° 416 (2007-2008) « Où va la Russie ? », fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, à la suite d'une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 et présenté par M. Josselin de Rohan, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Pierre Fourcade, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo et Roger Romani.

* 12 Parmi ces « filets de protection », on peut mentionner les résidences secondaires héritées de l'époque soviétique, les fameuses « datchas », qui permettent notamment à de nombreux russes de cultiver certains produits.

* 13 Tribune conjointe intitulée « La réconciliation entre Pologne et Russie est un gage de paix pour l'Europe » co-signée par M. Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie, et M. Tomasz Orlowski, ambassadeur de Pologne, publiée dans le journal Le Monde, du 30 juin 2010.

* 14 Voir le rapport d'information n° 346 (2010-2011) sur les défis européens de la Lettonie et de la Lituanie, présenté par M. Yann Gaillard, au nom de la commission des affaires européennes, le 9 mars 2011.

* 15 Zbigniew Brzezinski, « Le grand échiquier : l'Amérique et le reste du monde », Bayard, 1997.

* 16 Hélène Carrère d'Encausse, « La Russie entre deux mondes », Fayard, mai 2010

* 17 « EU-Russia common spaces progress report 2010 », mars 2011, EEAS.

* 18 Le quartet pour le Proche-Orient réunit l'ONU, l'Union européenne, la Russie et les États-Unis.

* 19 Le groupe de contact pour les Balkans, créé en 1993, est composé de quatre pays membres de l'Union (l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie), des États-Unis et de la Russie

* 20 Voir l'audition de M. Serge Smessow, ambassadeur chargé du Partenariat oriental et de la mer Noire, devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, le 18 mai 2011

* 21 Ce chiffre ne concerne que les étudiants ayant bénéficié d'une bourse de l'Union européenne et non les étudiants ayant bénéficié d'une bourse ou d'une aide délivrée par les autorités nationales ou encore par les régions, les universités ou les grandes écoles.

* 22 Thomas Gomart, « Le partenariat entre l'Union européenne et la Russie à l'épreuve de l'élargissement » , Revue du marché commun et de l'Union européenne, n° 479, juin 2004.

* 23 Voir par exemple le communiqué de presse de la FIDH du 1 er mars 2005 « Un dialogue au rabais »

* 24 Une décision du tribunal arbitral de La Haye dans l'affaire « Ioukos » rendue le 30 novembre 2009 a toutefois conclu que la Russie était liée par les dispositions de cette charte.

* 25 Le groupe de Cairns, constitué au sein de l'OMC, comprend dix-huit membres (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pérou, Philippines, Thaïlande, Uruguay) hostiles à la pratique des subventions agricoles.

* 26 Voir à ce sujet mon précédent rapport de 2007 ainsi que le raport d'information n° 182 (2009-2010) « Russie : puissance ou interdépendance énergétique ? » présenté par MM. Gérard César, Gérard Cornu, Mme Elisabeth Lamure, MM. Gérard Le Cam, Jean-Claude Merceron, Georges Patient et Paul Raoult, au nom de la commission de l'économie, déposé le 17 décembre 2009.

* 27 On peut rappeler à cet égard que GDF-Suez est entré à hauteur de 9% dans le capital du gazoduc Nord Stream et qu'EDF a signé récemment un accord de coopération avec Gazprom prévoyant une prise de participation d'EDF d'au moins 10 % dans la partie sous-marine du gazoduc South Stream.

* 28 Dans le cadre du déplacement à Moscou et à Saint-Pétersbourg d'une délégation du groupe d'amitié France-Russie du Sénat, conduite par son président M. Patrice Gélard, du 27 septembre au 3 octobre 2010, qui a donné lieu à un compte rendu devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, lors de sa réunion du 18 octobre 2010, en présence de l'ambassadeur de France en Russie, Son Exc. M. Jean de Gliniasty

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