EXAMEN EN COMMISSION

La commission a entendu, le 28 juin 2011, le compte rendu de MM. Jean Faure et André Vantomme sur leur mission au Kosovo du 2 au 8 juin 2011.

A l'issue de l'exposé des co-rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Josselin de Rohan, président - Le constat que vous nous avez présenté ne paraît pas très rassurant.

Si la communauté internationale a apporté son soutien au jeune Etat Kosovar, et que la France y a pris toute sa place, il reste encore beaucoup à faire aux autorités de ce pays pour construire un Etat, progresser vers l'Etat de droit et en matière de viabilité économique.

De plus, la réconciliation entre les communautés n'a pas avancé et le souvenir douloureux des affrontements communautaires causés par la folie nationaliste de Milosevic demeure entier.

Le Kosovo semble être devenu aujourd'hui un pays très albanophone, alors qu'il accueille sur son sol des hauts lieux de l'orthodoxie serbe et qu'il comporte des enclaves peuplées de Serbes isolées au milieu de territoires peuplés en majorité d'Albanais.

Enfin, la partie située au Nord, majoritairement peuplée de Serbes qui ne reconnaissent pas l'autorité du gouvernement de Pristina, représente une source d'instabilité et de tensions.

Face à cette situation, que pensez vous de la capacité du gouvernement kosovar à construire un Etat solide et viable ? Et comment, selon vous, améliorer l'action de la communauté internationale ?

M. Jean Faure, co-rapporteur - La communauté internationale n'est pas unie mais divisée, ce qui nuit à l'efficacité de son action. Elle occupe une place très importante, puisque l'on compte plus de 15 000 fonctionnaires internationaux pour un pays d'une taille comparable à un département français. Elle reste toutefois divisée. Alors que le bureau du représentant civil international est chargé de la mise en oeuvre du « plan Athisaari » et de rendre l'indépendance du Kosovo irréversible, le mandat des autres organisations internationales repose sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui est neutre à l'égard du statut.

Par ailleurs, l'efficacité de ces organisations est freinée par les divisions entre les Etats membres, dont certains ont reconnu l'indépendance et d'autres non, par les intérêts divergents entre les Etats et par l'absence de réelle volonté politique, à l'image de la mission EULEX de l'Union européenne qui est chargée de faire respecter l'Etat de droit, mais qui se heurte à des obstacles tant de la part des autorités de Pristina que des Serbes du Nord.

Les différentes attitudes de ces organisations à l'égard des « structures parallèles » du Nord, soutenues par Belgrade et plus ou moins contrôlées par des organisations criminelles, est symptomatique de ces divisions.

Alors que le bureau du représentant civil international cherche à les éradiquer et qu'EULEX les considère comme illégales, la KFOR et l'OSCE les tolèrent tandis que la MINUK leur reconnaît même une certaine légitimité.

On trouve également de fortes différences culturelles entre ces organisations et entre les différentes nationalités qui les composent.

Ainsi, certains de nos interlocuteurs se sont montrés critiques sur l'image donnée par le nombre très élevé de fonctionnaires internationaux et leur niveau de vie dans un pays relativement pauvre.

La longue présence de l'ONU, et son mode de fonctionnement, qui aurait déteint sur les autres organisations, ont également été souvent critiqués par nos interlocuteurs.

Si les Français semblent très appréciés, à la fois par les Kosovars albanais, et par les Serbes, cela semble moins vrai pour d'autres nationalités, qui n'entretiennent pas les mêmes rapports et hésitent à se rendre au Nord. De plus, les militaires et les gendarmes français sont souvent les seuls à être disponibles en permanence, y compris la nuit et le week-end, ce qui n'est pas toujours le cas des autres.

Dans ce contexte, il faut s'interroger sur l'efficacité de la présence internationale, et notamment du soutien financier très important qu'elle apporte à ce pays. Il me semble que cette aide financière engendre une certaine forme d'assistanat, qui n'est pas propice au développement des initiatives et à la responsabilisation des autorités kosovares. Je pense en particulier au développement économique. La population kosovare est très jeune : 50 % a moins de 25 ans. Mais, avec un taux de chômage de 45 %, le pays n'est pas en mesure de répondre aux attentes de cette jeunesse.

Il me semble donc indispensable de réfléchir à une évolution de la présence internationale, afin de la rendre plus efficace.

Ainsi, la police kosovare est aujourd'hui une institution efficace et crédible. Est-il toujours nécessaire d'avoir autant de policiers ou de gendarmes internationaux pour remplir des fonctions que les policiers kosovars sont en mesure d'assumer ? Ne serait-il pas plus utile de réduire le nombre d'agents internationaux mais de recruter certains spécialistes, notamment en matière de lutte contre la criminalité organisée ou l'immigration illégale ? De même, la présence de l'OSCE est-elle toujours justifiée ?

Si l'indépendance est désormais acquise, il reste à construire un véritable Etat.

Le dialogue entre Pristina et Belgrade est très positif. Il devrait permettre de résoudre un certain nombre de difficultés pratiques rencontrées par les citoyens dans leur vie quotidienne, par exemple en matière d'état civil ou de droits de propriété. Il pourrait également permettre de désenclaver le pays et de développer l'économie du Kosovo qui reste très dépendante de l'aide financière de la Communauté internationale et des transferts de fonds de la diaspora albanaise. A terme, ce dialogue devrait déboucher sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Pourquoi l'Union européenne ne pourrait-elle pas dire clairement à la Serbie qu'il est nécessaire qu'elle reconnaisse l'indépendance du Kosovo pour adhérer à l'Union européenne ?

M. André Vantomme, co-rapporteur - Le Kosovo ne dispose pas de sa propre armée. Or, sans armée, un Etat n'est pas en mesure d'assurer la protection de ses ressortissants. Certes, la police kosovare est une institution reconnue et il existe également une force de protection civile, qui pourrait devenir à l'avenir une armée. Mais, la situation politique ne le permet pas encore.

Si les Albanais sont en majorité de confession musulmane, le Kosovo connaît un Islam très modéré. On ne peut pas parler d'un conflit à caractère religieux mais plutôt d'un conflit à caractère national. Ainsi, les attaques des Albanais à l'encontre des églises ou des monastères orthodoxes, comme nous avons pu l'observer au monastère de Devic par exemple, s'expliquent surtout par le fait que ces lieux sont le témoignage de la présence serbe. Il faut rappeler que les Albanais ont connu une longue répression sous le régime de Slobodan Milosevic. Si ces lieux doivent être placés en permanence sous protection, la KFOR transfère progressivement cette responsabilité à la police kosovare. Pour autant, il n'existe aucune politique de la part des autorités pour mettre en valeur ce patrimoine historique et culturel.

Malgré certaines ressources minières, notamment en lignite, le Kosovo importe la quasi-totalité de ses besoins, y compris alimentaires. L'économie du pays reste donc fortement dépendante de l'aide financière internationale et de la diaspora albanaise.

Alors que le Kosovo dispose de terres agricoles, l'agriculture est délaissée et son avenir est menacé par des constructions immobilières anarchiques sur les terrains les plus fertiles de maisons individuelles financées par la diaspora albanaise.

M. Didier Boulaud . - Je voudrais remercier nos deux collègues pour leur communication sur un pays que je connais bien pour m'y être rendu à de nombreuses reprises.

On ne peut comprendre le ressentiment des Kosovars d'origine albanaise à l'égard de l'Eglise orthodoxe sans prendre en compte le fait que la hiérarchie de l'Eglise orthodoxe serbe a été un fervent soutien du régime de Slobodan Milosevic. Lors d'une précédente mission au Kosovo, l'ancien évêque de Gracanica avait ainsi formellement interdit aux religieuses de nous accueillir dans son monastère. Cet évêque a depuis été limogé et son successeur est, semble-t-il, plus modéré.

En ce qui concerne les Serbes du Nord du Kosovo et l'idée d'une partition, je voudrais faire observer que la majorité des Serbes du Kosovo vivent au Sud et que c'est au Sud, dans des enclaves, que l'on trouve la plupart des églises et des monastères orthodoxes.

Enfin, en matière de criminalité organisée, il semble qu'il existe une très bonne entente et une réelle coopération entre les différentes communautés.

M. Jacques Berthou . - Nous venons d'effectuer une mission en Afghanistan, avec le président Josselin de Rohan et notre collègue Michèle Demessine et je suis frappé par les similitudes qui existent entre ces deux pays, même s'ils ne sont pas comparables.

Bien que la situation en matière sécuritaire soit totalement différente, on constate que, dans ces deux pays, la forte présence de la communauté internationale n'a pas produit les résultats espérés, que les forces de l'OTAN et les militaires français ont engagé un retrait et que ces deux pays doivent faire face à des défis semblables, comme la criminalité organisée, la viabilité économique ou la réconciliation entre les communautés.

A l'image de la stratégie de transition en Afghanistan, la solution ne réside-t-elle pas dans le transfert du pouvoir aux autorités du Kosovo ? S'agissant de l'agriculture, quels sont les obstacles qui empêchent sa mise en valeur ? Enfin, qu'en est-il du risque d'un rattachement du Kosovo à l'Albanie ?

M. Jean Faure . - En tant qu'ancien agriculteur, j'ai été très frappé, au cours de notre déplacement, par la situation dégradée de l'agriculture dans ce pays. Alors que le Kosovo dispose de vastes étendues de terres agricoles, ce pays importe la quasi-totalité de ses produits alimentaires et l'agriculture y est délaissée. Les terres les plus fertiles sont menacées par les constructions immobilières anarchiques de maisons individuelles de la diaspora albanaise et les terres sont laissées le plus souvent à l'abandon. On ne perçoit pas une réelle volonté du gouvernement de mettre en valeur ce potentiel agricole. L'absence de cadastre, la question non réglée des droits de propriété, les lacunes en matière d'urbanisme et d'architecture expliquent également cette impression d'abandon.

Plus généralement, le Kosovo connaît une situation économique très fragile. Il existe très peu d'industries. Il existait, certes, une usine qui employait environ 20 000 travailleurs, mais celle-ci a été fermée par la MINUK pour des raisons liées à la protection de l'environnement. Dans un pays qui compte 45 % de chômage, on peut s'interroger sur les conséquences d'une telle décision.

M. André Vantomme . - Ce pays manque cruellement d'expertise dans des domaines tels que l'énergie, la gestion des eaux, le traitement des déchets.

La France qui dispose d'une expertise reconnue dans ces domaines, et d'entreprises performantes, pourrait ainsi apporter son soutien aux autorités de ce pays. Or, notre représentation diplomatique ne dispose pas de conseiller ou d'attaché économique et la présence des entreprises françaises est très limitée.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'absence de l'Agence française de développement au Kosovo. L'AFD dispose pourtant d'instruments et d'une expertise en matière de reconstruction et de développement économique. Elle pourrait apporter une expertise précieuse à ce pays.

M. René Beaumont . - Au cours de notre déplacement en Serbie, avec notre collègue Bernard Piras, en décembre dernier, et de nos entretiens avec les représentants des autorités de Belgrade, nous avons ressenti une réelle volonté de rapprochement avec l'Union européenne, qui a été confirmée depuis, avec l'arrestation et la remise par la Serbie de Ratko Mladic au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Nous avons également perçu une très grande ouverture en ce qui concerne le dialogue avec Pristina, même si la Serbie n'est pas disposée à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Plusieurs responsables politiques serbes nous ont déclaré que la Serbie était disposée à aller de l'avant et à faire preuve d'une ambigüité constructive à l'égard du statut. Je pense donc que le dialogue entre Belgrade et Pristina devrait permettre de réaliser des avancées et qu'il pourrait déboucher à terme sur une normalisation des relations. Le rapprochement avec l'Union européenne devrait en effet constituer un puissant levier pour favoriser cette normalisation.

Enfin, si la France entretient des relations anciennes d'amitié et de coopération avec la Serbie et qu'elle a joué un rôle important dans les Balkans, sur les plans politique et militaire, j'ai également constaté une faible présence économique et une place très réduite de nos entreprises en Serbie, notamment par rapport à l'Allemagne.

Il me semble donc que la présence économique française pourrait être encore renforcée dans toute la région des Balkans occidentaux car il est dommage que notre pays n'occupe pas une place plus importante en matière économique au regard du rôle politique et militaire qu'il joue dans cette région.

M. André Vantomme . - Les Kosovars d'origine albanaise sont proches culturellement des Albanais du nord de l'Albanie alors que les Albanais du sud, et notamment de Tirana, présentent des différences culturelles, notamment linguistiques. L'Albanie, qui est elle-même confrontée à une crise politique et au défi du développement économique, ne revendique pas le rattachement du Kosovo.

En revanche, au Kosovo, il existe un mouvement politique, le mouvement pour l'autodétermination, qui revendique le rattachement du Kosovo à l'Albanie, et qui a connu une forte progression lors des dernières élections législatives, même s'il n'est pas majoritaire dans le paysage politique.

La perspective d'un tel rattachement, qui pourrait être encouragé par la partition du Nord ou le maintien du statu quo, risquerait de provoquer de fortes tensions dans la région des Balkans, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine notamment. A cet égard, le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, s'est exprimé clairement contre l'idée d'une modification des frontières ou d'une partition, lors de la récente visite du ministre des affaires étrangères kosovar à Paris.

Il serait souhaitable à mes yeux que l'Union européenne s'exprime également en ce sens, notamment vis-à-vis de Belgrade, dans le cadre du rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne.

Enfin, concernant la situation économique, je voudrais rappeler les conséquences désastreuses pour l'image du pays de la suspension des financements du FMI, en raison des décisions irresponsables du gouvernement kosovar et des soupçons de corruption qui pèsent sur les projets d'infrastructure, comme le projet d'autoroute vers l'Albanie.

Mme Gisèle Gautier . - Je souhaiterais vous interroger à propos des graves accusations portées par le député suisse Dick Marty, dans un rapport du Conseil de l'Europe, concernant un trafic d'organes prélevés sur des prisonniers serbes par des combattants de l'UCK. Les autorités kosovares sont-elles disposées à coopérer dans l'enquête sur ces accusations ? EULEX dispose-t-elle des moyens pour mener une enquête sur ces accusations particulièrement graves ?

M. Jean Faure - Les accusations portées par Dick Marty dans son rapport sont en effet très graves. La position de l'Union européenne est qu'il revient à EULEX d'enquêter sur ces allégations. EULEX dispose, avec des centaines de policiers et de magistrats internationaux, des moyens pour enquêter sur ces faits, comme sur d'autres crimes de guerre, et les autorités kosovares se sont déclarées disposées à faire preuve d'une totale coopération. Je voudrais simplement préciser que ces graves allégations ne reposent sur aucune preuve et qu'elles proviennent d'une personnalité politique qui s'était fortement opposée à l'intervention de l'OTAN et à l'indépendance du Kosovo. Il faut donc faire preuve d'une très grande prudence concernant ces allégations.

M. André Vantomme . - Il est certain que, comme dans toute guerre civile et de libération, des atrocités ont été commises des deux côtés, tant de la part de l'armée et de la police serbes, que de l'UCK. Il ne faut pas non plus oublier les autres crimes de guerre et la question des disparus.

La question des normalisations des relations avec le Kosovo devrait figurer en bonne place dans le rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne. L'Union européenne devrait dire clairement à la Serbie que la normalisation de ses relations avec Pristina et, à terme, la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, sont une nécessité politique et pratique pour son rapprochement avec l'Union européenne.

M. Michel Boutant. - Pour connaître ce pays et des ressortissants kosovars, il est certain que le conflit entre les Serbes et les Albanais a été marqué par des crimes de guerre et des atrocités des deux côtés. Comme nous le savons tous, le régime de Slobodan Milosevic a commis des crimes de guerre et des crimes contre les populations civiles. Les combattants de l'UCK ont pour leur part également commis des exactions. Il me semble que ces atrocités expliquent le profond ressentiment qui continue de subsister entre les deux communautés.

Si EULEX a été chargée d'enquêter sur les accusations de trafic d'organes, il n'est pas certain que les anciens combattants de l'UCK, qui sont aujourd'hui à la tête du pays, notamment au sein du PDK, soient réellement disposés à coopérer et à faire la lumière sur ces graves accusations.

Je souhaiterais vous interroger sur l'influence des grandes puissances et d'autres pays sur le Kosovo. Ainsi la Russie est proche des Serbes, qui sont des Slaves orthodoxes, et a toujours soutenu la Serbie, alors que l'on constate une forte influence des Etats-Unis parmi les Kosovars d'origine albanaise.

La Turquie semble également avoir une influence importante dans ce pays et dans cette région, qui fut autrefois une province de l'Empire ottoman.

Plus généralement, quelle est l'influence de l'Arabie Saoudite, des pays du Golfe et du monde musulman, notamment en matière religieuse. Lors de mon dernier déplacement, j'avais été frappé par l'augmentation de la construction du nombre de mosquées. Comment ces mosquées sont-elles financées ?

Enfin, quelle est l'influence réelle de l'Union européenne ?

M. Jean Faure . - La Russie a effectivement soutenu la Serbie dans son opposition à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, par solidarité slave et orthodoxe, et s'était fortement opposée à l'intervention de l'OTAN, sans autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Toutefois, depuis l'arrivée au pouvoir à Belgrade du président Boris Tadic et d'une coalition pro-européenne, la Russie a déclaré à plusieurs reprises qu'elle ne se montrerait pas plus serbe que les Serbes en ce qui concerne le dialogue entre Belgrade et Pristina.

Comme nous avons pu le mesurer lors de notre déplacement, les Etats-Unis continuent d'exercer une forte influence au Kosovo et les kosovars d'origine albanaise restent très reconnaissants aux américains pour leur soutien à l'indépendance de leur pays. Il semblerait ainsi que la nouvelle présidente de la République ait été fortement soutenue par les Etats-Unis. Aux côtés des nombreux drapeaux albanais, et plus rarement kosovars, on voit d'ailleurs beaucoup de drapeaux américains au Kosovo, et moins de drapeaux européens.

Comme l'illustre la place qu'elle occupe au sein de la KFOR ou en matière économique, la Turquie est également très présente au Kosovo.

Si de nombreuses mosquées ont été construites ces dernières années, sans doute grâce à des financements en provenance d'Arabie saoudite et des pays du Golfe, le Kosovo connaît toutefois un Islam très modéré. La plupart des mosquées restent vides et on rencontre peu de femmes voilées.

Enfin, l'Union européenne est présente, notamment avec EULEX, mais son influence est entravée par la non reconnaissance par cinq des vingt-sept Etats membres de l'indépendance du Kosovo et par l'absence d'une forte volonté politique.

M. Didier Boulaud. - Je rappelle que le député suisse Dick Marty s'était fortement opposé à l'intervention de l'OTAN et à l'indépendance du Kosovo.

Alors que l'Union européenne vient d'apporter une aide financière très importante à la Grèce, je regrette que les responsables européens n'aient pas dans le même temps fait pression sur les autorités de ce pays pour qu'elles fassent preuve d'une plus grande ouverture concernant la reconnaissance du nom de la Macédoine ou l'indépendance du Kosovo. Ainsi, l'attitude de la Grèce à l'égard de la Macédoine est incompréhensible.

Il serait parfois utile que l'Union européenne fasse de la politique.

M. Josselin de Rohan . - Les Balkans ont toujours constitué le terrain privilégié d'une lutte d'influence entre les grandes puissances, notamment au XIXe siècle ou au début du XXe siècle, notamment entre l'Empire ottoman, la Russie, l'Autriche et l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Ces influences sont toujours présentes aujourd'hui. La « plume » de Marti Athisaari a ainsi été le secrétaire général du ministère des affaires étrangères d'Autriche. Or, l'Autriche comme l'Allemagne ont toujours encouragé les aspirations à l'indépendance du Kosovo.

La position des cinq pays membres de l'Union européenne opposés à l'indépendance du Kosovo s'explique par des arrières-pensées, notamment par la crainte d'un précédent qui pourrait encourager les aspirations séparatistes de certaines régions, comme le Pays basque ou la Catalogne pour l'Espagne, la partie Nord de l'île pour Chypre et la Grèce ou encore les minorités hongroises pour la Roumanie et la Slovaquie.

Or, il est indispensable d'encourager la coopération régionale et la réconciliation, car l'Union européenne ne peut se permettre d'importer en son sein des conflits territoriaux, à la lumière du précédent chypriote.

Il est donc indispensable d'encourager une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Le Kosovo est désormais un Etat indépendant et la Serbie doit accepter de faire le deuil du Kosovo car il serait illusoire de vouloir rétablir sa souveraineté sur ce territoire. Ainsi, il n'est pas acceptable que Belgrade continue de financer les structures parallèles du Nord du Kosovo et l'Union européenne devrait se montrer ferme sur ce point.

La perspective de rapprochement à l'Union européenne devrait donc constituer un levier pour inciter les pays des Balkans occidentaux à mettre un terme à leurs différends et à engager une réelle coopération régionale. Les nationalismes, qui ont produit tant de haines et de conflits, doivent aujourd'hui être relégués aux oubliettes. Seule la perspective du rapprochement avec l'Union européenne permettra réellement d'établir la paix, la sécurité et la stabilité et de favoriser le développement économique de cette région. L'Union européenne est donc la plus à même de jouer un rôle au Kosovo et il est donc souhaitable que les autres organisations internationales lui passent le relais.

M. Joseph Kergueris . - L'Union européenne devrait aussi faire preuve d'une plus forte volonté politique au Kosovo et dans les Balkans occidentaux, notamment en mettant un terme à ses divisions internes, afin de ne pas faire de ce pays et de cette région, une source de tensions et de déséquilibre, qui pourrait menacer la paix et la stabilité.

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