b) Des risques collectifs : la transmission de maladies contagieuses

À côté des risques individuels liés à la consommation de drogues, pesant sur le corps ou le psychisme des usagers concernés, existent des risques de nature collective et tenant à la transmission de maladies contagieuses - VIH, VHB et VHC - par la voie des instruments ou produits utilisés par les toxicomanes.

D'une façon générale, les données de la littérature épidémiologique indiquent que les contaminations surviennent tôt dans les trajectoires des usagers de drogues par voie intraveineuse, probablement dès les premières injections. De nombreuses études attestent de taux de séroconversion VIH et VHC plus élevés parmi les jeunes et les nouveaux consommateurs que parmi les usagers de drogues anciens et expérimentés. L'enquête Coquelicot, menée par l'Institut de veille sanitaire, confirme cette tendance en montrant que 30 % des usagers de moins de trente ans sont infectés.

S'agissant tout d'abord de la contamination au VIH , la tendance est plutôt encourageante, la tendance apparaissant à la baisse et la France rejoignant, à cet égard, la grande majorité des pays européens. La prévalence du SIDA chez les usagers de drogues par voie intraveineuse, qui était de l'ordre de 40 % dans les années 1990 et qui a fait une dizaine de milliers de morts durant cette décennie, est aujourd'hui de l'ordre de 10 % à 12 %. 6 000 personnes environ seraient contaminées aujourd'hui par cette maladie parmi les toxicomanes. La politique de réduction des risques, et notamment le programme d'échange des seringues, a en effet permis d'améliorer les conditions d'hygiène dans lesquelles les toxicomanes s'administrent leurs produits.

Pourtant, et même si les usagers de drogues représentent un pourcentage infime des personnes infectées par le VIH, il demeure des motifs d'inquiétude. Tout d'abord, les toxicomanes restent dix-huit fois plus exposés que la population générale à la contamination, tandis que 90 % des personnes atteintes par le VIH sont également porteuses du VHC. De plus, un inquiétant relâchement est visible chez ces populations exposées, ainsi que l'a pointé le docteur François Bourdillon : si « pratiquement tous ceux qui ont utilisé les seringues dans les années 1980 ont été contaminés, aujourd'hui, les jeunes y sont beaucoup moins attentifs et peut-être plus concernés par le VHC et le VHB que par le VIH ! ». Enfin, le VIH reste un vrai problème dans les prisons, 1 % de la population carcérale étant contaminée - 3 % par le VHB et 7 % par le VHC - « ce qui est considérable », a estimé le docteur Bourdillon. « La drogue circulant en prison, en l'absence d'accès aux programmes d'échange de seringues, les prisonniers ont recours à des moyens artisanaux utilisés dans des conditions d'hygiène difficiles », ce qui explique cette surcontamination (68 ( * )) .

Les hépatites sont des inflammations du foie causées, soit - et c'est la majorité des cas - par des virus, soit par des substances toxiques, au premier rang desquelles les drogues. Désignées par les lettres A, B, C, D (ou delta) et E, elles diffèrent par leur mode de transmission, celle-ci étant parentérale - c'est-à-dire qui n'emprunte pas la voie digestive - pour les virus B et C.

Affectant très largement les toxicomanes s'administrant leurs produits par voie intraveineuse, ces maladies sont aujourd'hui un enjeu de santé public plus important pour ces populations que le VIH. Comme l'a en effet souligné M. Pascal Melin, président de SOS Hépatites, « pour l'hépatite C, comme pour l'hépatite B, on compte environ quatre mille nouvelles contaminations chaque année en France. Or, alors que les moyens importants consacrés au VIH ont réduit le nombre de morts à quelques centaines, les hépatites virales continuent à tuer autant que la route, avec cinq mille morts par an, ce qui est d'autant plus inacceptable que nous avons les moyens de réduire ce nombre en adaptant nos politiques sanitaires » (69 ( * )) .

S'agissant de l' hépatite C , les nouvelles contaminations sont essentiellement liées à l'usage de drogues, tandis que les niveaux de prévalence sont très élevés, de l'ordre de 60 % des usagers de drogues par voie intraveineuse. Cependant, comme l'a fait observer M. Jean-Michel Costes, « il faut [...] prendre conscience du fait que, pour des raisons de coûts, les sources utilisent pour l'essentiel la prévalence déclarée, qui entraîne une sous estimation de l'ordre de 15 à 20 %. Il est donc probable que la prévalence du VHC soit plus proche de 60 % que de 40 %. Même si on voit s'amorcer une diminution qui reste à surveiller, cette prévalence demeure élevée et constitue un problème général en Europe » (70 ( * )) .

Le taux de contamination des toxicomanes à l' hépatite B est moins élevé : ainsi, environ 5 % des usagers de drogue par voie intraveineuse sont porteurs chroniques du VHB. Ce taux reste toutefois supérieur à la prévalence de la maladie dans la population générale, où il est inférieur à 1 %. Et une étude réalisée par l'Institut de veille sanitaire en 2006 a placé l'usage de drogues par voie intraveineuse au premier rang des facteurs à risque dans la contraction de cette maladie.

Quelles que soient les maladies considérées, la contamination par des maladies contagieuses du fait des usages toxicomanes est particulièrement prégnante en prison . Actuellement, 3 300 détenus sont atteints d'hépatite C, 1 700 de l'hépatite B et 800 du VIH, sachant qu'entre soixante et cent détenus sont contaminés chaque année en prison, selon l'estimation des professionnels de terrain. Comme l'a rappelé le docteur André-Jean Rémy, l'Institut de veille sanitaire, dans son enquête sur la prévalence des hépatites en France, a démontré que la prison multiplie par dix le facteur de risques relatifs à l'hépatite C et par 4 celui de l'hépatite B (71 ( * )) .

Il existe en effet des pratiques à risques en prison du fait de l'absence d'activités et de la relative disponibilité de produits illicites ou de médicaments détournés de leur usage thérapeutique. Ces pratiques sont multiples : injections, « sniffs », tatouages artisanaux, piercings , scarifications ou relations sexuelles non protégées... D'après le docteur André-Jean Rémy, « ces pratiques à risques en milieu carcéral sont connues des équipes soignantes ».

Selon l'enquête « Coquelicot » réalisée par l'Institut de veille sanitaire (72 ( * )) , sur 61 % d'usagers de drogues ayant souvent fréquenté la prison, on dénombre 12 % d'injecteurs dont 30 % avec échange de matériel non stérile. Et selon les résultats d'une enquête de pratiques 2010 citée par le docteur André-Jean Rémy, les données françaises de terrain montrent que deux tiers des unités de consultations et de soins ambulatoires ont eu connaissance de pratiques de « sniff », la moitié de partage de paille, un tiers d'injection et de partage de seringues entre détenus, et un quart de partage de coton ou de cuillères.

Face à ces risques de contamination, les vaccinations - qui sont un moyen efficace de prévenir la contamination aux différents types d'hépatites - restent en retrait par rapport aux enjeux de santé publique. Le taux de couverture vaccinale des populations toxicomanes contre l'hépatite C, par exemple, est de 30 %. Or, comme l'a souligné le docteur André-Jean Rémy, les expériences internationales menées dans les centres de prise en charge montrent que l'on peut vacciner les patients de façon efficace contre une hépatite C quel que soit leur environnement.


* (68) Audition du 6 avril 2011.

* (69) Audition du 16 février 2011.

* (70) Audition du 12 janvier 2011.

* (71) Audition du 12 janvier 2011.

* (72) Enquête Coquelicot 2004-2007, Résultats d'une enquête sur l'hépatite C, le VIH et les pratiques à risques chez les consommateurs de drogues , Institut de veille sanitaire.

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