Audition de M. Jean-Patrick GILLE, président
de l'Union nationale des missions locales (UNML),
et de M. Vincent DELPEY, secrétaire général,
et Mme Karine BRARD-GUILLET, chargée de mission,
du conseil national des missions locales (CNML)
(mardi 10 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Notre mission commune d'information s'intéresse aux partenariats que Pôle emploi a noués avec les autres acteurs du service public de l'emploi. C'est à ce titre que nous avons souhaité vous auditionner. Traditionnellement, Pôle emploi et les missions locales travaillent dans une démarche de cotraitance que vous avez vous-mêmes souhaité faire évoluer vers un partenariat renforcé. Nous souhaiterions aujourd'hui faire un point sur l'état des relations entre Pôle emploi et les missions locales et entendre vos remarques, suggestions et recommandations pour que cette coopération entre ces deux acteurs du service public de l'emploi soit plus efficiente au service des demandeurs d'emploi. Je vais vous laisser la parole avant d'engager le dialogue. Peut-être pourriez-vous commencer par nous expliquer la différence entre l'UNML et le CNML.

M. Jean-Patrick Gille, président de l'UNML . - Les missions locales auront trente ans l'an prochain. Elles sont issues d'une initiative locale lancée suite au rapport Schwartz de 1982 qui pointait la situation difficile et particulière des jeunes face à l'emploi et encourageait la mise en place de dispositifs locaux, à l'initiative des communes, regroupant des représentants du centre d'information et d'orientation (CIO), de l'ANPE, de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), de manière provisoire, pour remédier à cette situation. Trente ans plus tard, le problème de l'emploi des jeunes n'est pas réglé et les missions locales ont pris de l'ampleur. Aujourd'hui, l'ensemble du territoire est maillé par les missions locales et les quelques points d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) qui subsistent encore. A partir de ces initiatives locales, les missions locales ont souhaité se fédérer au sein d'une association avant de mettre en place une convention collective pour leur personnel salarié. Notre association, l'UNML, est donc un syndicat d'employeurs constitué pour une petite branche de plus de 10 000 salariés. Nous avons aussi la prétention d'effectuer un travail d'animation du réseau, en nous appuyant sur une structuration régionale. Les missions locales sont en effet regroupées au sein d'associations régionales qui prolongent cette animation au niveau local, grâce à des salariés dont le recrutement a été permis par un financement de l'Etat et des régions.

Au fil des années, nous nous sommes posé la question de l'articulation, voire des doublons, dans le travail des missions locales et de l'ANPE et aujourd'hui de Pôle emploi. Une longue histoire s'est construite peu à peu. Revient régulièrement le spectre d'une éventuelle fusion à laquelle nous ne sommes pas particulièrement favorables, estimant notre travail particulier. Nous avons en effet fondé notre approche sur l'accueil global du jeune, avec l'institution d'un référent par jeune, dans l'idée que nous ne traitons pas des dossiers mais accompagnons des jeunes. Au cours des dernières années, nous avons entrepris un travail vers les entreprises, en prenant aussi en compte les facteurs qui contribuent à l'insertion des jeunes (hébergement, accès aux soins, etc.). Notre deuxième originalité a trait à la conclusion et à la mise en oeuvre de partenariats avec les différents acteurs sur un territoire. Nos associations réunissent des représentants de l'Etat, des élus locaux et des représentants du monde économique et social. Nous mettons en oeuvre des politiques publiques. Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) indique que nous constituons des structures locales d'intégration des politiques publiques et des financements publics. Les financements de l'Etat représentent environ 40 % de nos ressources, ceux des régions 20 %. Les communes contribuent plutôt par une mise à disposition de locaux. Nous bénéficions d'autres financements, notamment du Fonds social européen (FSE). A partir du travail avec l'ANPE et aujourd'hui Pôle emploi, s'est développé un rapprochement via une convention nationale de partenariat renforcé, renouvelée l'an dernier, qui se décline au plan régional puis par structure, chaque niveau comportant un comité de pilotage.

Cette démarche a pris du temps, l'ANPE considérant parfois les missions locales comme des amateurs. Nous avons cependant réussi à améliorer le partenariat et à établir une véritable relation de cotraitance. Au titre de celle-ci, Pôle emploi verse au réseau 34 millions d'euros pour assurer l'accompagnement de 150 000 jeunes. Ceci fonctionne aujourd'hui et nous atteignons ce niveau. Ce travail partenarial comporte un autre aspect tenant à la mise à disposition d'agents de Pôle emploi, dont le nombre correspond à 325 équivalents temps plein (ETP), désormais fortement professionnalisés. Nous en sommes aujourd'hui satisfaits. L'an dernier, les comités de pilotage nationaux et régionaux ont travaillé à la régulation des flux et nous avons atteint un niveau tout à fait satisfaisant dans ce partenariat, même si l'on peut considérer que, sur les activités territoriales, ce partenariat pourrait être plus fort et dynamique et que nous pourrions apporter une plus grande plus-value sur un territoire. Il demeure aussi, pour un dispositif comme le contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) « Passerelle » par exemple, des difficultés pour savoir si le jeune doit être pris en compte dans les statistiques de l'un ou l'autre des opérateurs. Il conviendrait enfin d'améliorer la compatibilité de nos dispositifs informatiques.

M. Vincent Delpey, secrétaire général du CNML . - Les missions locales ont été créées dans les années 1980. Ce sont des structures complexes qui fédèrent des énergies locales et nationales au travers de leur financement et de la mise en oeuvre de politiques territoriales et nationales, dans le but de concourir à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté. L'architecture du dispositif doit sa complexité à cette diversité originelle. Nous avons, au niveau national, un conseil des missions locales, créé dans les années 1990, qui a vocation à fédérer l'ensemble des acteurs de cette politique nationale mise en oeuvre au niveau local. Le conseil national a été créé en application de dispositions du code du travail. Son secrétaire général est nommé par le Premier ministre. Il fédère des présidents de missions locales, les grandes associations d'élus que sont l'association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) ou l'association des régions de France (ARF) et les administrations investies dans la mise en oeuvre des politiques publiques qui concernent les missions locales. Il s'agit donc d'un ensemble relativement vaste dont les deux principales missions consistent à conseiller le Gouvernement sur toutes les évolutions nécessaires des politiques publiques mises en oeuvre par les missions locales et à animer le réseau, le CNML agissant dans le cadre des dispositions réglementaires prévues par le code du travail et l'UNML dans le cadre de son mandat social.

Je souhaiterais montrer en quoi les deux institutions, Pôle emploi et les missions locales, se révèlent différentes en substance et comment leur partenariat est à la fois indispensable mais problématique. Pôle emploi constitue une structure intégrée, verticale, dont le financement est purement étatique alors que les missions locales bénéficient d'un financement diversifié et sont constituées de différents partenaires locaux. La mission de Pôle emploi consiste dans le placement dans l'emploi de tous les demandeurs d'emploi alors que les missions locales exercent une mission d'insertion sociale et professionnelle des jeunes qui connaissent des difficultés. Le partenariat, indispensable, s'est mis en place voilà dix ans. La cotraitance a ainsi été instituée en 2001. Elle visait alors uniquement à adresser vers les missions locales des jeunes en difficulté, sur la base de certains critères. Le partenariat renforcé, qui voit naissance vers 2006, est d'une nature différente, allant au-delà de la cotraitance. La cotraitance est dirigée vers la prise en charge individuelle d'un certain nombre de jeunes envoyés par Pôle emploi vers les missions locales. Le partenariat renforcé, quant à lui, défini dans un accord-cadre, signé au niveau national par le CNML, l'Etat et Pôle emploi, vise à créer une synergie entre les réseaux, au-delà de la prise en charge individuelle des personnes, et à promouvoir des actions communes entre les deux réseaux, ainsi que des politiques de développement conjoint et homogène.

Il existe, au sein du CNML, un groupe de travail national, présidé par le vice-président du CNML, et un comité de pilotage national, piloté par la DGEFP, les deux instances travaillant ensemble avec les associations représentatives. Tout cela fonctionne. Les financements apportés par Pôle emploi ont connu un progrès significatif, passant de 22 millions d'euros en 2009 à 34,5 millions d'euros en 2010 et 2011 pour 150 000 jeunes adressés par Pôle emploi vers les missions locales. Nous rencontrons cependant des difficultés en termes de gestion de flux. Ce volume est en effet décidé au niveau national, en accord avec Pôle emploi, mais la réalité de terrain peut démontrer que ce flux ne correspond pas forcément aux besoins qui peuvent apparaître. Nous avons ainsi accueilli 180 000 jeunes en 2010, ce qui nécessite des compléments de financement qui s'avèrent parfois difficiles à obtenir. L'animation régionale est elle aussi financée par les régions et l'Etat, à parité. C'est cette originalité de construction des missions locales qui en font la force, comme l'ont démontré les deux récents rapports d'inspection de l'Igas et de l'IGF, qui ont estimé que les idées de fusion n'étaient pas forcément judicieuses et qu'il fallait conserver les missions locales en l'état et leur permettre de travailler.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous avez vocation à conseiller le Gouvernement sur les évolutions nécessaires des missions locales. A vos yeux, au vu des différents rapports qui ont été publiés, quelles seraient les évolutions les plus significatives à mettre en oeuvre pour améliorer l'efficacité des missions locales ?

Pôle emploi résulte de la fusion de deux organismes : l'ANPE, avec laquelle vous aviez noué des relations étroites, et les Assedic. La fusion a-t-elle modifié votre partenariat ? Vous avez en effet oublié de citer la responsabilité de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, confiée désormais à Pôle emploi. Cette double responsabilité change-t-elle la donne dans les relations que vous entretenez avec Pôle emploi et, le cas échéant, quelles sont vos préconisations en la matière ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Dans vos interventions, j'ai été surpris par le passage fréquent du terme de cotraitance à celui de partenariat et vice versa alors qu'ils recouvrent des notions très différentes. Les missions locales s'intègrent dans un réseau très structuré et assument des tâches différentes de celles de Pôle emploi. En principe, la cotraitance implique de définir des groupes très précis dont la responsabilité est confiée aux missions locales, avec un cahier des charges et un suivi. Le partenariat, en revanche, vise à nouer des liens sur des actions communes, chaque opérateur apportant ses propres moyens. Il me semble que cela mérite quelques précisions.

Vous évoquiez un financement de 34 millions d'euros pour 150 000 jeunes. D'aucuns trouvent que 230 euros par jeune, pour une insertion globale dans la société de jeunes en difficulté, est une somme très faible. Il importe donc de définir très précisément la relation entre Pôle emploi et les missions locales et que cette relation soit associée à des objectifs précis.

M. Ronan Kerdraon . - Nous avons auditionné précédemment l'Igas qui, dans un rapport, souligne la pertinence et l'efficacité des missions locales. La notion de fusion a été évoquée avec Pôle emploi et les maisons de l'emploi, un « ménage à trois » parfois difficile et problématique. Quelle est votre analyse de ces relations ?

Sur la notion de dialogue de gestion avec l'Etat, via les CPO, et les autres financeurs, une réflexion a-t-elle été lancée pour unifier ce dialogue et assurer une cohérence entre ces financeurs ? Faut-il tendre vers une refonte législative pour clarifier l'articulation et les compétences entre les différents réseaux, comme le préconise l'Igas ?

Mme Annie David . - Je rappelle que le financement de Pôle emploi n'est pas seulement étatique puisqu'il provient de l'Unedic pour les deux tiers, et que sa mission ne recouvre pas seulement le placement mais aussi l'indemnisation des demandeurs d'emploi. Les missions locales, en revanche, ne remplissent pas de mission d'indemnisation. Accueillez-vous de ce fait seulement des jeunes non indemnisés ou, s'ils le sont, quelles sont les interactions avec Pôle emploi ? A quels jeunes vous adressez-vous ? Aujourd'hui les missions locales rencontrent un vrai succès mais il existe des difficultés dans l'articulation avec Pôle emploi. J'ai bien entendu que vous n'étiez pas favorable à une intégration des missions locales dans Pôle emploi mais comment faire en sorte que l'emploi de nos jeunes obtienne de meilleurs résultats ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Mon collègue a évoqué la cotraitance entre Pôle emploi et les missions locales, à hauteur de 230 euros par jeune. Le contrat d'autonomie est rémunéré plus fortement, à 7 500 euros par personne. Des discussions entre le Gouvernement et les représentants des missions locales sont-elles actuellement menées pour renforcer le Civis ou d'autres actions au profit de jeunes très éloignés de l'emploi ?

M. Jean-Patrick Gille . - La cotraitance ne constitue qu'une partie du partenariat, la plus formalisée, qui fonctionne bien aujourd'hui, le reste de ce partenariat pouvant être encore amélioré. La cotraitance peut se définir comme un contrat par lequel Pôle emploi délègue à un organisme, pour un public spécifique dont il a légalement la charge, l'exécution de tout ou partie de ses missions, notamment la mise en oeuvre du projet personnalisé d'accès à l'emploi, (PPAE) en contrepartie de quoi il verse à cet organisme une participation financière, non corrélée à l'atteinte d'objectifs de retour à l'emploi. Ceci fonctionne bien.

Les jeunes continuent de s'adresser à Pôle emploi mais le suivi des jeunes cotraités est délégué entièrement à la mission locale, sauf pour l'indemnisation. Selon nos calculs, l'accompagnement moyen d'un jeune par une mission locale coûte 409 euros. Nous faisons donc des efforts en ramenant ce coût, dans le cadre de la cotraitance, à 230 euros.

Il existe des tensions sur le placement, qui constitue l'axe de progression des missions locales. Nous accomplissons des efforts sur le placement vers les contrats aidés, l'alternance et vers l'emploi pérenne. Dans le placement, l'offre peut se trouver à Pôle emploi. Sur ce plan, tout n'est pas parfaitement encadré. Nous ne nous satisfaisons pas de la CPO en cours de renouvellement et un mouvement de fronde a émergé. Nous avons rencontré le ministère et un groupe de travail réunissant la DGEFP, le CNML et l'UNML devrait être mis en place pour améliorer la CPO, que nous estimons trop tournée vers le placement. Nous ne voudrions pas être évalués et financés uniquement sur ce critère. Nous souhaitons que soit adjoint à cet objectif de placement un critère tenant à l'accompagnement. Par ailleurs, un critère vient d'être introduit qui nous pose problème dans nos rapports avec Pôle emploi : la collecte d'offres d'emploi. Pour l'instant, cette activité, très importante dans les statistiques de Pôle emploi, restait entièrement de son ressort. Si nous sommes placés en compétition sur la collecte d'offres d'emploi, cela pourrait créer des tensions.

Les maisons de l'emploi ont été créées avant la fusion. Un débat sur leur justification suite à cette fusion a émergé. Une circulaire a rappelé que s'il en existe une sur notre territoire, nous y participons, comme Pôle emploi, mais nous souhaitons conserver notre personnalité juridique, qui, inscrite dans le code du travail, constitue, pour nous, une garantie quant au fait de bénéficier d'un financement.

Quant au dialogue de gestion, la structuration régionale est complexe mais, dans ma région par exemple, nous arrivons à réunir une ou deux fois par an tous les opérateurs - Etat, Pôle emploi, la région, l'association régionale des missions locales (ARML) et l'éducation nationale - autour de la table. Aller vers un système de conférences des financeurs me paraît une bonne formule. Faut-il la formaliser ? J'ignore si nous devons aller jusque là mais cela me paraît apporter plus de clarté. La CPO néglige au contraire les autres partenaires. Nous avons posé cette question, qui devrait être revue dans le cadre de notre groupe de travail.

La création de Pôle emploi a-t-elle changé la donne ? Je n'en ai pas le sentiment. Notre dialogue avec Pôle emploi ne semble pas avoir fondamentalement changé, si ce n'est que Pôle emploi s'est un peu replié sur lui-même durant la phase de fusion. Le rapprochement du placement et de l'indemnisation, toutefois, ne m'a pas donné l'impression d'avoir fait émergé des problématiques nouvelles.

Le contrat d'autonomie suscite notre plus grande réserve. Les évaluations semblent montrer son inefficacité dans certains cas. Les missions locales l'ont d'ailleurs perçu comme un signe de défiance à leur égard. Le rapport de l'Igas a bien souligné que la situation dans les quartiers dits sensibles, ou ressortissant de la politique de la ville, était bien particulière et spécifique. Elle l'est pour nous aussi. Nous le constatons bien. Une mission locale placée dans un tel quartier ne mène pas la même existence que celle située dans une grande ville ou en zone rurale. Nous défendons l'idée d'un contrat d'autonomie, en créant un Civis renforcé « à la puissance deux ». Nous constatons en effet qu'un accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi, mais aussi dans l'emploi, fonctionne. Les nouveaux entrants dans l'emploi rencontrent des difficultés tenant à leur inexpérience et à la discontinuité de leur parcours professionnel, qui touche un public de plus en plus important. Le rapport montre en effet qu'un jeune sur deux est en rapport avec l'emploi mais de manière très intermittente.

Je pense que la place existe pour deux dispositifs autonomes. Le premier, Pôle emploi, gère le marché du travail, la collecte des offres, l'indemnisation et les salariés « employables » et autonomes. Il conviendrait d'en améliorer la fluidité et la rapidité de retour à l'emploi. Il me semble pertinent que d'autres dispositifs, centrés sur d'autres publics, permettent un accompagnement renforcé. Le dispositif de cotraitance, certes long à construire, s'avère aujourd'hui efficient et pertinent à cet égard. Nous avons bien vu que notre travail auprès des entreprises a porté ses fruits. Il nous importe que l'arrivée du jeune soit sécurisée auprès des entreprises car un jeune, à CV équivalent, reste aujourd'hui perçu comme un risque par rapport à un candidat plus âgé. Les jeunes se sont, de fait, habitués à une certaine précarité. Il faut donc remédier à cette situation, ce qu'à vocation à faire un accompagnement amélioré.

M. André Reichardt . - Pouvez-vous nous donner quelques indications sur la place de l'apprentissage dans votre dispositif ? Avez-vous noué des partenariats renforcés avec les chambres consulaires qui connaissent davantage les offres en la matière que Pôle emploi ?

M. Jean-Patrick Gille . - Le public concerné par l'apprentissage diffère légèrement de celui que nous suivons. L'apprentissage concerne plutôt les jeunes entre seize et dix-huit ans. Le public plus âgé qui passe par les missions locales ne cherche pas nécessairement à entrer en apprentissage. Toutefois, le recours à l'apprentissage tend à se développer. Peut-être nos conseillers éprouvaient-ils des appréhensions à placer des jeunes dans l'apprentissage. Je souligne cependant que notre public compte beaucoup de jeunes en sortie ou en rupture d'apprentissage, qui viennent nous consulter après un échec en ce domaine.

M. Vincent Delpey . - Je complèterai les réponses de mon collègue.

La cotraitance consiste en la délégation complète à la mission locale du suivi d'une personne en vue de son insertion sociale et professionnelle. Il s'agit d'un accompagnement individuel, au cours duquel les missions locales peuvent faire appel à des outils existant au sein de Pôle emploi, par exemple en matière de formation. Le partenariat, de son côté, vise à rendre complémentaires nos offres de services et s'inscrit dans une dynamique d'information et de travail en commun, voire de rapprochement pour renforcer l'efficience des deux institutions.

Vous avez raison de souligner les retards qui ont pu être pris dans la construction de notre partenariat. La fusion Assedic-ANPE a consommé beaucoup d'énergie. Les systèmes d'information ne prennent pas en compte le partenariat renforcé. La cotraitance est intégrée mais il convient d'adapter les systèmes d'information pour tenir compte du partenariat renforcé. Cet objectif, identifié, devrait être mené à bien dans les prochaines années.

Quant aux relations entre les missions locales et les maisons de l'emploi, chacun se trouve aujourd'hui à peu près dans son rôle. Certains territoires ont opté pour des maisons communes, des opérations ont parfois abouti à des fusions. Le bureau du CNML s'était déclaré défavorable à la fusion des deux institutions, craignant une remise en cause de la dynamique des missions locales, dont la spécificité et l'efficacité se sont avérées au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, la répartition des rôles se révèle relativement claire : les maisons de l'emploi n'effectuent pas d'accueil ou de collecte d'emplois mais mènent un travail statistique de connaissance des bassins d'emploi. Il s'agit donc d'un travail complémentaire du nôtre et tout à fait nécessaire. Des choix se font cependant parfois au détriment de l'une ou l'autre structure, du fait de la rareté des financements publics.

Le dialogue de gestion, dans le cadre de la déconcentration, fonctionne. La circulaire sur la CPO reçoit une application progressive. Le dialogue de gestion va se mettre en oeuvre pour le financement des missions locales. Nous souhaitons, comme nous l'avons indiqué au cabinet du ministre, que ce dialogue de gestion permette de gérer au mieux les adaptations au territoire et aux besoins exprimés par les missions locales. Le ministre a garanti que le financement des missions locales serait maintenu cette année alors que les crédits dédiés à l'emploi ont baissé de 5 %. Cela est d'ailleurs inscrit en loi de finances. Le financement est garanti, il doit maintenant se décliner convenablement au niveau des territoires. Dans cette CPO, pour la première fois, est posée concrètement la volonté de faire en sorte que le placement dans l'emploi apparaisse comme une exigence pour les missions locales. Cela suppose une mutation culturelle, pour passer de la prise en charge globale des jeunes vers le placement dans l'emploi, qui constituerait désormais le but ultime des missions locales, avec toutes les difficultés que cela peut représenter, d'autant que les missions locales n'ont pas vocation, dans le cadre de la cotraitance, à collecter des offres d'emploi. Si les missions locales veulent continuer à bénéficier de la confiance que leur manifestent les entreprises, elles ne doivent pas collecter et conserver des offres d'emploi qu'elles ne pourraient pas satisfaire.

Concernant l'apprentissage, le CNML a passé des accords-cadres nationaux avec l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), et bientôt avec la chambre des métiers, qui permettent une déclinaison locale, afin de recueillir des offres d'apprentissage pour les jeunes des missions locales.

S'agissant d'une éventuelle modification législative, le CNML ne s'est pas prononcé sur la question. Nous sommes placés dans une situation de financements multiples qui doit être préservée avec beaucoup de soin. L'équilibre est subtil et résulte d'un dialogue entre les acteurs. Sa modification nécessite donc la plus grande prudence.

Mme Karine Brard-Guillet, chargée de mission au CNML . - En 2009, sur les 1,3 million de jeunes accueillis par les missions locales, 650 000 percevaient des allocations chômage versées par Pôle emploi. Cela ne signifie pas que d'autres jeunes présents dans les missions locales n'étaient pas bénéficiaires d'une allocation au titre, par exemple, du Civis.

Monsieur le rapporteur a évoqué la question des volumes. En 2011, nous allons accueillir 150 000 jeunes dans le cadre de la cotraitance et conclure 160 000 Civis. Les indicateurs de la CPO sont basés sur ces deux programmes, ce qui pose un problème car les financements des missions locales sont aussi affectés au suivi des autres jeunes, qui ne relèvent pas de ces programmes. Une réflexion sur les volumes devrait donc être entreprise dans le cadre de votre mission d'information.

M. Vincent Delpey . - Le chiffre de 1,3 million correspond au nombre des jeunes dont s'occupent les missions locales. Parmi eux figurent plus de 500 000 primo-arrivants. Selon les statistiques de la Dares en 2009, 435 000 jeunes ont obtenu un contrat de travail, de toute nature, et 241 000 jeunes sont entrés en formation.

M. Ronan Kerdraon . - Je souhaiterais nuancer vos propos. L'Etat a effectivement maintenu l'enveloppe budgétaire allouée aux missions locales. C'est la redistribution, en région, qui soulève des difficultés. Dans ma région, par exemple, l'enveloppe a été amputée de 3,46 % suivant des critères de performance dont nous ignorons le contenu. Or si l'Etat fait moins, à un moment donné, les collectivités devront-elles faire plus ? Le financement repose de plus en plus sur les collectivités locales.

Mme Nicole Bonnefoy . - Certains jeunes éprouvent de grandes difficultés à trouver des entreprises pour les accueillir dans le cadre de formations en alternance. Quelle réponse peut être apportée à ce problème ? Aucune, semble-t-il, puisque le problème perdure. Quelles sont les raisons d'une telle situation ? Quelle réponse effective pourrait y être apportée ?

M. Alain Gournac . - Ces 1,3 million sont-ils des jeunes suivis dans la durée ou des jeunes entrés une seule fois dans les missions locales ? Quels sont les frais de fonctionnement des missions locales ? Comment se déroule le suivi des jeunes indemnisés par l'assurance chômage ? Enfin, ne pensez-vous pas que nous devrions simplifier le système pour ces jeunes qui doivent frapper à plusieurs portes pour demander parfois la même chose ?

M. André Reichardt . - Ma question sur l'apprentissage s'inscrivait dans cet esprit. Le président Jean-Patrick Gille a indiqué que le public n'était pas le même. Il me semble au contraire qu'il est le même. Il s'agit de jeunes de dix-huit à vingt ans qui cherchent de nouvelles solutions dans les entreprises. Or l'apprentissage peut ici jouer un rôle puisqu'il est possible d'entrer en apprentissage, quel que soit son niveau, jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Force est de constater que Pôle emploi ne prescrit pas suffisamment de placement dans des contrats d'apprentissage, souvent parce qu'il ignore les offres en la matière. A l'heure actuelle, avez-vous le sentiment d'être suffisamment informés pour répondre à ce besoin ?

Mme Valérie Létard . - Suite à des échanges avec des professionnels de Pôle emploi et des missions locales, certains pensent que des améliorations pourraient être apportées avec une nouvelle structuration de l'orientation, du diagnostic et une prise en compte du bilan de compétences et des aptitudes du jeune, en amont de la recherche d'un emploi. L'échec résulte parfois de l'inadéquation entre les pistes de recherche d'emploi et les compétences des jeunes. Le transfert des psychologues de l'Afpa apporte de nouveaux moyens en termes d'orientation. Cette démarche, qui irait dans le sens d'une meilleure préparation du jeune, n'est-elle pas de nature à faire progresser la démarche d'insertion ? Vous avez par ailleurs évoqué la cotraitance. Quelle est la répartition exacte des rôles entre Pôle emploi et les missions locales ? Quel public accompagnez-vous en priorité ? Cette répartition des tâches est-elle clairement définie ?

M. Vincent Delpey . - Le contrat d'autonomie a été fortement contesté. Cette expérimentation était fondée sur l'intention d'intervenir sur des bassins d'emploi particuliers, notamment les Zus. Elle a obtenu des résultats contrastés. Nous avions cependant souhaité qu'elle soit menée jusqu'à son terme, d'autant que les missions locales pouvaient gérer ces contrats d'autonomie.

S'agissant de l'apprentissage, le président du CNML a fixé un objectif de 50 000 contrats d'apprentissage en 2011 dans les missions locales. Je pense que nous l'atteindrons. Le CNML ne s'est pas prononcé sur le fait que l'amélioration viendrait d'une simplification des structures. En revanche, nous percevons l'intérêt de développer les mécanismes mis en place auprès des chambres de commerce et d'industrie. Plus que la simplification des structures, il s'agit d'aller « construire l'emploi » dans les entreprises, en particulier dans les PME, souvent démunies face à cette question de l'apprentissage. Cela suppose que des personnes aillent sensibiliser les entreprises à l'idée qu'elles sont capables de créer des postes d'apprentissage en leur sein, ce qui est le rôle des développeurs de l'apprentissage qui obtiennent de bons résultats à cet égard. Nous souhaiterions disposer, au sein des missions locales, de nos propres développeurs, ce qui nous permettrait de maximiser les créations de postes en apprentissage.

1,3 million de jeunes sont suivis selon des modalités variables. Certains n'effectuent qu'une seule visite. L'une des difficultés que nous rencontrons face aux jeunes éloignés du marché de l'emploi est d'arriver à les atteindre. Des actions sont entreprises actuellement sur les « décrocheurs » du système scolaire. Une activité doit être développée en ce sens. Nous travaillons avec l'éducation nationale à la mise en place d'un système d'information pour repérer les jeunes qui, ayant quitté l'école, ne sont inscrits dans aucune structure.

Quant à la cotraitance, les critères qui permettent à un agent de Pôle emploi d'affecter un jeune à une mission locale sont les suivants : un projet professionnel mal défini ou en inadéquation avec le marché du travail ; une situation personnelle susceptible d'être un frein à l'accès ou au maintien dans l'emploi ; une absence de repère ou de réseau dans la recherche d'emploi ou un découragement par des échecs successifs ; un niveau de qualification insuffisant au regard du projet professionnel.

Les systèmes d'information de Pôle emploi et des missions locales doivent permettre d'éviter tout chevauchement ou gestion multiple. Plutôt que des simplifications de structures, dont l'effet n'est pas avéré, il convient de travailler sur les systèmes d'information pour permettre à chacun de jouer son rôle, de manière claire.

M. Alain Gournac . - Quels sont vos coûts de fonctionnement ?

Mme Karine Brard-Guillet . - Un rapport de l'IGF les a évalués en 2007 en analysant les coûts de fonctionnement pour établir des coûts standards par financeur et par résultat. Le coût pour l'Etat est, en moyenne, de 250 euros par jeune. Le coût pour chaque jeune accédant à l'emploi atteint 329 euros. Le coût par jeune accédant à l'emploi durable s'élève à 605 euros. Le coût, pour un conseil régional, d'un jeune accédant à une formation s'élève à 569 euros. Je vous invite à vous reporter à ce rapport qui détaille les coûts de manière précise.

M. Vincent Delpey . - Le budget des missions locales s'élève, au niveau national, à 480 millions d'euros, tous financements compris. Ce budget nous permet d'assurer toutes nos missions.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie de vous être prêtés à cet exercice très intéressant pour nous tous.

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