Audition de Mme Rose-Marie VAN LERBERGHE,
présidente de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi
(mardi 8 mars 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Je suis heureux d'accueillir Mme Rose-Marie Van Lerberghe que je connais bien puisque j'ai eu l'honneur de servir sous son autorité lorsqu'elle était déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Et, en cette date du 8 mars, correspondant à la journée mondiale de la femme, je me souviens avec une certaine émotion l'avoir vue, à l'époque, expliquer à un parterre de chefs d'entreprises relativement misogynes, réunis à Besançon pour l'occasion, les bienfaits des trente-cinq heures.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe, présidente de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi. - Je m'en souviens parfaitement. C'était effectivement un moment difficile pour moi.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous avez produit un rapport intitulé « Pour une dynamique territoriale de l'emploi » , qui nous intéresse évidemment beaucoup, puisqu'il est au coeur de la problématique que nous voulons approfondir. Vous y développez un certain nombre d'analyses et formulez des recommandations, concernant notamment les partenariats noués par Pôle emploi.

Nous aimerions que vous nous exposiez les réflexions de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi que vous avez présidée, afin que nous puissions en débattre avec vous ensuite. Nous souhaiterions également connaître le sort qu'a connu ce rapport depuis sa publication, en avril 2010.

Vous êtes très au fait des questions d'emploi puisque, outre le poste de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle que j'évoquais précédemment, vous avez assumé d'importantes responsabilités dans le secteur privé, notamment chez Danone, et aujourd'hui à la tête du groupe Korian. Vous avez également été directrice générale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je suis très touchée par votre accueil et très honorée d'être auditionnée par vous. Un peu intimidée également d'ailleurs, car j'ai quitté depuis un moment déjà les responsabilités de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, que j'ai exercées de 1996 à 1999.

Le rapport que vous évoquez, sur la dynamique territoriale de l'emploi, est le fruit d'un travail collectif, que j'ai piloté en vue d'aboutir à des conclusions opérationnelles. Notre petit groupe de travail était constitué pour moitié de directeurs régionaux de Pôle emploi, qui se sont révélés très impliqués et très intéressés par cette démarche, auxquels se sont notamment ajoutés le secrétaire général de l'Agefos-PME, ainsi qu'une magistrate exerçant des responsabilités associatives pour le soutien des jeunes en difficulté.

Nous avons tenté d'identifier les problèmes et nous nous sommes efforcés ensuite d'impliquer, pour chacun des thèmes retenus, des acteurs locaux dans la démarche que nous entendions mettre en oeuvre, sur le terrain. Nous avons ainsi pu constater, avec satisfaction, tout l'intérêt porté, par les acteurs rencontrés, au thème du partenariat.

Que ce soit au sein du service public ou dans les structures privées, nous sommes toujours confrontés au même problème : comment investir sur les compétences, tout en évitant que les différents acteurs accomplissent le même travail, chacun dans leur coin, et faire en sorte, dans le même temps, que les personnes prennent des initiatives sur le terrain ? C'est pour répondre à cette problématique que j'ai mené, lorsque j'étais directrice générale de l'AP-HP, une politique de déconcentration et que j'ai encouragé, lorsque j'occupais les fonctions de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la fongibilité des crédits, partant du principe qu'il fallait permettre aux acteurs locaux de s'approprier les outils élaborés au niveau national.

Nous nous sommes attachés, lors des travaux que nous avons menés au sein de la commission, à réfléchir à la manière dont nous pourrions donner aux responsables locaux les moyens d'adapter à la réalité du terrain les outils qui étaient mis à leur disposition. Et nous sommes parvenus, à l'issue de nos travaux, à la conclusion selon laquelle la solution à ce problème résidait dans la conclusion de partenariats.

J'en profite pour souligner que nous avons malheureusement perdu en souplesse, à l'occasion de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, et ce notamment dans le domaine de la formation. Le réseau des Assedic était en mesure, par le passé, de proposer des formations « cousues main » et n'était pas contraint de lancer des appels d'offres de grande envergure pour sélectionner les organismes à même de mettre en oeuvre ses programmes de formation.

En tout état de cause, notre rapport préconise de concilier les impératifs de la décentralisation et de la délégation de moyens avec la nécessité, pour les interlocuteurs présents sur le terrain, de nouer des relations les uns avec les autres. Pour ce faire, il convient de confier aux personnes en présence la résolution de problèmes concrets - seul moyen, selon moi, de faire tomber les préjugés qu'elles peuvent entretenir vis-à-vis de leurs partenaires potentiels.

S'agissant des expériences réussies de partenariats territorialisés, que vous me demandez de citer, j'évoquerai l'action que nous avons mise en oeuvre pour remédier à la pénurie d'aides soignantes à laquelle nous nous trouvons confrontés, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce métier est réputé pénible et mal payé, ce qui explique que les candidats à ces postes soient peu nombreux.

Pour remédier à cette situation, j'ai décidé d'aller chercher des personnes souhaitant travailler avec les personnes âgées et disposant de l'empathie nécessaire pour ce faire, mais qui ne possédaient pas nécessairement les qualifications requises. Nous avons passé une convention avec Pôle emploi et la Croix Rouge - l'idée étant que Pôle emploi recoure à la méthode du recrutement « par habileté ». Nous avons ensuite demandé à la Croix Rouge de proposer une préformation à l'école d'aides soignants, à destination des candidats retenus - le groupe Korian se chargeant quant à lui d'organiser les stages pratiques, tout en proposant à ces futurs aides soignants d'être embauchés en contrat de professionnalisation.

Dans le cadre du partenariat que nous avions conclu, Pôle emploi a annoncé l'ouverture de vingt-cinq places pour préparer le concours d'aides soignantes. Ils ont reçu 180 candidatures et ont dû sélectionner les personnes qui semblaient les plus à même d'exercer cette profession. Les vingt-cinq personnes retenues ont bénéficié de 450 heures de préformation au concours, lesquelles ont été dispensées par la Croix Rouge. A noter qu'elles ont toutes fait preuve d'une grande assiduité, ce qui n'est pas si fréquent avec des chômeurs de longue durée. Les directeurs des établissements qui les accueillaient étaient très satisfaits, prouvant par là-même que nos critères de choix étaient les bons.

Néanmoins, sur ces vingt-cinq candidats, huit seulement ont été admis au concours d'aides soignants. Certains d'entre eux se sont vu refuser l'accès à cette formation, alors qu'ils avaient obtenu des notes oscillant entre 12 et 14 à l'oral ; il se trouvait même, parmi les recalés, une infirmière brésilienne, qui a dû très probablement échouer à cause de son niveau d'orthographe. Lorsque nous avons dressé le bilan de ce partenariat, la directrice de la Croix Rouge m'a indiqué que nous aurions très probablement dû commencer par faire faire à nos candidats une dictée, afin de nous assurer qu'ils jouissaient d'un niveau suffisant en orthographe, pour ne pas être disqualifiés d'emblée sur la base de ce critère.

Il est important d'identifier les besoins et de déterminer les bons critères, dans un secteur où l'emploi ne manque pas et où il s'agit, qui plus est, d'emplois de proximité non délocalisables. Poussant plus avant l'analyse, j'ai découvert que des quotas étaient mis en oeuvre pour le recrutement des aides-soignants, dont la responsabilité a été déléguée aux régions, et ce alors même que le code de la santé publique ne prévoit pas de numerus clausus pour cette profession.

Au vu de cet exemple, et de bien d'autres encore, j'ai proposé, dans le rapport rendu par la commission, de procéder, au niveau local, à un tour de table des financeurs, afin de trouver les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de telle ou telle formation. A cet égard, il conviendrait de ne pas refuser l'accès à la formation des personnes susceptibles de bénéficier d'un financement, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, au seul motif que le nombre de reçus au concours d'aides soignants ne devrait pas excéder un certain seuil. Il est regrettable que des personnes motivées et qui avaient manifesté l'envie de s'occuper de personnes âgées échouent au concours sur la base de critères purement scolaires.

Ces personnes étaient, pour la plupart d'entre elles, en difficulté et ni l'entreprise, ni Pôle emploi ne peuvent remédier à leurs problématiques, qui ont davantage trait au logement, à la santé ou à l'accès au droit. A cet égard, il me semblerait opportun de mettre en place un partenariat d'accompagnement social, en sus du partenariat portant sur le financement des formations. Pour des populations particulièrement fragilisées, telles que les jeunes ou les chômeurs de longue durée, il me semblerait utile de désigner un référent social, en plus du référent professionnel, pour faciliter l'accès à l'emploi de ce type de publics.

Mme Valérie Létard . - Sur la base du cas concret que vous venez de nous présenter, on voit tout de suite la nécessité de garantir, au niveau local, le maximum de transversalité et de coordination entre les différents acteurs en présence.

Vous nous avez aussi montré qu'il était souvent difficile d'obtenir des financements adaptés, car nous nous heurtions aux effets pervers de ce dispositif « en tuyaux d'orgue » que j'ai déjà dénoncé précédemment. Dans le cadre de la délégation aux régions de la compétence en matière de formation professionnelle, les collectivités se trouvent contraintes de déterminer un nombre d'étudiants qui bénéficieront d'un financement pour suivre leurs formations, en fonction du montant de l'enveloppe déléguée. Et ce alors même qu'il serait tout à fait possible d'exploiter d'autres sources de financement, auprès des entreprises, des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et de bien d'autres partenaires encore, lesquels ne demanderaient qu'à contribuer à cet effort de financement, dès lors qu'on leur garantirait l'existence d'emplois à la clé en retour.

A cet égard, comme je l'indiquais précédemment, il conviendrait d'anticiper les besoins en formation et en recrutement suffisamment en amont, afin de les satisfaire dans les meilleures conditions possible.

Dans un champ aussi porteur d'emplois que celui du médico-social, il faudrait également avoir plus souvent recours à la validation des acquis de l'expérience (VAE), dont l'efficacité n'est plus à démontrer. A cet égard, nous ne pouvons que regretter que nombre de candidats échouent à valider leur module de culture générale, alors qu'ils ont franchi les autres étapes de ce processus avec succès et qu'ils jouissent, à n'en pas douter, des compétences, de l'expérience et des qualités humaines nécessaires à l'exercice de la profession recherchée.

En Belgique, il existe un diplôme intermédiaire entre celui d'aide soignante et celui d'infirmière, auquel il est possible d'accéder via la VAE. Cette progression, qui permet une véritable ascension sociale, a permis d'apporter des solutions aux problématiques rencontrées sur le terrain.

Dans un tel contexte, il semble important de décloisonner les différents modes de financement de la formation professionnelle. Il est en effet anormal que les bénéficiaires du RMI hier, du RSA aujourd'hui, soient pris en charge, en termes d'accompagnement social, par le conseil général, alors que c'est la région qui perçoit les crédits dédiés à la formation. Ce cloisonnement a contraint certaines personnes à rester en situation d'insertion sociale, se refusant à aller vers l'emploi alors qu'elles en avaient pourtant les compétences et les capacités.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Chez Korian, nous avons beaucoup utilisé la VAE mais cette voie de promotion sociale risque de se tarir, dans la mesure où je n'ai plus la possibilité, aujourd'hui, d'embaucher des agents de services hospitaliers (ASH). Les tutelles me l'interdisent.

M. Claude Jeannerot, président . - La VAE a aussi magnifiquement fonctionné pour le recrutement des auxiliaires de vie, notamment.

M. Ronan Kerdraon . - Dans le rapport que vous avez publié, comment appréhendez-vous le positionnement de proximité entre les agences de Pôle emploi, les élus locaux et les spécialistes de l'insertion et de la formation professionnelles ? Comment articuler l'action de Pôle emploi, des missions locales, des régions, des maisons de l'emploi et des départements, sur le terrain ? Et quel cahier de charges établiriez-vous pour la mise en oeuvre de partenariats efficaces, entre tous ces acteurs ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - J'aimerais que vous nous parliez du groupe Korian, sur lequel je n'ai aucune information.

Je souhaiterais par ailleurs souligner que l'accès à la formation est incontestablement difficile pour certains types d'emplois, comme ceux ayant trait à l'aide à domicile, ou les emplois d'auxiliaires de vie sociale (AVS). Je suis actuellement rapporteur d'un groupe de travail sur la situation des AVS dans le monde de l'éducation et force est de reconnaître qu'il n'existe pas vraiment de formation qualifiante, à l'heure actuelle, permettant l'accès à ce type de profession.

S'agissant des formations ayant trait aux secteurs sociaux et médico-sociaux, pensez vous que les méthodes mises en oeuvre soient transposables à tous les métiers ? Et considérez-vous qu'il faille obliger les Opca à conclure des partenariats, dans la mesure où ces organismes sont souvent réfractaires à initier de telles démarches ? Enfin, comment pourrions-nous coordonner l'action des organismes de formation présents sur un même territoire, qui sont le plus souvent en situation de concurrence à l'heure actuelle ?

M. Jean Desessard . - L'éducation nationale ne parvient pas à intégrer certaines catégories de jeunes, qui échouent ensuite à des concours de recrutement comportant des épreuves de culture générale. Il conviendrait de trouver une solution à ce type de problèmes, dans la mesure où nous ne pouvons tolérer que des personnes, qui seraient par ailleurs tout à fait aptes à exercer telle ou telle fonction, soient ainsi écartées de l'emploi.

S'agissant de la proposition faite par Mme Rose-Marie Van Lerberghe dans son intervention, je ne suis pas certain qu'il soit utile de désigner un référent social, en plus d'un référent professionnel, pour les demandeurs d'emplois présents sur le marché du travail.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je n'ai pas fait cette proposition pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, mais seulement pour les personnes en très grande difficulté.

M. Jean Desessard . - Même si votre proposition se cantonne à ce type de publics, je ne suis pas certain de partager votre point de vue, sur la pertinence d'un tel dispositif.

Comment les Opca repèrent-ils les formations débouchant immédiatement sur des emplois et font-ils réellement cet effort de repérage ? Plus globalement, ne pourrions-nous pas identifier toutes les sources de blocages contrariant la mise en oeuvre de formations adaptées, pour des secteurs pourtant jugés « en tension » ?

Mme Jacqueline Alquier . - Quid de la formation des conseillers d'orientation ? Ont-ils une bonne connaissance des réalités économiques locales ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - J'ai lu votre rapport et j'ai été frappé par le fait qu'il y est peu question des collectivités locales. Vous ne mentionnez pas les communautés d'agglomération, les communautés urbaines ou les communautés de communes, alors que la première des missions que ces structures sont censées remplir relève bel et bien de la sphère économique. Elles sont également parties prenantes dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, dont l'insertion par l'économique constitue l'un des aspects.

Mme Valérie Létard dénonçait tout à l'heure les effets négatifs du fonctionnement « en tuyaux d'orgue », qui est encore trop souvent le nôtre, à l'heure actuelle. Mais comment pourrions-nous le contourner, sur le terrain, si ce n'est en recourant à l'action des collectivités locales, lesquelles ont certes encore quelque difficulté à se coordonner ?

Certains secteurs sont « en tension » et des expériences sont menées, avec plus ou moins de succès, pour faciliter le recrutement de candidats sur ce type de postes. Il existe également certains gisements d'emplois, qui ne sont encore pas exploités à ce jour. Je citerai ici l'exemple des « emplois verts » ou des emplois de services, susceptibles d'être développés par les collectivités territoriales. Celles-ci sont en capacité d'amener vers l'emploi des publics en difficulté, en mettant en place des structures d'insertion appropriées.

Il conviendrait également de favoriser la coordination entre les régions, les départements et les communes et intercommunalités, qui fait aujourd'hui encore trop souvent défaut. Cela constituerait en effet l'une des clés de l'évolution du service public local en matière d'emploi.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Il y a tellement de partenaires possibles qu'il faut tout de même choisir entre les différents acteurs en présence. Au sein de notre commission, nous avons réfléchi aux conditions de réussite des partenariats mis en oeuvre sur le terrain.

De manière générale, l'administration est trop centralisée dans notre pays. Pour être plus précise, nous nous trouvons confrontés à une situation que je qualifierai de binaire : soit nous pêchons par un excès de centralisation, en promulguant une loi, un décret, une instruction de quatre-vingts pages, et nous entretenons ensuite l'illusion que ces dispositions seront appliquées ; soit les acteurs en présence sont livrés à eux-mêmes et font ce qu'ils veulent, avec des contrôles insuffisants.

Dans le secteur public, à l'inverse de ce qui se passe dans la sphère privée, les personnes ont trop souvent le sentiment de pouvoir agir en toute liberté, simplement parce qu'elles ont reçu délégation pour telle ou telle tâche. En tout état de cause, être responsable d'une mission ne signifie pas que l'on puisse travailler sans rendre compte à sa hiérarchie des différentes étapes franchies dans la mise en oeuvre d'un processus donné.

Lorsque je dirigeais l'AP-HP, qui emploie 93 000 personnes et compte trente-neuf hôpitaux, j'ai pu constater que les notions de « délégation » et de « subsidiarité » étaient mal comprises, à tel point que la plupart des établissements s'étaient dotés de systèmes informatiques différents...

Il est navrant de constater que toutes les bonnes volontés et les compétences qui s'expriment, au niveau local, ne permettent pas de progresser plus rapidement, eu égard aux résistances statutaires et aux cloisonnements à l'oeuvre dans la sphère publique. Ceci explique d'ailleurs que j'ai fait le choix, à titre personnel, de revenir dans le secteur privé, estimant que celui-ci m'offrait davantage de possibilités de faire avancer toutes ces thématiques liées à l'emploi.

Le groupe Korian, que je dirige actuellement, se situe en aval de l'hôpital. Un tiers de notre activité concerne les cliniques de soins de suite et de réadaptation, les deux tiers restants relèvent des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Dans les débats auxquels nous assistons à l'heure actuelle sur la prise en charge des personnes âgées, il semble primordial de garder à l'esprit que l'un des gages de réussite d'une telle démarche consistera à permettre à l'ensemble des acteurs de la filière de soins de travailler ensemble. Le défi que nous avons à relever est ainsi tout autant humain que financier.

Je dirigeais l'AP-HP au moment de la canicule. Je venais tout juste d'arriver et j'ai pu constater alors la mobilisation exemplaire des personnels, durant cette période difficile. Confrontés à un événement d'une telle ampleur, ils ont été contraints de se surpasser et de travailler en étroite collaboration, surmontant du même coup le cloisonnement habituel de leurs différents métiers. Cette organisation particulièrement performante, qui a pu être mise en oeuvre sous la pression, devrait pouvoir être reproduite en dehors des périodes de crise, en recourant à des modes de management adaptés. Il conviendrait en outre de permettre à l'ensemble des acteurs d'échanger, afin de surmonter les préjugés et la méfiance réciproque que j'ai pu constater, par exemple entre les personnels hospitaliers et ceux des Ehpad.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - A n'en pas douter, l'absence de mutualisation des bonnes pratiques pose un problème dans notre pays. Nous sommes par ailleurs loin d'avoir exploité tous les gisements d'emplois existants, notamment dans le secteur de la restauration. Ce dernier, comme bien d'autres, reste ainsi en tension depuis de nombreuses années déjà, et cette situation risque de perdurer. Outre la pénibilité et les bas salaires, attachés à ce type de métiers, il conviendrait de revoir l'organisation des filières de formation donnant accès aux emplois de ces secteurs en tension. A cet égard, Pôle emploi aura sans doute un rôle important à jouer pour « déverrouiller » l'accès à ces professions. Enfin, loin d'avoir atteint son efficacité maximale, le réseau de partenariats devra quant à lui être renforcé.

M. Jean Desessard . - Comment résumeriez-vous, en une phrase, les idées que vous venez de nous exposer ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je n'aurai qu'un mot d'ordre : « Libérez les initiatives de terrain ! ».

Lorsque j'étais déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, j'avais proposé de globaliser les différentes aides à l'emploi. Nous avions alors lancé une expérimentation en ce sens, dans le cadre d'une collaboration entre la direction du travail, l'Afpa et Pôle emploi. Nous avions alors favorisé la fongibilité des crédits, pour mieux répondre aux besoins identifiés sur le terrain, et un directeur régional m'avait créditée de ce très beau compliment, déclarant que j'avais su « libérer l'intelligence ». Néanmoins, en dépit de l'efficacité d'un tel dispositif, à la première hausse du chômage venue, la fongibilité a été contestée.

Je ne doute pas que la plupart des fonctionnaires de notre pays soient d'excellente qualité. Il n'en reste pas moins que le mode d'organisation administratif qui est aujourd'hui le nôtre ne correspond plus à la complexité du monde actuel. Tout semble plus simple aujourd'hui dans la sphère privée et je préfère pour ma part déléguer un certain nombre de responsabilités à mes collaborateurs directs, plutôt que de prétendre tout contrôler. Il me semble beaucoup moins grave d'avoir à réparer certaines erreurs de mes subordonnés, lorsque ceux-ci en commettent, plutôt que de m'épuiser à tout faire toute seule, avec un risque d'erreur bien plus important encore !

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