C. ASSURER LA DESSERTE DE L'HINTERLAND PAR LE FER, LE FLEUVE ET LA ROUTE

1. Coordonner l'action de l'État, de Réseau ferré de France (RFF) et Voies navigables de France (VNF) dans les ports
a) Les engagements du Grenelle de l'environnement doivent être respectés

La relance des modes alternatifs pour le transport de marchandises découle des engagements du Grenelle de l'environnement. La loi dite Grenelle I a fixé comme objectif le doublement de la part de marché du fret non routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports d'ici 2015 42 ( * ) . L'interprétation du Gouvernement est que cet objectif ne vise que les grands ports maritimes, à l'exception du trafic roulier, le trafic de transbordement et les trafics faisant l'objet de transformations locales sur la zone du port. « La bataille de la mer se joue à terre » : l'aménagement de l'hinterland (ou arrière-pays) est la condition sine qua non du renouveau des ports français .

A cette occasion, votre groupe de suivi ne peut que déplorer le retard pris par le Gouvernement dans la rédaction du rapport demandé par le Parlement sur l'état du réseau fluvial. En effet, un rapport devait être remis aux parlementaires, au plus tard six mois après l'adoption de la loi Grenelle I, portant notamment sur la nécessité de la régénération du réseau fluvial magistral à vocation de transport de marchandises.

La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est à la fois un enjeu économique et écologique pour les ports français. Tous les grands ports européens ont été conduits à développer ces modes de transport alternatifs pour faire face à l'afflux de marchandises. En effet, un convoi fluvial peut traiter 352 conteneurs entre Le Havre et Paris, contre 80 pour un train et 2 pour un poids lourds. Le mode fluvial est le premier mode alternatif sur le marché du pré/ post acheminement des conteneurs en France, avec 5 à 10 % en France, contre 30 à 35 % au Benelux. Les trafics fluviaux générés par les ports de Dunkerque, Rouen, Le Havre et Marseille dépassent 15 millions de tonnes en 2010, soit le trafic prévu sur le seul canal Seine-Nord Europe en 2020. Les ports du Havre et de Marseille se trouvent à une distance rapprochée de leur hinterland naturel (Paris et Lyon), alors que le fret ferroviaire n'est pertinent en France qu'à partir de 400 voire 500 kilomètres. Mais cette distance n'est pas gravée dans le marbre et elle peut rapidement évoluer en fonction des performances du transport ferroviaire. A Hambourg, comme on l'a vu plus haut, le train est prépondérant au-delà de 150 kilomètres, car il est jugé moins cher et plus fiable que le camion. En outre, pour atteindre la mégalopole européenne, qui part de Londres pour aller jusqu'au sud de l'Italie en passant par le Benelux, l'Allemagne et la Suisse, le développement du fret ferroviaire et plus secondairement du fret fluvial est indispensable. Il existe des marges de progression considérables pour le transport alternatif à la route. Le transport de fret ferroviaire est passé de 75 milliards de tonnes-kilomètres au milieu des années 1970 à 26,5 milliards en 2009, avec des infrastructures ferroviaires globalement stables. Quant au trafic de conteneurs sur la Seine, qui s'élève à 200 000 environ conteneurs par an selon les données de VNF, il pourrait passer à 500 000 conteneurs sans difficulté, en conservant les infrastructures actuelles.

b) RFF et VNF doivent être présents dans les structures de gouvernance des ports pour éviter des incohérences dans la conception des infrastructures de transport

Votre groupe de suivi demeure profondément marqué par l'absence d'intégration multimodale efficiente dans la politique d'investissement de l'État. La conception même de Port 2000 n'a pas intégré la desserte fluviale, ce qui constitue une aberration pour un port spécialisé dans le trafic de conteneurs. C'est pourquoi une entreprise spécialisée, la SAITH, assure le transfert des conteneurs débarqués sur les quais de Port 2000 vers les quais de chargement des barges situés au terminal de l'Europe. Mais cette manipulation supplémentaire a un coût. Alors que le coût de chargement d'une barge aux terminaux historiques du Havre atteint 16 euros par conteneur, il atteint 52 euros pour les chargements sur Port 2000. En outre, cette rupture de charge rallonge considérablement le temps de trajet. Le dispositif de subvention mis en place par le Gouvernement pour favoriser le report modal, appelé « aide à la pince », varie entre 12 et 18 euros par conteneur et permet en règle générale d'absorber une bonne partie du surcoût. Mais le dispositif français demeure moins incitatif qu'en Belgique, où l'aide au transport combiné (système NARCON) est deux fois plus élevée, selon les responsables du port de Dunkerque. Dans une moindre mesure, l'aménagement des quais à Fos 2XL n'apparaît pas non plus optimal pour massifier le transport ferroviaire et fluvial.

En outre, votre groupe de travail de travail a été stupéfait par le manque de coordination des services de l'État dans la conception ou la rénovation de certaines infrastructures de transport. A titre d'exemple, la rénovation actuelle du pont Jeanne d'Arc à Rouen, d'une durée de dix-huit mois, n'avait pas prévu le passage des péniches avec trois étages de conteneurs. Les entreprises fluviales sont donc contraintes de stocker leurs boites sur deux étages, et voient donc leur productivité lourdement pénalisée, du fait d'une mauvaise coordination des services de l'État.

C'est pourquoi il convient d'assurer la présence systématique et active de RFF et VNF dans les conseils de surveillance des ports afin de favoriser le transport ferroviaire et fluvial. RFF et VNF sont des opérateurs de l'État qui jouent un rôle essentiel pour assurer le pré et post-acheminement des marchandises dans les ports. Mais ils font l'objet d'un traitement différencié et peu justifié dans chaque port. RFF n'est présent que dans quatre conseils de surveillance, à Dunkerque, Le Havre, Bordeaux et Marseille. Il est présent dans les conseils de développement à Rouen, Nantes-Saint-Nazaire et la Rochelle, et de manière surprenante, à Bordeaux (RFF se retrouve donc doublement présent dans le port aquitain). Quant à VNF, il n'est présent que dans un seul conseil de surveillance, celui de Rouen. Il est présent au conseil de développement des grands ports maritimes de Dunkerque, Le Havre et Marseille, et il est membre du conseil de coordination interportuaire de la Seine. Cette différence de traitement n'a pas de justification. La prochaine mise en service du Canal Seine-Nord aura un impact fort sur le port de Dunkerque ; la réalisation du Grand Paris Express implique une meilleure utilisation de la Seine par le port du Havre, tandis que le Rhône doit être davantage exploité par le port de Marseille. Toutes ces raisons plaident pour la présence de VNF dans les conseils de surveillance des ports de Dunkerque, du Havre et Marseille.


* 42 Cf. l'article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page