2. Maintenir la crédibilité de notre force de dissuasion

Le développement des capacités de défense antimissile contre les missiles à longue portée concerne directement les puissances nucléaires. C'est le cas de la Russie. Mais aussi de la France.

La connaissance de la détection et de l'interception ne conditionne-t-elle pas l'efficacité des systèmes offensifs ?

Cette idée est discutée. La défense antimissile s'adresse pour l'instant à une menace balistique « rustique » ou peu sophistiquée. Elle est semble-t-il très loin de pouvoir contrer les missiles intercontinentaux de puissances nucléaires majeurs, et ce n'est d'ailleurs pas son ambition aujourd'hui. On peut également rappeler que la problématique de pénétration des défenses a été prise en compte de longue date par les concepteurs de la dissuasion française. La nécessaire pérennisation de ces compétences n'implique pas nécessairement d'en développer d'autres dans le domaine de l'interception.

Néanmoins, il est difficile de croire que l'on pourrait maintenir la crédibilité de notre dissuasion sur le long terme en restant à l'écart des développements intéressant la défense antimissile. L'investissement continu des Etats-Unis, mais aussi demain, peut-être, celui d'autres puissances comme la Chine, génèreront inévitablement des progrès sur les technologies de l'interception.

Le déploiement dans les années à venir de systèmes de défense antimissile exo-atmosphériques constituera un défi pour notre force de dissuasion. L'ignorer serait la fragiliser.

3. Capitaliser sur les avantages compétitifs de notre industrie

La défense antimissile place également notre industrie de défense face à un redoutable défi. Il s'agit d'une formidable locomotive de développement technologique susceptible d'engendrer de nombreuses retombées dans tous les domaines liés à la défense et au-delà.

Rester à l'écart reviendrait non seulement à priver l'industrie de défense française d'une opportunité, mais à lui faire perdre du terrain, en termes de niveau technologique et de compétitivité, par rapport aux acteurs industriels impliqués dans ces programmes.

Or nos industriels disposent d'une large gamme de savoir-faire leur permettant de travailler sur les différentes composantes de la défense antimissile : missiles d'interception, radars et systèmes de C2.

Pour ce qui est de la filière missile, la DAMB fait appel aux technologies les plus avancées. Le savoir-faire des missiles d'interception nécessite une parfaite maîtrise des fonctions pilotage, guidage et propulsion. L'interception de menaces à grande vitesse ne peut être réalisée qu'avec des missiles à forte manoeuvrabilité, animés eux-mêmes d'une vitesse plus importante que celle du missile assaillant et dans un temps extraordinairement bref. C'est le domaine d'interception à grande dynamique qui nécessite :

- un pilotage très réactif pendant toutes les phases de vol afin d'assurer au plus vite le positionnement vers la cible désignée ;

- un guidage final précis pour assurer l'impact direct sur la cible ;

- un système de propulsion adapté et optimisé pour obtenir la vitesse nécessaire, participer au pilotage  et pour permettre les séparations d'étage si nécessaire.

Ces trois grandes fonctions sont donc essentielles pour l'ensemble des missiles d'interception ; elles sont donc critiques.

De façon générale, plus l'interception doit se dérouler avec des vitesses de rapprochement élevées, plus les technologies permettant d'assurer les fonctions critiques seront supportées par des technologies de pointe, c'est-à-dire des technologies assurant des performances supérieures à celles maitrisées à ce jour.

Ce qui signifie que la maîtrise de ces fonctions critiques dans un domaine « à grande dynamique », tel que le domaine d'interception à haute altitude est un levier puissant de compétitivité de l'industrie des missiles d'interception, parce qu'elle permet d'envisager des retombées technologiques et industrielles pour des applications moins exigeantes en termes de performances.

Par voie de conséquence si la France, dont les compétences industrielles couvrent l'ensemble du spectre de la DAMB, ne participe pas aux systèmes d'interception de la menace balistique, alors l'écart technologique et industriel sera tel que l'industrie missilière française ne pourra plus rivaliser avec celle de ses grands compétiteurs.

Sans programme structurant de système d'interception sur la DAMB, la France prendrait la voie de la dépendance technologique et serait, de plus, exclue des marchés export qui représentent aujourd'hui un domaine d'excellence de son industrie.

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Le dilemme réside donc pour la France dans la nécessité de ne pas s'engager dans des voies inutiles et coûteuses, qui ne correspondent ni à ses besoins, ni à ses moyens, sans pour autant sacrifier ses intérêts stratégiques, qu'ils soient politique, militaire ou industriels.

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