INTRODUCTION

Christian GAUDIN, Préfet des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Je suis ravi d'achever mon travail dans le cadre de cette table ronde et de l'Office parlementaire salle Clemenceau. Je tiens également à saluer Matthieu Meissonnier, qui m'a accompagné pendant cinq ans dans mon travail au sein de l'Office. Nous avons ainsi collaboré à la rédaction de plusieurs rapports depuis 2006, qui dressaient un bilan de la situation française dans l'Océan indien mais également de la recherche polaire et subpolaire. Nous nous sommes rendus en mission dans ces territoires pour attester de leurs intérêts. Je les évoquerai aujourd'hui sous une autre casquette.

Présentation des TAAF

Les TAAF sont souvent considérées comme des territoires lointains. Les profanes en ignorent l'exacte situation géographique. Elles sont divisées en cinq districts. Le plus ancien est la Terre Adélie, le plus récent, les îles Eparses, qui sont situées du canal du Mozambique à l'île de La Réunion. En zone intermédiaire, trois districts parachèvent le territoire : Crozet, Kerguelen et Amsterdam Saint-Paul.

Cette collectivité d'outre-mer jouit d'un statut particulier, en vertu de la loi de 1955 qui lui confère l'autonomie administrative et financière. Le préfet, aujourd'hui responsable de ce territoire, assume une responsabilité bivalente. Premièrement, à l'exemple de ses homologues, il représente l'Etat. Ainsi, il assure la souveraineté des TAAF et participe à des commissions et à des délégations internationales. Deuxièmement, il conduit une collectivité de plein exercice, à l'instar du chef d'un exécutif communal.

Ces territoires ne comportent aucune population indigène. Ils sont des terres de sciences au sens terrestre et marin, car ces rochers décrivent des périmètres de zone économique exclusive (ZEE). Ces territoires de ZEE représentent 2,5 millions de kilomètres carrés, élevant la France au rang de deuxième pays maritime, après les Etats-Unis. Exempts de population, donc d'électeurs, ils ne sont pas représentés par des élus. Le préfet tient un conseil consultatif trois fois par an à Paris, qui est l'occasion de débats sur le budget et les redevances.

Les latitudes de ces territoires nous placent souvent dans des conditions plutôt inhospitalières : au Sud, les températures sont très basses. Sur les îles du Nord, entre le Tropique du Capricorne et l'Equateur, elles sont très élevées : ainsi, le climat peut évoluer de -50 degrés à 50 degrés. Ces conditions déterminent un soutien particulier à l'activité, essentiellement scientifique, de ces territoires et une logistique adaptée.

Or cette position revêt un autre intérêt pour la France, qui couvre un territoire étendu sur quasiment 80 % de l'hémisphère sud, de Terre Adélie, située en Antarctique, jusqu'aux Glorieuses, situées entre les tropiques et l'Equateur. L'ensemble de cette segmentation confère à la France une situation unique au monde.

L'observation de la biodiversité a du sens dans l'hémisphère sud, essentiellement composé d'espaces marins et moins peuplé que l'hémisphère nord, ce qui le place en double miroir de l'hémisphère nord. Les relations entre les deux pôles et les échanges entre ces deux sources froides et l'Equateur engendrent des fluides marins et des courants atmosphériques. Dans ce contexte, l'observation de ces phénomènes mérite un positionnement adéquat, suivant trois échelles d'importance, aux niveaux antarctique, subantarctique et subtropical, d'autant que la France y mène des études depuis plus de soixante ans. De ce fait, notre pays a une base de données très intéressante.

Compétences exercées par les TAAF

Les TAAF sont compétents d'abord dans l'exercice de la souveraineté de la France sur ces territoires, qui sont habités en permanence par des bases scientifiques mais également des agents de notre administration. Ainsi, un détachement militaire remplit ce rôle dans les îles Eparses.

En deuxième lieu, les TAAF mettent en oeuvre une compétence logistique, assurant la chaîne entre le siège de notre administration, sise à Saint-Pierre-de-la-Réunion, et l'ensemble de ces bases. Compte tenu de l'inhospitalité de ces lieux, le soutien humain est assez singulier. Ainsi, l'IPEV assure le renfort des TAAF, en organisant la vie scientifique sur ces territoires. Les TAAF ont mis en place un consortium, dirigé par Françoise Gaill, afin d'implanter la recherche scientifique sur les îles Eparses. Ce territoire est digne d'intérêt à cet égard, car 1 500 kilomètres séparent l'île la plus au nord et l'île la plus au sud de cet archipel. Ce gradient de distance permet de montrer clairement l'évolution de l'activité.

Les TAAF siègent à La Réunion, hors sol. En effet, nous sommes très éloignés de l'ensemble de ces territoires. Ainsi, le Marion Dufresne assure la desserte logistique des îles australes et subantarctiques, aussi bien que celle des îles Eparses. Paris abrite une antenne de l'administration, qui totalise cinquante personnes aux statuts très divers. Certains de ces personnels sont des contractuels, souvent embauchés en CDD. Certains fonctionnaires détachés de plusieurs ministères et plusieurs militaires, sous forme de participations extérieures, complètent cette population.

L'administration des TAAF regroupe deux directions de moyens - une direction administrative et financière et une direction dédiée aux services techniques en charge de la logistique - et deux directions stratégiques - la direction des affaires internationales, maritimes et antarctiques et la direction qui conduit toutes les actions de conservation du patrimoine naturel, garante de la pertinence de ces territoires. Cette région abrite la plus grande réserve naturelle de France. Nous mettons actuellement en place des parcs naturels marins aux îles Glorieuses afin d'assurer une protection des zones marines. Ces parcs sont contigus au parc naturel marin de Mayotte. Nous pouvons sans doute étendre ces réserves marines dans le canal du Mozambique, mais également à Crozet et Kerguelen, à travers un partenariat international avec l'Australie.

Le budget global de notre administration s'élève à 26 millions d'euros, abondés par des dotations du Ministère de l'Outre-mer, du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche et du Ministère de l'Ecologie. Les dépenses sont distribuées entre la masse salariale des contractuels et l'affrètement des moyens logistiques, notamment du Marion Dufresne.

Compte tenu de la place des terres australes, de leur raison d'être en termes d'activité scientifique et de la nécessité de protéger ces territoires pour conserver leur pertinence, leur situation me semble absolument stratégique. Compte tenu de cette particularité, la France mériterait d'être correspondante d'un observatoire international de la biodiversité, où l'Antarctique serait le théâtre d'études de glaciologie et de biologie marine, la partie la plus septentrionale un lieu d'observation des récifs coralliens et la zone subantarctique un lieu d'étude privilégié de la faune et de la flore au stade primaire. La particularité de ce territoire lui confère un intérêt immense. Ma passion pour cette région prolonge les études que j'ai menées sous l'égide de l'OPECST dans le cadre de cette instance.

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