ANNEXES

Annexe 1 : Propositions de la délégation

Proposition 1 :

Mettre en place une agence pour l'information multimodale et la billettique aux pouvoirs étendus, dotée d'un pouvoir de décision.

Proposition 2 :

Généraliser les syndicats mixtes SRU.

Proposition 3 :

Prévoir que les syndicats mixtes SRU doivent élaborer un schéma directeur de l'information sur les transports et de la billettique.

Proposition 4 :

Mettre en place, au niveau national, une représentation informelle de l'ensemble des syndicats mixtes SRU.

Annexe 2 : Examen du rapport d'information par la délégation, le 31 janvier 2012

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Notre délégation s'est penchée sur un sujet important pour nos concitoyens aujourd'hui : les transports publics locaux. Lequel ou laquelle d'entre nous n'a en effet jamais été confronté(e) à ces enjeux, dont la dimension territoriale est évidente et dépasse de loin les clivages politiques traditionnels ?

Ces dernières années, nos collègues des commissions permanentes du Sénat ont surtout exploré, à l'occasion de leurs rapports d'information, les problématiques relatives aux infrastructures de transport dans notre pays. De notre coté, il nous a semblé utile d'apporter un complément à ces études car, au-delà de la question des réseaux, qui est cruciale sans aucun doute, la question de l'organisation elle-même des transports publics locaux est un enjeu d'avenir majeur.

Sur ce point, les problématiques que nous avons abordées ont été nombreuses, parmi lesquelles : la répartition des compétences entre les différents acteurs et leur coordination ; la question du financement des transports publics locaux dans les années à venir ; ou encore l'impact des nouvelles technologies dans l'organisation de ces transports.

Au-delà de l'intérêt que nous portons tous à ces problématiques, en tant qu'élus locaux en charge de la gestion des autorités organisatrices de transport (AOT), ces sujets suscitent de nombreuses attentes de la part de nos concitoyens. En effet, ceux-ci veulent une offre de transport moderne, diversifiée, et, dans le contexte actuel marqué par une meilleure prise en compte du développement durable, ils souhaitent une offre de transport soucieuse des impératifs écologiques.

En définitive, c'est l'idée d'une « mobilité durable » qui est au coeur de la révolution des transports publics locaux, aujourd'hui en marche dans nos territoires. Et nous en sommes, en tant qu'élus locaux, les premiers fers de lance.

Vous constatez en effet, toutes et tous dans vos territoires respectifs, que le développement de l'intermodalité, par exemple, s'est notamment traduit par le succès des parkings relais, des vélos en libre-service ou encore du covoiturage. Les comportements en matière de transport sont donc bien, actuellement, en pleine évolution. Ce basculement, ce sont nos citoyens eux-mêmes qui le réclament : plus de mobilité, une offre plus diversifiée, une plus grande accessibilité, une plus grande fiabilité, davantage d'information en temps réel. En clair, les usagers veulent être les acteurs de leur propre mobilité.

Dès lors, si la demande de transports publics évolue, l'offre de transports collectifs doit pouvoir y répondre. Et dans ce contexte, nous, les collectivités territoriales, sommes au premier plan.

A travers ce rapport, j'ai donc souhaité formuler des propositions afin d'encourager ces évolutions. En clair, pour bâtir les transports publics locaux de demain, nous devons nous en préoccuper dès à présent en encourageant la sophistication des systèmes d'information qui va de pair avec l'optimisation du réseau ; en favorisant l'innovation qui va de pair avec la simplification pour les usagers ; en s'appuyant sur des modèles institutionnels au service de l'intermodalité ; et, enfin, en trouvant des sources de financement pérennes.

Ma réflexion, menée sur plusieurs mois, m'a conduit à auditionner de nombreux acteurs des transports publics locaux dans notre pays : le Groupement des autorités responsables de transports (GART), l'Association des régions de France (ARF), la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), l'Assemblée des communautés de France (AdCF), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB), le Syndicat mixte des transports collectifs de l'Oise (SMTCO), mais aussi la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère de l'Écologie ou encore la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'Intérieur, etc. Cela m'a permis de disposer d'une bonne vision d'ensemble et de formuler, je pense, des propositions concrètes et consensuelles parmi ces acteurs.

Par ailleurs, j'ai noté au cours de ces auditions que mes interlocuteurs faisaient référence à des modèles étrangers d'organisation des transports publics locaux. C'est pourquoi j'ai souhaité que notre délégation puisse disposer d'une étude comparative en la matière. J'ai donc missionné, en mars dernier, la division de la législation comparée du Sénat qui a produit une étude sur l'organisation de la compétence « transport » entre les différents niveaux de collectivités locales, en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Suisse. Vous pourrez retrouver toutes les observations contenues dans cette étude au sein d'une annexe au présent rapport.

En ce qui concerne la France, je voudrais insister sur deux enjeux fondamentaux pour l'avenir des transports publics locaux : la question de l'intermodalité et celle de la coordination technologique et institutionnelle pour assurer ce que je nommerai « la mobilité courante des usagers ». Pour assurer cette mobilité courante, nos transports publics locaux doivent répondre à deux exigences.

Tout d'abord être en mesure de délivrer une information multimodale, c'est-à-dire de mettre en correspondance efficiente et cohérente les différents systèmes de transport des réseaux urbains, interurbains ou TER. La production de cette information multimodale nécessite donc une bonne coordination entre les différentes AOT, ce qui implique de dépasser les frontières administratives par la création de plateformes uniques : « les systèmes d'information multimodale (SIM) », permettant la mise à disposition des usagers de l'ensemble des informations sur les lignes et les horaires de tous les réseaux de transports publics existant sur un territoire donné. C'est ce qui a été fait de façon très opérationnelle dans le département de l'Oise par exemple.

Ensuite, nos transports publics locaux doivent être en mesure d'assurer la conjonction des systèmes grâce à la billettique unique. Sans outils fiables permettant aux voyageurs d'effectuer un parcours multimodal avec un seul titre de transport, il ne peut y avoir de mobilité courante des usagers. Or, dans notre pays, l'interopérabilité reste encore très incomplète, et ne se déploie pas hors du territoire régional. Par ailleurs, la tarification intégrée reste encore peu développée notamment en raison d'obstacle techniques et institutionnels.

C'est pourquoi, pour faciliter cette interopérabilité des systèmes, il est nécessaire, selon moi, d'agir sur deux points.

Du point de vue technique, d'abord, nous devons faire un effort pour développer des référentiels communs tant pour la mise en réseau des systèmes d'information que des systèmes billettiques. Cela permettra de rendre possible la création de titres intermodaux avec une répartition des recettes entre les AOT. Nous voyons bien que l'interopérabilité est donc autant une question technique qu'une question de gouvernance. C'est pourquoi je vous propose de missionner une structure susceptible de prendre en charge ces questions d'interopérabilité se posant au travers des projets des collectivités. Cette « autorité de l'intermodalité » doit être envisagée au niveau national, la normalisation étant une compétence qui doit relever de l'État dans la mesure où les enjeux sont aujourd'hui mondialisés. Mais si c'est bien à l'État de garantir la cohérence d'ensemble, par l'élaboration d'une norme commune, cette autorité devra également associer les AOT, les experts et les entreprises. C'est le sens de ma première proposition : mettre en place une agence pour l'information multimodale et la billettique aux pouvoirs étendus, dotée d'un pouvoir de décision pour assurer l'interopérabilité des systèmes.

Du point de vue institutionnel ensuite, la question est de savoir s'il faut, ou non, revoir l'organisation de la compétence transport entre les différentes AOT ? Pour ma part, une remise à remise à plat de la compétence transport n'est pas nécessaire, car des outils de coordination existent. Il me parait plus judicieux de les consolider. En clair, il est inutile de développer une structure nouvelle au niveau des territoires, les structures juridiques de gestion commune des transports rassemblant toutes les AOT étant d'ores et déjà utilisables par les collectivités : du simple comité de coordination qui n'oblige à rien, au syndicat mixte de type « SRU » ayant un pouvoir de décision avec un conseil délibératif et une ressource propre. Dans ce domaine, toutes les personnes que j'ai auditionnées étaient d'accord : il faut développer la coopération institutionnelle en utilisant l'outil des syndicats mixtes de type « SRU ». Or, on en dénombre, à ce jour, moins d'une quinzaine. C'est pourquoi, et il s'agit de ma deuxième proposition, je recommande de les généraliser, d'autant que cette forme juridique présente l'avantage pour les AOT de n'être pas obligées de transférer la compétence transport. Cette coordination entre AOT constitue une première étape de la construction d'une « AOT partagée ».

Mes troisième et quatrième propositions s'inscrivent dans le droit fil de cette proposition.

D'une part, je propose que le syndicat mixte SRU soit chargé d'établir un schéma directeur régional de l'information multimodale et de la billettique et de le mettre en oeuvre. Il réglerait ainsi les problèmes de zone blanche, d'absence de certaines AOT, d'incohérence ou de redondance et permettrait de pallier le manque de communication entre elles. Cette coordination est indispensable pour faire en sorte que les actions menées au niveau d'un département soient compatibles avec celles menées dans un autre département de la même région. Ce véritable « pôle régional de mobilité » présenterait, en outre, l'avantage de ne pas être une structure lourde mais fédératrice.

D'autre part, si le cadre actuel est suffisant au plan local et régional, à travers ces syndicats mixtes de type SRU, sur le plan national, en revanche, il pourrait être judicieux d'organiser avec le GART, l'ARF, l'ADF et l'AdCF, une forme de « conférence des AOT » pour traiter particulièrement des thématiques liées à la mobilité et améliorer la coordination. C'est pourquoi, je recommande, de mettre en place, au niveau national, une représentation informelle de l'ensemble des syndicats mixtes SRU.

Je voudrais finir mon propos en rappelant combien il est important pour les collectivités territoriales de ne pas rater le virage des nouvelles technologies dans la politique des transports publics locaux. Si nous souhaitons en effet que nos concitoyens deviennent des gestionnaires de leur propre mobilité, nous devrons, à l'avenir, rendre nos transports plus « intelligents ».

M. Rachel Mazuir. - Vous décrivez exactement la démarche que le département que je préside a engagée avec la région Rhône-Alpes. Nous avons, par exemple, mis en place un billet, facturé seulement 2 euros, permettant aux usagers d'effectuer un trajet pour relier n'importe quel point du département, ce qui s'est traduit par une augmentation de 26 % de la fréquentation. La coordination institutionnelle et technologique est plus aisée à mettre en oeuvre dans des territoires de petite taille. A l'inverse, cela devient plus compliqué lorsqu'il s'agit de territoires plus vastes, et notamment de territoires transfrontaliers ; je pense, en ce qui me concerne, à la proximité avec la Suisse. De ce point de vue, les propositions de ce rapport me paraissent excellentes car elles vont dans le bon sens.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - Effectivement, dans un territoire transfrontalier, l'enjeu de la billetterie intégrée, fondamental pour les usagers, se pose en termes plus complexes.

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Nous devons pour cela répondre aux exigences d'interopérabilité d'un pays à l'autre entre les différents systèmes billettiques. Sur ce point, j'attire votre attention sur le danger que peuvent représenter certains marchands de logiciels qui tenteront de vendre aux collectivités des systèmes qui ne sont pas interopérables d'un territoire à l'autre, tout en faisant prendre en charge le coût de la conception par les collectivités elles-mêmes. C'est notamment pour cette raison que l'État a créé l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB), dont je préside le comité d'orientation. Or, cette agence ne dispose, aujourd'hui, d'aucun pouvoir en matière de normalisation. Autrement dit, elle n'est pas en mesure de valider des standards alors même que l'on a besoin d'approfondir l'interopérabilité, notamment au niveau européen, et qu'il faut pour cela un interlocuteur national unique. Par ailleurs, l'AFIMB doit faire face à un trop grand nombre d'acteurs, à savoir près de 400 autorités organisatrices de transport (AOT). Il convient donc de réduire leur nombre à travers une démarche « d'AOT partagée » au niveau régional ou infrarégional, au moins pour ce qui concerne les aspects d'information multimodale et de billettique. En conséquence de quoi, l'interopérabilité, qui est une question essentielle, devra être traitée par la normalisation et la définition de standards communs dans les territoires, en particulier pour ce qui concerne les agglomérations transfrontalières.

Mme Patricia Schillinger, présidente. - C'est exactement la problématique à laquelle nous sommes confrontés dans mon département, frontalier de l'Allemagne, pays où l'organisation des transports publics n'est pas la même qu'en France. C'est pourquoi les propositions formulées dans ce rapport me paraissent extrêmement bienvenues.

M. Claude Haut. - Je partage cet avis : ce rapport formule d'excellentes propositions qui peuvent répondre aux attentes de nos concitoyens. En tant qu'élus chargés de l'organisation des transports publics locaux, nous sommes effectivement tous confrontés à la demande des usagers de pouvoir disposer d'un seul titre de transport pour effectuer plusieurs trajets. L'interopérabilité est donc bien indispensable, mais difficile à mettre à oeuvre, ce que j'ai pu constater dans le Vaucluse : nous avons mis en place un syndicat de type SRU au niveau départemental, mais c'est au niveau régional qu'il convient d'initier cette coopération et c'est précisément lorsque l'on raisonne à cette échelle qu'il est plus difficile de l'envisager. C'est pourquoi il conviendra d'y réfléchir à travers ce rapport qui pourra, peut-être, être à l'origine d'une proposition de loi en la matière.

M. Yves Krattinger, rapporteur. - Nous partageons tous le même constat. La législation actuelle nous permet de réaliser de la coopération à travers le modèle des syndicats mixte, de type SRU, notamment dans le domaine de l'information multimodale. Toutefois la législation ne rend pas ce modèle institutionnel obligatoire. En tant que président de commission au sein du GART, j'ai eu l'occasion d'auditionner de nombreux acteurs qui se sont lancés dans davantage d'intégration ; tous partagent le même constat : il faudrait rendre obligatoire la constitution de syndicats mixte, de type SRU, au moins en matière d'information multimodale et de billettique. Nous devons offrir aux usagers des billets multimodaux qui les incitent à utiliser les transports en commun. Si je prends l'exemple de la SNCF, qui vend aujourd'hui plus de 50 % de ses billets sur Internet, l'enjeu est désormais de pouvoir vendre un billet combinant également les deux extrémités de la chaîne de transport, que ce soit des prestations de location de vélo ou de voiture, de taxi ou de transports en commun. A cet égard, je pense au travail considérable réalisé par le Syndicat mixte des transports collectifs de l'Oise (SMTCO), qui est un modèle du genre que je vous invite d'ailleurs à aller visiter.

Le rapport de M. Yves Krattinger est approuvé.

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